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TOME PREMIER. / w ^.^U HISTOIRE NATURELLE r B^^ ri DES, POISSON S, '■*fo "m mt m.\Mxj t „ t u ^>^-f'!^' ,!iéipai?'Sï«*"^ry*'--t ,iyA«->--- ■•-- '-'- -' "^ PARLE CITOYEN LA CEPÈDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL, ET PROFESSEUR AU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. TOME PREMIER. -^jL A PARIS, CHEZ PLASSAN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, Rue du Cimetière André-des-Arcs, ISJo lo. L'AN VI DE LA RÉPUBLIQUE. — 1798. HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. DISCOURS SUR LA NATURE DES POISSONS. J_jE génie de BufFon, planant au dessus du globe, a compté, décrit, nommé les "quadrupèdes vivipares et les oiseaux 5 il a laissé de leurs mœurs d'admirables images. Choisi par lui pour placer quelques nouveaux dessins à la suite de ses grands tableaux de la nature, TOME I. A i) DISCOURS j'ai tâché d'exposer le nombre, les formes et les habi- tudes des quadrupèdes ovipares et des serpens. Essajbns maintenant de terminer l'histoire des êtres vivans et sensibles connus sous le nom d'animaux à sang rouge, en présentant celle de l'immense classe des poissons. Nous allons avoir sons les jeux les êtres les plus dignes de l'attention du ])hjsicien. Que l'imagination, éclairée par le Hambeaii de la science, rassemble en effet tous les produits organisés de la puissance créatrice ; qu'elle les réunisse suivant l'ordre de leurs ressem- blances; qu'elle en compose cet ensemble si vaste, dans lequel, depuis l'homme jusques à la plante la plus voisine de la matière brute, toutes les diversités de forme , tous les degrés de composition , toutes les combinaisons de force, toutes les nuances de la vie, se succèdent dans un si grand nombre de directions dif- férentes et par des dccroissemens si insensibles. C'est vers le milieu de ce sjstème merveilleux d'innombrables dégradations, que se trouvent réunies les différentes familles de poissons dont nous allons nous occuper; elles sont les liens remarquables par lesquels les animaux ]es plus parfaits ne forment qu'un tout avec ces légions si multipliées d'insectes, de vers, et d'autres animaux peu composés, et avec ces tribus non moins nom- breuses de végétaux plus simples encore. Elles parti- cipent de l'organisation, des propriétés, des facultés de tous ; elles sont comme le centre où aboutissent tous les rajons de la sphère qui compose la nature SUR LA NATURE DES POISSON?. iij vivante ; et montrant, avec tout ce qui les entoure , des rapports plus marqués, plus distincts, plus éclatans , parce qu'elles en sont ])lus rapprochées, elles reçoivent et réfléchissent bien plus fortement vers le génie qui observe, cette vive lumière que la comparaison seule fait jaillir, et sans laquelle les objets seroient j)our l'intelligence la plus active comme s'ils n'existoient pas. Au sommet de cet assemblage admirable est placé l'homme, le chef-d'œuvre de la nature. Si la philoso- phie, toujours empressée de l'examiner et de le con- noître, cherche les rapports les plus propres à éclairer l'objet de sa constante prédilection, où devra-t-elle aller les étudier, sinon dans les êtres qui présentent assez de ressemblances et assez de difierences pour faire naître, sur un grand nombre de points, des com- paraisons utiles? On ne peut comparer ni ce qui est semblable en tout, ni ce qui diflère en tout ; c'est donc lorsque la somme des ressemblances est égale à celle des différences , que l'examen des rapports est le plus fécond en vérités. C'est donc vers le centre de cet en- semble d'espèces organisées, et dont l'espèce humaine occupe le faîte, qu'il faut chercher les êtres avec les- quels on peut la comparer avec le plus d'avantages ; et c'est vers ce même centre que sont grou])pés les êtres sensibles dont nous allons donner l'histoire. Mais de celte hauteur d'où nous venons de considérer Tordre dans lequel la nature elle-même a, pour ainsi dire , distribué tous les êtres auxquels elle a accordé la iv DISCOURS vie, portons-nous un instant nos regards vers le grand et heureux produit de l'intelligence humaine; jetons- nous les jeux sur l'hoiume réuni en société; cherchons- nous à counoître les nouveaux rapports que cet état de la })ius noble des espèces lui donne avec les êtres vivans qui l'environnent; voulons-nous savoir ce que l'art, (pii n'est que la nature réagissant sur elle-même parla force du génie de son plus bel ouvrage, peut introduire de nouveau dans Ips relations qui lient l'homme civilisé avec tous les animaux : nous ne trou- verons aucune classe de ces êtres vivans plus digne de nos soins et de notre examen que celle des poissons. Diversité de familles, grand nombre d'espèces, pro- digieuse fécondité des individus, facile multiplication sous tous les climats, utilité variée de toutes les parties, dans (jiielle classe rencontrerions-nous et tous ces titres à l'attention, et une nourriture plus abondante povir l'homme, et une ressource moins destructive des autres ressources, et une matière plus réclamée par l'industrie, et des préparations plus répandues par le commerce? Quels sont les animaux dont la recherche ])eut em- ployer tant de bras utiles, accoutumer de si bonne heure à braver la violence des tempêtes, produire tant d'habiles et d'intrépides navigateurs , et créer ainsi pour une grande nation les élémens de sa force pen- dant la guerre, et de sa prospérité pendant la paix? Quels motifs pour étudier l'histoire de ces remar- quables et si noiubreux liabitaus des eaux! SUR LA NATURE DES POlSSOîvS. V Transportons-nous donc sur les rivages des mers, sur les bords du principal empire de ces animaux trop peu connus encore, ('hoisissons , pour les mieux voir, pour mieux observer leurs mouvemens , pour mieux juger de leurs habitudes, ces plages , pour ainsi dire, privilégiées, où une température ]>lus douce, où la réunion de plusieurs mers, où le voisinage des grands fleuves, où une sorte de mélange des eaux douces et des eaux salées , où des abris plus commodes , où des alimens plus convenables ou plus multipliés attirent un plus grand nombre de poissons : mais plutôt ne nous contentons pas de considérations trop limitées , d'un spectacle trop resserré; n'oublions pas que nous devons présenter les résultats généraux nés de la réu- nion de toutes les observations particulières; élevons- nous par la pensée, et assez haut au dessus de toutes les mers , pour en saisir plus facilement l'ensemble , pour en appercevoir a la fois un plus grand nombre d'habitans; vojons le globe, tournant sous nos pieds, nous présenter successivement toute sa surface inondée, nous montrer les êtres à sang rouge qui vivent au mi- lieu du fluide aqueux qui l'environne; et pour qu'au- cun de ces êtres n'échappe , en quelque sorte , à notre examen, pénétrons ensuite juscjues dans les profondeurs de l'Océan, parcourons ses abymes, et suivons, jusque» dans ses retraites les plus obscures, les animaux que nous voulons soumettre à notre examen. Mais si nous ne craignions pas de demander trop Vj DISCOURS d'audace , nous dirions : Ce n'est pas assez de nous étendre dans l'espace : il faut encore remonter dans le temps; il faut encore nous transporter à l'origine des êtres; il faut voir ce qu'ont été dans les âges anté- rieurs les espèces, les familles que nous allons décrire ; il faut juger de cet état primordial par les vestiges qui en restent, par les monumens contemporains qui sont encore debout; il faut montrer les changemens successifs par lesquels ont passé toutes les formes , tous les organes, toutes les forces que nous allons comparer; il faut annoncer ceux qui les attendent encore : la nature, en effet, immense dans sa durée comme dans son étendue, ne se compose-t-elle pas de tous les mo- mens de l'existence, comme de tous les points de l'es- pace qui renferme ses produits? Dirigeons donc notre vue vers ce fluide qui couvre une si grande partie de la terre : il sera , si je puis parler ainsi, nouveau pour le naturaliste qui n'aura encore choisi pour objet de ses méditations que les animaux qui vivent sur la surface sèche du globe , ou s'élèvent dans l'atmosphère. Deux fluides sont les seuls dans le sein desquels il ait été permis aux êtres organisés de vivre , de croître, et de se reproduire; celui qui compose l'atmosphère, et celui qui remplit les mers et les rivières. Les quadru- pèdes , les oiseaux, les reptiles, ne peuvent conserver leiH' vie que par le mojen du premier; le second est nécessaire à tous ks genres de poissons. Mais il y a SUR LÀ N A 1 U R t D L S POISSONS. \\] bien plus cFanalogie , bien plus de rapports conserva- teurs entre Teau et les poissons, qu'entre l'air et les oiseaux ou les quadrupèdes. Combien de fois , dans le cours de cette histoire, ne serons-nous pas convaincus de cette vérité ! et voilà pourquoi , indépendamment de toute autre cause , les poissons sont de tous les animaux à sang rouge ceux qui présentent dans leurs espèces le plus grand nombre d'individus , dans leurs couleurs l'éclat le plus vif, et dans leur vie la plus longue durée. Fécondité, beauté, existence très -prolongée , tels sont les trois attributs remarquables des principaux habitans des eaux: aussi l'ancienne mjthologie grecque, peut-être plus éclairée qu'on ne l'a pensé sur les prin- cipes de ses inventions, et toujours si riante dans ses images, a-t-elle placé au milieu des eaux le berceau de la déesse des amours , et représenté Vénus sortant du sein des ondes au milieu de poissons respleudissans d'or et d'azur, qu'elle lui avoit consacrés *. Et cjue l'on ne soit pas étonné de cette allégorie instructive autant que gracieuse : il paroît que les anciens Grecs avoient observé les poissons beaucoup plus qu'ils n'avoient; étudié les autres animaux ; ils les connoissoient mieux,- ils les préféroient, pour leur table, même à la plupart des oiseaux les plus recherchés. Ils ont transmis cet examen de choix , cette connoissance particulière, et * Voyez jiariiculièrcmcnt l'aitic'.e du corjphhne doradon,- Viij DISCOURS celte sorte de préciilcction , non seulement aux Grecs modernes, qui les ont conservés long -temps ', mais encore aux Romains, chez lesquels on les remarquoit, lors même que la servitude la plus dure, la corruption la plus vile, et le luxe le plus insensé, pesoient sur la tête dégradée du peuple qui avoit conquis le monde °; ils dévoient les avoir reçus des antic[ues nations de rOrient, parmi lesquelles ils subsistent encore': la proximité de plusieurs côtes et la nature des mers qui iDaignoient leurs rivages les leur auroient d'ailleurs inspirés; et on dii'oit que ces goûts, plus liés qu'on ne le croiroit avec les progrès de la civilisation, n'ont entièrement disparu en Europe et en Asie que dans ces contrées malheureuses où les hordes barbares de sauvages chasseurs sortis de forêts septentrionales purent domter par le nombre, en même temps que par la force, les habitudes, les idées et les affections des vaincus. Mais, en contemplant tout l'espace occupé par ce fluide au milieu duquel se meuvent les poissons, quelle étendue nos regards n'ont-ils pas à parcourir ! Quelle immensité , depuis l'équateur jusqu'aux deux pôles de la terre, depuis la surlace de l'Océan jusqu'à ses plus grandes protondeurs ! Et indépendamment des vastes ' Bellon, llf. I, ch, 62. •Horace, Juvénal , Martial, Pline. 'Lisez les différentes descriptions des Indes, et sur-tout celles de la Chine, SUR LÀ NATURF, des POISSONS. ix mers, combien de fleuves, de rivières, de ruisseaux, de fontaines, et, d'un autre côté, de lacs, de marais, d étangs, de viviers, de mares même, qui renferment une quantité plus ou moins considérable des animaux que nous voulons examiner! Tous ces lacs, tous ces fleuves, toutes ces rivières, réunis à l'antique Océan, comme autant de parties d'un même tout, présentent autour du globe une surface bien plus étendue que les continens qu'ils arrosent, et déjà bien plus connue que ces mêmes continens, dont l'intérieur n'a répondu à la voix d'aucun observateur, pendant que des vais- seaux conduits par le génie et le courage ont sillonné toutes les plaines des mers non envahies par les glaces polaires. De tous les animaux à sang rouge , les poissons sonù donc ceux dont le domaine est le moins circonscrit. Mais que cette immensité, bien loin d'effrajer notre imagination, l'anime et l'encourage. Et qui peut le mieux élever nos pensées, vivifier notre intelligence, rendre le génie attentif, et le tenir dans cette sorte de contemplation religieuse si propre à l'intuition de la vérité , que le spectacle si grand et si varié que présente le sjstême des innombrables habitations des ])oissons? D'un côté, des mers sans bornes, et immobiles dans un calme profond; de l'autre, les ondes livrées à toutes les agitations des courans et des marées : ici, les rajons ardens du soleil réfléchis sous toutes les couleurs par les eaux enflammées des mers équatoriales; là, des TOME 1. B X DISCOURS brumes épaisses reposant silencieusement sur des mon(s de glace flottans au milieu des longues nuits hjperbo- réennes: tantôt la mer tranquille, doublant le nombre des étoiles pendant des nuits plus douces et sous un ciel plus serein; tantôt des nuages amoncelés, précé- dés par de noires ténèbres, précipités par la tempête et lançant leurs foudres redoublés contre les énormes montagnes d'eau soulevées par les vents : plus loin , et sur les contincns, des torrens furieux roulant de cata- ractes en cataractes; ou feau limpide d'une rivière argentée, amenée mollement, le long d'un rivage fleuri . vers un lac paisible que la lune éclaire de sa lumière blanchâtre. Sur les mers, grandeur, puissance, beauté sublime, tout annonce la nature créatrice, tout la montre manifestant sa gloire et sa magnificence : sur les bords enchanteurs des lacs et des rivières, la nature créée se fait sentir avec ses charmes les plus doux; l'ame s'émeut; l'espérance l'écliaufte; le souvenir l'a- nime par de tendres regrets, et la livre à cette affec- tion si touchante, toujours si favorable aux heureuses inspirations. Ah! au milieu de ce que le sentiment a de plus puissant, et de ce que le génie peut découvrir de plus grand et de plus sublime, comment n'être pas pénétré de cette force intérieure, de cet ardent amour de la science, que les obstacles, les distances et le temps, accroissent , au lieu de le diminuer?. Ce domaine, dont les bornes sont si reculées, n'a .été cependant accordé qu'aux poissons considérés connue SUR LÀ NATURE DES POISSONS. xj ne formant qu'une seule classe. Si on les examine grouppe par grouppe, on verra que presque toutes les familles parmi ces animaux paroissent préférer cha- cune un espace particulier plus ou moins étendu. Au premier coup d'œil, on ne voit pas aisément comment les eaux peuvent présenter assez de diversité, pour que les différens genres, et même quelquefois les dif- férentes espèces de poissons, soient retenus par une sorte d'attrait particulier dans une plage plutôt que dans une autre. Que l'on considère, cependant, que l'eau des mers , quoique bien moins inégalement échauflee aux différentes latitudes que l'air de l'at- mosphère, offre des températures très-variées, sur-tout auprès des rivages qui la bordent, et dont les uns, brûlés par un soleil très-voisin , réfléchissent une cha- leur ardente, pendant que d'autres sont couverts de neiges, de frimas et de glaces; que Ton se souvienne que les lacs, les fleuves et les rivières, sont soumis à de bien plus grandes inégalités de chaleur et de froid; que l'on apprenne qu'il est de vastes réservoirs naturels auprès des sommets des plus hautes montagnes, et à plus de deux mille mètres au dessus du niveau de la mer, où des poissons remontent par les rivières qui eu découlent , et où ces mêmes animaux vivent, se multi- plient, et prospèrent*; que l'on pense que les eaux de * Note adressée de Bagnières, le i3 nivôse de l'an 5, au cifoyen la Cepède , parle citoyen Ramond ^ membre associé de l'Institut national, Xlj DISCOURS presque ions les lacs, des rivières et des fleuves , sont très-douces et légères, et celles des mers, salées et pesâmes: que l'on ajoute, en ne faisant plus d'attention à celte division de l'Océan et des fleuves, que les unes sont claires et limpides, pendant que les autres sont sales et limonneuses ; que celles-ci sont entièrement calmes, tranquilles, et, pour ainsi dire, immobiles, tandis que celKs-là sont agitées par des courans, boule- versées par des marées, précipitées en cascades, lancées en torrens, ou du moins entraînées avec des vitesses plus ou moins rapides et plus ou moins constantes : que l'on évalue ensuite tous les degrés que l'on peut comp- ter dans la rapidité, dans la pureté, dans la douceur et dans la chaleur des eaux; et qu'accablé sous le nombre infini de produits que peuvent donner toutes les com» binaisons dont ces tpiatre séries de nuances sont sus- ceptibles , on ne demande plus comment les mers et les continens peuvent fournir aux poissons des habi- tations très-variées , et un très-grand nombre de séjours de choix. Wais ne descendons pas encore vers les espèces par- ticulières des animaux que nous voulons connoître; ne remar(}uons même pas encore les diHerens grouppes dans lesquels nous les distribuerons; ne les voyons pas divisés en plusieurs familles, placés dans divers ordres; professeur d'histoire naturelle à Taibcs, et si avantageusement connu du public par ses voyages «lans les .\!pes et dans les Pyrénées. SUR LA NATURE DES POISSONS. xijj continuons de jeter les jeux sur la classe entière j ex- posons la forme générale cjui lui appartient , et aupa- ravant vojons (pielle est son essence, et déterminons les caractères qui la distinguent de toutes les autres classes d'êtres vivans. On s'appercevra aisésncnt, en parcourant cette his- toire, cpi'il ne faut pas, avec quelcpies naturalistes, faire consister le caractère distinctif de la classe des poissons dans la présence d'écaiiles plus ou moins nombreuses, ni même dans celle de nageoires plus ou moins étendues, puisque nous verrons de véritables poissons paroître n'être absolument revêtus d'aucune écaille, et d'autres être entièrement dénués de na- geoires. Il ne faut pas non plus chercher cette marque caractéristique dans la forme des organes de la cir- culai ion , que nous trouverons, dans quelques poissons,, semblables à ceux (jue nous avonsjiobservés dans d'autres classes que celle de ces derniers animaux.- Nous nous sommes assurés, d'un autre côté, par uri très-grand nombre de recherches et d'examens , (pi 'il étoit impossible d'indiquer un mojen facile à saisir, invariable, propre à tous les individus, et applicable à toutes les époques de leur vie , de séparer la classe des poissons des autres êtres organisés, en n'employant qu'un signe uni(pie, en n'ayant recours, en quelque sorie, (]u'à un point de la conformation de ces ani-^ maux. Mais voici la marque constante, et des plus aisées à distinguer, que la nature a empreinte sur tous XIV DISCOURS les véritables poissons; voici, pour ainsi dire, le sceau de leur essence. La rougeur plus ou moins vive du sang des poissons empêche , dans tous les temps et dans tous les lieux, de les confondre avec les insectes, les vers , et tous les êtres vivans auxquels le nom d'animaux à sang blanc a été donné. Il ne faut donc plus que réunir à ce caractère un second signe aussi sensible, aussi permanent, d'après lequel on puisse, dans tou(es les circonstances, tracer d'une main sûre une ligne de démarcation entre les objets actuels de notre étude, et les reptiles, les quadrupèdes ovipares, les oiseaux, les quadrupèdes vivipares, et l'homme, qui tous ont reçu un sang plus ou moins rouge, comme les pois- sons. Il faut sur-tout que cette seconde marque carac- téristique sépare ces derniers d'avec les cétacées, que l'on a si souvent confondus avec eux, et qui néan- moins sont compris parmi les animaux à mamelles, au milieu ou à la suite des quadrupèdes vivipares, avec lesquels ils sont réunis par les liens les plus étroits. Or l'homme , les animaux à mamelles , les oiseaux , les quadrupèdes ovipares, les serpens, ne peuvent vivre, au moins pendant long-temps, qu'au milieu de l'air de l'atmosphère , et ne respirent que par de véritables poumons, tandis que les poissons ont un organe res- piratoire auquel le nom de branchies a été donné, dont la forme et la nature sont très-différentes de celles des poumons, et qui ne peuvent servir, au moins long- temps, que dans l'eau, à entretenir la vie de l'animal. SUR I, A NATURE DES POISSONS. XV Nous ne donnerons donc le nom de poisson qu'aux êtres organisés qui ont le sang rouge, et respirent par des branchies. Otez-leur un de ces deux caractères, et vous n'aurez plus un poisson sous les jeux ; privez-les, par exemple, de sang rouge, et vous porun-ez consi- dérer nue sépie , ou cpielcpie autre espèce de ver, h laquelle des branchies ont été données. Rendez-leur ce sang coloré, mais remplacez leurs branchies par des poumons ; et quelqu'habitude de vivre au mih'eu des eaux que vous présentent alors les objets de votre exa- men, vous pourrez les reléguer parmi les phoques, les lamantins, ou les cétacées ; mais vous ne pourrez, en aucune manière , les inscrire parmi les animaux aux- quels cette histoire est consacrée. Le poisson est donc un animal dont le sang est rouge, et qui respire au milieu de l'eau par le moj'en de branchies. Tout le monde connoît sa forme générale; tout le monde sait qu'elle est le plus souvent alongée , et (jue l'on distingue l'ensemble de son corps en trois parties, la tèle , le corps proprement dit , et la queue , qui commence à l'ouverture de l'anus. Parmi les parties extérieures qu'il peut présenter, il en est que nous devons , dans ce moment, considérer- avec le plus d'attention, soit parce Cj[u'on les voit sur presque tous les animaux de la classe que nous avons sous les jeux, soit parce qu'on jie les trouve c|ue sur lui très-petit nombre d'autres êtres vivans et à sang XVJ D I s C O U R. s rouge, soit enfin parce que de leur présence et de leur forme dépendent beaucoup la raj)idi(é des inouve- inens, la force de la natation, et la direction de la route du poisson : ces parties remarquables sont les nageoires. On ne doit, à la rigueur, donner ce nom de na- geoires qu'à des organes composés d'une membrane plus ou moins large, liante et épaisse, et soutenue par de petits cylindres plus ou n^.oins mobiles, plus ou moins nombreux, et auxquels on a attaché le nom de rayons, parce cpi'ils paroissent quelquefois disposés comme des rajons autour d'un centre. Cependant il est des espèces de poissons sur lesquelles des rajons sans membrane, ou des membranes sans rajons, ont reçu, avec raison , et par conséquent doivent conserver la dénomination de nageoires, à cause de leur position sur l'animal, et de l'usage que ce dernier peut en faire. Mais ces rajons peuvent être de différente nature: les uns sont durs et comme osseux; les autres sont flexibles, et ont pi'esque tous les caractères de véritables cartilages. Examinons les rajons que l'on a désignés parle nom d'osseux, U faut les distinguer en deux sortes. Plusieurs sont solides, alongés , un peu conicjues, terminés par une pointe piquante; ils semblent formés d'une seule pièce: leur structure, si peu composée, nous a déterminés à les appeler rayons sunplcs, en leur conservant cepcn- SUR LÀ NATURE DES POISSONS. Xvij dant le nom à''nigiiiU()n, qui leur a été donné par plu- sieurs naturalistes , à cause de leur terminaison en piquant fort et délié. Les autres rajons osseux , au lieu d être aussi simples dans leur construction, sont com- posés de plusieurs petites pièces placées les unes au dessus des autres ; ils sont véritablement articulés, et nous les nommerons ainsi. Ces petites pièces sont de petits cylindres assez courts, et ressem.blent , en miniature, à ces tronçons de colonnes que l'on nomme tambours, et dont on se sert pour construire les hautes colonnes des vastes édifices. Non seulement les rajons articulés présentent une suite plus ou moins alongée de ces tronçons , ou petits cy- lindres : mais à mesure que l'on considère une portion de ces rajons plus éloignée du corps de l'animal , ou , ce qui est la même chose, de la base de la nageoire, on les voit se diviser en deux ; chacune de ces deux branches se sépare en deux branches plus petites, lesquelles forment aussi chacune deux rameaux 5 et cette sorte de division, de ramification et d'épanouis- sement, qui , pour tous les rajons , se fait dans le même plan, et repi^ésente comme un éventail, s'étend quel- quefois à un bien plus grand nombre de séparations et de bifurcations successives. Ces articulations, qui constituent l'essence é\u\ très- grand nombre de rajons osseux, se retrouvent et se montrent de la même manière dans les cartilagineux; mais pour en bien voir les dispositions , il faut regarder TOME I. c Xviij "DISCOURS ces rajons cartilagineux contre le jour , à cause d'une espèce de couche de nature cartilagineuse et transpa- rente, dans laquelle elles sont comme enveloppées ". Au reste, tous les rajons tant osseux que cartilagineux, tant simples qu'articulés, sont plus ou moins trans- ])arcns , excepté quelques rajons osseux simples et très-forts que nous remarquerons sur quel(|ues espèces de poissons, et qui sont le plus souvent entièrement opaques. Nous avons déjà dit qu'il y avoit des poissons dé- nués de nageoires; les autres en présentent un nombre plus ou moins grand , suivant le genre dont ils font partie, ou l'espèce à laquelle ils ajîpartiennent. Les uns en ont une de chaque coté de la poitrine; et d'autres, à la vérité, très-peu nombreux, ne montrent pas ces nageoires pectorales, qui ne paroissent jamais qu'au nombre de deux, et que l'on a comparées, à cause de leur position et de leurs usages, aux extrémités anté- rieures de plusieurs animaux, aux bras de l'homme, aux pattes de devant des quadrupèdes , ou aux ailes des oiseaux. Plusieurs grouppes de poissons n'ont aucune na- geoire au dessous de leur corps proprement dit; les autres eu ont, au contraire, une ou deux situées ou * On peut recoiinoîlre pjirticiilièrenieiit celte disposition clans les rayons des nageoires pectorales de la raie bâtis , de la raie bouclée, et d'autres poissons du même genre. SUR t  NATURE DES POISSONS. XIX SOUS la gorge , ou sous la poitrine, ou sous le ventre. C^e sont ces nageoires inférieures que l'on a considérées comme lesanaloguesdesj)ieds de l'homme, ou des pattes de derrière des quadrupèdes. Ou voit queicpiefuis la partie supérieure du corps et de la tpieue des poissons absolument sans nageoires; d'autres fois on coaqUe une, ou deux, ou même trois nageoires dorsales j l'extrémité de la cpieue peut mon- trer une nageoire plus ou moins étendue, ou n'en présenter aucune; et enfin le dessous de la queue peut être dénué ou garni d'une ou de deux nageoires, auxquelles ou a donné le nom de nageoire de Vaniis. Un poisson peut donc avoir depuis une jusqu'à dix nageoires , ou organes de mouvement extérieurs et plus ou moins puissans. Pour achever de donner une idée nette de la forme extérieure des poissons, nous devons ajouter que ces animaux sont recouverts par luie peau qui, commu- nément, revêt toute leur surface. Cette peau est molle et visqueuse; et quelqu'épaisseur qu'elle puisse avoir, elle est d'autant plus flexible et d'autant plus enduite d'une matière gluante qui la pénètre profondément , qu'elle paroît soutenir moins d'écaillés, ou être gar- nie d'écaillés plus petites. Ces dernières productions ne sont pas particulières aux animaux dont cet ouvrage doit renfermer l'his- toire : le pangolin et le phatagin, parmi les quadru- pèdes à mamelles , presque tous les quadrupèdes ovi- XX DISCOURS pares, et presque tous les serpens, en sont revêtus; et cette sorte de tégument établit un rapport d'autant plus remarquable entre la classe des poissons, et le plus grand nombre des autres animaux à sang rouge , que presque aucvme espèce de poisson n'en est vrai- semblablement dépourvue. A la vérité, il est quelques espèces parmi les objets de notre examen, sur lesquelles l'altention la plus soutenue, l'œil le plus exercé, et même le microscope, ne peuvent faire distinguer au- cune écaille pendant que l'animal est encore en vie , et que sa peau est imbibée de cette mucosité gluante qui est plus oti moins abondante sur tous les poissons; mais lorsque l'animal est mort, et que sa peau a été naturellement ou artificiellement desséchée , il n'est peut-être aucune espèce de poisson de laquelle on ne pût, avec un peu de soin, détacher de très-petites écailles qui se sépareroient comme une poussière bril- lante, et tomberoient comme un amas de très-petites lames dures, diaphanes et éclatantes. Au reste, nous avons plusieurs fois, et sur plusieurs poissons que l'on auï-oit pu regarder comme absolument sans écailles, répété avec succès ce procédé, qui, même dans plusieurs contrées, est emplojé dans des arts très- répandus , ainsi qu'on pourra le voir dans la suite de cette histoire. La forme des écailles des poissons est très- diversi- fiée. Quelc^viefois la matière qui les compose s'étend en pointe, et se façonne en aiguillon; d'autres fois elle se tuméfie, pour ainsi dire, se conglomère, et se dur- / SUR LA N A I U R E DES F O I S S O Is S, Xxj cit en callosités, ou s'élève en gros tubercules : mais le plus souvent elle s'étend en lames unies ou relevées par une arête. Ces lames, qui portent, avec raison, le nom d'écaillés proprement dites, sont ou rondes, ou ovales , ou hexagones; luie partie de leur circonfé- rence est quelquefois finement dentelée : sur quelques espèces, elles sont clair-semées et très-séparées les unes des autres j sur d'autres espèces, elles se touchent j sur d'autres encore, elles se recouvrent comme les ardoises placées sur nos toits. Elles communiquent au corps de l'animal par de petits vaisseaux dont nous montrerons bientôt l'usage ; mais d'ailleurs elles sont attachées à la peau par une partie plus ou moins grande de leur contour. Et remarquons vai rapport bien digne d'être observé. Sur un grand nombre de poissons qui vivent au milieu de la haute mer, et qui, ne s'approchant que rarement des rivages, ne sont exposés qu'à des frottemens passagers , les écailles sont retenues par une moindre portion de leur circonférence; elles sont plus attachées, et recouvertes en partie par l'épiderme, dans plusieurs des poissons cjui fréquentent les cotes , et que l'on a nommés littoraux; et elles sont plus attachées encore, et recouvertes en- entier par ce même épidémie, dans presque tous ceux qui habitent dans la vase, et j creusent, avec elfort, des asjles assez pro- fonds. Réunissez à ces écailles les callosités, \ç& tubercules, les aiguillons dont les poissons peuvent être hérissés ; Xxi) DISCOURS réunissez-v sur-tout des esjièoe.s d? iKniclirrs solides, et des croûtes osseuses, sous lestjnelles ces animaux ont souvent itne portion considériible de leur corps à l'abri, et qui les rfipj>roc-hent . par de nouvelles conior-' mités, de la famille des tortues, et vous aurez sous les yeux les dillérentes ressources (jue la nature a ac- cordées aux ])oissons pour les défendre contre leurs nombreux ennemis, les diverses armes qui les pro- tègent contre les poursuites midtipliées auxquelles ils sont exposés. Mais ils n'ont pas reçu unicjuement la conformation qui leur étoit nécessaire pour se garantir des dangers qui les menacent ; il leur a été aussi départi de vrais mojens d'attaque, de véritables armes olîén- sives, souvent même d'autant ])Ius redoutables pour l'homme et les plus favorisés des animaux , qu'elles peuvent être réunies à un corps d'un très-grand volume, et mises en mouvement par une grande puissance. Parmi ces armes dangereuses, jetons dabord les jeux sur les dents des poissons. Elles sont en général fortes et nombreuses. Mais elles présentent diHerentes formes: les unes sont un peu coniques ou comprimées, alongées, cependant pointues, quekjuefois dentelées sur leurs bords, et souvent recourbées j les autres sont compri- mées , et terminées à leur extrémité par une lame tranchante; d'autres enfin sont presque demi-sphé- riques, ou même presque entièrement aplaties contre îeur base. C'est de leurs différentes formes, et non pas de leur position et de leur insertion dans tel ou tel SUR LÀ NATURE DES FOïSSONS, Xxii'j OS des mâchoires, qu'il faut tirer les divers noms que Ton peut donner aux dénis âes poissons, et que Fou doit conclure les usages avixquels elles peuvent servir. Nous nommerons, en conséquence, dents molaires celles qui, étant demi-sphériques on très-aplaties, peuvent facilement concasser, écraser, brojer les corps sur lesquels elles agissent; nous donnerons le nom à' inci- sives aux denfs comprimées dont le côté opposé aux racines présente ime sorte de lame avec laquelle l'ani- mal peut aisément couper, trancher et diviser, comme l'homme et plusieurs quadrupèdes vivipares divisent, tranchent et coupent avec leurs dénis de devant; et nous emj)loierons la dénomination de laniaires pour celles qui, alongées, pointues, et souvent recourbées, accrochent, retiennent et déchirent la proie de fani- mal. Ces dernières sont celles que l'on voit le plus fré- quemment dans la bouche des poissons ; il n'j a même qu'un très-petit nombre d'espèces (jui en présentent de molaires ou d'incisives. Au reste, ces trois sortes de denfs incisives, molaires, ou laniaires, sont revêtues d'un émail assez épais dans presque tous les animaux dont nous publions l'histoire ; elles diffèrent peu d'ail- leurs les unes des autres par la forme de leurs racines, et par leur structure intérieure, qui en général est plus simple que celle des dents de quadrupèdes à mamelles. Dans les laniaires , par exemple , cç{\ç structure jie présente souvent qu'une suite de cônes plus ou moins réguliers, emboîtés les uns dans les autres, et dont le XXIV DISCOURS plus intérieur renferme une assez grande cavité, pu moins dans les dents cjui doivent cfre remplacées par des dents nouvelles, et (|ue ces dernières, logées àins cette même cavité , poussent en dehors en se déve- loppant. Mais ces trois sortes de dents peuvent être distribuées dans plusieurs divisions, d'après leur manière d"ê(re attachées et la place qu'elles occupent; et pai'-là elles sont encore plus séparées de celles de presque tous les animaux à sang rouge. En efïét, les unes sont retenues presque immobiles dans des alvéoles osseux ou du moins très-durs ; les autres ne sont maintenues par leurs racines que dans des capsules membraneuses, qui leur permettent de se relever et de s'abaisser dans dittérenles directions, à la volonté ?s du philosophe, à hiquelle on a donné le nom de sensibilité. Ces organes particuliers sont les sens. Le pi'emier qui se présente à nous est l'odorat. Le siège en est très- étendu , double, et situé entre les jeux et le bout du museau , à une distance plus ou moins grande de cette extrémité. Les nerfs qui v aboutissent partent im- médiatement du cerveau, forment ce qu'on a nommé la première paire de nerfs, sont très-épais, et se dis- tribuent, dans les deux sièges de l'odorat, en lui très- grand nombre de ramifications qui, multipliant les sur- faces de la substance sensitive, la rendent susceptible d'être ébranlée par de très-foiblcs impressions. Ces ramifications se répandent sur des membranes très- nombreuses, placées sur deux rangs dans la plupart des cartilagineux, particulièrement dans les raies, dispo- sées en rajons dans les osseux, et garnissant l'intérieur des deux cavités qui renferment le véritable organe de l'odorat. C'est dans ces cavités que l'eau pénètre pour faire parvenir les particules odorantes dont elle est chargée, jusqu'à l'épanouissement des nerfs olfactifs; elle j arrive, selon les espèces, par une ou deux ouver- tures longues, rondes ou ovales; elle y circule, et en est expulsée pour faire place aune eau nouvelle, par les contractions que l'animal peut faire subir à chacun de ces deux organes. SUR LA NATURE DES POISSONS. ll.\ Nous venons de dire que les yeux sont situés au-delà mais assez près des narines. Leur conformation res- semble beaucoup à celle des jeux de l'homme , des quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles; mais voici les différences qu'ils présentent. Ils ne sont garantis ni par des paupières ni par aucune membrane clignotante; cette humeur que l'on nomme aqueuse, et qui remplit l'intervalle situé entre la cornée et le crystallin, j est moins abondante cpie dans les animaux plus parfaits; l'humeur vitrée qui occupe le Ibnd de l'intérieur de l'organe, est moins épaisse que dans les oiseaux, les quadrupèdes et l'homme; le crjstallin est plus convexe, plus voisin de la forme entièrement sphérique, plus dense, pénétré, comme toutes les parties des pois- sons, d'une substance huileuse, et par conséquent plus inflammable. Les vaisseaux sanguins C[ui aboutissent à l'organe de la vue, sont d'ailleurs plus nombreux, ou d'un plus grand diamètre, dans les poissons que dans la plupart des autres animaux à sang rouge; et voilà pourquoi le sang s'j porte avec plus de force, lorsque son cours ordinaire est troublé par les diverses agitations que l'animal peut ressentir. Au reste , les jeux ne présentent pas à l'extérieur la même forme, et ne sont pas situés de même dans toutes les espèces de poissons. Dans les unes ils sont très-petits, et dans les autres assez grands; dans celles-ci presque plats, dans celles-là très-convexes; dans le plus grand Ix DISCOURS nombre de ces espèces , pi-csque ronds; dans quelques unes, alongés ; tantôt très-rapprochés et placés sur le sommet de la tète , tantôt très-écartés et occupant les faces latérales de cette même partie, tantôt encore très- voisins et appartenant au même côté de l'animal; quel- quefois disposés de manière à recevoir tous les deux des rajons de lumière réfléchis par le même objet, et d'autres fois ne pouvant chacun embrasser qu'un champ particulier. De plus, ils sont, dans certains poissons, recouverts en partie, et mis comme en sûreté par une petite saillie que forment les tégvimens de la tête; et, dans d'autres , la peau s'étend sur la totalité de ces organes, qui ne peuvent plus être apperçus que comme au travers d'un voile plus ou moins épais. La prunelle enfin n'est pas toujours ronde ou ovale; mais on la voit quelquefois terminée par un angle du côté du museau *, A la suite du sens de la vue, celui de l'ouïe se pré- sente à notre examen. Les sciences naturelles sont maintenant trop avancées, pour que nous puissions employer même un moment à réfuter l'opinion de ceux qui ont pensé que les poissons n'entendoient pas. Nous n'annoncerons donc pas comme autant de preuves de * Les yeux du poisson que l'on a nommé auablcps, et duquel on a dit qu'il avoit quatre yeux, présentent une conformation plus remarquable en- core et plus différente de celle que montrent les yeux des animaux plus composés. Nous avons fait connoîlre la véritable organisation des yeux de cet anableps , dans un mémoire lu l'année dernière à l'Institut national : elle est une nouvelle preuve des résultats que ce discours renftimc; et on ea trouvera l'exposition dans la suite de cet ouyrage. SUR LÀ NATURE DES POISSONS. Ixj la faculté d'entendre dont jouissent ces animaux, les faits que nous indiquerons en parlant de leur instinct j nous ne dirons pas que, dans tous les temps et dans tous les pajs, on a su qu'on ne pouvoit employer avec succès certaines manières de pêcher qu'en observant le silence le plus profond'; nous n'ajouterons pas, pour réunir des autorités à des raisonnemens fondés sur l'observation , que plusieurs auteurs anciens attri- buoient cette faculté aux poissons, et que particulière- ment Aristote paroît devoir être compté parmi ces an- ciens naturalistes' : mais nous allons faire connoître la forme de l'organe de l'ouïe dans les animaux dont nous voulons soumettre toutes les qualités à nos recherches. Dès 1673, Nicolas Stenon de Copenhague a vu cet organe et en a indiqué les principales parties^; ce n'est cependant que depuis les travaux des anatomistes ré- cens, GeofFroj le père, Vicq-d'Azyr, Camper, Monro, et Scarpa , que nous en connoissons bien la construction. Dans presque aucun des animaux qui vivent habi- tuellement dans l'eau, et qui reçoivent les impressions sonores par l'intermédiaire d'un fluide pkis dense que ' Parmi plusieurs voyageurs que nous pourrions citer à l's tous les poissons, comme celui de la vue. Les deux oreilles sont coutenues dans SUR LA NATURE DES POISSONS. IxV la cavité du crâne, dont elles occupent de chaque côté l'angle le plus éloigné du museau; et comme elles ne sont séparées que par une membrane de la portion de cette cavité qui renferme le cerveau, les impressions sonores ne peuvent-elles pas être communiquées très- aisément à ces deux organes par les parties solides de la tête, par les portions dures qui les avoisinent, et par le liquide que Ton trouve dans l'intérieur de ces parties solides? Il nous reste à parler un moment du goût et du toucher des poissons. La langue de ces animaux étant le plus souvent presque entièrement immobile , et leur palais présentant fréquemment, ainsi que leur langue, des rangées très-serrées et très-nombreuses de dents, on ne peut pas supposer que leur goût soit très- délicat; mais il est remplacé par leur odorat, dans lequel on peut le considérer en quelque sorte comme transporté. Il n'en est pas de même de leur toucher. Dans presque tous les poissons , le dessous du ventre , et sur-tout l'extrémité du museau, paroissent en être deux sièges assez sensibles. Ces deux organes ne doivent, à la vé- rité, recevoir des corps extérieurs que des impressions très-peu complètes, parce que les poissons ne peuvent appliquer leur ventre ou leur museau qu'à cjuelques parties de la surface des corps qn'ils touchent; mais ces mêmes organes font éprouver à l'animal des sensations très-vives, et l'avertissent fortement de la présence d'un TOME I. I IXVJ DISCOURS objet étranger. D'ailleurs ceux des poissons dont le corps alongé ressemble beaucoup par sa forme à celui des serpens , et dont la peau ne présente aucune écaille facilement visible, peuvent, comme les reptiles, en- tourer même par plusieurs anneaux les objets dont ils s'approchent; et alors non seulement l'impression com- muniquée par une plus grande surface est plus forte- ment ressentie, mais les sensations sont plus distinctes, et peuvent être rapportées à un objet plutôt qu'à un autre. On doit donc dire que les poissons ont reçu un sens du toucher beaucoup moins imparfait qu'on n'a pu être tenté de le croire j il faut même ajouter qu'il n'est, en quelque sorte, aucune partie de leur corps qui ne paroisse très-sensible à tout attouchement; voilà pourquoi ils s'élancent avec tant de rapidité lorsqu'ils rencontrent un corps étranger qui les effraie : et quel est celui qui n'a pas vu ces animaux se dérober ainsi , avec la promptitude de l'éclair, à la main qui com- mençoit à les atteindre? Mais il ne suffit pas, pour connoître le degré de sen- sibilité qui a été accordé à lui animal , d'examiner chacun de ses sens en particulier : il faut encore les comparer les uns avec les autres; il faut encore les ranger suivant l'oixlre que leur assigne le plus ou le moins de vivacité (jue chacun de ces sens peut offrir. Plaçons donc les sens des poissons dans un nouveau point de vue ; et que leur rang soit marqué par leur activité. SUR LÀ NATURE DES POISSONS. Ixvij Il n'est personne qui, d'après ce que nous venons de dire, ne voie sans peine que l'odorat est le premier des sens des poissons. Tout le prouve , et la confor- mation de l'organe de ce sens , et les faits sans nombre consignés en partie dans cette histoire, rapportés par plusieurs vojageurs, et qui ne laissent aucun doute sur les flistances immenses que franchissent les poissons attirés par les émanations odorantes de la proie qu'ils recherchent , ou repoussés j)ar celles des ennemis qu'ils redoutent. Le siège de cet odorat est le véritable œil des poissons; il les dirige au milieu des ténèbres les plus épaisses , malgré les vagues les plus agitées, dans le sein des eaux les [)lus troubles, les moins perméables aux rajons de la lumière. Nous savons, il est vrai , que des objets de cpielcpies pouces de diamètre, placés sur des fonds blancs, à trente ou trente-cincj brasses de profondeur, peuvent être apperçus facilement dans la mer *; mais il faut pour cela (pie l'eau soit très-calme: et qu'est-ce qu'une trentaine de brasses, en compa- raison des goulFres immenses de l'Océan, de ces vastes abjmes que les poissons parcourent, et dans le sein desquels prescjue aucun rajon solaire ne peut parvenir, sur-tout lorscpie les ondes cèdent à l'impétuosité des vents, et à toutes les causes puissantes qui peuvent, en les bovdeversant , les mêler avec tant de substances * Notes manuscrites communiquées au citoyen la Cepède par plusieurs habiles maiins, et priacipalement par feu son ancien collègue le courageux Kersaint. Ixvii) DISCOURS opaques? Si l'odorat des poissons éloit donc moins parfait, ce ne seroit que dans un petit nombre de cir- constances qu'ils poiirroient rechercher leurs alimens, échapper aux dangers qui les menacent, parcourir un espace d'eau un ])eu étendu : et combien leurs habitvides seroient par conséquent difléreutes de celles que nous allons bientôt faire connoître ! Cette supériorité de l'odorat est un nouveau rapport qui rapproche les poissons non seulement de la classe des quadrupèdes , mais encore de celle des oiseaux. On sait, en eflet, maintenant que plusieurs familles de ces derniers animaux ont un odorat très-sensible; et il est' à remarquer que cet odorat plus exquis se trouve principalement dans les oiseaux d'eau et dans ceux de rivage*. Que l'on ne croie pas néanmoins (jue le sens de la vue soit très-foible dans les poissons. A la vérité, leurs jeux n'ont ni paupières , ni membrane clignotante ; et par conséquent ces animaux n'ont pas reçu ce double et grand mojen qui a é(é 'départi aux oiseaux et à quelques autres êtres animés, de tempérer l'éclat trop vif de la lumière, d'en diminuer les rajons comme par vin voile, et de préserver à volonté leur organe de ces exercices trop violens ou trop répétés qui ont bientôt afloibli et même détruit le sens le plus actif. Nous devons penser, en effet, et nous tirerons souvent- des * Consultez Scarpa, Galtoni, et d'autres obseivaleins. SUR LA NATURE DES POISSONS. IxiX conséquences assez étendues de ce principe , nous devons penser, dis-je, que le siège d'un sens , quelque parfaite que soit sa composition , ne parvient à toute Tactivité dont son organisation est susceptible , que lorsque, par des alternatives plus ou moins fréquentes, il est vivement ébranlé par un très-grand nombre d'impressions qui développent toute sa force, et pré- servé ensuite de l'action des corps étrangers, qui le pri- veroit d'un repos nécessaire à sa conservation. Ces alternatives, produites, dans plusieurs animaux dont les jeux sont très-bons, par une membrane clignotante et des paupières ouvertes ou fermées à volonté , ne peuvent pas être dues à la même cause dans les pois- sonsj et peut-être, d'un autre côté, contestera-t-on qu'au moins, dans toutes les espèces de ces animaux, l'iris puisse se dilaterou se resserrer, et par conséquent dimi- nuer ou agrandir l'ouverture dont il est percé, que l'on nomme /)/ii/icl/e, et qui introduit la lumière dans l'œil, qucjique l'inspection de la contexture de cet iris puisse le faire considérer comme composé de vaisseaux sus- ceptibles des'alonger ou de se raccourcir. On n'oubliera pas non plus de dire que la vision doit être moins nette dans l'œil du poisson que dans cekii des animaux plus parfaits, parce que feau étant plus dense que l'air de l'atmosphère , la réfraction , et par conséquent la réu- nion que peuvent subir les rajons de la lumière en passant de l'eau dans l'œil du poisson, doivent être moins considérables que celles que ces rayons éprouvent IXX DISCOURS en entrant de l'air clans l'œil des quadrupèdes ou des oiseaux ; car personne n'ignore (|ue la réfraction de la lumière, et la réuuion ou Tiaiage qui en dépend, est proportionnée à la ditléreoce de densité entre l'œil et le fluide qui l'environne. Mais voici ce que l'on doit répondre. Le cryslallin des poissons est beaucouji plus convexe que celui des oiseaux, des (juadrupèdes et de l'homme; il est pres(|ue sphérim (ju'à ceux qui, jnsr]u'an moment où ils viennent au jour,lirent iiiimédiatement lein* nourriture i\u corps mèuie de leur mère, tandis que les ovijinres sont, ju>(|u'.i la même éjîofjiie, renfermés dans un œuf" (jui ne leur |KM-iuet aucune communication avec le corps de la Cemrjle, soit (p'e ce même œiiféclose dans lève ulre de la nère, on soit (|u'!l ail été pondu av-'-nt dVclore : m' is rn |;cut distinsruer les j^oissons dont nous v( nous de jurlcr par répilhèlede vipères, (pii ni" ]ieut ([ue rappcKr \\\\ mode de rcpro(iiK't ion semblable ;i celui qui leur a été aiii-i- bué, et (pli appartieat à tous les serpens auxquels la dénomination de ripcrc a été applnpiée. Dans le ])lus grand nond)re de ces jioissons vijicres, les oeufs non seulenaent présentent une forme particulière que nous ferons coiuioître dans cette histoire, mais montrent e^icore une grandeur très-sujiérieure à celle d'cs œufs flies autres poissons. Devant d'ailleurs atteindre à tati.t leur volume dans J'inlérieur i\u corps de la mère, iLs doivent être beaucoup moins nondjreux (jue ceux des femelles t|ui pondent; et en effet leur nombre lie ])asse guère cinquante. Mais si ces œufs, toujours renfer+n^s^ dans fintérieur de Iti femelfe, contiennent un embrjoii vivant, ils doivent avoir* été fécondés XCVJ DISCOURS dans ce même intérieur; la liqueur prolifique du mâle doit parvenir jusques dans les ovaires. Les màles cie ces animaux doivent donc rechercher leurs femelles; être attirés vers elles par une afiéction bien plus vive, bien plus intime, bien plus puissante, quoique peut- être la inême dans son principe que celle qui porte les autres poissons mâles auprès des œufs déjà pondus ; s'en approcher de très - près , s'unir étroitement à elles, prendre la position la plus favorable au but de ce véritable accouplement, et en prolonger la durée jusqu'à l'instant où leurs désirs sont remplis. Et tels sont, en eflet , les actes qui précèdent ou accompagnent la fécondation dans ces espèces particulières. Il est même quelques unes de ces espèces dans lesquelles le mâle a reçu une sorte de crochets avec lesquels il saisit sa femelle, et la retient collée, pour ainsi dire, contre la partie inférieure de son corps , sans qu'elle puisse parvenir à s'échapper*. Dans quelques autres poissons , tels que les syn- gnathes et le silure ascite, les œufs sont à peine déve- loppés qu'ils sortent du corps de la mère; mais nous verrons, dans la suite de cet ouvrage, qu'ils demeurent attachés sous le ventre ou sous la queue de la femelle, jusqu'au moment où ils éclosent. Ils sont donc vivifiés par la licpieur séminale du mâle, pendant qu'ils sont encore retenus à l'intérieur, ou du moins sur la face * Voyez les artides des raies et des squales. SUR LA NATURE DES POISSONS. XCvij inférieure du corps de la mère; il n'est donc pas sur- prenant (ju'il j ait un accouplement du mâle et de la femelle dans les sjngnathes et dans le silure ascite, comme dans les raies, dans les squales , dans plusieurs bien nies, et dans quelques autres poissons. Le temps qui s'écoule depuis le moment où les œufs déposés ])ar la femelle sont fécondés par le mâle, jus- qu'à celui où les petits viennent à la lumière , varie suivant les espèces; mais il ne paroît pas qu'il aug- mente toujours avec leur grandeur. Il est quelquefois de quarante et même de cinquante jours, et d'autres fois il n'est que de huit ou de neuf. Lorsque c'est au bout de neuf jours que le poisson doit éclore, on voit, dès le second jour, un petit point animé entre le jaune et le blanc. On peut s'en assurer d'autant plus aisé^ ment, que tous les œufs de poisson sont membraneux, et qu'ils sont clairs et transparens , lorsqu'ils ont été pénétrés par la liqueur laiteuse. Au troisième jour, on distingue le cœur qui bat, le corps qui est attaché au jaune, et la queue qui est libre. C'est vers le sixième jour que l'on apperçoit au travers des portions molles defembrjon, qui sont très-diaphanes, la colonne ver- tébrale, ce point d'appui des parties solides, et les côtes qui j sont réunies. Au septième jour, on remarque deux points noirs qui sont les jeux : le défaut de place oblige le fœtus à tenir sa queue repliée; mais il s'agite avec vivacité , et tourne sur lui-même en entraînant le jaune qui est attaché à son ventre, et en montrant ses TOME 1. N XCVii) DISCOURS nageoires pectorales qui sont foi'mées les premières. Enfin, le neuvième jour, un effort de la .queue déchire la membrane de l'œuf parvenu alors à son plus haut point d'extension et de maturité. L'animal sort la queue la px-emière , dégage sa tête , respire par le mojen d'une eau qui peut parvenir jusqu'à ses branchies sans traverser aucvnie membrane, et, animé par un sang dont le mouvement est à l'instant augmenté de près d'un tiers', il croît dans les premières heures qvii succèdent à ce nouvel état , presque autant que pendant les quinze ou vingt jours qui les suivent. Dans plusieurs espèces, le poisson éclos conserve une partie du jaune dans une poche que forme la partie inférieure de son ventre. Il tixe pendant plusieurs jours une partie de sa subsis- tance de cette matière qui bientôt s'épuise; et à mesure qu'elle diminue, la bourse qui la contient s'affaisse, s'atténue, et disparoît. L'animal grandit ensuite avec plus ou moins de vitesse, selon la famille à laquelle il appartient''; et lorsqu'il est parvenu au dernier ferme ' On compte soixante pulsations par minute dans un poisson éclos, et quarante clans ceux qui sont encore renfermés dans l'œuf. ' Nous avons appris , par les observations publiées par le physicien Hans Hsederstraem , dans les Mémoires de l'acudim/e de Siovliholm, qu'un bro- chet mesuré et pesé à difFérens âges, a présenté les poids et les longueurs sinyaos : A J an ^ I 7 once de poids. 2 ans, 10 pouces de long, 4 onces. 3 16 8 ' : ' , 4. II - - 20 6 3o 48 i3 48 820 SUR LA NATURE DES POISSONS. Xcix de son développement, il peut montrer une longueur, de plus de dix mètres *. En comparant le poids , le volume et la figure de ces individus de dix mètres de longueur , avec ceux qu'ils ont dû présenter lors de la sortie de l'œuf, on trouvera que, dans les poissons, la nature augmente quelquefois la matière plus de seize mille fois, et la dimension la plus étendue plus de cent fois. Ilseroit important pour les progrès des sciences naturelles, de rechercher dans toutes les classes d'a- nimaux la quantité d'accroissement, soit en masse, soit en volume, soit en longueur, soit en d'autres di- mensions , depuis les premiers degrés jusques aux dernières limites du développement, et de comparer avec soin les résultats de tous les rapports que l'on trouveroit. Au reste, le nombre des grands poissons est bien plus considérable dans la m€r que dans les fleuves et les rivières ; et l'on peut observer d'ailleurs que presque toujours, et sur-tout dans les espèces féroces, les fe- melles, comme celles des oiseaux de proie, avec lesquels nous avons déjà vu que les poissons carnassiers ont une analogie très-marquée, sont plus grandes que les mâles. Quelqu'étendu que soit le volume des animaux que nous examinons, ils nagent presque tous avec une très- grande facilité. Ils ont, en effet, reçu plusieurs organes * Consultez l'article du squale, requin , et celui du squale très-grand. C DISCOURS particuliers propres à les faire changer ra)):(î?ment de place au milieu de l'eau (ju'ils liabitent. Leurs moiive- luens dans ce Huide peuvent se réduire à l'action de rnon(er ou de descendre, et à celle de s'avancer dans un pian horizontal, ou secomposent de ces deux actions. Examinons d'abord comment ils s'élèvent ou s'enfoncent dans le sein des eaux. Presque tous les poissons, excepté ceux cjui ont le corps très-plat, comme les raies, et les pleurouectes, ont un organe intérieur situé dans la partie la plus haute de l'abdomen, occupant le plus souvent toute la longueur de cette cavité, fréquem- ment attaché à la colonne vertébrale, et aufjuel nous conservons le nom de vessie natatoire. Cette vessie est membraneuse et varie beaucoup dans sa forme , suivant les espèces de poissons dans lesquelles on l'ob- serve. Elle est toujours alongée : mais tantôt ses deux extrémités sont pointues, et tantôt arrondies j et tantôt la partie antérieure se divise en deux prolongations ; quelquefois elle est partagée transvei-salement en deux lobes creux qui communiquent ensemble , quelquefois ces deux lobes sont placés longitudinalement à côté l'un de l'autre; il est même des poissons dans lesquels elle présente trois et jusqu'à quatre cavités. Elle com- munique avec la partie antérieure, et quelquefois, mais rarement, avec la partie postérieure de l'estomac, par un petit tujau nommé canal pneumatique, qui aboutit au milieu ou à rextrémité de la vessie, la plus Toisiue de la tète lorsque cet organe est simple, mais SUR LA NATURE DES POISSONS. cj qui s'altnche au lobe postérieur, lorsqu'il y a deux lobes placés l'un devant l'autre. Ce conduit varie dans ses dimensions , ainsi que dans ses sinuosités. Il transmet à la vessie natatoire , que l'on a aussi nommée vessie aérienne, un gaz quelconcjue, qui la gonfle, l'étend, la rend beaucoup plus légère que leau, et donne au poisson la faculté de s'élever au milieu de ce licjuide. Lorsqu'au contraire l'animal veut descendre, il com- prime sa vessie natatoire par le mojeu des muscles qui environnent cet organe; le gaz qu'elle contient s'échappe parle conduit pneumatique, parvient à l'estomac, sort du corps par la gueule, par les ouvertures branchiales, ou par l'anus; et la pesanteur des parties solides ou molles du poisson entraîne l'animal plus ou moins ra- pidement au fond de l'eau. Cet efiet de la vessie natatoire sur l'ascension et la descente des poissons ne peut pas être révoqué en doute, puisqu'indépendamment d'autre raison, et ainsi qu'Artedi l'a annoncé, il n'est personne qui ne puisse éprouver que lorsqu'on perce avec adresse, et par le mojen d'une aiguille convenable , la vessie aérienne d'un poisson vivant, il ne peut plus s'élever au milieu de l'eau , à moins qu'il n'appartienne à ces espèces qui ont reçu des muscles assez forts et des nageoires assez étendues pour se passer, dans leurs raouvemens, de tout autre secours. Il est même des contrées dans lesquelles Fart de la pêche a été très- cultivé, et où on se sert depuis long-temps de cett© Cij DISCOURS eiltération de la vessie natatoire pour empêcher des poissons qu'on veut garder en vie dans de grands ba- quets , de s'approcher de la surface de l'eau , et de s'élancer ensuite par-dessus les bords de leur sorte de l'éservoir. Mais quel est le gaz qui s'introduit dans la vessie natatoire? Notre savant et célèbre confrère le citojen Fourcroj a trouvé de l'azote dans l'organe aérien d'une carpe '; d'un autre côté, le docteur Priestlej s'est assuré que la vessie natatoire de plusieurs poissons contenoit , dans le moment où il l'a examinée , de l'oxjgène mêlé avec une quantité plus ou moins consi- dérable d'un autre gaz, dont il n'a pas déterminé la nature ""; on lit dans les Annales de chymie , publiées en Angleterre par le docteur Duukan, que le docteur Francis Rigbj Brodbelt, de la Jamaïque, n'a reconnu tlans la vessie d'un xiphias espadon que de l'oxjgène Irès-pur ^; et enfin celle de quelques tanches, que j'ai examinée , renfermait du gaz hjdrogène. Il est donc vi'aisemblable que, suivant les circonstances dans les- quelles on observera la vessie aérienne des poissons, pendant que leur corps n'aura encore éprouvé aucune altération , ou leur cadavre étant déjà très-corrompu , leur estomac étant vide ou rempli d'alimens plus ou ' Annales de chymie ^ i , p. 47. " Expériences de plijsique , vol. 2 j p. 462. 3 Annules de médecine par le docteur Duakan , 1796 , p. SgS; et Journal de physique i chymie et arts j par Nicholson , septembre 1797. SUR LÀ NATURE DES POISSONS, ciij moins décomposés, leurs facultés n'étant retenues par aucun obstacle ou étant atï'oiblies par la maladie, on trouvera, dans leur organe natatoire, des gaz de dif- férente nature. Ne pourroit-on pas dire, cependant, que le plus souvent cet organe se remplit de gaz hydrogène? ne pourroit-on pas supposer que l'eau, décomposée dans les branchies, fournit au sang l'oxj- gène nécessaire à ce fluide; que lorsque l'animal n'a pas besoin de gonfler sa vessie aérienne , le second principe de l'eau , l'hjdrogène rendu libre par sa sé- paration d'avec l'oxjgène, se dissipe par les ouvertures branchiales et par celle de la bouche, ou se combine, avec difierentes parties du corps des poissons , dont l'analj'se a donné en effet beaucoup de ce gaz, et que lorsqu'au contraire le poisson veut étendre l'organe qui doit l'élever, ce gaz hjdrogène, au lieu de se dissiper ou de se combiner, se précipite par le canal pneu- matique que les muscles ne resserrent plus , et va remplir une vessie qui n'est plus comprimée, et qui est située dans la partie supérieure du corps? Sans cette décomposition de l'eau, comment concevoir que le poisson, qui dans une minute gonfle et resserre plusieurs fois sa vessie, trouve à l'instant, à la portée de cet organe, la quantité de gaz qu'il aspire et rejette? Comment même pourra-t-il avoir à sa disposition, dans les profondeurs immenses qu'il parcourt, et dans des couches d'eau éloignées quelcpieibis de l'atziiosphère de plus de six mille mètres, une quantité d'oxjgène Civ DISCOURS suffisante pour sa respiration? Doit-on croire que leur estomac peut être rempli de matières alimentaires qui, en se dénaturant, fournissent à la vessie aérienne le gaz qui la gonfle, lorsqu'elle n'est jamais si fréquem- ment ni si complètement étendue que dans les instans où cet estomac est vide, et où la faim qui presse l'animal î'oblige à s'élever, à s'abaisser avec promptitude, à faire avec rapidité de longues courses, à se livrer h de pé- nibles recherches? Celte décomposition, dont la chjniie moderne nous indique maintenant tant d'exemples, est-elle plus difficile à admettre dans des êtres à sang froid à la vérité, mais très-actifs et assez sensibles, tels que les poissons, que dans les parties des plantes, qui séparent également l'hjdrogène et l'oxjgène contenus dans l'eau ou dans l'humidité de l'air? Les forces ani- males ne rendent-elles pas toutes les décompositions plus faciles, même avec une chaleur beaucoup moindre? îs'e peut-on pas démontrer d'ailleurs que la vessie na- tatoire ne diminue par sa dilatation la pesanteur spé- cifique de l'animal, qu'autant (pj'elle est remplie d'un fluide beaucoup plus léger que ceux que renferment les autres cavités contenues dans le corps du poisson, cavités qui se resserrent à mesure que celle de la vessie s'agrandit, ou qu'autant que l'agrandissement momen- tané de cet organe d'ascension produit une augmen- tation de volume dans la totalité du corps de l'animal? Peut-on assurer que cet accroissement dans le volume total a toujours lieu? Le gaz hjdrogène,en séjournant SUR LÀ NATURE DES POISSONS. CV dans la vessie natatoire ou dans d'autres parties de l'intérieur du poisson, ne peut-il pas, selon les cir- constances, se combiner de manière à perdre sa nature, à n'être plus reconnoissable, et, par exemple, à produire de l'eau? Ce fait ne seroit-il pas une réponse aux ob- jections les plus fortes contre la décomposition de l'eau,, opérée par les branchies des poissons? Si ces animaux périssent dans de l'eau au-dessus de laquelle on fait le vide, ne doit-on pas rapporter ce phénomène à âes déclîiremens intérieurs et à la soustraction violente des difiérens gaz que leur corps peut renfermer ? Quelque opinion qu'on adopte sur la décomposition de l'eau dans l'organe respiratoire des poissons, peut-on expliquer ce qu'ils éprouvent dans les vases placés sous le récipient d'une machine pneumatique, autrement que par des soustractions de gaz ou d'autres fluides qui, plus légers que l'eau, sont déterminés, sous ce récipient vide d'air, à se précipiter, pour ainsi dire, à la surface d'un liquide qui n'est plus aussi comprimé*? Lorsqu'on est obligé de briser la croûte de glace qui recouvre un étang, afin de préserver de la mort les poissons qui nagent au dessous, n'est-ce pas plutôt * Un poisson lenrcrmé dans le vide pendant plusieurs heures paroît d'atord cnviionné de bulles, particulièrement auprès de la bouche et des branchies; il nage ensuite renversé sur le dos et le ventre gonflé; il est enfin immobile et roide : mais mis dans de l'eau nouvelle exposée à l'air, il re- prend ses forces; son ventre cependant reste retiré, et ce n'est qu'au bout de quelques heures qu'il peut nager et se tenir sur son ventre. Voyez Boy le, Transaclioiis philosophiques , an 1670. TOME I. O CVJ DISCOURS pour débarrasser l'eaxi renferiMée dans Iciqiieîle ils viv^'nt. de tous les miasmes produits par leurs propres énoaiialioiis, ou parle &éfour d'animaux ou de végétavix corrompus, que j^o-ur leur rendre Tair almosphérique dont ils n'ont aucun besoin? N'est-ce pas pour une raison analogue qu'on est obligé de renouveler de temps en temps, et sur-tout pendant les grandes chaleurs, Teau des vases dans lesquels on garde de ces animaux? Et enfin, Tliypothèse que nous indiquons n'a-t-elle })as été pressentie par J. Majow, ce cliymiste anglois de la fin du dix-septième siècle, qui a deviné, pour ainsi dire, plusieurs des brillantes découvertes de la chvmie mo- derne , ainsi que l'a fait observer, dans un mémoire lu il j a près de deux ans à l'Institutnational de France, le citojen Fourcroj, l'un de ceux tjui ont le plus contribué à fonder et à étendre la nouvelle théorie chvmique *. Mais n'insistons pas davantage sur de pures conjec- tures; contentons-nous d'avoir indiqué aux chimistes et aux physiciens un beau sujet de travail, et nedonnons luie grande ])lace dans le tableau dont nous nous occupons , qu'aux traits dont nous croirons être sûrs de la fidélité. Plusieurs espèces de poissons, telles que les balistes * Atqiie hinc est q'iôd pisces nquam , pcrinde ut aninialia terresiria aiiratii vulgorcm, vicibiis pei peliiisliaiiriant egerinfque; qiio vlddicet œreuin aliquot ritule, ab aqva, veluti aliàs ab aura secretum , in cnioris massam trajicialur. (J. Mayow, traité i, ch. 192, p. 229. La Haye, 1681.) SUR LA InÀTURE des POISSONS. C^ ij et les tetrodons*, jouissent cVune seconde propriété très-remarqiuible , (jiii leur donne une grande facilité pour s'élever ou s'abaisser au milieu du fluide qu'ils préfèrent : ils peuvent, à leur volonlé et avec une ra- pidité assez grande, gonfler la partie inférieure de leur ventre, y introduire un gaz plus léger que l'eau, et donner ainsi à leur ensemble lui accroissement de volume, qui dinu'nue leur pesanteur spécifique. Il en est de cette faculté comme de celle de dilater la vessie natatoire; toules les deux sont bien plus utiles aux poissons au milieu des mers qu'au milieu des fleuves et des rivières , parce que l'eau des mers étant salée, et par conséquent ])lus pesante que l'eau des rivières et des fleuves, qui est douce, les animaux que ncms exami- nons peuvent avec moins d'efforts se donner, lorsqu'ils nagent dans la mer, ime légèreté égale ou supérieure à celle du fluide dans lequel ils sont plongés. Il ne suffit cependant pas aux poissons de monter et de descendre; il faut encore qu'ils puissent exécuter des niouvemens vers tous les points de l'horizon, afin qu'en combinant ces mouvemens avec leurs ascensions et leurs descentes,, ils s'avancent dans toute sorte de directions perpendiculaires , inclinées ou parallèles à la surface des eaux. C'est principalement à leur queue qu'ils doivent la faculté de se mouvoir ainsi dans tous les sens; c'est cette partie de leur corps, que nous * Voyez, clans ce volume, l'histoire des léirodons et celle des balistes. CViij DISCOURS avons vue s'agiter même dans TcEiif, en fléchirer Teu- veloppe et en sortir la première, qui, selon qu'elle est plus ou moins longue, plus ou moins libre, plus ou moins animée par des muscles puissaiis , pousse eu avant avec plus ou moins de force le corps entier de l'animal. Que l'on regarde un poisson s'élancer au mi- lieu de l'eau, on le verra frapper vivement ce fluide, en portant l'apidement sa queue à droite et à gauche. Cette partie, qui se meut sur la portion postérieure du corps, comme svir un pivot, rencontre obliqxiement les couches latérales du Huide contre lesquelles elle agit} elle laisse d'ailleurs si peu d'intervalle entre les coups qu'elle donne d'un côté et de l'autre, que l'effet de ?es impulsions successives équivai't à celui de deux actions simultanées; et dès lors il n'est aucun j)hjsicien qui ne voie que le corps, pressé entre les deux réactionsobliques cle l'eau, doit s'échapper par la diagonale de ces deux forces, qui se confond avec la direction du corps et de la tète du poisson. Il est évident que plus la queue est aplatie par les côtés , plus elle tend à écarter l'eau par une grande surface, et plus elle est repoussée avec vi- vacité, et contraiiit l'animal à s'avancer avec prompti- tude. Voilà pourquoi plus la nageoire qui termine la queue et (jui est placée verticalement présente une grande étendue, et plus elle accroît la puissance d'un levier qu'elle alonge et dont elle augmente les points de contact. Voilà pourquoi encore toutes les fois que j'ai divisé un genre de poissons en plusieurs sous-geures. SUR LÀ NATURE DES POISSONS. cix j'ai cru attacher à ces grouppes secondaires , des carac- tères non seulement faciles à saisir, mais encore iinpor- tans à considérer par leurs liaisons avec les habitudes de l'animal, en distinguant ces familles subordonnées par la forme de la nageoire de la (jueue, ou très-avancée en pointe, ou arrondie, ou rectillgne, ou Cieusée eu denii-cerde, ou profondément CLhancréeen fourche. C'est en se servant avec adresse de cet organe puissant, en variant faction de cette queue presque toujours si mobile, en accroissant sa vitesse par toutes leurs forces, ou eu tempérant sa rapidité, en la portant d'un coté plus vivement que d'un autre, en la repliant jusques vers la tête , et en la débandant ensuite comme un ressort violent, sur-tout lorsqu'ils nagent en partie au dessus de la surface de reau,queles poissons accélèrent, retardent leur mouvement, changent leur direction, se tournent, se retournent, se précipitent, s'élèvent, s'élancent au dessus du fluide auquel ils appartiennent, franchissent de hautes cataractes, et sautent jusqu'à plusieurs mètres de hauteur *. La queue de ces animaux, cet instrument redoutable «l'attaque ou de défense, est donc aussi non seulement le premier gouvernail, mais encore la principale rame des poissons j ils en aident faction par leurs nageoires pectorales. Ces dernières nageoires , s'étendant ou se resserrant à mesure que les rajons qui les soutiennent * Articles des sijuales et des salmones. ex DISCOURS s'écartent ou se rapprochent, pouvant d'ailleurs être mues sous différentes inclinaisons et avec des vitesses très-inégales, servent aux poissons non seulement pour hiiter leur mouvement progressif, mais encore pour le modifier, pour tourner à droite ou à gauche, et même pour aller en arrière lorsqu'elles se déploient en re- poussant l'eavi antérieure , et qu'elles se replient au contraire en frappant leau opposée à cette dernière. En tout le jeu et l'effet de ces nageoires pectorales sont très-semblables à ceux des pieds palmés des oies, des canards, et des autres oiseaux d'eau ; et il en est de même de ceux des nageoires inférieures, dont faction est cependant ordinairement moins grande (|ue celle des nageoires pectorales , parce c|u'elles présentent presque toujours une surface moins étendue. A l'égard des nageoires de l'anus, l'un de leurs prin- cipaux usages est d'abaisser le centre de gravité de l'animal, et de le maintenir d'une manière plus stable dans la position r[iii lui convient le mieux. Lorsqu'elles s'étendent jus([ues vers la nageoire cau- dale , elles augmentent la surface delaqu»ue, et par conséquent elles concourent à la vitesse de la natation; elles peuvent aussi changer sa direction, ense dé])lojant ou en se repliant alternativement en tout ou en partie, et en mettant ainsi une inégalité plus ou moins grande entre l'impulsion communiquée à droite, et celle qui est reçue à gauche. Si les nageoires dorsales régnent au dessus de la SUR LA NATURE DES POISSONS. C^j queue, elles in Huent, comme celles de laiius, sur la route que suit l'animal et sur la rapidité de ses mouvemens; elles peuvent aussi, parleurs diverses ondulations et par les différens plans inclinés qu'elles ])résentent à l'eau et aveclc5(|uels elles frappent ce fluide, augmenter les moyens (ju'a le poisson pour suivre telle ou telle direction; elles doivent encore, lorscpie le poisson est exposé à des courans qui le prennent en travers, contre- balancer quelquefois leiiet des nageoires de l'anus, et contribuer à conserver l'équilibre de l'animal : mais le plus souvent elles ne tendroient qu'à détruire cet é(pii- libre, et à renverser lept)isson, si ce dernier ne ])()Uvoit ■pas, en mouvant séparément cl.atjue rajon de ces na- geoires, les rabaisser et même les coucher sur son dos dans leur totalité, ou dans celles de leurs portions qui lui offrent le plus d'obstacles. Je n'ai pas besoin de faire remarquer comment le jeu de la queue et des nageoires, (jui lait avancer 1rs j)ois- sons, peut les porier en haut ou en bas, indépendam- ment de toutgonflement du corps et de toute dilatation de la vessie natatoire, lorscju'au moment de leur départ leur corps est incliné, et leur tête élevée au dessus du plan horizontal , ou abaissée au dessous de ce mêuje plan. On verra, avec la même facilité , que ceu\ de ces animaux qui ont le corps très-déprimé de haut en bas, tels que les raies et les pleuronectes, peuvent, tout égal d'ailleurs , lutter pendant plus de temps et avec plus d'avantage contre un couraiît rapide, pour peu qu'ils CX1_) DISCOURS tiennent la partie antérieure de leur corps un peu élevée^- parce qu'alors ils présentent à l'eau un plan incliné que ce fluide tend à soulever; ce qui permet à l'animal de ii'emplojer presque aucun effort pour se soutenir à telle ou telle hauteur, mais de réunir toutes ses forces pour accroître son mouvement progressif*. Et enfin on ob- servera également sans peine que si le principe le plus actif de la natation est dans la queue, c'est dans la trop grande longueur de la tête, et dans les prolongations qui retendent en avant, que se trouvent les principaux obstacles à la vitesse; c'est dans les parties antérieures qu'est la cause retardatrice, dans les postérieures est au contraire la puissance accélératrice; et le rapport de cette cause et de cette puissance détermine la rapidité de la natation des poissons. De cette même proportion dépend par conséquent la facilité plus ou moins grande avec laquelle ils peuvent chercher l'aliment qui leur convient. Quelques uns se contentent, au moins souvent , de plantes marines, et particulièrement d'algues; d'autres vont chercher dans la vase les débris des corps organisés, et c'est de ceux-ci que l'on a dit qu'ils vivoient de limon ; il en est encore qui ont un goût très-vif pour des graines et d'autres parties de végétaux terrestres ou fluviatiles : mais le plus grand nombre de poissons préfèrent des vers marins, de rivière ou de terre, des insectes aquatiques, des œufs * Il est à remarquer tjue ces poissons très-aplatis manquent de vessie natatoire. SUR LA NATURE DES POISSONS. CXiij pondus par leurs femelles, de jeunes individus de leur classe, et en général tous les animaux qu'ils peuvent rencontrer au milieu des eaux, saisir et dévorer sans éprouver une résistance trop dangereuse. Les poissons peuvent avaler, dans un espace de temps très-court, une très-grande quantité de nourriture; mais ils peuvent aussi vivre sans manger pendant un très-grand nombre de jours, même pendant plusieurs mois, et quelquefois pendant plus d'un an. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons déjà dit sur les causes d'un phénomène semblable, en traitant des qua- drupèdes ovipares et des serpens, qui quelquefois sont aussi plus d'un an sans prendre de nourriture. Les poissons , dont les vaisseaux sanguins , ainsi que ceux des reptiles et des quadrupèdes ovipares , sont parcourus par un fluide très-peu échauffé, et dont le corps est recouvert d'écailles, ou detégumens visqueux et huilés, doivent habituellement perdre trop peu de leur sub- stance, pour avoir besoin de réparations très-copieuses' et très-fréquentes : mais non seulement ils vivent et jouissent de leur vivacité ordinaire malgré une absti- nence très - prolongée , mais ces longs jeûnes ne les empêchent pas de se dévelojiper , de croître , et de produire dans leur tissu cellulaire cette matière onc- tueuse à laquelle le nom de graisse a été donné. Ou conçoit très-aisément comment il suffit à un animal de ne pas laisser échapper beaucoup de substance, pour ne pas diminuer très-sensiblement dans son volume ou TOME I. t CXIV DISCOURS dans ses forces, quoiqu'il ne reçoive cependant qu'une quantité extrêmement petite de malière nouvelle: mais qu'il s'étende, qu'il grossisse, (ju'il présente des dimen- sions plus grandes et une masse plus pesante, (pioique n'ajant pris depuis nn très-long temps aucun aliment, quoique n'ajant introduit depuis plus d'un an dans son corps aucune substance réparatrice et nutritive , on ne peut le comprendre. Il faut donc qu'une matière vérita- blement alimentaire maintienne et accroisse la sub- stance et les forces des poissons pendant le temps plus ou moins long où fon est assuré qu'ils ne prennent d'ail- leurs aucune portion de leur nourriture ordinaire; cette matière les touche , les environne , les pénètre sans cesse. Il n'est en effet aucun physicien qui ne sache maintenant combien l'eau est nourri.^sante lorsqu'elle a .subi certaines combinaisons, et les phénomènes de la panification, si bien développés par les chjmistes mo- dernes , en sont sur-tout une très-grande preuve*. Mais c'est au milieu de cette eau que les poissons sont continuellement plongés 5 elle baigne toute leur sur- face; elle parcourt leur canal intestinal; elle remplit plusieurs de leurs cavités; et, pompée par les vaisseaux absorbaus , ne peut-elle pas éprouver; dans les glandes xjui réunissent le sjstême de ces vaisseavix, ou dans d'autres de leurs organes intérieurs, des combinaisons et décompositions telles, quelle devienne une véritable * Nous citerons particulièrement les travaux de notre confrère le citoyen Parmentier. SUR LA NATURE DES POISSONS. CXV substance nutritive et augmentative de celle des pois- sons? Voilà pourquoi nous voyons des carpes suspendues hors de l'eau , et auxquelles on ne donne aucune nour- riture, vivre long-temps, et même s'engraisser d'une manière très-remarquable, si on les arrose fréquem- ment, et si on les entoure de mousse ou d'autres végétaux qui conservent une humidité abondante sur toute la surface de ces animaux *. Le fluide dans lequel les poissons sont plongés, peut donc non seulement les préserver de cette sensation douloureuse que l'on a nommée soif, qui provient de la sécheresse de la bouche et du canal alimentaire, et qui par conséquent ne doit jamais existerai! milieu des eaux , mais encore entretenir leur vie, réparer leurs pertes, accroître leur substance; et les voilà liés, par de nouveaux rapports, avec les végétaux. Il ne peut cepen- dant pas les délivrer, au moins totalement, du tourment; de la faiigîf: cet aiguillon pressant agite sur-tout les grandes espèces, qui ont besoin d'alimens plus copieux, plus actifs et plus souvent renouvelés; et telle est la cause irrésistible qui maintient dans un état de guerre per- pétuel la nombreuse classe des poissons, les fait conti- nuellement passer de l'attaque à la défense et de la * Oa pourroit expliquer de même l'accroissement que l'on a vu prendre pendant des jeûnes très-prolongés , à des serpens et à quelques quadrupèdes ovipares, qui, à la vérité, ne vivent pas dans le sein des eaux, mais habitent ordinairement au milieu d'une atmosphère chargée de vapeurs aqueuses, et qui auront puisé dans l'humidité de l'air une nourriture semblable à celle que les poissons doivent U l'eau douce ou salée. CXVJ DISCOURS défense à l'attnque , les rend (our-à-tonr Ijrans et victimes, et convertit en champ de carnage la vaste étendue des mers et des rivières. Nous avons déjà compté les armes offensives et de'- fensives quelanadu'e a départies à ces animaux, pres(|iie tous condamnés à d'éternels combats. Quelques uns d'eux ont aussi reçu , pour atteindre ou repousser leur ennemi, une faculté remarquable: nous l'observerons dans la raie torpille, dans un tétrodon, dans un gym- note, dans un silure. Nous les verrons atteindre au loin par une puissance invisible, frapper avec la rapi- dité de l'éclair, mettre en mouvement ce feu électrique (]ui , excité par l'art du plijsicien, brille, éclate, brise ou renverse dans nos laboratoires, et qui, condensé par la nature, resplendit dans les nuages et lance la foudre dans les airs. Cette force merveilleuse et sou- daine , nous la verrons se manifester par l'action de ces poissons privilégiés , comme dans tous les phénomènes connus depuis long-temps sous le nom d'électricpies , parcourir avec vitesse tous les corps conducteurs d élec- tricité, s'arrêter devant ceux qui n'ont pas reçu cette qualité conductrice, faire jaillir des étincelles *, pro- * Depuis riuipression de l'article de la torpille, nous avons appris , par un nouvel ouvrage du citoyen Galvani, que les espérances que nous avons exposées dans riiisfoiie de cette raie sont déjà réalisées, que le gymnote électrique n'est pas le seul poisson qui fasse naître des étincelles visibles, et que, par le moyen d'un microscope, on en a distingué de produites par l'électricité d'une torpille. Consultez les mémoires de Galyani adressés à Spallanzani, et iuiprioiés à Bologne en 1797. SUR LA NATURE DES POISSONS. CX\ i) rluire de violentes commotions, et donner une mort imprévue à des victimes éloignées. Transmise par les nerfs, eméantiepar lasoustractiontlu cerveau, quoique l'animal conserve encore ses facultés vitales, subsistant pendant quelque temps malgré le retranchement du cœur, nous ne serons pas étonnés de savoir qu'elle ap- partient à des poissons à un degré que l'on n'a point observé encore dans les autres êtres organisés, lorsque nous réfléchirons que ces animaux sont imprégnés d'vuie grande quantité de matière huileuse, très-ana- logue aux résines et aux substances dont le frottement fait naître tous les phénomènes de l'électricité *. On a écrit que plusieurs espèces de poissons avoient reçu , à la place de la vertu électrique, la funeste pro- priété de renfermer un poison actif. Cependant, avec quelque soin que nous ajons examiné ces espèces, nous n'avons trouvé ni dans leurs dents, ni dans leurs aiguil- lons, aucune cavité, aucune conformation analogues à celles que l'on remarque, par exemple, dans les dents de la couleuvre vipère, et qui sont propres à faire pénétrer uneliqueur délétère jiisques auxvaisseauxsanguinsd'uii animal blessé^ nous n'avons vu , auprès deces aiguillons ni de ces dents, aucune poche, aucun organe contenant un suc particulier et vénéneux; nous n'avons pu dé- couvrir dans les autres parties du corps aucun réser- voir de matière corrosive, de substance dangereuse ; Voyez l'article de la torpille ^ et sur-tout celui ^\x g^nmois électrique. CXVll) DISCOURS et nous nous sommes assurés, ainsi qu'on pourra s en convaincre dans le cours de cette histoire , que les accidens graves produits par la morsure des poissons, ou par l'action de leurs piquans, ne doivent être rap- portés qu'à la nature àe-i jilaies faites par ces pointes ou par les dents de ces animaux. On ne peut pas douter cependant que, dans certaines contrées, particulière- ment dans celles qui sont très-voisines de la zone tor- ride , dans la saison des chaleurs, ou dans d'autres circonstances de temps et de lieu , plusieurs des animaux que nous étudions ne renferment souvent, au moment où on les pi'end, une quantité assez considérable d'a^ limens vénéneux et même mortels pour l'homme, ainsi que pour plusieurs oiseaux ou quadiaipèdes, et cepen- dant très-peu nuisibles ou innocens pour des animaux à sang froid, imprégnés d'huile, remplis de sucs di- gestifs d'une qualité particulière, et organisés comme les poissons. Cette nourriture redoutable pour l'homme peut consister, par exemple, en fruits du mancenillier, ou d'autres végétaux, et en débris de plusieurs vers marins, dont les observateurs connoissent depuis long- temps l'activité malfaisante des sucs. Si des poissons ainsi remplis de substances dangereuses sont préparés sans précaution, s'ils ne sont pas vidés avec le plus grand soin , ils doivent produire les efï'ets les plus fu- diestes sur l'homme , les oiseaux ou les quadrupèdes qui en mangent. On peut même ajouter qu'une longue habitude de ces alimens yénéueux peut dénaturer un SUR LÀ NATURE DES POISSONS. CXiX poisson , avi point de faire partager à ses muscles , à ses sucs, à prescpie toutes ses parties, les propriétés redoutables de la nourriture qu'il aura préférée , et de le rendre capable de donner la mort à ceux qui mange- roient de sa chair, cjuand bien même ses intestins auroient été nettojés avec la plus grande attention. Mais il est aisé de voir que le poison n'appartient ja- mais aux poissons par une suite de leur nature: que si quelques individus le recèlent, ce n'est qu'une matière étrangère que renferme leur intérieur pendant des instans souvent très-courts; que si la substance de ces individus en est pénétrée, ils ont subi une altération profonde; et il est à remarcjucr, en conséquence, que lors(ju'on parcourt le vaste ensemble des êtres organisés, que l'on commence par l'homme, et (pie , dans ce long examen, on observe d'abord les animaux (pii vivent dans l'atmosphère , on n'apperçoit pas de qualités vénéneuses avant d'être parvenus à ceux dont le sang est froid. Parmi les animaux qui ne respirent qu'au milieu des eaux, la limite en-deçà de laquelle on ne rencontre pas d'armes ni de liqueurs empoisonnées est encore plus reculée; et l'on ne voit d'êtres vénéneux par eux-mêmes que lorsqu'on a passé au-delà de ceux dont le sang est rouge. Continuons cependant de faire connoître tous les raojens d'attaque et decléfense accordés aux poissons. Indépendamment de quelques manœuvres particulières c^ue de petites espèces mettent eu usage contre des CXX DISCOURS insectes qu'elles ne peuvent pas attirer jusqu'à elles , presque tous les poissons emploient avec constance et avec une sorte criiabileté les ressources de la ruse; il n'en est presque aucun qui ne tende des embûches à un être plus foible ou moins attentif. Nous verrons parti- culièrement ceux dont la tète est garnie de petits fila- mens délies et nommés barbillons , se cacher souvent dans la vase, sous les saillies des rochers, au milieu des plantes marines, ne laisser dépasser que ces bar- billons qu'ils agitent et qui ressemblent alors à de petits vers , tâcher de séduire joar ces appâts les animaux marins ou lluviatiles qu'ils ne pourroient atteindre en nageant qu'en s'exposant à de trop longues fatigues , les attendre avec patience , et les saisir avec promptitude au moment de leur approche *. D'autres, * Les acipensères qui on( plusieurs barbillons, peuvent se tenir tl'autant plus aisément cacbés en partie sous des algues, ou de la vase , que je viens de voir dans l'esturgeon , et que l'on trouvera vraisemblablement dans tous les autres acipensères , deux évents analogues à celui des pétromyzons ainsi qu'à ceux des raies et des squales. Chacun de ces deux évents consiste dans un petit canal un peu demi-circulaire placé au devant de l'opercule des branchies , et situé de telle sorte, que son orifice externe est très-près du bord supéiicur de l'opercule, et que son ouverture interne est dans la partie antérieure et supérieure de la cavité branchiale , auprès de l'angle formé par le cartilage sur lequel l'opercule est attaché. Ces évents de l'csturceon ont été observés par le citoyen Cuvier et par moi , sur un individu d'environ deux mètres de longueur, dans lequel on a pu aussi distinguer aisément de petites côtes cartilagineuses. Par ce double caractère , l'es- turgeon lie de plus près les raies et les squales avec les osseux, ainsi que nous le ferons remarquer dans le discours sur les parties solides de l'intérieur des poissons. SUR LA NATURE DES POISSONS. CXXJ OU avec leur bouche', ou avec leur queue', ovi avec leurs nageoires inférieures rapprochées en disque ^ ou avec un organe particulier situé au dessus de leur tête*, s'attachent aux rocliers, aux bois flottans, aux vaisseaux, aux poissons plus gros qu'eux, et, indépendamment de plusieurs causes qui les maintiennent dans cette posi- tion, y sont retenus par le désir d'un approvisionne- ment plus facile, ou d'une garantie plus sûre. D'autres encore, tels que les anguilles, se ménagent dans des cavités qu'ils creusent, dans des terriers qu'ils forment avec précaution, et dont les issues sont pratiquées avec une sorte de soin, bien moins un abri contre le froid des hivers, qu'un rempart contre des ennetuis plus forts ou mieux armés. Ils les évitent aussi quelquefois ces ennemis dangereux , en employant la faculté de ramper que leur donne leur corps très-alongé etserpentiforme, en s'élançant hors de l'eau, et eu allant chercher, pen- dant quelques instans , loin de ce fluide , non seule- ment une nourriture qui leur plait , et qu'ils j trouvent en plus grande abondance que dans la mer ou dans les fleuves, mais encore un asjle plus sûr que toutes les retraites aquatiques. Ceux-ci, enfin, qui ont reçu des nageoires pectorales très-étendues , très-mobiles , et composées de l'ajons faciles à rapprocher ou à écarter, ' Les p(?tromyzons. ' Quelques murènes et les ijiurénophis. ' Les cycloptères, etc. ^ Les échénéis. TOME r. O r CXXij. DISCOURS selanceut dans l'atmosphère pour échapper àiune^ poursuite funeste, frappent l'air par une grande sur- face, avec beaucoup de rapidité, et, par un déploie-^ ment d'instrument ou une vitesse d'action moindres dans un sens que dans un autre , se soutiennent pen- dant quelques raomens au dessus des eaux, et ne retombent dans leur fluide natal qu'après avoir par- couru une courbe assez longue. Il est des plages où ils fuient ainsi en troupe et où ils brillent d'vine lumière phosphorique assez sensible, lorsque c'est au milieu de l'obscurité des nuits qu'ils s'efforcent de se dérober à la mort. Ils représentent alors, par leur grand nombre, une sorte de nuage enflammé, ou, pour mieux dire, de pluie de feu; et l'on diroit que ceux qui , lors de l'o- rigine des mjthologies, ont inventé le pouvoir magique des anciennes enchanteresses , et ont placé le palais et l'empire de ces redoutables magiciennes dans le sein ou auprès des ondes, connoissoient et ces légions lumi- neuses de poissons volans , et cet éclat phosphorique de presque tous les poissons, et cette espèce de foudre c|ue lancent les poissons électriques. Ce n'est donc pas seulement dans le fond des eaux, mais sur la terre et au milieu de l'air, que quelques poissons peuvent trouver quelques momens de sûreté- Mais que cette garantie est passagère! Qu'en tout les mojens de défense sont inférieurs à ceux d'attaque î Quelle dévastation s'opère à chaqvie instant dans les mers et dans les fleuves! Combien d'embrjons anéantis. SUR LÀ NATURE DES POISSONS. CXXii) d'individus dévorés .' Et combien d'espèces disparoî- troient, si presque toutes n'avoient reçu la plus grande -fécondité, si une seule femelle, pouvant donner la vie à plusieurs millions d'individus, ne suffisoit pas pour réparer d'immenses destrvictions! Celte fécondité si re- marquable commence dans les femelles lorsqu'elles sont encore très-jeunes; elles'accroît avec leurs années, elle dure pendant la plus grande partie d'une vie qui peut être très-étendue ; et si Ton ne compare pas ensemble des poissons qui viennent au jour d'une manière dif- férente, c'est-à-dire ceux qui éclosent dans le ventre de la femelle, et ceux qui sortent d'un œuf pondu, on verra que la nature a établi, relativement à ces animaux, une loi bien différente de celle à laquelle elle a soumis les quadrupèdes, et que les plus grandes espèces sont celles dans lesquelles on compte le plus grand nombre d'œufs. La nature a donc placé de grandes sources de re- productions où elle a allumé la guerre la plus constante et la plus cruelle ; mais l'équilibre nécessaire entre le pouvoir qui conserve, et la force consommatrice qui n'en est que la réaction, ne pourroit pas subsister, si la nature, qui le maintient, négligeoit, pour ainsi dire, la plus courte durée ou la plus petite quantité. Ce n'est que par cet emploi de tous les instans et de tous les efforts qu'elle met de l'égalité entre les plus petites et les plus grandes puissances : et n'est-ce pas là le secret de cette supériorité d'action à laquelle l'art de l'homme ne peut atteindre que lorsqu'il a le temps à son com- mandement? CXXIV DISCOURS Cependant ce n'est pas uniquement par des courses très-limitées que les poissons parviennent à se pro- curer leur proie , ou à se dérober à leurs ennemis. Ils franchissent souvent de très -grands intervalles; ils entreprennent de grands vojages; et, conduits, par la crainte, ou excités par des appétits vagues, entraînés de proche en proche par le besoin d'une nourriture plus abondante ou plus substantielle , chassés par les tempêtes, transportés par les courans, attirés par une température plus convenable, ils traversent des mers immenses ; ils vont d'un continent à un autre, et par- courent dans tous les sens la vaste étendue d'eau au milieu de laquelle la nature les a placés. Ces grandes migrations, ces fréquens changemens, ne présentent pas plus de régularité que les causes fortuites qui les produisent; ils ne sont soumis à aucun ordre : ils n'ap- partiennent point à l'espèce ; ce ne sont que des actes individuels. Il n'en est pas de même de ce concours périodique vers les rivages des mers, qui précède le temps de la ponte et de la fécondation des œufs. Il n'en est pas de même non plus de ces ascensions régu- lières exécutées chaque année avec tant de précision , qui peuplent, pendant plus d'une saison, les fleuves, les rivières , les lacs et les ruisseaux les plus élevés sur le globe , de tant de poissons attachés à l'onde amère pendant d'autres saisons , et qui dépendent non seu- lement des causes qvie nous avons énuraérées plus haut, mais encore de ce besoin si impérieux pour tous les SUR LÀ NATURE DES POISSONS. CXXV animaux, d'exercer leurs facultés dans toute leur plé^ nitude, de ce mobile si puissant de tant d'actions des êtres sensibles, qui imprime à un si grand nombre de poissons le désir de nager dans une eau plus légère, de lutter contre des courans , de surmonter de fortes résistances , de rencontrer des obstacles difficiles a écarter, de se jouer, pour ainsi dire, avec les torrens et les cataractes , de trouver un aliment moins ordinaire dans la substance d'une eau moins salée, et peut-être de jouir d'autres sensations nouvelles. Il n'en est pas encore de même de ces rétrogradations, de ces vojages en sens inverse, de ces descentes qui de l'origine des ruisseaux, des lacs, des rivières et des fleuves, se pro- pagent vers les côtes maritimes , et rendent à l'océan tous les individus que l'eau douce et courante avoit attirés. Ces longues allées et venues, cette affluence vers les rivages, cette retraite vers la haute mer, sont le^ gestes de l'espèce entière. Tous les individus réunis par la même conformation, soumis aux mêmes causes, pré- sentent les mêmes phénomènes. Il faut néanmoins se bien garder de comprendre parmi ces vojages pério- diques , constatés dans tous les temps et dans tous les lieux, de prétendues migrations régulières, indépen- dantes de celles que nous venons d'indiquer, et que l'on a supposées dans quelques espèces de poissons , parti- . culièrement dans les maquereaux et dans les harengs. On a fait arriver ces animaux en colonnes pressées, en légions rangées, pour ainsi dire, en ordre de bataille, CXXVJ DISCOURS en troupes conduites par des chefs. On les a fait partir des mers glaciales de notre hémisphère à des temps déterminés , s'avancer avec un concert toujours sou- tenu, s'approcher successivement de plusieurs côtes de l'Europe , conserver leur disposition , passer par des détroits , se diviser en plusieurs bandes , changer de direction , se porter vers l'ouest , tourner encore et revenir vers le nord, toujours avec le même arrange- ment, et, pour ainsi dire, avec la même fidélité. On à ajouté à cette narration ; on en a caioelli les détails; on en a tiré des conséquences multipliées : et cepen- dant on pourra voir dans les ouvrages de Bloch, dans ceux d'un trè.s-bon observateur de Rouen, le citojen Noël , et dans les articles de cette histoire relatifs à ces poissons, combien de faits très-constans prouvent que lorsqu'on a réckiit à leur juste valeur les récits merveilleux dont nous venons de donner une idée, on ne trouve dans les maquereaux et dans les harengs que des animaux qui vivent, pendant la pkis grande partie de l'année, dans les profondeurs de la haute mer, et qui, dans d'autres saisons, se rapprochent, comme presque tous les autres poissons pélagiens , des rivages les plus voisins et les plus analogues à leurs besoins et à leurs désirs. Au reste, tous ces vojages périodiques ou fortuits, tous ces déplacemens réguliers, toutes ces courses jrrégulières , peuvent être exécutés par les poissons /ayec une vitesse très-grande et très-loug-temps pro- SUR LA. NATURE DES POISSONS. CXXVij longée. On a vu de ces animaux s'attacher, pour ainsi dire, à des vaisseaux destinés à traverser de vastes mers, les accoînpagner, par exemple , d'Amérique en Europe, les suivre avec constance malgré la violence du vent qui poussoit les bâtimens , ne pas les perdre de vue, souvent les précéder en se jouant, revenir vers les em- barcations, aller en sens contraire, se retoui'uer, les atteindre, les dépasser de nouveau, et, regagnant, après de courts repos, le temps qu'ils avoient, pour ainsi dire, perdu dans cette sorte de halte, arriver avec les navi- gateurs sur les côtes européennes. En réunissant ces faits à ceux qui ont été observés dans des fleuves d'un cours très-long et très -rapide, nous nous sommes assurés, ainsi que nous l'exposerons dans l'histoire des saumons, que les poissons peuvent présenter une vitesse telle, que, dans une eau tranquille, ils [)arcourent deux cent quatre-vingt-huit hectomètres par heure, huit mè- tres par seconde, c'est-à-dire un espace douze fois plus grand que celui surlec|uel les eaux de la Seine s'étendent dans le même temps , et presque égal à celui qu'un renne fait franchir à un traîneau également dans une seconde. Pouvant se mouvoir avec cette grande rapidité , comment les poissons ne vogueroieut-ils pas à de grandes distances , lorsqu'en quelque sorte aucun obstacle ne se présente à eux? En effet, ils ne sont p^int arrêtés dans leurs migrations, comme les qua- drupèdes, par des forêts impénétrables , de hautes CXXVllj DISCOURS montagnes, des déserts brûlans; ni comme les oiseaux, par le froid de l'atmosphère au dessus des cimes con^ gelées des monts les plus élevés : ils trouvent dans presque toutes les portions des mers, et une nourri- ture abondante, et une température à peu près égale.' Et quelle est la barrière qui pourroit s'opposer à leur course au milieu d'un fluide qui leur résiste à peine, et se divise si facilement à leur approche? D'ailleurs , non seulement ils n'éprouvent pas, dans le sein des ondes, de frottement pénible , mais toutes leurs parties étant de très-peu moins légères que l'eau, et sur-tout que l'eau salée, les portions supérieures de leur corps . soutenues par le liquide dans lequel elles sont plongées, n'exercent pas une très-grande pression sur les inférieures , et l'animal n'est pas contraint d'emplojer une grande force pour contre-balancer les effets d'une pesanteur peu considérable. Les poissons ont cependant besoin de se livrer de temps en temps au repos et même au sommeil. Lorsque, dans le moment où ils commencent à s'endormir, leur vessie natatoire est très-gonflée et remplie d'un gaz très-léger, ils peuvent être soutenus à différentes hau- teurs par leur seule légèreté, glisser sans efforts entre deux couches de fluide, et ne pas cesser d'être plongés dans un sommeil paisible, que ne trouble pas un mou^ vemcnt très-doux et indépendant de leur volonté. Leurs muscles sont néanmoins si irritables, qu'ils ne dorment profondément que lorsqu'ils repqseut sur uji fond SUR LA NATURE DES POISSONS. CXXIX fitalîle, que la nuit règne, ovi (ju'éloignés de la surface des eaux, et cachés dans une retraite obscure, ils ne reçoivent prescjue aucun rajon de lumière dans des jeux qu'aucune paupière ne garantit, c|u'aucune mem- brane cbgnotante ne voile, et qui par conséquent sont toujours ouverts. Maintenant, si nous portons notre vue en arrière, et si nous comparons les résultats de toutes les obser- vations que nous venons de réunir, et dont on trouvera les détails et les preuves dans la suite de cette histoire, nous admettrons dans les poissons un instinct qui, eu s'afFoiblissant dans les osseux dont le corps est très- aplati , s'anime au contraire dans ceux qui ont un corps serpentiforme, s'accroît encore dans presque tous les cartilagineux , et peut-être paroîtra, dans presque toutes les espèces, bien plus vif et bien plus étendu qu'on ne l'auroit pensé. On en sera plus convaincu , lorsqu'on avu-a reconnu qu'avec très-peu de soins on peut les apprivoiser, les rendre familiers. Ce fait, bien connu des anciens, a été très-souvent vérifié dans les temps modernes. Il j a, par exemple, bien plus d'un siècle que l'on sait (pie des poissons nourris dans des bassins d'un jardin de Paris, désigné par la dénomi- nation de Jardin des Tnilciic.s, accouroient lorsqu'on les appeh)it, et particulièrement lorsqu'on prononçoit le nom qu'on leur a voit donné. Ceux à cjui l'éducation des poissons n'est pas élrangère, n'ignorent pas c|ue dans les étangs d'une grande partie de l'Allemagne , TOME I, R CXXX DISCOURS OU accoutume les truites, les carpes et les tanches, à se rassembler au son d'une cloche, et à venir prendre la nourriture qu'on leur destine *. On a même observé asseafsouvent ces habitudes, pour savoir que les espèces qui ne se contentent pas de débris d'animaux ou de végétaux trouvés dans la fange, ni même de petits vers, ou d'insectes aquatiques, s'apprivoisent plus prompte- ment, et s'attachent, pour ainsi dire, davantage à la main qui les nourrit, parce que, dans les bassins où ou les renferme, ils ont plus besoin d'assistance pour ne pas manquer de l'aliment qui leur est nécessaire. A la vérité, leur organisation ne leur permet de faire entendre aucune voix ; ils ne peuvent proférer aucun cri , ils n'ont reçu aucun véritable instrument sonore ; et s'il est quelques uns de ces animaux dans lesquels la crainte ou la surprise produisent une sorte de bruit, ce n'est qu'un bruissement assez sourd, un sifflement imparfait occasionné par les gaz qui sortent avec vitesse de leur corps subitement comprimé, et qui froissent avec plus ou moins de force les bords des ouvertures par lesquelles ils s'échappent. On ne peut pas croire non plus que ne formant ensemble aucune véritable société, ne s'entr'aidant point dans leurs besoins ordi- naires , ne chassant presc|ue jamais avec concert, ne se * Niereinbergins , Histor. natitr. lib. 3. Georg. Segerus, Éphéméi: des Curii'i:x de la naiure^ années lé^S et 1674, observ, 140. Bloch, Hist, des poissom:. SUR LÀ NATURE DES POISSONS. CXXX) recliercliant en quelque sorte que pour se nuire, vivant dans un état perpétuel de guerre, ne s'occupant que d'attaquer ou de se défendre, et ne devant avertir ni leur proie de leur approche, ni leur ennemi de leur fuite, ils aient ce langage imparfait, celte sorte de pantomime que l'on remarque dans un grand nombre d'animaux, et (pji naît du besoin de se communiquer des sensations (rès-variées. Le sens de l'ouïe et celui de la vue sont donc à peine pour eux ceux de la discipline. De plus, nous avons vu que leur cerveau étoit petit, que leurs nerfs étoient gros; et l'intelligence paroît être en raison de la grandeur du cerveau, relativement au diamètre des nerfs. Le sens du goût est aussi très-émoussé dans ces animaux; mais c'est celui de la brutalité. Le sens du toucher, c]ui n'est pas très-obtus dans les poissons, est au contraire celui des sensations précises. La vue est celui de l'activité, et leurs jeux ont été organisés d'une manière très-analogue au fluide qu'ils habitent. Et enfin, leur odorat est exquis; l'odorat, ce sens qui sans doute est celui des appétits .violens, ainsi que nous le prouvent les squales, ces féroces tjrans des mers, mais qui, considéré, par exemple, dans l'homme, a été re- gardé avec tant de raison par tm jihilosophe célèbre, par J. J. Rousseau, comme le sens de l'imaginai ion , et qui, n'étant pas moins celui des sensations douces et délicates, celui des tendres souvenirs, est encore celui que le poète de l'amour a recommandé de chercher à séduire dans l'objet d'une vive aflèction. CXXXij DISCOURS Mais pour jouir de cet instinct dans toute son étendue , il faut que rien n'afFoiblisse les facultés dont il est le résultat. Elles s'éinoussent cependant, ces facultés , lorsque la température des eaux qu'ils habitent devient trop froide , et que le peu de cha- leur que leur respiration et leurs organes intérieurs font naître, n'est point sullisamment aidé par une chaleur étrangère. Les poissons qui vivent dans la mer ne sont point exposés à ce froid engourdissement, à moins qu'ils ne s'a])prochent trop de certaines cotes dans la saison où les glaces les ont envahies. Ils trou- vent presque à toutes les latitudes , et en s'élevant ou s'abaissant plus ou moins dans l'océan , un degré de chaleur qui ne descend guère au dessous de celui qui est indiqué par douze sur le thermomètre dit de Réaumur *. Mais dans les fleuves , dans les rivières , dans les lacs, dont les eaux de plusieurs, sur-tout en Suisse, font constamment descendre le thermomètre, suivant l'habile observateur Saussure ,au moins jusqu'à quatre ou cinq degrés au dessus de zéro , les poissons sont soumis à presque toute l'influence des liivers, particulièrement auprès des pôles. Ils ne peuvent que difficilement se soustraire à cette torpeur, à ce sommeil profond dont nous avons tâché d'exposer les causes, * Voyez le quatrième volume des Voyages du respectable et célèbre Saussure, et i'ouvrage de R. Kirwan , de la société de Londres , sur l'estimation de la température de diff'érens degrés de latitude. Cet ouvrage a été traduit en françois par le citoyen Adet. SUR LA NATURE DES POISSONS. CXXXiij îa nature et les effets, en traitant des quadrupèdes ovipares et des serpens. C'est en vain qu'à mesure que le froid pénètre dans leurs retraites, ils cherchent les endroits les plus abrités, les plus éloignés d'une surface qui commence à se geler, qu'ils creusent quel- quefois des trous dans la terre, dans le sable, dans la vase, qu'ils s'j réunissent plusieurs, qu'ils s'j amon- cèlent, qu'ils s'j pressent; ils y succombent aux effets d'une trop grande diminution de chaleur; et s'ils ne sont pas plongés dans un engourdissement complet , ils montrent au moins un de ces degrés d'affbiblissement de forces que l'on peut compter depuis la diminution des mouvemens extérieurs jns(|u'à une très-grande torpeur. Pendant ce long sommeil d'hiver, ils perdent d'autant moins de leur substance, que leur engour- dissement est plus profond; et plusieurs fois on s'est assuré qu'ils n'avoient dissipé qu'environ le dixième de leur poids. Cet effet remarquable du froid , cette sorte de ma- ladie périodi(jue, n'est pas la seule à laquelle la n?ture ait condamné les poissons. Plusieurs esj)èces de ces animaux peuvent , sans doute , vivre dans des eaux thermales échauffées à un degré assez élevé, quoique cependant je pense qu'il faut modérer beaucoup les résultats des observations que l'on a faites à ce sujet; mais en général les poissons périssent, ou éprouvent un état de mal-aise très-considérable, lors(|u'ils sont exposés à une chaleur très-vive et sur-tovit très-soudaine. CXXXiv DISCOURS Ils sont tourmentés par des insectes et des vers de plu- sieurs espèces (jui se logent dans leurs intestins , ou qui s'attachent à leurs l^ranchies. Une mauvaise nour- riture les incommode. Une eau trop froide, provenue d'une fonte de neige trop rapide, une eau trop peu souvent renouvelée et trop imprégnée de miasmes nuisibles, ou trop chargée de molécules putrides, ne fournissant à leur sang (pie des principes insuHisans ou funestes, et aux autres parties de leur corps, qu'un aliment trop peu analogue à leur nature, leur donne différens maux très-souvent mortels, qui se manifestent par des pustules ou par des excroissances. Des ulcères peuvent aussi être produits dans leur foie et dans plu- sieurs autres de leurs organes intérieurs; et enfin une longue vieillesse les rend sujets à des altérations et à des dérangemens nombreux et quelquefois délétères. Malgré ces diverses maladies qui les menacent, et dont nous traiterons de nouveau en nous occupant de l'éducation des poissons dotnestiques , malgré les acci- dens graves et frétjuens auxquels les exposent la place qu'occiqie leur moelle épinière, et la nature du canal qu'elle parcourt, ces animaux vivent j^endant un très- grand nombre d'années, lorscju'iis ne succombent pas sous la dent d'un ennemi , ou ne tombent pas dans les filets de l'honnue. Des observations exactes j^rou- vent, en eflet, (pie leur vie peut s'étendre au-delà de deux siècles; j)lusieurs renseignemens portent même à croire qu'on a vu des poissons âgés de près de trois SUR LA NATURE DES POISSONS. CXXXV cents ans. Et comment les poissons ne seroient-ils pas à l'abri de plusieurs causes de mort naturelles ou ac- cidentelles? Comment levir vie ne seroit-elle pas plus longue que celle de tous les autres animaux? Ne pou- vant pas connoître l'alternative de l'humidité et de la sécheresse, délivrés le plus souvent des passages subits de la chaleur vive à un froid rigoureux, perpétuellement entourés d'un Huide ramollissant, pénétrés d'une huile abondante, composés de portions légères et peu com- pactes , réduits à un sang peu échauffé , foiblement animés par quelques uns de leurs sens , soutenus par l'eau au milieu de presque tous leurs mouvemens , changeant de place sans beaucoup d'efforts, peu agités dans leur intérieur, peu froissés à l'extérieur, en tout peu fatigués, peu usés, peu altérés, ne doivent-ils pas conserver très-long-temps une grande souplesse dans leurs parties, et n'éprouver que très-tard cette rigi- dité des fibres, cet endurcissement des solides, cette obstruction des canaux, que suit toujours la cessatiou de la vie? D'ailleurs, plusieurs de leurs organes, plus indépendans les uns des autres que ceux des animaux à sang chaud, moins intimement liés avec des centres communs, plus ressemblans par làà ceux des végétaux, peuvent être plus profondément altérés, plus gravement blessés, et plus complètement détruits, sans que ces accidens leur donnent la mort. Plusieurs de leurs parties peuvent même être reproduites lorsqu'elles ont été emportées , et c'est un nouveau Xxn'xi de re^sem- CXXXVJ DISCOURS blance qu'ils ont avec les (]uadrupèdes ovijDares et avec les serpens. Notre confrère Bronssonnet a montré que, dans quelque sens(ju'on coupe une nageoire, les membranes se réunissent facilement, et les rayons, ceux même qui sont arliculés et composés de plusieurs pièces, se renouvellent et reparoissent ce qu'ils étoient, pour ]^eu (pie la blessure ait laissé une petite portion, de leur origine. Au reste, nous devons faire remarcpier que le temps de la reproduction est, pour les différentes sortes de nageoires, très-inégal, et proportionné, comme celui de leur premier développement, à l'influence que nous leur avons assignée sur la natation des poissons: et comment, en effet, les nageoires les ])lus nécessaires aux mouvemens de ces animaux , et par conséquent les plus exercées, les plus agitées , ne seroieut-elles pas aussi les premières formées et les premières re- produites ? Nous verrons dans cette histoire , que lorsqu'on a ouvert le ventre à un poisson pour lui enlever la laite ou l'ovaire, et l'engraisser par cette sorte de castration, les parties séparées pour cette opération se reprennent avec une grande facilité, quoique la blessure ait été souvent profonde et étendue; et enfin nous devons dire ici que c'est principalement dans les poissons (pie Ton doit s'attendre à voir des nerfs coupés se rattadier et se reproduire dans une de leurs parties, ainsi (jue Cruikshank, de la société de Londres, les a vus se relier et se régénérer dans des animaux plus par? SUR. LA NÂTTTRE DES POISSONS. CXXXVij faits, surles(|uels il a fliit de très-belles expériences *. Tout se réunit donc j)()ur liiire admettre dans les poissons, ainsi que dans les (juadrupèdes ovipares et dans les serpens , une très-grande vitalité; et voiià pounpioi il n'est aucun de leurs nniscles 1S10NS APODES. P- JOCULAIBES. \'i GENRE- riTllOWVÏON S,p, ou,„mr. iidndiiilctdcclinque ôiiilutoo.uDftenl iif la uuquc , jioiDl |«. GENRE lUt)- L(i.,u*frlutrt buucliv d Uifï lirjuchuln ili dk^juc Evié du (erpt TDORACIHS- Vn£ ou rffur na- geoirf4 loiu If \t GENRE, I, OP S 1 £ E' Vd trr«- grand nombre de àcaii ai- guë»; une ttule ou- vcture branchiale di .haquecûléduiorpt lej BBgtojrtï pïclo- ralri aiucb^i i àts prolongaiioi VI' G E N R E. D A L 1 s T I 3 l^ {lu ei le corpi impriuib lal'.'mlc- leot; liuit deuil at Il A cliaquc mû- p. ABDOUIKADS Une ou dc< QUATRIÈME DIVISION. Un opercule biancbial, et une membrane brandù^ poissons APODES F. JoeOLAlBE! "S^'^' g,c,^4 ch»i. dci braneliin irti- les Jcaillo ou lubcttulci qui fe«(- Vile GENRE, c a 1 » t " r s Une Mule ou«tT re btnucliMtc, de ihaque ivl* du \a queue loiigu .iofe pAC uii luo^ IÎIjiIUCUI. par c lutU p. TBOHACIHI Un» ou Jeur ne IV' ORDRE. 1" ORDRE. BDOWIHAl/X Une ou Jeiir nu Dct denli KU> n>A- buirei c( au [>aluii. IXt GENRE. ïCiPiBsÊni. Il' ORDRE. Point Je nagtoin P. JtrODLAinKS. X' GENRE. stuacions. Le torpt datu une nicluppe oucuM, J'.s demi inciiitti > Laque T.iJtlmite. X le GENRE. III* ORDRE. P. TBOKACin» gtoim tout 11 XVI' GENRE CVCLOPT tBt UDUUIHADX. t7„f ou Jeui na- XVni< GENRE. ■tACnonDI'HQDXS. L'cuierlun de l^r t T l)OUu*edanlL ,.JIUtll>rÉ[icurtdcl. tilt , rrlrjctile , C jidiu deuki, dcl Imi bllluu au doani (Il km dcuu. la bouche i le cucpi lilangj , e( gari Ipluiieur» raug Iplaquci dure*. La mlclioirti oi< XIK GENRE. OVOÏDES. Dci deoia aigu" Lerauicau nlong^; it mâibwire»; le» do dent» au» luj- cboim ; de pelîles écaille» lur le (urp*- igeoircs peeiorAles liiuplu; leiuagenirei iqfericum réunies co rarmc de iluquc. XVI I* GENRE. liPADOCASTÈSKS- It^uoici CQ liitat de Le corpi oioïdi I iiiJcbaire* ouei tin cluiune ta deui eors OSSEUX. Lepine dorsale composée de vertèbres osseuses. PKEMIKRE DIVISION, n o|)crcule brancliial, cl une membrane br.incliialt' SECONDE DIVISION. Un opercule bidntliial ; point de membrane branchiale. TROISIEME D I V- 1 S I O N. Point d'oneicule branchial ; une menibiane biancliîale Q U A T lï 1 J;; M E D I V I S I O N. Point d'opercule branchiaf, ni de mezabrane beanclir.jl II' ORDRE, lu K onun siqnt APODES. itlfilûurtl p. JDGULAintg Vnt eu deut getiirti ttut la Ve ORDRE, ABDOUtNAUX. f7n« ou deux na giotret tout tat- "domtn. POISSONS AFOD£S I" ORDRE. JOCOLAinES. Une on detix gorgr. l\' ORDRE. P. TBORACinS. Uae ou doix nfl- gtoitéi tout h 1IT( ORDRE. 1\« ORDRE. ■ORDRE. I l« ORDRE. I>. ABDOUIIfADX Une ou dtiii nù groirct toiu tal JCGVLAïaE! Point d» nagêoir nJMm».. P. TnOBAClWS Une eu.deiti na- IVe ORDRE, I" ORDRE. ASDOUIXADX. II ISO Kl APODE Point d* nageoim n/^.Uu^ II* ORDRE. , Jt^OPLAIBE II1< ORDRE. p. rnoRACiK Un* ou deiu m gtoirtt tout ia I Ve ORDRE. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Avertissement, et explication de quelques planches de cet ouvrage, page 7, Discours sur la nature des poissons, page]. Nomenclature et tables méthodiques des poissons, cxliij. Tableau général de la classe, des sous-classes, des divisions et des ordres des poissons; et tableau particulier des genres des poissons cartilagineux. Tableau des espèces du genre des pétromy zons , page i . Pétromyzon lamproie, 3. Pétromyzon lamproyon, 26. Pétromyzon pricka , 18. Pétromyzon planer, 3o. Tableau des espèces du genre des raies, 3i. Raie bâtis , 35. Raie oxyrinque , 72. Raie miralet , 7 5. Raie chardon, 78. Raie ronce, 79. Raie chagrinée, 8i. Raie torpille, 82. Raie aigle, 104. Raiepastenaque, 114. Raie lymme, 1 ig. Raie sephen, i25. TOME 1. Raie bouclée, 128. Raie thouin, i54. Raie bohkat, i3g. Raie cuvier, l/^l. Raie rhinobate, i45. Raie mobular, i5i. Raie schoukie, i55. Raie chinoise, 157. Raie gronovienne, iSg. Raie manatia, 160. 2 TABLE Tableau des espèces du genre des squales, i65. Squale requin, i6g. Squale isabelle , 255. Squale très-ijrand , 20g. Squale marteau , aSy. Squale glauque, 21 3. Squale pantouflier, a6i. Squale long-nez, 216. Squale renard, 267. Squale philipp, 218. Squale i^riset, 2G9. Squale perlon , 220. Squale aiuuiUat, 270. Squale roussette, 221. Squale sagre, 274. Squ.ile rorhier, 233. Squale humantin, 276, Squale milandre , 237. Squale liche , 27g. Squale éniissole , 243. Squale gronoviea , 280. Squali' bai billon, 245. Squale dentelé, 281. Squale bai'I'u, 247. Squale bouclé, 283. Squale tigré, 249. Squale éraillt-ux , 284. Squale calonné , 25l. Squale scie , 286. Squale œillé, 253. Squale ange, 2g3. Tableau des espèces dvi genre des aodons , 297, AoJon massasa et aodon kumal, Aodon cornu , 5oo. 298. Tableau des ep]}èces du genre des lophies, 3or. Lophie baudroie, 3o4. Lophie chironecte , et lophie Lophie vespeitlion, 3i5. double-bosse, 325. Lophie faujas, 3i8. Lophie commerson , 327. Lophie histrion, 32i. Lophie ferguson , 33o. T AELE AU des espèces du genre des balistes, 332. Baliste vieille , 337. Baliste chinois, 35y. Baliste é oilé , 35o. Baliste velu et baliste mamelonné;- Baliste écharpe , 352. SSg. Baliste double-aiguillon, 355. Baliste tacheté; 56i. DES ARTICLES. ô Balîste pralin , 363. ricain , SyS. Baliste kleinien , 365. Baliste veidâtre , baliste grande- Baliste curassavien , 366. tache , baliste noir , baliste bridé , Baliste épineux, 367. et baliste armé , 378. Baliste sillonné , Syo. Baliste cendré , 384. Baliste caprisque, Syz. Baliste assasi , 385. Baliste queue-fourchue, 374- Baliste monocéros, 386. Baliste bourse , et baliste amé- Baliste hérissé , 58g. Tableau des espèces du genre des cliimères, 89 1. Chimère arctique, 3g2. Chimère antarctique , 400. Tableau des espèces du genre des poijodons, 402. Polyodon feuille , ^oZ. Tableau des espèces du genre des acipensères, 409. Acipensère esturgeon, 41 1- Acipensère strelet, 435. Acipensère huso, 422. Acipensère étoile, 43g. Tableau des espèces du genre des ostracions, 441. Ostracion triangulaire, 444* Ostracion bossu, 463. Ostracion maillé, 454. Ostracion trois-aiguillons, ostra- Ostracion pointillé, 455. cion trigone , et ostracion deux- Ostracion quatre - tubercules , aiguillons , 4^5. 457. Ostracion quatre - aiguillons , et Ostracion museau-alongé, 458. ostracion lister, 468. Ostracion deux-tubercules , 45g. Ostracion quadrangulaire, et os- Ostracion moucheté , 461. tracion dromadaire , 470. Tableau des espèces du genre des tétrodons, 474. Tétrodon perroquet, 477. Tétrodon pointillé, 485. Tétrodon étoile , 483. Tétrodon sans tache , 486. 4 TABLEDES ARTICLES. Tétrodon hérissé , /[Sj. Tétrodon alongé , et tétrodon mu- Tétrodon moucheté, 49 1- seau-alongé, 5o2. Tétrodon honckénien , 493. Tétrodon plumier , 5o4. Tétrodon lagocéphale , 495. Tétrodon méléagris , 5o5. Tétrodon rayé, tétrodon crois- Tétrodon électrique , 5oj. sant, tétrodon mal-armé, et Térrodon grosse- tète, 5o8. tétrodon spenglérien , 497- Tétrodon lune, 609. Tableau des espèces du genre des ovoïdes, 620. Ovoïde fascé, Szi. Tableau des espèces du genre des gastrobranches, 624. Gastrobranche aveugle , 525. Gastrobranche dombey, 534- ERRATA. ■Page cxix, ligne i8, parvenus, lisez, parvenu. Page 8 , lig. 27, celle de la cjueue , Usez, celle de la queue est. Page 24, fig. 4, ils partent, lisez, elles parlent. IbiJ. //i,'. 8, des pétromyzons , lisez, de ces pétromyzons. Page 82, lig. 25, cette dernière partie à peu près de la longueur du corps, lisez, cette dernière partie garnie, vers son extrémilé, d'une membrane longitudinale. Page ^2 , lig. 17, les nageoires pectorales, lisez, une des nageoires pec- torales. Page 66, lig. 12, la retourne, pour ainsi dire, lisez, la retourne avec soin. Page 68, lig. I , ses organes , lisez, ces organes. Page 78, lig. 27, piquans, lisez, de piquaus. Page 84, //^. 17, nageoire et, lisez, nageoire. P^^j^f io5, lig. 5, enverjure, lisez, envergure. Page 107, //i^. I , mais qu'elle, lisez, et qu'elle. Page 121 , //^. II , par ce voyageur, lisez, et dus à ce voyageur. Page 124, lig. 4, de la raie aigle, lisez, de la pastenaque. Ibid. lig. 5, de la pasienaque, lisez, de l'aigle. Page 148, //^. 3, conirasiés , lisez, contrastant. Page i52, lig. 22, squale tiburon , lisez, squale panfouflier. Page 196, lig. 3, un trait, lisez, une flèche. P«^<' 204, //^i,'. 4, comme, //5e;, très répandue comme. Page 253, Z/^. 4, considéré, lisez, considérée. Page 269, //.o. 7, Irès-aplaties, lisez, très-minces. Page 382 , //^. 20, l'individu , lisez, un individu. Page 450. //]§". 4 , tous , lisez, presqup tous. Page 471 , lig. 28, cinq , lisez, cinq de chaque côté. Page 476, /;^. 9, tétrodon méléagride , lisez, leliodon méléagris. Page 5io, lig. 7, qu'il nioutre à ceux, //i-eij qu'ap^-erçoiveiU ceux. AVERTISSEMENT, ET EXPLICATION DE QUELQUES PLANCHES DE CET OUVRAGE. Ce volume sera incessamment suivi de deux autres, pour lesquels le manuscrit est prêt. Ces trois volumes compléteront l'histoire des animaux à saii"- loii^e; et d'après les dernières vues de Butl()n, qui avoit retianché de son vaste ])lan l'histoire des animaux à sani; blanc et celle des végétaux, l'oiivraii;e sur les poissons, dont nous donnons aujoiird'hui la première partie, terminera VHistoire naturelle |)ubliée par Bufîon, par Dauben- ton, par Montbelliard , et par- moi. On ne tionvera que vingt-cinq planches dans ce vohime ; mais les deux suivans en jirésenteront chactui ciiKpiante ou environ. Nous croyons devoir annoncer d'ailleurs (pie les figures i et a de la jîlanche vi, i , 3 et 4 de la planche viii, i et 2, de la planche xxii, et toutes celles des planches xiv, xv, xvi, xvu, xviii, XXI et xxiv, ont été copiées sur les dessins originaux exécutés dans les isies des meis d'Afrique, ou des Indes, par feu Commerson , ou sous les yeux de ce célèbre voyageur, et qui, transmis dans le temps à BuHbn, ont été remis entre mes mains par cet illu.stre naturaliste. Nous réunissons ici les explications que la place n'a ])as permis, de mettre au bas des pi mches auxquelles elles sont relatives. PLANCHE I. Tigiire 2. Inférieur de la bouche du [jétromyzon lamproie. Fig. 4. Téle de la laie tliouin , vue par-dessous. Fig. 5. Organe de l'odorat de la raie thouin. 8 AVERTISSEMENT. PLANCHEIII. L'individu lepiésenfé par la première figure a été vu dans un ruisseau du département de l'Ain, par le citoyen Luc, professeur d'histoire naturelle. L'espèce du pétromyzon planer n'avoit encore été observée que dans la Tliuringe. PLANCHE IV. On a cru , pour \n figure 4, devoir copier fidèlement le dessin de Com- merson , qui s'est contenté d'indiquer la place des yeux. Dans ]es figures 2 et 3, l'aiguillon dentelé de la queue est dégagé de son fourreau. PLANCHE VI. On voit sur cette planche la figure d'une raie , exactement copiée sur un dessin original de Commerson. Le nom de torpille répondoit, dans les manuscrits du voyageur, à ce dessin , dans lequel la queue de l'animal nous a paru représentée d'une manière très-peu fidèle. Sans cette défectuo- sité du dessin , nous aurions pu croire qu'il y avoit une nageoire dorsale unique placée sur la queue du poisson figuré ; et d'après celte conformation, ainsi que d'après la terminaison du museau en pointe, nous n'aurions pas considéré cette raie comme une torpille, malgié notre déférence pour les opinions de Commerson , et nous l'aurions plutôt regardée comme une variété de la raie gronovienne. PLANCHE VII. Fiff. 4. Œuf du squale roussette. PLANCHEVIII. Fig. 2. Mâchoires du squale milandre. PLANCHE XIII. Fig. I. Variété de la lophic baudroie, copiée d'après un dessin de Plumier. PLANCHEXX. "La. figure 2 représente une variété de l'ostracion triangulaire, peinte d'après Plumier, pour la collection de vélins du Muséum d'histoire naturelle, et dont les caractères distinctifs consistent principalement dans les couleurs des taches et dans les nuances du fond. PLANCHE XXV. i'V^. 2. Ovoïde fascé, vu par devant et par côté. HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. PREMIÈRE SOU S- CLASSE. POISSONS CARTILAGINEUX. Les parties solides de l' intérieur du corps , cartilagineuses» PREMIÈRE DIVISION: Poissons qui nont ni opercule ni membrane des branchies. PREMIER ORDRE. Poissons apodes , ou qui nont pas de nageoires r eu traies. PREMIER GENRE. LES PÉTROMYZONS. Sept ouvertures branchiales de chaque coté du cou , un éveiit sur' la nuque , point de nageoires pectorales. ESPÈCES. CARACTÈRES. î. Le pétromyzon lamproie. Vingt rangées de dents ou environ. {La seconde naeeoiredu dos anguleuse et r<îuuie II j 1 avec celle de la queue. TOME I. 1 2 HISTOIRE NATURELLE.^ ESPÈCES. CARACTÈRES. f La seconde nageoire du dos très-édoife, et non 3. Le PÉTROMTZON laMPROYON.J anguleuse; deux appendices de chaque côté l du bord postérieur de la bouche. Le corps anneli'; la circonférence de la bouche garnie de papilles aigué's. iî ^ 4. Le pêtromyzon Planer. | Ji'//I I . /'/./. Paro,e 3 . JiJIE . T/toitiit LE PÉTROMXZON LAMPROIE *. (L/'est une grande et belle considération que celle de toutes les formes sous lesquelles la nature s'est plue, pour ainsi dire, à faire paroître les êtres vivans et sensibles. C'est un immense et admirable tableau que cet ensemble de modifications successives par lesquelles l'animalité se dégrade en descendant de l'homme, et eia parcourant toutes les espèces douées de sentiment et de vie jus- qu'aux poljpes, dont les organes se rapprochent le plus * Lampetra et lampreda, e/i latiiu Lampieda, en Italie. Laniprey ou Lamprey eel , en Angleterre, "Lamipretee , en yillemagiie. Pibale, daJts quelques départemcns mdridio7iaux de France, et dans lu, ■première ou la seconde année de sa vie. Lamproie marbrée, Datihenton, Encyclopédie méthodique. Petrorayzon marinus, Linné, édition de Gnielin, Petroiïiyzon marinus , Fctuna suecica, 292, Petromyzon maculosus, Artedi, Tchthjnlngia , gen . 64, syn. 90. Petrorayzon lamproie, Bloch, Histoire naturelle des poissons, troisième partie, page 3l, planche 77. Lamproie marbrée, Bonnaterre, planches d' Histoire naturelle de l'Ency- clopédie méthodique. Petromyzon, Klein, miss, pisc,^ ,f. 3o, 7?. 3. ■''■■' "'• Miistela sive lampetra^ Bellon, Aquat.f. 76. Mustela sive lampetra , Salv. Aquat.f. 62 , h. Lampetra major, Schvf^ék', theriotr, silcs. f, ^Sr, ' •,"î 4 H I s T O I R E~~isr  T U R E L L È de ceux des végétaux, et qui seixiblent être le terme où elle achève de s'affbiblir, se fond , et disparoît pour reparoître ensuite dans la sorte de vitalité départie à toutes les plantes. Letude de ces déeroissemens gradués de formes et de facultés est le but le plus important des recherches du naturaliste, et le sujet le plus digne des méditations du j)hilosophe. Mais c'est principale- ment sur les endroits où les intervalles qiit paru les plus grands, les transitions les moins nuancées, les carac- tères les plus contrastés, que l'attention doit se porter avec le plus de constance; et comme c'est au milieu de ces intervalles plus étendus que l'on a placé avec raison les limites des. classes des êtres animés, c'est uécessai- Lampetia major, Charlet., Onom.f. i53, n. 3. Lanipioie, Cours d'histoire naturelle, tome v^ 'page 284. Lamprey, ou lamprey eel , TVillughby, Ichthjologiej pag. z.o5.,planch..gf, 2,yÂ^'. 2. là.Ray.Sjn.f.ZS^n.Z. Joatzmo unagi , Kœtnpfcr^ Voj. au Japon , tome 7j planch.iz tfig. 2.- Lamproie , Fennin. Surin, page 85. Il mustilla , J^orsAao/j Descript. aniin.f. 18. Lamprey, Pennant, Zoologie britannique , vol. "i^page '](> ^pl. Sj/îg. li Lampeha, P. Jov. chap. 84, page 109. Lamproie , Rondelet , preniière partie, lit. i3 , page 3iq. Plota fliita , par quelques aiitews. Lampetra, lampreda kentmanni, lampredu marina, mustela , Ges/ier^^, ( ger}n.) fol. 1 80 , /> , p/ paralip. page 22. Lampetra major , Aldrovande , lib. 4, cap. i3, pag. S3(). Ici. Jonst07i, liv. 2 , ///. 2 , chap. "à^ pi. 2J^.,fig. 5, Petromyzon marinus, 'Nau Sehrift. der berl. naturf. fr.'j^p. /^bb, LaHiproie, T'almont de Bomarej Diclionnaire d'histoire naturelle.. ., DES POISSONS. 5 rejTient autour de ces limites que Ton doit considérer les objets avec le plus de soin. C'est là qu'il faut chercher de nouveaux anneaux pour lier les productions natu- relles. C'est Là que des conformations et des propriétés intermédiaires, non encore reconnues, pourront, en jetant une vive lumière sur les qualités et les formes qui les précéderont ou les suivront dans l'ordre des dégradations des êtres, indiquer leurs relations, déter- miner leiH's efiets et montrer leur étendue. Le genre des pétroinyzons est donc de tous les genres de poissons , et sur -tout de poissons cartilagineux, fiui de ceux qui méritent le plus que nous les observions avec soin et cjue nous les décrivions avec exactitude. Placé, en effet, à la tête de la grande classe des poissons, occu- pant l'extrémité par laquelle elle se ra})proche de celle des serpens, il l'attache à ces animaux non seulement par sa forme extérieure et par plusieurs de ses habi- tudes , mais encore par sa conformation interne , et sur-tout par larrangement et la contcxture des diverses parties du siège de la respiration, organe dont la com- position constitue l'un des véritables caractères distinc- tifs des poissons. On diroit que la puissance créatrice, après avoir, en formant les reptiles, étendu la luatière sur une très- grande longueur, après l'avoir contournée en cjlindrc flexible, l'avoir jetée sur la partie sèche du globe, et Yy avoir condamnée à s'j traîner par des ondulations successives sans le secours de mains , de pieds , ni que de modifier celui de ses oi'ganes qui avoit été façonné pour l'atmosphère au milieu de laqvielle il devoit vivre, que de changer la forme de ses poumons, d'en isoler les cellules, d'en multiplier les surfaces, et de lui donner ainsi la faculté d'obtenir de l'eau des mers ou des rivières les principes de force qu'il n'au- roit dus qu'à l'air atmosphérique. Aussi l'organe de la respiration des pétromyzons ne se retrouve-t-il dans au- cun autre genre de poissons; et presque autant éloigné par sa forme des branchies parfaites que de véritables poumons, il est cependant la principale différence qui sépare ce premier genre des cartilagineux, de la classe des serpens. Vojons donc de plus près ce genre remarquable ; examinons sur-tout l'espèce la plus grande des quatre qui appartiennent à ce grouppe d'animaux, et qui sont DES POISSONS. 7 les seules que lou ait reconnues jusqu'à présent dans cette famille. Ces quatre espèces se ressemblent par tant de points, que les trois les moins grandes ne paroissent que de légères altérations de la principale , à laquelle par consécjuent nous consacrerons le plus de temps. Observons donc de près le pétromjzou lam- proie, et commençons par sa forme extérieure. Au devant d'un corps très-long et cjlindrique, est une tète étroite et aîongée. L'ouverture de la bouche, n'étant contenue par aucune partie dure et solide , ne présente pas toujours le même contour; sa conformation se prête aux différens besoins de l'animal : mais le plus souvent sa forme est ovale ; et c'est un peu au-dessous de l'extrémité du museau qu'elle e«t placée. Les dents un peu crochues, creuses, et-maintenues dans de simples cellules charnues, au lieu d'être attachées à des mâ- choires osseuses, sont disposées sur plusieurs rangs et s'étendent du centre à la circonférence. Communément ces dents forment vingt rangées, et sont au nombre de cinq ou six dans chacune. Deux autres dents plus grosses sont d'ailleurs placées dans la partie antérieure de la bouche y sept autres sont réunies ensemble dans la par- tie postérieure ; et la langue , qui est courte et échanci'ée. en croissant, est garnie sur ses bords de très-petites dents. Auprès de charnue œil, sont deux rangées de petits trous, l'une de quatre et l'autre de cinq. Ces petites ouvertures paroissent être les orifices des canaux desti^r 8 HISTOIRE NATURELLE nés à porter à la surface du corps cette humeur vis- queuse , si nécessaire à presque tous les poissons pour entretenir la souplesse de leurs membres, et parti- culièrement à ceux qui, comme les pétromjzons, ne se meuvent que par des ondulations rapidement exé- cutées. La peau qui recouvre le corps et la queue qui est très-courte, ne présente aucune écaille visible pendant la vie de la lamproie , et est toujours enduite d'une mucosité abondante qui augmente la facilité avec laquelle l'animal échappe à Ja main qui le presse et qui veut le retenir. Le péti'omjzon lamproie manque , ainsi que nous venons de le voir, de nageoires pectorales et de na- geoires ventrales ; il a deux nageoires sur le dos , une nageoire au-delà de l'anus, et une quatrième nageoire , arrondie à l'extrémité de la queue : mais ces quatre nageoires sont courtes et assez peu élevées; et ce n'est presque que par la force des muscles de sa queue et de lu partie postérieure de son corps, ainsi que par la fa- culté qu'il a de se plier promptement dans tous les sens et de serpenter au milieu des eavix , qu'il nage avec constance et avec vitesse. La couleur générale de la lamproie est verdâtre, quelquefois marbrée de nuances plus ou moins vives; la nuque présente souvent une tache ronde et blanche; les nageoires du dos sont orangées, et celle de la queue bleuâtre. DES POISSONS. 9 Derrière chaque œil, et indépendamment des neuf petits ti'ous que nous avons déjà remarqués, on voit sept ouvertures moins petites, disposées en ligne droite comme celles de l'instrument à vent auquel on a donné le nom de flûte : ce sont les orifices des branchies ou de i'organe de la respiration. Cet organe n'est point unique de chaque côté du corps, comme dans tous les autres genres de poissons; il est composé de sept parties qui n'ont l'une avec l'autre aucune communication immé- diate. Il consiste, de chaque côté, dans sept bourses ou petits sacs, dont chacun répond, à l'extérieur, à l'une des sept ouvertures dont nous venons de parler ,. et communique du côté opposé avec l'intérieur de la boiiche par un ou deux petits ti'ous. Ces bourses sont inclinées de derrière en avant, relativement à la ligne dorsale de l'animal ; elles sont revêtues d'une mem- brane plissée, qui augmente beaucoup les points de contact decet organe avec le fluide qu'il peut contenir; et la couleur rougeâtre de cette membrane annonce qu'elle est tapissée non seidement de petits vaisseaux xlérivés des artères branchiales , mais encore des pre- mières ramifications des autres vaisseaux, par lesquels le sang, revivifié, pour ainsi dire, dans le siège delà respiration , se répand dans toutes les portions du corps qu'il anime à sou tour. Ces diverses ramifications sont amproie branchiale, Boii/iaterre, phinches de l'Encyclopédie. Fetroniyzon , Gronot. Zonphyt. p. 38, n, 160. j:>ni . I . /'/ . 2 /'-/y it' 1 . PElViOMYZOX L.,,„^nç HISTOIRE NATURELLE. ÏL'] courses plus ou moins longues, ce n'est point pour eu abandonner le séjour, mais seulement pour en parcourir les différentes parties, et choisir les plus ana- logues à SCS goûts et à ses besoins. Aussi mériteroil- il l'épithète de Huviatile bien mieux que la pricka, à laquelle cependant elle a été donnée par un gi-and nombre de naturalistes, mais à laquelle nous avons cru d'autant plus devoir l'oter, qu'en lui conservant le nom de pricka, nous nous sommes conformés à l'usage des liabitans d'un grand nombre de contrées de l'Europe, et à l'opinion de plusieurs auteurs très-récens. Pour ne pas introduire cependant une nouvelle confusion dans la nomenclature des poissons, nous n'avons pas voulu donner le nom de fiuviatile au pétromjzon (jui nous occupe, et nous avons préféré de le désigner par celui Id. Klein, miss, pisc, 3, /'. 3o, ri. 4. Mustcla fluviatills min. Bellon, Aquaf. p. yS. Lainpetra parva et fluviatilis, Gcsner, Aquat.p. 689, icon.anim.p.iZG^ lliierb. p. iSg, b. Lampefra niinlma , Aldrovande, p. SSg. Lampern, or pride of the Isis, TVillugliby , ichth. p. 104. Lanipetra cteca , id. tab. g, "i^fg. i. Id. Ray , Synops. pisc. p. 35, n. 2, 4. Lamprcta , neunauge , .Jonslon , lab. z^.,fig. 10. The pride, Peiitiaiit , Biil. Zool. 3, p. 80, pi. Sjjig. 3. Lumproyon, et laniprillon , Rondelet, Histoire des poissons, p. 2,;;. s.02. Querdcr, sehlamquerder, Schv,enc]/,rm-r. 2 S()(\//./-: /i.uir/c- 3 /)fOJyON P/ianu; Q U A T Pv I È M E ORDRE*. Poissons abdominaux, 01/ (jui ont des nageoires placées sous V abdomen^ S E C (3 N D G E N U E. LES RAIES. Cinq ouvertures branchiales de chaque coté du dessous du corps; la bouche située dans la partie inférieure de la tête; le corps très-aplali. PREMIER SOUS-GENRE. Les dents aiguës, des aiguillons sur le corps ou sur la queue. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. La raie BATIS. Un seul rang d'aiguillons sur la queue, 2. La raie OXYRINQUE. I^'"*^ '■«"g^^ d'aiguillons sur le corps et sur la \ queue. 3. La raie miralet. (^^ ''"' ^'"'} ^"'"'T'^^ aiguillons auprès des \ yeux , trois rangs d'aiguillons sur la queue. * Nous avons déjà vu, dans l'article irnitulé 'Nomenclature des poissons, que l'on ne connoissoit encore aucune espèce de ces animaux dont on pût {'ormer un second et un trolsièuie ordre dans la première division des carti- lagineux. c>2 HISIOIRE NATURELLE ESPECES. 4. La raie chardon. 5. La raie ronce. i>. La raie chagrinée. . C A R A C T.È R E S. Tout le dos garni d'. Skale, Pennaiit y Zoologie brilavnique , vol. o, page 62 , n. i. Raie au bec pointu, V^dmonl de Bomare, Dictionnaire d'hittoire natu- relle. DES POISSONS, 3/' prêtant que dilïicileuiCiit à des })lis, ne permeUaiit en général que de légères inclinaisons dune partie sur une autre , et prescpse toujours étendu de la même manière, ne se meut (jue par une action plus univer- selle et pliis uniformément répartie dans les diverses portions qui le composent. Dans quehjue saison- de l'année que Ton oI)serve les lamproyons et les autres pétromjzons , on ne les voit jamais former aucune sorte de société: il est au contraire un temps de l'année, celui pendant lequel le plus impérieux des besoins est accru ou provoqué par la chaleur nouvelle , où les raies s'ap- pariant, se tenant le mâle auprès de la femelle pendant un temps plus ou moins long, et se réunissant, peut- être seules entre tous les poissojis, d une manière assez intime, forment un commencement d'association de famille, et ne sont pas étrangères, comme presque tous les autres habitans des eaux, aux charmes delà volupté partagée, et d'une sorte de tendresse au moins légère et momentanée. Les jeunes pctroniyzons sortent d'œufs pondus depuis un nombrede jours plus ou moins grand par leur mère : les jeunes raies éclosent dans le ventre même de la leur, ctnaisseiît toutes formées. Les pétromj- zons sont très-féconds; des milliers d'o.'ufs sont pondus par les femelles , et fécondés par les mâles : les raies no donnent le jour c[u'à un petit à la fois, et n'en produisent, chatiue année, qu'un nombre très-peu considérable. Les ])étromjzons se rapprochent des couleuvres vipères par leur organe respiratoire; les raies par leur manière de 38 HISTOIRE îl  T U R E L L E venir à la lumière. Une setile espèce de pétromjzou ne craint pas les eaux salées, mais ue se retire dans le sein des mers que pendant la saison du froid : toutes les es- pèces de raies vivent au contraire sous tous les climats et dans toutes les saisons, au milieu des ondes de rOcéan ou des mers méditerranées. Qu'il y a donc loin •de nos arrangemens artificiels au plan sublime de la toute-puissance créatrice; de celles de nos méthodes tlont nous nous sommes le plus efforcés de combiner tous les détails , avec l'immense et admirable ensemble des productions qui composent ou embellissent le globe ; de ces mojens nécessaires, mais défectueux, par lesquels nous cherchons à aider la foiblesse de notre vue , l'in- constance de notre mémoire, et l'imperfection des signes de nos pensées, à la véritable exposition des rapports qui lient tous les êtres ; et de l'ordre que l'état actuel de nos connoissances nous force de regarder comme le plus utile, à ce tout merveilleux où la nature, au lieu de disposer les objets sur une seule ligne, les a grouppés, réunis et enchaînés dans tous les sens par des relations innombrables! Retirons cependant nos regards du haut de cette immensité dont la vue a tant d'attraits pour notre imagination; et, nous servant de tous les mojens que l'art d'observer a pu inventer jusqu'à présent, por- tons notre attention sur les êtres soumis maintenant à notre examen , et dont la considération réfléchie peut nous conduire à des vérités utiles et élevées. C'est toujours au milieu des mers que les raies font DES POISSONS. 39 leur séjour ; mais, suivant les difi'érentes époques de l'année, elles changent d'habitation au milieu des flots de l'Océan. Lorscjue le temps de la fécondation des oeufs est encore éloigné, et par conséquent pendant que la mauvaise saison règne encore, c'est dans les profon- deurs des mers c[u'ellcs se cachent, pour ainsi dire; C'est là que, souvent immobiles sur un Ibnd de sable ou de vase, appliquant leur large corps sur le limon du fond des mers, se tenant en embuscade sous les algues et les autres j)lantes marines, dans les endroits assez voisins de la surface des eaux pour que la lumière du soleil puisse j parvenir et développer les germes de ces- végétaux, elles méritent, loin des rivages, l'épithète de ptlagienncs qui leur a été donnée par plusieurs natu- ralistes. Elles la méritent encore, cette dénomination, de pclagie?mcs, lorsqu'après avoir attendu inutilement/ dans leur retraite profonde l'arrivée des animaux dont elles se nourrissent, elles se traînent sur cette même vase qui les a quelquefois recouvertes en partie, sil- lonnent ce limon des mers, et étendent ainsi autour d'elles leurs embûches et leurs recherches.. Elles mé- ritent sur-tout ce nom d'iiabitantes de la haute mer, lorsque, pressées de plus en plus par la faim, ou effraj ées par des troupes très nombreuses d'ennemis dangereux, - ou agitées par quelque autre cause puissante, elles s'élèvent vers la surface des ondes, s'éloignent souvent de plus en plus des côtes, et, se livrant, au milieu des régions des tempêtes, à une fuite précipitée, mais le plus 40 HISTOIRE N  T lî R E L L E fréquemment à vine poursuite obstinée et à une chasse terrible pour leur proie, elles afirontent les vents et les vagues en courroux, et, recourbant leur c^ueue , remuant avec force leurs larges nageoires, relevant leur vaste corps au-dessus des ondes, et le laissant retomber de tout son poids, elles font jaillir au l'bin et avec bruit l'eau salée et écumante.Mais lorsque le temps de donner le jour à leurs petits est ramené par le printemps , on par le commencement de l'été , les niâles ainsi ({ue les femelles se pressent autour des rochers qui bordent les iivages;et elles poi^rroient alors être comptées passagère- mentparmi les poissons littoraux. Soit qu'elles cherchent ainsi auprès des cotes l'asyle, le fond et la nourriture qui leur conviennent le mieux, ou soit qu'elles voguent loin de ces mêmes bords , elles attirent toujours l'attention des observateurs par la grande nappe d'eau qu'elles compriment et repoussent loin d'elles, et par l'espèce de tremblement qu'elles communiquent aux flots qui les environnent. Presque aucmi habitant des mers, si on excepte les baleines, les autres cétacées, et quelques pleuronectes, ne présente, ezi effet, un corps aussi long, aussi large et aussi aplati , une surface aussi plane et aussi étendue. Tenant toujours déployées leurs na- geoires pectorales , que l'on a comparées à de grandes ailes, se dirigeant au milieu des eaux par le mojen d^une queue très-longue, très-déliée et très-mobile, poursuivant avec promptitude les poissons qu'elles recherchent, et fendant les eaux pour tomber à l'im- DES POISSONS. 41 proviste sur les animaux qu'elles sont près d'atteindre , comme l'oiseau de proie se précipite du haut des airs; il n'est pas surprenant (ju'elles aient été assimilées, dans le moment où elles cinglent avec vitesse près de la sur- face de rOcéan, à un très-grand oiseau, à un aigle puissant, c[ui, les ailes étendues, parcourt rapidement les diverses régions de l'atmosphère. Les plus forts et les ])lus grands de presque tous les poissons, comme faigle est le plus grand et le plus fort des oiseaux, ne paroissant, en chassant les animaux marins plus foibles (qu'elles, que céder à une nécessité impérieuse et au besoin de nourrir un corps vohmiineux, n'immolant pas de victime à une cruauté inutile, douées d'ailleurs d'un instinct supérieur à celui des autres poissons osseux ou cartilagineux, les raies sont en clîet les aigles de la mer; l'Océan est leur domaine, comme l'air est celui de l'aigle; et de même que faigle, s'élançant dans les pro- fondeurs de l'atmosphère, va chercher sur des rochers déserts et sur des cimes escarpées, le repos après la vic- toire , et la jouissance non troublée des fruits dune chasse laborieuse, elles se plongent, après leurs courses et leurs combats, dans un des abjmes de la mer, et trouvent dans cette retraite écartée un asjle sûr et la tranquille possession de leurs conquêtes. Il n'est donc pas surprenant que, dès le siècle d'Aris- tote , une esjièce de raie ait reçu le nom iVa/^/c marine, que nous lui avons conservé. Mais, avant de nous occu- per de cette espèce, examinons de près la bâtis, l'une TOME I. 6 4^ JI I s r O I R E N A r U R E L L E des plus gramles , des plus répandues et des plus connues des raies, et que l'urdre que nous avons cru devoir adopter nous oflVe la première. L'ensemble du corjis de la bâtis présente un peu la forme cfun losange. La pointe du museau est placée à l'angle antérieur, les rajons les plus longs de chaque nageoire pectorale occupent les deux angles latéraux , et l'origine de la (jiieue se trouve au sommet de l'angle de derrière. Quoi(jue cet ensemble soit très-aplati , on dis- tingue cependant un léger renilement tant dans le côté supérieur (]ue dans le côté inférieur, qui trace, pourainsi dire, le contour du corjis proprement dit, c'est-à-dire des trois cavités de la tète, de la poitrine et du ventre, ('es trois cavités réunies n'occupent tjue le milieu du losange, depuis l'angle antérieur jusqu'à celui de der- rière, et laissent de chaque côté vme espèce de triangle moins épais, (pii compose les nageoires pectorales. La surface de ces deux nageoires pecfonles est plus grande que celle du corps proprement dit, ou des trois cavités principales; et quoi<[u'el[cs soient recouvertes d'une peau épaisse, on peut cependant distinguer assez faci- lement, et même compter avec précision , sur-tout vers l'angle latéral de ces larges parties, un grantl nombre de ces rajons cartilagineux composés et articulés, dont nous avons exposé la contexture *. Ces rajons partent du corps de l'animal, s'étendent, en divergeant un ])eu, * Discours sur lu tiature des poissons. DES POISSONS. 43 jusqu'au bord des uageoires; elles diflerentes personnes qui ont mangé de la raie balis, et qui ont dû voir et manier ces longs rajous , ne seront pas peu étonnées d'apprendre qu'ils ont échappé à l'observation de quel- ques naturalistes, qui ont pensé, en conséquence, qu'il i\j avoit pas de rayons dans les nageoires pectorales de la bâtis. Aristote lui-même, qui cependant a bien connu et très-bien exposé les principales habitudes des raies ', ne crojant pas que les côtés de la bâtis renfermassent des rajons, ou ne considérant pas ces rajons comme des caractères distinctifs des nageoires, à écrit qu'elle n'avoit pas de nageoires pectorales , et qu'elle voguoit en agitant les parties latérales de son corps'. La tète de la bâtis, terminée par un museau un peu pointu, est d'ailleurs engagée par derrière dans la cavité delà poitrine. L'ouverture de la bouche, placée dans la partie inférieure de la tète, et même à une distance assez grande de l'extrémité du museau, est alongée et transversale, et ses bords sont cartilagineux et garnis de plusieurs rangs de dents très-aiguës et crochues. La langue est très-courte, large , et sans aspérités. Les narines, placées au devant de la bouche, sont situées également sur la partie inférieure tie la tète. L'ouverture de cet organe peut être élargie ou rétrécie à ■ Aristot. Hist. animal, lih. 2, c. i3. Lih. 5, c. 3 et 3. — Lib. 6, c. 10 et w. De geiicictiione aiiiinal. lib. 3, c. q et \i. ' Aristot. niât. iHitiir. lib. i, c. 5. 44 HISTOIRE N  T U 11 E L L E la volonté del'animal, qui d'ciilleurs, après avoir çliniiniië le diamètre de celte ouverture, peut la fermer en (otf lité par une membrane particulière attachée au côté de Tori- fice , le plus voisin du milieu du museau, et latjuelle, s'éteudaut avec facilité jusqu'au bord opposé, et s j' col- lant , pour ainsi dire , peut faire l'office d'une sorte de soupape, et empêcher que l'eau chargée des émanations odorantes ne parvienne jusqu'à un organe très-délicat, dans les momen&où la bâtis n^\ pas besoin d'être avertie de la présence des objets extérieurs, et dans ceux où son sjstême nerveux seroit douloureusement affecté par une action trop vive et trop constante. Le sens de l'odorat étant, si Ton peut parler ainsi , le sens de la Yue des poissons , et j^articulièrement de la bâtis *, cette sorte àe paupicrc leur est nécessaire pour soustraire un organe très-sensible à la fatigue ainsi qu'à la desti'uction, et pour se livrer au repos et au sommeil , de niême que l'homme et les quadrupèdes ne pourroient, sans la vé- ritable paupière qu'ils étendent souvent au devant de leurs jeux, ni éviter des veilles trop longues et trop multipliées, ni conserver dans (ouïe sa perfection et sa délicatesse celui de leurs organes dans lequel s'opère la vision. Au reste, nous avons déjà exposé la conformation de l'organe de l'odorat dans les poissons, non seulement dans les osseux, mais encore dans les cartilagineux, et * Discours sur la nature des poissons. -DES POISSONS. 4.5 particulièrement dans les raies'. Nous avons vu que., dans ces derniers animaux , Tintérieur de cet organe étoit composé de plis membraneux et disposés trans- versalement des deux côtés dîme sorte de cloison. Ces plis ou membranes aplatis sont garnis, dans la bâtis, et dans presque toutes les espèces de raies, d'autres mem- branes plus petites qui les font paroître comme frangésl Ils sont d'ailleurs plus hauts que dans presque tous les poissons connus, excepté les squalles; et comme la cavité cpii renferme ces membranes plus grandes et plus nom- breuses, ces surfaces plus larges et plus multipliées, est aussi plus étendue que les cavités analogues dans la plupart des autres poissons osseux et cartilagineux , il n'est pas surprenant cjue presque toutes les raies, et particulièrement la bâtis , aient le sens de l'odorat bien plus parfait (pie celui du plus grand nombre des habi- tans des mers ; et voilà pourquoi elles accourent de très- loin, ou remontent de très -grandes profondeurs, pour dévorer les animaux dont elles sont avides. L'on se souviendra sans jieine de ce que nous avons déjà dit de la forme de l'oreille dans les poissons, et particulièrement d;'ns les raies°. Nous n'avons jias be- soin de répéter ici que les cartilagineux, et particuliè- • D/scriirs sur la natiirt- des j)oissn/is. La [)'a;iche q\ii leiirést-nte la raie ihoiiin monde aussi d' me manièie très - distincle l'organisation inté- rieure de l'organe de l'odorat dans la ^ilupart des raies, et des autres poissons cartilagineux. ' Discours sur lu nature des poissons. 46 HISTOIRE NATURELLE rement la bad's, éprouvent la véritable sensation de Tonie clans trois petits sacs qui contiennent de petites pierres ou une matière crétacée, et cpii font partie de leur oreille intérieure, ainsi que dans les am])oiiles ou renflemens de trois canavix presque circulaires et membraneux, qui j représentent les trois canaux de l'oreille de riiomme, appelés canaux demi-circulaires. C'est dans ces diverses portions de l'organe de l'ouie que s'épanouit le rameau de la cinquième paire de nerfs , qui , dans les poissons , est le vrai nerf acousti(jue ; et ces trois canaux membraneux sont renfermés en par- tie dans d'autres canaux presque circulaires comme les premiers , mais cartilagineux , et pouvant mettre à l'abri de plusieurs accidens les canaux bien plus mous autour des ampoules desquels on voit s'épanouir le nerf acous- tique. Les jeux sont situés sur la partie supérieure de la tête, et à peu près à la même distance du museau que l'ouverture de la bouche. Ils sont à demi saillans, et garantis en partie par une continuation de la peau qui recouvre la tête, et qui, s'étendant au dessus du globe de l'œil , forme comme une sorte de petit toit , et ôteroit aux bâtis la facilité de voir les objets placés verticalement au dessus d'elles, si elle u'étoit souple et un peu rétrac- tile vers le milieu du crâne. C'est cette peau que l'ani- mal peut déployer ou resserrer et qui a quelques rapports avec la paupière supérieure de l'homme et des quadrupèdes , que quelqvies auteurs ont appelée DES POISSONS. 47 paupière, et que d'avitrcs ont comparée à la membrane clignotante des oiseaux. Immédiatement derrière les jeux, mais un peu plus vers les bords de la tête , sont deux trous ou cvcnts qui communi(jucnt avec l'intérieur de la bouche. Et comme ces trous sont assez grands, que les tujaux dont ils sont les orifices sont largts et très-ctîurts , et qu'ils correspondent à peu près à l'ouverture de la bouche, il n'est ]ias surprenant (|ue lorsqu'on tient une raie bâtis dans une certaine position, et par exemple contre le jour, on ci])perçoive même d'un peu loin , et au travers de l'ouverture de la bouche et des évents , les objets placés au-delà de l'animal , qui paroît alors avoir reçu deux grandes blessures, et avoir été percé d'un bord à l'autre. Ces trous, (jue l'animal a la faculté d'ouvrir ou de fermer par le moyen d'une membrane très-extensible, que l'on j)eut comparer à une paupière, ou, jkjvu^ mieux dire, à une sorte de soupape, servent à la bâtis au même usage que l'évent de la Uunproie à ce pétromjzon. C'est par ces deux orifices (pie cette raie admet ou rejette l'eau nécessaire ou surabondante à ses orgaties respiratoires, lorsqu'elle ne veut pas emj^lojer l'ouverture de sa boviche pour porter l'eau de la mer dans ses branchies, ou pour l'en retirer. Mais comme la bâtis, non plus cuie les autres raies, n'a pas l'habitude de s'attacher avec la bouche aux rochers, aux bois, ni à d'autres corps durs, il faut chercher pourquoi ces devix évents supérieurs, que l'on retrouve dans les squalles , mais que l'on 48 HISTOIRE NATURELLE ii'cipperçoft dailleurs clans aucun genre de poissons , paroissent nécessaires aux promptes et frccjuentes aspi- rations et expirations aqueuses sans lesquelles les raies cesseroient de vivre. Nous allons voir que les ouvertures des branchies des raies sont situées dans le côté inférieur de leur corps. Ne pourroit- on pas, en conséquence, supposer que le séjour assez long que font les raies dans le fond des mers , où elles tiennent la partie inférieure de leur corps ajipliquée contre le limon ou le sable , doit les exposer à avoir, pendant une grande partie de leur vie , l'ouverture de leur bouche, ou celles du siège de la res- piration collées en quelque sorte contre la vase, de ma- nière que l'eau de la mer ne puisse y parvenir ou en jaillir qu'avec peine, et que, si celles de ces ouvertures qui peuvent être alors obstruées , n'étoient pas sup- pléées par les évents placés dans le côté supérieur des raies, ces animaux ne pourroient pas faire arriver jus- qu'à leurs organes respiratoires , l'eau dont ces organes doivent être périodiquement abreuvés? Ce siège de la respiration, auquel les évents servent à apporter ou à ôter l'eau de la mer, consiste, de chaque côté, dans une cavité assez grande qui communique avec celle du palais, ou, pour mieux dire, qui fait partie de cette dernière, et qui s'ouvre à l'extérieur, dans le côté inférieur (ki corps, par cinq trous ou fentes trans- versales, que l'animal peut fermer et ouvrir en étendant ou retirant les membranes qui revêtent les bords de ces DES POISSONS. 49 fen(es. Ces cinq ouvertures sout situées au-delà de celle de la bouche, et disposées sur une ligne un peu courbe, dont la convexité est tournée vers le côté extérieur du corps; de telle sorte, que ces deux rangées, dont cha- cune est de cinq fentes, représentent, avec l'espace quelles renferment au-dessous de la tête, du cou et d'une portion de la poitrine de l'animal, une sorte de disc[ue ou de plastron un peu ovale. Dans chacune de ces cavités latérales de la bâtis sont les branchies proprenjent dites, composées de cintj car- tilages un peu courbes, et garnis de membranes plates très-minces, très-nombreuses, appliquées l'une contre l'autre, et que l'on a comparées à des feuillets; l'on compte deux i^angs de ces feuillets ou membranes très- minces et très-aplaties, sur le bord convexe des quatre premiers cartilages ou branchies, et un seul rang sur le ciiKjuième ou dernier. Nous avons déjà vu* que ces membranes très-minces contiennent une très-grande quantité de ramifications des vaisseaux sanguins qui aboutissent aux branchies, soit que ces vaisseaux composent les dernières extrémi- tés de l'artère branchiale, qui se divise en autant de rameaux qu'il j a de branchies, et apporte dans ces organes de la respiration le sang qui a déjà circulé dans tout le corps, et dont les principes ont besoin d'être pu- rifiés et renouvelés; soit que ces mêmes vaisseaux soient Discours sia- lu nature des poissons. TOME I. 5o HISTOIRE NATURELLE l'origine de ceux qui se répandent dans toutes les parties du poisson, etj distribuent un sang dont les clémens ont reçu une nouvelle vie. Ces vaisseaux sanguins, qui ne sont composés, dans les membranes des branchies que de parois très-minces et facilement perméables à divers fluides, peuvent exercer, ainsi que nous lavons exposé, une action d'autant plus grande sur le fluide qui les arrose, que la surface présentée par les feuillets des branchies, et sur la([uelle ils sont disséminés , est très- grande dans tous les poissons, à proportion de l'étendue de leur cor])s. En efî'et, les raies né sont pas les poissons clans lesquels les membranes branchiales offrent la plus grande division, ni par consé(juent le plus grand déve- loppement; et cej^endant un très-habile anatomiste, le professeur Monro d'Edimbourg, a trouvé que la surface de ces feuillets, dans une raie bâtis de grandeur mé- diocre, étoit égale à celle du corps humain. Au reste, la partie extérieure de ces branchies, ou, pour mieux dire, des feuillets (pii les composent, au lieu d'être isolée relativement à la peau, ou au bord de la cavité, qui l'avoisine, comme le sont les branchies du plus grand non bre de poissons et particulièrement des osseux, est assujettie à cette même peau ou à ce même bord par une membrane très- mince. Mais cette membrane est trop déliée pour nuire à la respiration, et peut tout au plus en modifier les opérations d'une manière analogue aux habitudes de la bâtis. Cette raie a deux nageoires ventrales placées à la suite DES POISSONS. 5î des nageoires pectorales, auprès et de chaque côté de l'anus, qvie deux autres nageoires, auxquelles nous don- nerons le nom de nageoires de l'anus, touchent de plus près, et entourent, pour ainsi dire. Il eu est même en- vironné de manière à pai'oître situé, en quelque sorte, au milieu d'une seule nageoire qu'il auroit divisée en deux par sa position, et que plusieurs naturalistes ont nommée en effet, au singulier, nageoire de lanus. Mais ces nageoires , tant de l'anus que ventrales , au lieu d'être situées perpendiculairement ou très -oblique- ment, comme dans la plupart des poissons, ont une situation presque entièrement horizontale, et, semblant être, à certains égards, une continuation des nageoires pectorales, servent à terminer la forme de losange très- aplati que présente l'ensemble du corps de la balis. De plus, la nageoire ventrale et celle de l'anus, que l'on voit de chaque côté du coi'ps, ne sont pas véritable- ment distinctes l'une de l'autre. On reconnoît au moins le plus souvent, en les étendant, qu'elles ne sont que deux parties d'une même nageoire, que la même mem- brane les revêt , et que la grandeur des rajons , plus longs communément dans la portion que Ton a nommée ventrale , peut seule faire connoître où commence une portion et où finit l'autre. On devroit donc, à la rigueur, ne pas suivre l'usage adopté par les naturalistes qui ont écrit sur les raies, et dire que la bâtis n'a pas de na- geoires de l'anus, mais deux longues nageoires ventrales qui environnent l'anus par leurs extrémités posté- rieures. 02 HISTOIRE NATURELLE Entre la queue, et ces nageoires ventrales et de l'anus» on voit dans les mâles des bâtis, et de chaque côté du corps, une fausse nageoire, ou plutôt un long appen- dice, dont nous devons particulièrement au professeur Bloch, de Berlin, de connoître l'organisation précise et le véritable usage *. Les nageoires ventrales et de l'anus, quoique beaucoup plus étroites et moins longues que les pectorales, sont cependant fijrmées de même de véritables rajons cartilagineux, composés, articulés, ramifiés, communément au nombre de six, et recou- verts par la peau qui revêt le reste du corps. Mais les appendices dont nous venons de parler ne contiennent aucun rayon. Ils renferment plusieurs petits os ou car- tilages ; chacun de ces appendices en présente onze dans son intérieur, disposés sur ])lusiein's rangs. D'abord quatre de ces parties cartilagineuses sont attachées à un grand cartilage transversal, dont les extrémités sou- tiennent les nageoires ventrales, et qui est analogue, par sa position et par ses usages, aux os nommés os du Zic/.v.s/« dans l'homme et dans les quadrujièdes. A la suite de ces quatre cartilages, on en voit deux autres dans l'intérieur de fappendicej et à ces deux en succèdent cinq autres de diverses formes. L'appendice contient d'ailleurs, dans son côté extérieur, un canal ouvert à son extrémité postérieure, ainsi que vers son extrémité antérieure, et (jui est destiné à transmettre une liqueur * Bloch , Histoire naturelle des poisso?is. DES POISSONS. 53 blanthe el gluante, filtrée par deux glandes que peuvent comprimer les muscles des nageoires de l'anus. L'ap- pendice peut être Héchi par l'action d'un muscle qui, en le courbant, le rend propre à faire l'oflice d'un crochet; et lorsque la balis veut cesser de s'en servir, il se réta- blit par une suite de l'élasticité des onze cartilages quil renferme. Lorsqu'il est dans son état naturel, la liqueur blanche et glutineuse s'échaj)pe \)ar l'ouverture antérieure : mais, lorsqu'il est courbé, cet orifice supé- rieur se trouve fermé par le muscle fléchisseur, et la liqueur gluante parcourt toute la cavité du Ccinal, sort j>ar le trou de l'extrémité postérieure, et, arrosant la partie ou le corps sur lequel s'attaclie le bout de cette espèce de crochet, prévient les inconvénicus d'une pres- sion trop forte. La position de ces deux ajijîendices que les mâles seuls présentent, leur forme, leur organisation inté- rieure, la liqueur qui suinte par le canal que chacun de ces a])pendices renferme , pourroient faire partager l'opinion que Linné a eue pendant (pulque temps, et l'on pourroit croire qu'ils composent les parties géni- tales du mâle. Mais, pour peu que l'on examine les parties intérieures de& bâtis , on verra qu'il est même superflu de réfuter ce sentiment. Ces appendices ne .sont ce[)endant pas inutiles à l'acte de la génération; ils servent au mâle à letenir s'> fi n:elic, et à se tenir pen- dant un tcm[)s plus ou mc/ins long assez près d'elle pour que la fécondation tics œufs puisse avoir lieu de 54 HISTOIRE NATURELLE îa manière que nous exposerons avant de terminer cet article. Entre les deux appendices que nous venons de dé- crire, ou, povir nous expliquer d'une manière applicable aux femelles aussi -bien qu'aux mâles, entre le* deux nageoires de l'anus, commence la queue, qui s'étend ordinairement jusqu'à une longueur égale à celle du corps et de la tête. Elle est d'ailleurs presque ronde, ti'ès-déliée, très-mobile, et terminée par une pointe qui paroît d'autant plus fine, que la bâtis n'a point de na- geoire caudale^ comme quelques autres raies, et n'en présente par conséquent aucune au bout de cette pointe. Mais vers la fin de la queue, et sur sa partie supérieure, on voit deux petites nageoires très-sépa- rées l'une de l'autre, et qui doivent être regardées comme deux véritables nageoires dorsales', quoiqu'elles ne soient pas situées au-dessus du corps proprement dit. La bâtis remue avec fiarce et avec vitesse cette queue longue, souple et menue, qui peut se fléchir et se con- tourner en difFérens sens. Elle l'agite comme une sorte de fouet, non seulement lorsqu'elle se défend contre ses ennemis, mais encore lorsqu'elle attaque sa proie. Elle s'en sert particulièrement lorsqu'en embuscade dans le fond de la mer, cachée presque entièrement dans le limon, et vojant passer autour d'elle les animaux Discours sur la nature des poissons. '■ Ibidem, BES POISSONS. 55' dont elle cherche à se iiournr, elle ne veut ni changer sa position, ni se débarrasser de la vase on des algues qui la couvrent, ni quitter sa retraite et se livrer à des mouvemens qui pourroient n'être pas assez prompts, sur-tout lorsqu'elle veut diriger ses armeij contre les poissons les plus agiles. Elle emploie alors sa queue; et la fléchissant avec promptitude, elle atteint sa victime et la frappe souvent à mort. Elle lui fait du moins des blessures d'autant plus dangereuses, que cette queue, mue par des muscles puissans, présente de chaque côté et auprès de, sa racine un piquant droit et fort, et que d'ailleurs elle est garnie dans sa partie supérieure d'une rangée d'aiguillons crochus. Chacun de ces aiguillons, qui sont assez grands, est attaché à une petite plaque cartilagineuse, arrondie, ordinairement concave du côté du crochet, et un peu convexe de l'autre, et qui, placée au-dessous delà peau, est maintenvie par ce tégument,, et retient l'aiguillon. Au reste, l'on voit autour des jeux plusieurs aiguillons de même forme, mais beaucoup plus petits. La })eau qui revêt et la tête, et le corps, et la queue, est forte, tenace, et enduite d'une humeur gluante qui en entretient la sovqolesse, et la rend plus propre îi résister sans altération aux attaques des ennemis des raies, et aux effets du fluide au milieu duquel vivent les bâtis. Ce suc vi.squeux est fourni par des canaux placés assez près des tégumens, et distribués sur chaque côté du corps et sur-tout de la tète. Ces cai^ux s'ouvrent 56 HISTOIRE NATURELLE h la surface par des trous plus ou moins sensibles, et l'on en peut trouvei' une description très-détaillée et très-bien faite dans le bel ouvrage du professeur Monro sur les poissons '. La couleur générale de la bâtis est, sur le côté su- périeur, (fun gris cendré, semé de taches noirâtres, sinueuses, irrégulières, les unes grandes, les autres petites, et toutes d'une (einteplus ou moins foible : le côté inférieur est blanc, et présente plusieurs rangées de points noirâtres. Les bâtis, ainsi que toutes les raies, ont en général leurs muscles beaucoup plus puissans que ceux des autres poissons ' ; c'est sur-tout dans la partie antérieure de leur corps que l'on peut observer cette supériorité de forces musculaires , et voilà pourquoi elles ont la faculté d'imprimer à leur museau différens mouvemeus, exécutés souvent avec beaucoup de promptitude. Mais non seulement le museau de la bâtis est plus mobile que celui de plusieurs poissons osseux ou carti- lagineux, il est encore le siège d'im sentiment assez délicat. Nous avons vu que, dans les poissons, un rameau ' p. 22, pi. 6 Cl 7. ' Voyez, dans le tome septième des Mémoires des saraiis étrangers , pré- sentés à l'académie des sciences de Paris , ceux de Vicq d'Azyr, qu'une mort prématurée a enlevé à l'anatomie et à l'histoire naturelle, pour la gloire et les progrès desquelles il avoit commencé d'élever un des plus vastes raonu- mensque l'esprit humain eût encore conçus, et à la mémoire duquel j'aime à rendre un homnwge public d'estime et de regrets. DES POISSONS. 57 de îa cinquième paire de nerfs étoit le véritable nerf acoustique. Une petite branche de ce rameau pénètre de chaque côté dans l'intérieur de la narine, et s'étend ensuite jusqu'à l'extrémité du museau *, qui» dès-lors, doué d'une plus grande sensibilité, et pouvant d'ailleurs par sa mobilité s'appliquer, ]ilus facilement que d'autres membres de la bâtis, à la surface des corps dont elle s'approche, doit être pour cet animal un des princi- paux sièges du sens du toucher. Aussi, lorsque les bafis veulent reconnoître les objets avec plus de certitude, et s'assurer de leur nature avec plus de précision , en approchent-elles leur museau, non seulement parce que sa partie iiîférieure contient l'organe de l'odorat, mais encore parce qu'il est l'un des principaux et peut- ■être le plus actif des organes du toucher. Cependant une considération d'une plus h;iutc iiu- portauce et d'une bien plus grande étendue dans ses conséquences se présente ici à notre réflexion. Ce toucher plus parfait dont la sensation est produite dans la bâtis par ime petite branche de la cinquième paire de nerfs, cinquième paire dont à la vérité un rameau est le nerf acoustique dés poissons , mais cnn dans l'homme et dans les quadrupèdes est destinée k s'épanouir dans le siège du goût, ne pourroit-il pas être regardé par ceux qui savent distinguer la véritable * Consultez l'ouvrage de Scarpa sur les sens des animaus, et particulicie- ment sur ceux des poissons. TOME I. 8 .58 HISTOIRE N À T U R E L L K iiadire des objets d'avec leurs accessoires accidentels, ne pourroit-il pas , dis-je, être considéré comme nne espèce de supplément au sens du goiit de la bâtis? Quoi qu'il en soit de cette conjecture , l'on peut voir évidemment que la partie antérieure de la tète de la bâtis, non seulement présente l'organe de louie, celui de l'odorat, et un des sièges principaux de celui du toucher, mais encore nous montre ces trois organes intimement liés par ces l'ameaux du nerf acoustique ^ qui parviennent jusques dans les narines, et vont en- suite être un siège de sensations délicates à l'extrémité du museau. Ne résulte-t-il pas de cette distribution du nerf acoustique, que non seulement les trois sens de l'ouie, de l'odorat, et du toucher, très-rapprocliés par une sorte de juxta-position dans la partie antérieure de la tète, peuvent être facilement ébranlés à la fois par la présence d'un objet extérieur dont ils doivent dès-lors donner à l'animal une sensation générale bien plus étendue, bien plus vive, et bien plus dis'incte, niais encore que, réunis par les rameaux de la cinquième paire qui vont de l'un à l'autre, et les enchaînent ainsi par des cordes sensibles, ils doivent recevoir souvent un mouvement indirect d'tm objet qui sans cette ctjm- munication nerveuse n'auroit agi que sur un ou deux des trois sens, et tenir de cette commotion intérieure la faculté de transmettre à la bâtis un sentiment plus fort, et niême de céder à des impressions exté- rieures dont l'effet auroit été nul sans cette espèce DES POISSONS. 59 d'agitation interne due au rameau du nerf acoustique? Maintenant, si l'on rappelle les réflexions profondes et philosophiques faites par Buffon dans fhistoire de l'élé- phant, au sujet de la réunion d'un odorat exquis, et d'un toucher délicat à l'extrémité de la trompe de ce grand animal, très-digue d'attention par la supériorité de son instinct; si l'on se souvient des raisons cpi'il a exposées pour établir un rapport nécessaire entre l'in- telligence de l'éléphant et la proximité de ses organes du toucher et de l'odorat , ne devra-t-on pas penser que la bâtis et les autres raies , qui présentent assez près l'un de l'autre non seulement les sièges de l'odorat et du tou- cher, mais encore celui de l'ouie, et dont un rameau de nerfs lie et réunit intimement tous ces organes, doivent avoir un instinct très-remarquable dans la classe des poissons? De plus, nous venons de voir que l'odorat de la bâtis, ainsi que des autres raies, étoit bien plus actif que celui de la plupart des habitans de la mer; nous savons, d'un autre coté *, que le sens le plus délicat des poissons, et celui qui doit influer avec le plus de force et de constance sur leurs afl'ections, ainsi que sur leurs habitudes, est celui de l'odorat; et nous devons conclure de cette dernière vérité , que le poisson dans lequel l'organe de l'odorat est le plus sensible doit, tout égal d'ailleurs , présenter le plus grand nombre de traits d'une sorte d'intelligence. En réunissant toutes ces vues, * Discours sur la nature des poissons. 6o HISTOIRE NATURELLE on croii'a donc devoir nth'ibuer à la bâtis, et aux autres raies conforinées de même, vme asocz grande supério- rité d'instinct; et en efFet , toutes les observations prouvent qu'elles l'emportent par les procédés de leur chasse, l'habileté dans la fuite, la finesse dans les em- buscades, la vivacité dans plusieurs affections, et inie sorte d'adresse dans d'autres habitudes , sur presque toutes les espèces connues de poissons et particulière- ment de poissons osseux. Mais continuons l'examen-des différentes portions du- corps de la bâtis. Les parties solides que l'on trouve dans l'intérieur du corps, et qui en forment comme la chnrp.ente , ne sont ni en très-grand nombre, ni très-diversifiées dans leur conformation. Elles consistent premièrement drns une suite de vertèbres cartilagineuses qui s'étend depuis le derrière de la tête juscju'à l'extrémité de la queue. Ces vertèbres- sont cylindriques, concaves à un bout, convexes à l'autre, emboîtées l'une dans l'autre, et cependant mo- biles, et d'ailleurs flexibles ainsi qu'élastiques par leur nature, de telle sorte qu'elles se prêtent avec facilité, sur-tout dans la queue, aux divers mouvemens (pie l'animal veut exécuter. Ge-s^vertèbres sont garnies d'émi- nences ou apophj&es supérieures et latérales , assez- serrées contre les apopliyses analogues des vertèbres- voisines. Comme c'est dans l'intérieur des bases des apophvses supérieures qu'est située la moelle épinièi'e. DES POISSONS. 6î elle est garantie de beaucoup de blessures dans des- éminences cartilagineuses ainsi pressées Tune contre l'autre ; et voilà une des causes qui rendent la vie de la bâtis plus indépendante d'un grand nombre d'accidens que celle de plusieurs autres espèces de poissons. On voit aussi un diaphragme cartilagineux, fort, et présentant quatre brandies courbées, deux vers la par- tie antérieure du corj)s , et deux vers la postérieure. De ces deux arcs ou demi-cercles, Tmi embrasse et défend line partie de la poitrine, l'autre enveloppe et main- tient une porticju chi ventre de la bâtis. On ciécouvre enfin dans l'intérieur du corps un carti- lage transversal assez gros, placé en deçà et très-près- de l'anus, et ([ui, servant à maintenir la cavité du bas ventre, ainsi qu'à retenir les nageoires ventrales, doii être , à cause de sa position et de s-es usages, comparé aux os du bassin de l'iiomme et des quadrupèdes. Ce- qui ajoute à cette analogie, c'est qu'on trouve de chaque côté , et à l'extréiuité de ce grand cartilage transversal , im cartilage assez long et assez gros, articulé par lui bout avec le premier, et par l'antre bout avec un troi- sième cartilage moins long et moins-gros que le second;. Ces second et troisième cartilages font ])artie de la nageoire ventrale, de cette nageoire que Ton regarde comme faisant i'olïice d'un des pieds du poisson. Atta- chés l'un au bout de l'autre, ils forment, dans cette disposition , le premier et le plus long des rajons de la nageoire : mais ils ne présentent pas la contexture 02 HISTOIRE NATURELLE que nous avons remarquée dans les vrais rajons carti- lagineux; ils ne se divisent pas en rameaux; ils ne sont pas composés de petits cylindres placés les uns au dessus des autres: ils sont de véritables cartilages; et ce qui me paroit très- digne d'attention dans ceux des poissons qui se rapprochent le plus des quadrupèdes ovipares, et particulièrement des tortues, on pourroit à la rigueur, et sur-tout en considérant la manière dont ils s'inclinent l'un sur l'autre, trouver d'assez grands rapports entre ces deux cartilages , et le fémur et le tibia de l'homme et des quadrupèdes vivipares. L'estomac est long, large et jilissé; le canal intestinal -court et arqué. Le foie, gros et divisé en trois lobes, fournit luie huile blanche et fine; il y a une sorte de pancréas et mie rate rougeâtre. Cette réunion d'une rate, d'un pancréas, et d'un foie huileux et volumineux, est une nouvelle preuve de l'existence de cette vertu très - dissolvante que nous avons reconnue dans les différens sucs digestifs des poissons; vertu très-active, utile à plusieurs de ces animaux pom- corriger les efiels de la brièveté du canal alimentaire , et nécessaire à tous pour compenser les suites de la température ordi- naire de leur sang , dont la chaleur naturelle est très- peu élevée. Le corps de la bâtis renferme trois cavités, que nous retrouverons en tout ou en partie dans un assez grand nombre de poissons, et que nous devons observer un moment avec quelque attention. L'une est située dans DES POISSONS. 63 la j)artie aulërieure du crâne, au devant du cerveau j la seconde est contenue dans ie péricarde j et la troisième occupe les deux côtés de labdoraen. Cette dernière cavité communique à rextcrieur par deux trous placé* l'un à droite et l'autre à gauche vers l'extrémité du rec- tum; et ces trous sont fermés par une espèce de valvule que l'animal fait jouer à volonté. On trouve ordinairement dans ces cavités, et parti- culièrement dans la troisième, une eau salée, mais qui renferme le plus souvent beaucoup moins de sel marin ou de muriate de soude , que l'eau de la mer n'en tient communément en dissolution. Cette eau salée , qui remplit la cavité de l'abdomen , peut être produite dans plusieurs circonstances par l'eau de la mer, cjui pénètre par les trous à valvides dont nous venons de parler, et qui se mêle dans la cavité avec une liqueur moins chargée de sel, filtrée par les organes et les vaisseaux que le ventre reiii'erme. Nous pouvons aussi considérer cette eau que l'on observe dans la cavité de l'abdo- men, ainsi que celle que présentent les cavités du crâne et du péricarde , comme de l'eau de mer, transmise au travers des enveloppes des organes et des vaisseaux voisins, ou de ia peau et des muscles de l'animal, et qui a perdu dans ce passage au milieu de ces sortes de cribles, et par une suite des affinités auxquelles elle peut avoir été soumise, une partie du sel qu'elle tenoifc en dissolution. Il est aisé de voir que cette eau,, à demi dessalée au moment où elle parvient à l'une des trois. '64 M ï s T O î R E NATURELLE icavilés, peut ensuite se répandre dans les vaisseaux et les organes qui l'avoisinent, en suintant, pour ainsi -dire , par les petits pores dont sont criblées les mem- branes qui composent ces organes et ces vaisseaux; mais voilà tovit ce que l'état actuel des observations faites sur les raies, et particulièrement siu- la bâtis, nous permet de conjecturer relativement à l'usage de ces -trois cavités de Fabclomen , du péricarde et du crâne, et de cette eau un peu salée qui imprègne presque tout l'intérieur des poissons marins dont nous nous occu- pons, de même que l'air pénètre dans presque toutes les parties des oiseaux dont l'atmosphère est le vrai séjour. Nous ne devons pas répéter ce que nous avons déjà dit sur la nature et la distribution des vaisseaux Ijmpha- tiques des poissons, et particulièrement des raies; mais .nous devons ajouter à l'exposition des parties princi- pales de la bâtis, que les ovaires sont cylindriques dans les femelles de cette espèce : les deux canaux par les- quels les œufs s'avancent vers l'anus à mesure qu'ils grossissent, sont le plus souvent jaunes; et leur diamètre est d'autant plus grand qu'il est plus voisin de l'ouver- ture commune par laquelle les deux canaux commu- niquent avec l'extrémité du rectum. Ces œufs ont une forme singulière très-différente de celle de presque tous les autres œufs connus , et parti- culièrement des œufs de presque tous les poissons osseux iju cartilagineux. Ils représentent des espèces de bourses DES POISSONS. 65 ou de poches composées d'une membrane forte et demi- transparente, quadrangulaires, presque carrées, assez semblables à un coiisaiii , ainsi que Font écrit Aristote et plusieurs autres auteurs ', un peu aplaties, et termi- nées dans chacun de leurs quatre coins par un petit appendice assez court que l'on pourroit comparer aux cordons de la bourse. Ces petits appendices un peu cylin- driques et très-déliés sont souvent recourbés l'un vers l'autre ; ceux d'un bout sont plus longs que ceux de l'autre bout; et la poche à laquelle ils sont attachés , a. communément six ou neuf centimètres (deux ou trois pouces ou environ) de largeur, sur une longueur à peu près égale. Il n'est pas surprenant que ceux qui n'ont observé que superficiellement des œufs d une forme aussi ex- traordinaire , qui ne les ont pas ouverts, et qui n'ont pas vu dans leur intérieur un fœtus de raie, n'aient pas regardé ces poches ou bourses comme des œufs de poissons, qu'ils les aient considérées comme des pro- ductions marines particulières, cj^u'ils aient cru même devoir les décrire comme une espèce d'animal. Et ce qui prouve que cette opinion assez naturelle a été pendant lt)ng-temps très -répandue, c'est que l'on a donné un nom particulier à ces œufs, et que plusieurs auteurs ont appelé une poche ou coque de raie mus tnaiinus , rai marin ". ' Rondelet, jiremière partie , //i . 12, f, 271. * Les Grecs modernes, les Turcs, et quelques autres Orieutaux, regardent, TOME I. 9 66 H J s T O î R E T.- A T U Fl E L L E Ces œufs ne sont pas en très-grand nombre dans le corps des femelles , et ils ne sV développent pas tous à la fois. Cênx qui sont placés le plus près de rouverdire- de l'ovaire, sont les premiers formés au point de pou- voir être fécondés; lorsqu'ils sont devenus, par cette espèce de maturité , assez pesans jx)ur gêner la mère et l'avertir, pour ainsi dire, que le temps de donner le jour h des petits approche, elle s'avance ordinaireîr.ent vers les rivages, et j cherche, ou des aiiaieiis particu- liers, ou des asyles })lus convenables, ou des eaux d'une temnérature plus anrdogue à son état. Alors le mâle la recherche, la saisit, la retourne jiourainsi dire, se place auprès d'elle c!e manière que leurs côtés inférieurs se correspondent, se colle en (iuekjue sorte à son corps, s'accroche à elle par le mojen des appendices particu- liers que noi:s avons décrits, la serre avec toutes ses nageoires ventrales et pectorales, la retient avec force pendant un temps plus ou moins long, réalise ainsi vn véritable accouplement; et se tenant placé de manière que son anus soit très-voisin de celui de sa femelle, il laisse échapper la liqueur séminale, (jui, pénétrant jus- qu'à l'ovaire de celle contre laquelle il se presse, j féconde les deux ou trois premiers œufs que rencontre dit on, la fumée qui s'élève d'œufs de batls et d'aulres raies Jele'es sur des charbons, et qui parvient, parle moyen de certaines précautions, dans la. bouche et dans le nez, comme un très-bon remède contre les fièvres inter» BiittenteSé DES POISSONS. 67 celte liqueur active, et (jui sout assez développés pour en recevoir rinllueuce. Cependant les c()(|ues fécondées achèvent de grossir; et les œufs moins avancés, i-ccevani aussi de nouveaux degrés d'accroissement, deviennent chacune jour plus propres à remplacer ceux qui vont éelore, et à être iécondés à leur tour. Lorsqu'enfin les fœtus renfermes dans les coques qui ont reçu du mâle le jorineipe de vie, sont parvenus au degré de force et de grandeur (pii leur est nécessaire pour sortir de leur enveloppe , ils la déchirent dans le ventre même de lein- mère, et parviennent à la lumière tout formés, connue les petits de plusieurs serpens et de plusieurs quadrupèdes rampans (|iii n'en sont pas moins ovipares *. D'autres œufs, devenus maintenant trop gros pour pouvoir demeurer dmis le fond des ovaires, sont, pour ainsi dire, chassés par un organe qu'ils compriment; et repoussés vers l'extrémité la plus large de ce même organe, ils y remplacent les coques qui viennent d'éclore et dont l'envelopjie déchirée est rejetée par l'anus à la suite de la jeune raie. Alors une seconde fécondation doit avoir lieu ; la femelle souffre de nouveau l'approche du mâle ; et toutes les opérations que nous venons d'exposer se succèdent jusques au moment oîi les ovaires sont entièrement débarrassés de bourses ou * Voyez V Histoire natitrellc des serpens et celle des qtiadrupt-des oiiparcs. 68 HISTOIRE ^• A T U R E L I: E de coques trop gi'osses pour la capacité de ses organes. L'on a écrit cpie cet accouplement du mâle et de la femelle se répétoit presque tous les mois pendant la belle saison; ce qui su])poseroit peut-être que près de trente jours s'écoulent entre le moment où l'œuf est fécondé et celui où il éclot, et c|ue par conséquent il j a, dans l'espèce de la bâtis, une sorte d'incubatioiv intérieure de près de trente jours. Au reste, dans tous ces accouplemens successifs, le hasard seul ramène le même niâle auprès de la même femelle; et si les raies et cpielques autres poissons nous montrent au milieu des eaux l'image d'une sensibilité asvSez active, que nous offrent également au sein des flots les divers cétacées, les phoques, les lamantins, les oiseaux acjuatiques, plusieurs quadrupèdes ovipares, et particulièrement les tortues marines, avec lesquelles l'on doit s'appercevoir fréquemment (jue les raies ont d'assez grands rapports, nous ne verrons au milieu de la classe des poissons, quelque nombreuse qu'elle soit, presque aucune apparence de préiérence marcpiée , d'attachement de choix, d'affection pour ainsi dire désintéressée, et de constauce même d'une st'ison. il arrive quekj^uefbis que les œuis non fécondés gros- sissent trop promptement pour pou v(3ir demeurer aussi long-temps qu'à fordinaire dans la porticni antérieure des ovaires. Poussés alors contre les cckjucs déjà iecou- dées, ils les pressent, et accélèrent leur sortie; et lorsque leur acfion est secondée par d'autres causes, il arrive DES POISSONS. 69 (]ue la bâtis mère esfc obligée de se débarrasser des œufs qui ont reçu la liqueur vivifiante du maie, avant que les fœtus en soient sortis. D'autres circonstances .iaalogues peuvent produire des accidens semblables; et alors les jcujies raies éclosent comme presque tous les autres poissons, c'est-à-dire hors du ventre de la femelle: les coques, dont elles doivent se dégager, peuvent même être pondues plusieui's Jours avant que le fœtus ait assez de force pou.r déchirer l'enveloppe qui le renferme; et, pendant ce temps plus ou moins long, il se nourrit, comme s'il étoit encore dans le ventre dé sa mère , de la substance alimentaire conte- nue dans son œuf, dont FtiiKH-ieur présente un jaune et un blanc très-distincts l'un de l'autre. L'on n"a pas assez observe les raies biitis pour savoir dans quelle proportion elles croissent, rehiiivement à la (]urée de leur développement, ni peiidimt combien, de temps elles continuent de grandir : mais il est bien prouvé par les relations d'un très-grand nombre (io voyageurs dignes de foi, qu'elles parviennent à une grandeur assez considérable pour pe&er plus de div mjriagranimes (deux cents livres, ou environ] *, et pour * On peut voir dans Labat et clans d'autres voyageurs ce qu'ils disent de raies de quatre nièlres (environ douze pieds) de longueur; mais des observa- tions rc^centes et assez niuitipii^es attribuent aux bâtis une lon.t >/riii.7ii,' /il//-: /.1//II/):. .■)!,■/.' .7 A*. //A" /.ynini,- /?/riè/e HISTOIRE N A T U R E L f. E. 70 caractères, et particulièrement par les aiguilioiiJj que l'on voit former un rang, non seulement sur la queue, comme ceux que présente la bâtis, mais encore sur le dos. Elle a le devant de la tète terminé par une pointe assez aiguë pour mériter le nom iS'oxyiiiujue ou hcc pointu, qu'on lui donne depuis long-teraps. Auprès de chaque œil, on apperçoit trois grands aiguillons; le dos en montre quelquefois deux très-forts; et Ton en dis- tingue aussi \\\\ assez grand nombre de petits et de foibles répandus sur toute la surface supérieure du corps. Quelquefois la (pieue du mâle est armée non sevdement d'une, mais de trois rangées d'aiguillons. L'on voit assez souvent d'ailleurs les piquans qui garnissent la queue du mâle ou celle de la femelle, plus longs et plus gros les uns que les autres, et placés de manière qu'il s'en présente alternativement un plus grand et un moins grand. Au reste, nous croyons devoir prévenir ici que plusieurs aviteurs ont jeté de la confusion dans rJiistoire des raies, et les ont supposées divisées eu plus d'espèces cpi 'elles n'en forment réellement, pour avoir regardé la disposition , le nombre , la place , la figure et la grandeur des aiguillons, comme des carac- tères toujours constans et toujours distiuctifs des es- pèces. Nous nous sommes assurés, en examinant une assez grande cpiantité de raies d'âge, de sexe et de jîajs différcns, qu'il n'j a que certaines distributions et certaines formes piquans qui ne varient ni suivant le climat, ni suivant le sexe, ni suivant l'âge des individus, TOME I. 10 74 HISTOIRE NATURELLE. et qu'il ne faut s'en servir pour distinguer les espèces qu'après un long examen, et une comparaison attentive de ce trait de conformation avec les autres caractères de l'animal. Le dessous du corps de l'oxyriuque est blanc, et le dessus est le plus souvent d'un gris cendré, mêlé de rougeâtre, et parsemé de taches blanches, de points' noirs, et de petites taches foncées, qui, semblables à des lentilles, l'ont fait nommer Icntillade dans quelques, luis de nos départemens méridionaux. On a vu des oxjrinques de ài^\\\ mètres et trois déci- mètres (environ sept pieds j de long, sur un peu plus t^\\\\ nièire et six décimètres (cinq pieds, ou à peu près) de large. La chair de l'espèce que nous décrivons est aussi bonne à manger que celle de la bâtis. mtÈ^mtmmtÈOam LA RAIE MIRALET Cette raie, que l'on trouve dans la Méditerranée, pré- sente un assez grand nombre d'aiguillons; mais ils sont disposés d\ine manière diflerente que ceux que l'on ob- serve sur la bâtis et l'oxjrinque. Premièrement de petits aiguillons sont disséminés au dessus et souvent au des- sous du museau. Secondement on en voit de })lus grands autour des jeux, et la queue en montre trois longues rangées. Quelquefois on en compte deux grands, et isolé-s * Mirallet, sur quelques côtes fraiiçoises de la Méditerranée. Bairacol, sur quelques bords de Li mer adricitique , et ■particuliiremeiH f» Venise, Arzilla, à Rome. ^'ivAiWet ^ Daubeiiion, Encyclopédie métlwdiquc. Raja iniraletiis, Linné, édit. de Gnielin. Miraillet, Bonnaterre^ planches de l'Encyclopédie méthodique. Raja dorso ventreque glabris, aculeis ad oculos, ternoque eorum ordine iii cauda. Mus.adolp.fr. 2, p. 5o, Id. Jrtedi, gen. 71 , spec, lOi. Gronov. Zoophyt. l55. Dasybatus in utroque dorsl latere macula magnâ oculi simili, etc. Klein , Ttiiss. pisc. 3, p. 35, 7.'. 2. Raja stellaris, Sahian, Aqiialil. pcig. i5o. Raja oculata, Jonslon, pisc. lah. lo^flg. 4. JFillughby, Tuhth. 72. Raja levis oculata, B-aj. pisc. p. 27. Raieoculée, raie miraillet, Rondelet, première partie, liv, 12 , clmv. S. Raie lisse à miroir, ou miraillet, Valmont de Bomare, Dictionnaire d'Itir.- ioire naturelle. 76 H 1 s T' O 1 R E NATURELLE siu^ la partie antérieure (le la ligne (lu dos, et assez près des jeux; eC (juelquelois aussi les âeux rangées exté- rieures que l'on reaiarquc sur la queue , ne s'étendent pas , eouinie le rang du nulieu , jusqu'à lextrémité de cette partie. Chacune de ces rangées latérales est aussi, sur (|ue]ques individus, séparée du rang intérieur par une suite longitudinale de pi(|uans plus courts et })!us foibles; ce (j[ui produit sur la (pieue ein(| rangées dai- guillons grands ou ]ietits, au lieu de trois rangées. Au reste , no}i seulement l'on voit sur cette même partie les deux nageoire&auxquelles noutj avons conservé le nom de dorsales ; mais encore son extrémité , au lieu de finir en pointe comme la queue de la bâtis, est terminée par une troisième nageoire. Le dessus du corps du rairalet est d'un brun ou d'un gris rougeâtre, parsemé de taches, dont les nuances paroissent varier suivant l'âge , le sexe , ou les saisons j et l'on voit d'ailleurs sur chacune des nageoires pecto- J^ales une grande tache arrondie , ordinairement cou- leur âe pourpre, renfermée dans un cercle d'une cou- leur plus ou moins foncée, et (jui, comparée par les ims à un miroir, a- fait donner à l'animal, dans plu- sieurs de nos départemens méridionaux, le nom àç peiiî^ miroir, miralel , ou miraiîlct , çt, paroissant à d'autres observateurs plus semblable à un d'il, à un iris avec sa prunelle, a fait a]^pîi(|uer à la raie dont nous trai- tons, l'épithète iXociilte (ocellata). i|xlai.s si la nature a donné aux miralets cette sorte de DES POISSONS. 77 parure, elle Jie paroît pas leur avoir départi la gran- deur. On u'en trouve comniunément que d assez petits; et d'ailleurs leur chair ne fournit pas un aliment aussi saiii ni aussi agréyble que celle de la bâtis ou celle de roxjrinqu€. LA RAIE CHARDON*. Le nom de chardon que porte cette raie, indique le grand nombre de petits piquans dont toute la partie supérieure de son corps est hérissée; et comme ces aiguillons ont beaucoup de rapports avec les dents de fer des peignes dont on se sert pour fouler les étofles, on l'a aussi nommée raie à foulon (rajaj'iillnnica). Elle a d'ailleurs une rangée d'assez grands aiguillons auprès des jeux, et au moins deux rangées de piquans sur la cj^ueue. La couleur du dessus de son corps est d'un blanc jaunâtre , avec des taches noires ou d'une nuance très-foncée, et celle du dessous du corps est d'un blanc éclatant, qui, réuni avec la nuance blanchâtre du dos, lui a fait donner le nom de cheval blanc (uhite horse ) dans quelques endroits de l'Angleterre. On la pèche dans presque toutes les mers de l'Europe. * Raie chardon , Daubciiton, encyclopédie méthodique. Rajafiillonica, Linné, édition de Gmelin. Raie chardon , Bonnaterre, Encyclo]Tédie mélhodique. Raja dorso toto acuieato, aculeorum ordine sinipllci ad oculos, diiplici iu cauda. Artedi,gen. 72, syn. loi. Raja fullonica , Gesner, Aqiiat, 797. Raie à foulon, raja fullonica, Rondelet, -première partie, liv. 12, ch:ip, 16. Raja aspera nostras, tlie ^\•hite horse dicta, IVillughby^ p. 72. Ray, p. 27. Raie à foulon, raja fullonica, Valnwnt-Bomare , Dict, d'histoire naturel! f. /\UJl / y/ .' /v/./ ^?^iiPSèa\., 'li-- ,,, tt v; / J y R.l/K . Hom<- m.;/.- 2 H. /IF. Il'iu;- ,„:,/.■ :<.'!.! IF. . /'uuire /^mè/r LA RAIE RONCE*. Ce poisson est bien nommé j de toutes les raies com- prises dans le sous-genre (jui nous occupe , la ronce est en effet celle qui est armée des piquans les plus forts, et qui en présente le plus grand nombre. Indépen- damment d'une rangée de gros aiguillons, que Ton a comparés à des clovis de fer, et qui s'étendent sur le dos ; indépendamment encore de trois rangées sem- blables qui régnent le long de la queue, et qui, réunies avec la rangée dorsale, forment le caractère distinctif de cette espèce, on voit ordinairement deux piquans- auprès des narines : on en compte six autour des jeux , * Raja lubus, Linné, édition de Gmelin. Rajaoïcline aciileorum in floisounico,tribusquein cauda, Blochj Hisioire naiiirclle des pnissnns^ 3, /)/. 83 et 8.^. Dasybatus elevatus, spinis clavis ferreis similibus; tlasybatus clavatns rosfi-o aciito; dasybatus rostio aciuissimo , etc. Klein, miss. pisc. o, p. 36 ?i. 6, 7 et 8. Baie ronce, Boiinaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Baja propriè dicta, Bellon, Aquat. p. 79. Haie cardaiie, Kondelet, première partie , lii'. 12, chap. 14. Cerner, Aquat. p. 795 — 797. Je. an. p. i35— 187. Thierb. pag, 71, 72, Aldrov, pisc. p. 459 — 462. TVillughby, Ichth. p. 74— 7S, tab. d, ^,fg. i, 3 et 4. Ruj. pisc. p. 1.6, n. Zt-S. Jnnslon , pisc. tab. 10 ., fig. 3, 9; tab. Il,y?.<;. 2, 5. Boiigh ray, Penuuut, Brit. Zool. 3, p. 66, n. 3. Baie cardaiie, raja spinosn, Vulmont-Bomare, Dlct, d'histoire naturelle,- 8o HISTOIRE NATURELLE. quatre sur la partie supérieure du corps, plusieurs rangs de moins forts sur les nageoires pectorales, dix très-longs sur le côté inférieur de l'animal; tout le reste de la surface de cette raie est hérissé d'une quantité iianombrable de petites pointes; et, comme la plante dont elle port^ le nom, elle n'offre aucune partie que l'on puisse toucher sans les plus grandes précautions. Mieux armée que presque toutes les autres raies , elle attacjue avec .plus de succès, et se défend avec plus d'avantage : mais d'ailleurs ses habitudes sont sem- blables à celles que nous avons exposées en traitant de la bâtis; et on la trouve de même dans presque toutes les mers de l'Europe. Le dessus de son corps est jaunâtre, tacheté de brun; le dessous blanc ; Firis de ses jeux noir; la prunelle bleuâtre. On compte de chaque côté trois rajons dans la nageoire appelée ventrale, six dans celle à laquelle le nom d'anale a ét^ donné; et cVst dans cette espèce particulièrement, que l'on voit avec de très -grandes dimensions ces appendices ou crochets que nous avons décrits eu traitant de la bâtis, et que présentent les mâles de toutes les espèces de raies. i LA RAIE CHAGRINÉE Le corps de ce poisson est moins large, à proportion de sa longueur, que celui de la plupart des autres raies. Son museau est long, pointu, et garni de deux rangs d'aiguillons. On voit quekjues autres picjuans placés eu demi-cercle auprès des jeux, dont l'iris a la couleur du saphir. Les deux côtés de la queue sont armés d'une rangée d'aiguillons ou d'épines, entre- mêlés d'un grand nombre de petites pointes. Le dessous du corps est blanc; et le dessus, qui est d'un brun cen- dré, présente, sur-tout dans sa partie antérieure, des tubercules semblables à ceux qui revêtent la peau de plusieurs squalles, particulièrement celle du requin, et qui font donner à ce tégument le nom àe peau de chagrin. * Pennant , Zoologie britannique, tome III , page 84, n. 84. Raie chagrinée, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie ine'ihodique. TOME T. 11 LA RAIE TORPILLE La forme, les habitudes et une propriété remarquable de ce poisson, l'ont rendu depuis long-temps l'objet de l'attention des physiciens. Le vulgaire l'a admiré, * TiOLipille, à Marseille. DormlUiouse, ibid. Poule de mer, da/is jilusieiirs départemeiis méridionaux^ Tremoise, à Bordeaux. Icara, ^ur les côtes voisines de SaiiU-Jean-de-Luz. Tremoiise, à Gênes. Batte potta, ibid. Ochiatella, à Rome. Oculatella, ibid. Cramp-fisli, en Angleterre. Raie torpille, Daubenton, Encyclopédie mélhodique^ Baja torpédo, Linnéj édition de Gmelin, jBloch, pi. 123. Baie torpille, Bonnaterre , planches de V Encyclopédie méthodique > Raja tota lœvis, Arted. gen. '/3, syu. loz. J\dus. adol. fr. 2, p. 5o_, *. Gjonov.Zooph. 1.53, lab. C).,fig. 3. Arist. l. 2, c. i3, t5 j /. 5, r. 5, 11 j /. 6, c, 10, 11 ; /, g, c, 87. . M.lian. l. i, c. 36 ; /. 5, c. 87; /. g, c. 14. Oppian. l. J,p. 5; l. 2, p. 32. Athen. l. 7, pag. 814. ^ Marco?, Ciib. l. 3, c. (32, fol. 85. Torpédo, Plin. l. g, f.'i6, 24, 42^ 5l^ et l. 82, c.lli. P. Jnv, c. 28, p. 100, Torpille, Rondelet, p. i, lit'. ï2, cliap, 18» Occhiatella, 5«/)-7«/;,_/". 142, 148. //v. /'/ ù' . Rn/ ■ S-l. 'i-L'i iJAuu (L^ lxujxû.t; / . n.UK /oj'M- .2. RME . ./i.//r . .}. A'. W: . /Uunohu/<' HISTOIRE NATURELLE. 83 redouté, métamorphosé dans un animal doué d'un pouvoir pres(jue surnaturel; et la réputation de ses qualités vraies ou fausses s'est tellement répandue, même parmi les classes les moins instruites des ditié- rentes nations, que son nom est devenu populaire, et la nature de sa force , le sujet de plusieurs adages. La tête de la torpille est beaucoup moins distinguée du Jonstou. lib. I, ///. I, Ci(/>. 3, n. 3, jnincl. I, lab. ()if:^- 3, 4. CluirLet. p. 12g. Matthiol. in Diosc. l. 2, c. i5,/>. 288, Balk. mus. princ. parag. 38. Alits. berler. p. Sy, tiib. 26. Bi'as. Anal, aniin. p. 3o5. Redi, Exper. p. 53. Kœmpfer, Amœiiit. exot. p. Sog, lab. 5io. Mus. richler. p. 368. J, Scnrtia iiat. et inct. Nili^ l.i,c. 7, p. 48. Narcocion demptâ caudâ circularis, Klein, miss. pisc. 3,,". 3r, rt. r, Torpecio niaculis pentagonicè positis nigris, ShaWj Trav, app.p. 5i, n. 3fi. Torpédo, Rajr. Toipetlo, TT^iUughby, p. 8r. Toipedo oculata pi-iiua, (orpcdo rnaculosa, et torpédo maculosa supina, Gesner ( germ.'i fol. ']^b, et 76 a. Torpédo Salviani maculosa, Aldrovand. lib. 3, cap. 45, pag. 417. Toipedo orulata, Bel'oii, Torpédo, torpigo, stupescor, Lemery , Dict. des drogues simples, p. 887. Cramp-ray, PeiuniiUj Brii. Zoolog. tom. 3, /). 67. Torpille, torpède, tremble, Duhimel, Traité des pêches, seconde partie , neui'ième sec ion, chap. 3, pag. 286, /)/, l3. Raja torpédo. Tota Isevis. Briiuu. jiisc. iiuiss. p. i. BarthoL Acia hafn. 5, obs. 97. Réaumur , Mémoires de l'académie des sciences de Paris, 1714. Riiigle, Disc, on llie torpcdo, Lond, 1774. 84 HISTOIRE NATURELLE corps proprement dit, et des nageoires pectorales, que celle de presque toutes les autres raies; et l'ensemble de son corps, si on en retranchoit la queue, ressemble- roit assez bien à un cercle, ou, pour mieux dire, à un ovale dont on auroit supprimé un segment vers le mi- lieu du bord antérieur. L'ouverture supérieure de ses évents est ordinairement entourée d'une membrane plissée , C|ui fait paroître cet orifice comme dentelé. Autour de la partie supérieure de son corps et auprès de l'épine dorsale, on voit une assez grande quantité de petits trous d'où suinte une licjueur muqueuse , plus ou moiui» abondante dans tous les poissons, et qui ne sont (jue les ouvertures des canaux ou vaisseaux particidiers destinés à transmettre ce suc visqueux aux diiïérentes portions de la surface de l'animal. Deux na- geoires nommées dorsales sont placées sur la queue; et l'exlrémité de cette partie est garnie d'une nageoire et divisée, pour ainsi dire, par cette même extrémité, en deux }<;bes, dont le supérieur est le plus grand. La torpille est blanche par dessous; m;:is la couleur de son côté supérieur varie suivant fâge, le sexe et le climrt. Quelquefois cette couleur est d'un brun cendré, et quelquefois elle est rougeâtre; quelques individus présentent une seule nuance, et d'autres ont un très- grand nombre de taches. Le plus souvent on en voit sur le dos cinq très grandes, rondes, disposées comme aux cinq angles d'un pentagone, ordinairement d'un bîeu foncé, entourées tantôt d'un cercle noir , tantôt DES POISSONS. 85 d'un cercle blanc, tiintôt de ces deux cercles placés l'un dans l'autre, ou ne montrant aucun cercle coloré. Ces grandes taches ont assez de rapports avec celles que l'on observe sur le miralet : on les a comparées à des yeux; elles ont fait donner à l'animal l'épithète d'a///c'; et c'est leur absence, ou des variations danS' leurs nuai\ces et dans la disposition de leurs couleurs, qui ont fait penser à quelques natiiralistes que Ion devoit compter quatre espèces différentes de torpille, ou du moins quatre races constantes dans cette espèce de raie *. L'odorst de la torpille semble être beaucoup moins • parfait que celui de la ])lupart des raies, et de ]>lusieurs- autres poissons cartilagineux ; aussi sa sensibilité paroît- elle beaucoup moindre : elle nage avec moins de vitesse^ elle s'agite avec moins d'impétuosité; elle fuit pluS' difficilement; elle poursuit plus foiblement; elle com- bat avec moins d'ardeur; et avertiede bien moins loin- de la présence de sa proie ou de celle de son ennemi, on diroit qu'elle est bien plus exposée à être prise parles- pêcheurs , ou à succomber à la faim , ou à périr sous la dent meurtrière de tiès-gros poissons. Elle ne parvient pas non plus à une grandeur aussi considérable que la bâtis et quelques autres raies; ou n'eu trouve que très -rarement et qu'un bien petit nombre d'un poids supérieur à vingt-cinq kilogrammes * Voyez l'ouvî'nge de Rondelet, à Vcndroii déi.i cité, 86 HISTOIRE NATURELLE (cinquanle livres, ou environ) *; et ses muscles pa- roisscut bien moins forts à proportion que ceux de la bâtis. Ses dents sont très-courtes; la surface de son corps ne présente aucun piquant ni niguillon. Petite, fbible, indolente, sans armes, elle seroit donc livrée sans dé- fense aux voraces habitans des mers dont elle peuple les profondeurs, ou dont elle habite les bords : mais, indépendamment du soin qu'elle a de se tenir presque toujours cachée sous le sable ou sous la vase, soit lorsque la belle saison l'attire vers les côtes, soit lorsque le froid l'éloigné des rivages et la repousse dans les abjraes delà haute mer, elle a reçu de la nature une faculté par- ticulière bien supérieure à la force des dents, des dards, et des autres armes dont elle aurait pu être pourvue; elle possède la puissance remarquable et redoutable de lancer, pour ainsi dire, la foudre; elle accumule dans son corps et en fait jaillir le fluide électrique avec la rapidité de Féclair; elle imprime une commotion sou- daine et paralysante avi bras le plus robuste qui s'avance pour la saisir, à l'animal le plus terrible qui veut la dévorer; elle engourdit pour des instans assez longs les poissons les plus agiles dont elle cherche à se nour- * M. Walsh, membre du parlement d'Angleterre, et de la société de Londres, prit, dans la baie de Tor, une torpille qui avoit quatre pieds de long, deux pieds et demi de large, et quatre ponces et demi dans sa plus grande épaisseur; elle pcsoit cinquante-trois livres. (Of torpédos found on tlie coast of England^ p. ^.J DES POISSONS. 87 rir; elle frappe quelquefois ces coups invisibles à une distance assez grande; et par cette action prompte, et qu'elle peut souvent renouveler, annullant les mouve- mens de ceux qui l'attaquent et de ceux qui se défen- dent contre ses efforts , on croiroit la voir réaliser au fond des eaux une partie de ces prodiges que la poésie et la fable ont attribués aux fameuses enchanteresses dont elles avoient placé l'empire au milieu des flots, ou près des rivages. Mais quel est clone dans la torpille l'organe dans lequel réside cette électricité particulière? et comment s'exerce ce pouvoir que nous n'avons encore vu départi à aucun des animaux que Ton trouve sur l'échelle des êtres, lorsqu'on en descend les degrés depuis riiomine jusqvies au genre âcs raies? De chaque côté du crâne et des branchies , est un organe particulier qtii s'étend communément depuis le bout du museau jusques à ce cartilage demi-circu- laire qui fait partie du diaphragme, et qui sépare la cavité de la poitrine, de celle de l'abdomen. Cet organe aboutit d'ailleurs, par son côté extérieur, presque à l'ori- gine de la nageoire pectorale. Il occupe donc un espace d'autant plus grand relativement au volume de l'ani- mal , qu'il remplit tout f intérieur compris entre la peau de la partie supérieure de la torpille, et celle de la partie inférieure. On doit voir aisément que la plus grande épaisseur de chacun des deux organes est dans le bord qui est tourné vers le centre et vers. 88 HISTOIRE NATURELLE -la ligne dorsale du poisson, et qui suit dans son con- tour toutes les sinuosités de la tète et des branchies, contre lesquelles il s'applique. Chaque organe est atta- ché aux parties qui l'environnent, par une lïiembrane cellulaire dont le tissu est serré , et par des fibres ten- dineuses, courtes, fortes et droites, qui vont depuis le bord extérieur jusqu'au cartilage demi-circulaire du diaphragme. Sous la peau qui revêt la partie supérieure de chaque organe électrique, on voit une espèce de bande éten- due sur tout l'organe, composée de fibres prolongées dans le sens de la longueur du corps, et qui, excepté ses bords, se confond, dans ]ires(jue txjule sa surface supérieure, avec le tissu cellulaire de la peau. Immédiatement au dessous de cette bande, on en découvre une«econde de même nature que la première, et dont le bord intérieur se mêle avec celui de la bande supérieure, mais dont les fibres sont situées dans le sens de la largeur de la torpille. Cette baHfle inférievire se continue dans l'organe proprement dit, par un très-grand nombre de prolon- gemens membraneux qui y forment des prismes verti- caux à plusieurs pans, ou, povir mieux dire, des tubes creux, perpendiculaires à la surface du jioisson, et dont la hauteur varie et diminue à mesure qu'ils s'éloignent du centre de l'animal ou de la ligne dorsale. Ordinai- rement la hauteur des plus longs tujaux égale six vingtièmes de la longueur totale de l'oi'gane; celle des DES POISSONS. 89 plus petits en égale un vingtième; et leur diamètre, presque le même dans tou6, est aussi d'un vingtième, ou à peu près. Les formes des drfférens tujaux ne sont pas tontes semblables. Les uns sont hexagones , d autres penta- gones, et d'autres carrés; quehpies uns sont réguliers, mais le plus grand nombre est d'une figure irrégulière. Les prolongations membraneuses qui composent les pans de ces prismes, sont très-délices, assez transpa- rentes, étroitement unies l'une à l'autre par vm réseau lâche de fibres tendineuses qui passent obli(|uenient et transversalement entre les tujaux; et ces tubes sont d'ailleurs attachés ensemble par des fibres fortes et non élastiques, cpii vont directement d'ini prisme à l'autre. On a compté, dans chacun des férent des engourdissemens ordinaires , a écrit ce >; savant naturaliste ; on ressent dans toute l'étendue du « bras une espèce ^élonncincnt cju'il n'est pas possible »> de bien peindre, mais lequel (autant que les senti- « mens peuvent se faire connoitre par comparaison) a » quelque rapport avec la sensation douloureuse que » l'on é])rouve dans le bras lorsqu'on s'est frappé rudc- ■' ment le coude contre quelque corps dur'. » Redi , en continuant de rendre compte de ses expc- ' Expérimenta circa res diversas naturelles. ~ Mcinoires de l'itcadémie des sciences, an. 1714. 92 11 1 s 1 O I R E NATURELLE riencessurla raie dont nous écrivons J'histoire, ajoute:- « La même impression se renouvelait toutes les fois que- M je m obstinois à toucher de nouveau la torpille. Il est " vrai que la douleur et le tremblement diminuèrent >' à mesure que la mort de la torpille approchoit. Sou- » vent même je n'éprouvois plus aucune sensation « semblable aux premières; et lorsque la torpille fut « décidément morte, ce qui arriva dans l'espace de trois » heures, je pouvois la manier en sûreté, et sans ressen- 5> tir aucune impression fâcheuse. D'après cette obser- =' vation, je ne suis pas surpris qu'il j ait des gens qui « révoquent cet effet en doute, et regardent l'expérience M de la torpille comme fabuleuse, apparemment parce ^> qu'ils ne l'ont jamais faite que sur une torpille morte « ou près de mourir. » Mais ce n'est pas seulement lorsque la torpille est très-affoiblie et près d'expirer, qu'elle ne fait plus ressentir de commotion électrique; il arrive assez sou- vent qu'elle ne donne aucun signe de sa puissance invisible, quoiqu'elle jouisse de toute la plénitude de ses forces. Je l'ai éprouvé à la Rochelle, en 1777, avec trois ou quatre raies de cette espèce, qui n'avoient été pêchées que depuis très-peu de temps, qui étoieiit pleines de vie dans de grands baquets remplis d'eau, et qui ue me firent ressentir aucun coup que près de deux heures après que j'eus commencé de les toucher et de les manier en différens sens. Réaumur rapporte même, dans les Mémoires que je viens de citer, cpj'il DES P O I S S O IS S. 9-3 toucha impunément et à plusieurs reprises des torpille» qui étoient encore dans la mer, et qu'elles ne lui firent éprouver leur vertu engourdissante que lorsqu'elles furent fatiguées en (juel(|ue sorte de ses attouchemens réitérés. Mais revenons à, la narration de Redi, et à l'ex- position des premiers phénomènes relatifs à la torpille, et bien observés par les physiciens modernes. «Quant à l'opinion de ceux qui jirétendent que la >> vcitu de la torpille agit de loin, a écrit encore Redi, a- je ne puis prononcer ni pour ni contre avec la même 3> confiance- Tous les pécheurs afllrment constamment « que cette vertu se comnnmique du corps de la torpille " à la main et au bras de celui qui la pèche , par l'in- « termède de la corde du filet, et du bâton auquel il y> est suspendu. L'un d'eux m'assura même qu'ajant mis « une torpille dans un grand vase, el étant sur le point « de remplir ce vase avec de l'eau de mer qu'il avoit « mise dans un second bassin, il s'étoit senti les mains " engourdies, quoique lêgèrenient. Quoi qu'il en soit, M je n'oserois nier le fait; je suis même porté à le croire. « Tout ce c|ue je puis assurer, c'est qu'en approchant 2i la main de la torjiille sans la toucher, ou en plon- « géant mes mains dans Veau où elle étoit, je n'ai res- » senti aucune impression. Il peut se faire ciue la tor- ;:i pille, lorsqu'elle est encore pleine de vigueur dans la M mer, et que sa vertu n'a éprouvé aucune dissipation, » produise tous les effets rapportés par les j^êcheurs. -^ Redi o]>serva, de plus, que la vertu de la torpille n'est 94 HISTOIRE NATURELLE jamais plus aclive que lorsque cet animal est serré forfcment avec la main, et qu'il fait de grands efforts pour s'échapper. Indépendamment des phénomènes que nous venons d'exposer, il remarqua les deux organes particuliers situés auprès du crâne et des branchies, et ([ue nous venons de décrire; et il conjectura que ces organes dévoient être le siège de la puissance de la torpille. Mais lorsqu'il voulut remonter à la cause de l'engour- dissement produit par cette raie, il ne trouva pas dans les connoissances physiques de sou siècle les secours nécessaires pour la découvrir; et se conforinant, ainsi que Perrault et d'autres savans , à la manière dont on expliquoit de son temps presque tous les phénomènes, il eut recours à une infinité de corpuscules cpii sortent continuellement, selon lui, du corps de la torpille, sont cependant plus abondans dans certaines circonstances que dans d'autres, et engourdissent les membres dans lesquels ils s'insinuent, soit parce qu'ils s'j précipitent en trop grande quantité, soit parce qu'ils j trouvent des routes peu assorties à leurs figures. Quelque inadmissible que soit cette liypothèse , on verra aisément, pour peu que l'on soit familier avec les théories électriques, qu'elle n'est pas aussi éloignée de la vérité que celle de Borelli, qui eut recours à une explication plus mécanique. Ce dernier auteur distinguoit deux états dans la tor- pille, l'un où elle est tranquille, l'autre où elle s'agite DES POISSONS. gb pra- un violent tremblement; et il attribue la commo- tion que l'on éprouve en touchant le poisson, aux per- cussions réitérées que cette raie exerce , à l'aide de son agitation, sur les tendons et les ligamens des articu- lations. Réaumur vint ensuite; mais ayant observé la torpille avec beaucoup d'attention, et ne l'ayant jamais vue agitée du mouvement dont parle Borelli, même dans l'instant où elle alloit déployer sa puissance, il adopta une opinion différente, quoique rapprochée , à beau- coup d'égards , de celle de ce dernier savant. « La torpille, dit-il, n'est pas absolument plate ; sou « dos, ou plutôt tout le dessus de son corps, est un peu » convexe. Je remarquai que, pendant qu'elle ne pro- >* duisoit ou ne vouloit produire aucun enggurdisse- y^ ment dans ceux qui la touchoient, son dos gardoit la « convexité qui lui est naturelle. Mais se disposoit-elle M à agir, insensiblement elle diminuoit la convexité des » parties de son corps qui sont du côté du dos, vis-à-vis « de la poitrine; elle aplatissoit ces parties; quelquefois « même de convexes qu'elles sont, elle les rendoit con- « caves : alors l'instant étoit venu où l'engourdissement » alloit s'emparer du bras; le coup étoit prêt à partir, « le bras se frouvoit engourdi; les doigts qui pres- « soient le poisson étoient obligés de lâcher prise; :" toute la partie du corps de l'animal qui s'étoit aplatie, » redevenoit convexe. Mais, au lieu qu'elle s'étoit aplatie M insensiblement, elle dcvenoit convexe si subitement, CjG HISTOIRE NATURELLE » ([ifoii n'appercevoil pas le passage d'un état à rantre..: >. Par la contraction lente qui est l'effet de l'aplatisse- »> ment, la torpille bande, pour ainsi dire, tous ses «ressorts; elle rend plus courts tousses cjlindres; elle » augmente en même temps leurs bases. La contraction » s'est-elle faite jusqu'à un certain point, tous les res-' » sorts se débandent, les fibres longitudinales s'alongent; » les transversales, ou celles qui forment les cloisons, se « raccoiuxissent; chaque cloison, -tirée par les fibres » longitudinales cjiii s'alongent, pousse en liant la ma- jj tière molle qu'elle contient, à quoi aide encore beau- »' coup le mouvement d'ondulation qui se fait dans les >= fibres transversales, lorsqu'elles se contractent. Si un K doigt touche alors la torpille, dans un instant il reçoit « un coup, ou plutôt il reçoit plusieurs coups successifs « de chacun des cjlindres sur lesquels il est appliqué.... » Ces coups réitérés donnés par une matière molle » ébranlent les nerfs ; ils suspendent ou changent le 3) cours des esprits animaux ou de quelque iluide équi- » valent; ou, si on l'aime mieux encore, ces coups pro- « duisent d^ms les nerfs un mouvement d'ondulation w qui ne s'accommode pas avec celui que nous devons « leur donner pour mouvoir le bras. De là naît Tim- » puissance où l'on se trouve à'çn faire usage, et le » sentiment douloureux.» Après cette explication, qui, malgré les erreurs qu elle renferme relativement à la cause immédiate de l'en- gourdjssement, ou , pour mieux dire, d'une commotion » E s POISSONS. 97 qui n'est qu'une secousse électrique , montre les mou- vemens de contraction et d'extension que la torpille imprime à son double organe lorsqu'elle veut paraljser lui être vivant qui la touche , Réaumur rapporte une expérience qui peut donner une idée du degré auquel s'élève le plus souvent la force de l'électricité de la raie dont nous traitons. Il mit une torpille et un canard dans un vase qui conteuoit de l'eau de mer , et c|ui étoit recouvert d'un linge, afin (pie le canard ne pût pas s'envoler. L'oiseau pouvoit respirer très-librement , et néanmoins au bout de cjuelques heures on le trouva mort : il avoit succombé sous les coups électriques que lui avoit portés la torpille; il avoit été, pour ainsi dire, f'oudrojé par elle. Cependant la science de l'électricité fit des progrès rapides, et fut cultivée dans tout le monde savant. Chaque jour on chercha à en étendre le domaine; on retrouva la puissance électrique dans plusieurs phéno- mènes dont on n'avoit encore pu donner aucune raioou satisfaisante. Le docteur Bancroft soupçonna l'identité de la vertu de la torpille, et de l'action du fluide élec- trique; et enfi]i M. Walsli, de la société de Londres, démiontra cette identité par des expériences très-nom- breuses qu'il fit auprès des côtes de France, dans lisle de Ré, et qu'il répéta à la Rochelle, en présence des membres de l'académie de cette ville *. Voici les princi- pales de ces expériences. " ()/ tlie elcclric inope) ly of ilic torpédo. Loiuion, I774- T O M E I. 1 3 98 HISTOIRE iS A T U R E L L E On posa une torpille vivante suriine serviette mouil- lée. On suspendit au plancher, et avec des cordons de soie, deux fils de laiton: tout le monde sait cpie le laiton, ainsi que tous les métaux, est un très-bon conducteur d'électricité, c'est-à-dire qu'il conduit ou transmet faci- lement le fluide électrique, et que la soie est au con- traire non conductrice, c'est-à-dire qu'elle oppose un obstacle au passage de ce même fluide. Les fils de laiton employés par M. Walsh furent donc, par une suite de leur suspension avec de la soie, isolés, ou, ce qui est la même chose, séparés de toute substance perméable à l'électricité; car l'air, au moins quand il est sec, est aussi un très-mauvais conducteur électrique. Auprès de la torpille étoient huit personnes dispo- sées ainsi cpie nous allons le dire, et isolées par le niojen de tabourets faits de matières non conductrices, et sur lesquels elles étoient montées. Un bout à\\n des fils de laiton étoit appujé sur la ser- viette mouillée qui soutenoit la torpille, et l'autre bout aboutissoit dans un premier bassin plein d'eau *. La première personne avoit un doigt d'une main dans le bassin où étoit le fil de laiton , et un doigt de l'autre main dans un second bassin également rempli d'eau; îa seconde personne tenoit un doigt d'une main dans le second bassin, et un doigt de l'autre main dans ini troisième; la troisième plongeoit un doigt d'une main dans le troisième bassin, et un doigt de l'autre main *\Nciis n'avons pas besoin d'ajouter r[ue l'eau est un excellent conducteur. "DES POISSONS. 99 dans un quatrième, et ainsi (ie suite, les huit personnes comniuniquoient Tune avec l'auire par le niojen de Teau contenue dans neuf bassins. Ua bout du second fil de laiton étoit plongé dans le neuvième bassin; et M. Walsh ajant pris l'autre bout de ce second i\\ métal- lifjue, et Fajant lait toucher au dos de la tor])ilie, il est évident qu'il y eut à l'instant un cercle conducteur de j)lusieurs pieds de contour, et formé sans interruption ])ar la surface inférieure de l'animal, la serviette mouil- lée,, le premier fil de laiton, le premier bassin, les huit personnes, les huit autres bassins, le second fil de lai- ton, et le dos de la torpille. Aussi les huit personnes ressentirent-elles soudain une commotion qui ne dif- féroit de celle (jue fait éprouver une batterie électricjue que par sa moindre force; et, de même que dans les expériences que l'on tente avec celte batterie, M. Walsh, qui ne faisoit pas partie du cercle déférent ou de la -chaîne conductrice, ne reçut aucim coup, quoique beaucovip plus près de la raie que les huit personnes du cercle. Lorsque la torpille étoit isolée, elle faisoit éprouver ù •plusieurs personnes isolées aussi q;!arante ou cin- quante secousses successives dans l'espace d'une mi- iiute et demie : ces secousses étoient toutes sensiblement égales ;^t chaque eflort que faisoit l'animal pour donner ces commotions, étoit accompagné d'une dépression de ses jeux, qui, très-saillans dans leur état naturel, rentroient alors dans leurs orbites, tandis que le reste 1 OO HISTOIRE NATURELLE du corps ne présentoit pi-csc|ue aucun mouvement; très-sensible *. Si l'on ne touchoit que l'un des deux organes de la torpille, il arrivoit quelquefois qu'au lieu d'une secousse forte et soudaine, on n'éprouvoit qu'une sensation plus foible, et, pour ainsi dire, ])lus lente; on ressentoit un engourdissement plutôt qu'un coup ; et quoique les jeux de l'animal fussent alors aussi déjirimés que dans les momens où il alioit frapper avec plus d'énergie et de rapidité, M. Walslî présumoit que l'engourdisseivent causé par cette raie provient d'une décharge successive des tubes très-nombreux qui composent les deux sièges de son pouvoir, tandis que la secousse subite est due à une décharge simultanée de tous ses (ujaux. Toutes les substances propres à laisser passer facile- ment le fluide électrique, et cju'on a nommées con- ductrices, trahsmettoient rapidement ]a commotion prodin'.te par la torpille ; et tous les corjîs appelés non conducteurs, parce qu'ils ne peuvent pas livrer un libre passage à ce même fluide, arrêtoient également la secousse donnée par la raie, et opjiosoient à sa puissance un obstacle insurmontable. En touchant par exemple l'animal avec un bâton de verre, ou de cire d'Espagne, * Kœuipfer a écrit (Amœnil. exoi. 1712, 71. 514J que l'on pouvoit, en rete- nant son haleine, se garantir de la commotion que donne la torpille; mais M. Walsli, et plusieurs autres physiciens qui se sont occupés de l'électricité de cette raie, ont éprouvé que cette précaution ne diniinuoit en aucune manière la force de la secousse produite par ce poissou électrique. DES POISSONS. loi OU ne ressentoit aucun effet; mais on étoit frappé vio- lemment lorsqu'on mettoit à la place de la cire ou du Terre une barre métallique ou uu corps très-mouillé. Tels sont les principaux effets de Félectricité des torpilles, très-bien observés et très-exactement décrits par M. Walsh, et obtenus depuis par un grand nombre de physiciens. Ils sont entièrement semblables aux phénomènes analogues produits par Félectricité natu- relle des nuages, ou par l'électricité artificielle des bouteilles de Lejde et des autres instrumens fulnii- nans. De même que la foudre des airs, ou la foudre bien moins puissante de iios laboratoires , réleclricité de la torpille , d'autant plus forte que les deux surfaces des batteries fulminantes sont réunies par un contact plus grand et plus immédiat, parcourt un gi^and cercle, traverse tous les corps conducteurs, s'arrête devant les substances non conductrices, engourdit, ou agite vio- lemment, et meta mort les êtres sensibles qui nepeuvent se soustraire à ses coups que par \ Isolement qui les ga- rantit des effets terribles des nuages orageux. Une différence très -remarquable paroît cependant séparer cette puissance des deu-x autres : la torpille, par ses contractions , ses dilatations, et les frottemciis qu elles doivent produire dans les diverses parties de son double organe , charge à l'instant les milliers de tubes qui composent ses batteries; elle j condense su- bitement le fluide auquel elle doit son pouvoir, tandis que ce n'est que par des degrés successifs que ce même 102 HISTOIRE NATURELLE fluide s'accumule dans les plateaux fulmiiians, ou dans les batteries de Lejde. D'un autre côté, on n'a pas pu Jusqu'à présent faire subir h des corps légers suspendus auprès d'une tor- pille les mouvemens d'attraction et de répulsion que leur imprime le voisinage d'une bouteille de Lejde; et le fluide électrique lancé par cette raie n'a pas pu , en parcourant son cercle couductevir, traverser un inter- valle assez grand d'une partie de ce cercle à une autre, et être assez condensé dans cet espace pour agir sur le sens de la vue, produire la sensation de la lumière, et paroître sous la forme d'une étincelle. Mais on ne doit pas désespérer de voir de très -grandes torpilles faire naître dans des temps favorables, et avec le secours d'ingénieuses précautions , ces derniers phénomènes que Ton a obtenus d'un poisson plus électrique encore que la torpille, et dont nous donnerons l'histoire en traitant de la famille des gymnotes, à laquelle il appar- tient*. Ou doit s'attendre d'autant plus à voir ces effets produits par un individu de l'espèce que nous exami- nons, qu'il est aisé de calculer que chacune des deux principales surfaces de l'organe double et électrique d'une des plus larges torpilles pèchées jusqu'à présent devoit présenter une étendue de cent décimètres (près * Voyez le Discoujs sitr la nature des jyoissnns, et l'article c\u gymnote électrique, vulgairement connu sous le nom d'anguille de Cayenue , ou cie Surinam. D E s P O I s s O N s. _ I o3 de vingt-neuf pieds) carrés; et tous les phjsiciens savent quelle vertu redoutable l'électricité artificielle peut im- primer à un seul plateau fulminant de cjuatorze déci- mètres carrés ((juatre pieds carrés ou environ) de surface. Au reste, ce n'est pas seulement dans la Méditerra- née, et dans la partie de l'Océan qui baigne les eûtes de l'Europe, que l'on trouve la torpille; on rencontre aussi cette raie dans le golfe persique, dans la mer paci- fique, dans celle des Indes, auprès du cap de Bonne- Espérance, et dans plusieurs autres mers. • * LA RAIE AIGLE C'est avec une sorte de fierté que ce grand animal agite sa large masse au milieu des eaux de la Méditer- ranée et des autres mers qu'il habite; et cette habitude, jointe à la lenteur que cette raie met quelquefois dans sesniouvemens, et à l'espèce de gravité avec laquelle on diroit alors qu'elle les exécute, lui a fait donner l'épithète de glorieuse sur plusieurs rivages. La forme et la disposition de ses nageoires pectorales, terminées de chaque côté par un angle aigu , et peu confondues avec le corps proprement dit, les a d'ailleurs fait com- * Glorieuse, dans plusieurs déparleniens méridionaux de Traiice. Perce ratto, ihid. Rate penade (chauve-souris), ibid. Tare franke, ibid. Faucon de mer. Erago e ferraza. Rospo (crapaud) sur la côte de Gênes. Aquila, sur d'aulres cotes d'Italie. Rai mourine, Daubenton, Encyclopédie mélliodii]ue, Rajaaquila, hinné, édition de Ginelin. Mus. ad. fr. 2, p. 5l. Raja caudâ pinnatâ, aculeoque unico, Bloch, Histoire des poissons, part, 3, p. 5g, ". 3, /)/. îiî. Raie inouriixe, Bonnalerre, planches de l' Encyclopédie méthodique. Raja covpore glabre, aculeo longo, serrato iti cauda pinnaïa. Artcd.gcn. 72, .syn. 100. Xeiobatus capite exserto, etc. Klein, nnss. pisc. 3, p. 33, n. 4. HISTOIRE NATURELLE. I OD parer à des ailes plus particulièrement encore que celles des autres espèces de i-aies; elles en ont reçu plus sou- vent le nom; et comme leur étendue est très-grande, elles ont rappelé l'idée des oiseaux à la plus grande cnverjure, et la raie cjue nous décrivons a été appelée «7/lîf/e dès les premiers temps où elle a été observée. Ce qui a paru ajouter à la ressemblance entre l'aigle et le poisson dont nous traitons, c'est que cette raie a aussi la tête beaucoup plus distincte du corps que presque toutes les autres espèces du même genre, et que cette partie plus avancée est terminée par un mu- seau alongé et très-souvent peu arrondi. De plus, ses jeux sont assez gros et três-saillans; ce qui lui donne un nouveau tirait de conformité , ou du moins une nouvelle analogie, avec le dominateur des airs^ avec -Arist. Hibt. animal. lib. 5, c. 5. Plin. Hist. miiiidi, lih. g , ca]u 24. Sahian. Aquat. p. 146 b, 147. Aldrovand. pisc, p. 4.38 44'3. Jonslon, pisc. p. 33, lab. C)-,fig- 8 el 9. IVilliighby , IchtJu p. 64, lab. c. 2, ajip, lab. TO. Raj. pisc. p. 33. Belloii , Aquat. p. 97. •Aquila marina, Gesner, Aquat. p. 76, icon. ajum, p. 121, 122. Thicrb. p. 67, 68, parai, p. 38. Pastinaca (secunda species), Rondelet , première partie, liv. 12, chap, 2. Pastenaque ( troisième espèce ), ou aigle poisson, T'almoni-Boinare, Dict. d'histoire naturelle. Raja aculeata, pastinaca marina dicta, Plumier, dessins enluminés sur vélin, déposés dans la bibliothèque du Muséum national d'histoire natu- relle, TOME I. 14 1 Ob H I s T O 1 R F. 1-J A T U R E L L E l'oiseau aux jeux les plus perçans. C'est principalement sur les côtes de la Grèce, dans ces pajs favorisés par la nature, où une heureuse imagination ne rapprochoit les êtres que pour les embellir ou les ennoblir l'un par l'autre, que la raie dont nous traitons a été distinguée par le nom d'aigle; mais, sur d'autres rivages, des pé- cheurs grossiers, dont les conceplions moins poétiques u'enfantoient pas des images aussi nobles ni aussi gra- cieuses, n'ont vu dans cette tête plus avancée et dans ces jeux ])lus saillans ([ue les jeux et la tête d'un animal dégoûtant, ([ue le portrait du crapaud, et ils l'ont nom- mée crapaud de incr. Cette tète que l'on a comparée à deux objets si dif- férens l'un de l'intre, présente au reste, par-dessus et, par-dessous, au moins lé plus souvent, un sillon plus ou moins étendu et plus ou moins profond. Les dents, comme celles de toutes les raies du sous-genre qui nous occupe, sont plates et dis|X).séessur j)lusieurs rangs. On a écrit que la raie aigle n'avoit pas de nageoires ventrales, parce que celles de ses nageoires qui sont les plus voisines de l'anus, ne sont pas doubles de chaque côté, et ne montrent pas une sorte d'échancrure qui puisse les faire considérer comme divisées en dç\\\ par- ties , dont Tune seroit appelée nageoire ventrale, et l'autre nageoire de l'anus : mais en recherchant où s'attachent les cartilages des nageoires de la raie aigle, qui se rapprochent le plus de l'origine de la (jueue, on s'apperçoit aisément qu'elle a de véi'itables na- DES POISSONS. ÎO7 geoires ventrales, mais qu'elle manque de nageoires de Tauus. La queue, souvent deux fois plus longue que la tête et le corps, est très-mince, presque arrondie, très-mo- bile , et terminée, pour ainsi dire, par un fil très-délié. Quelques observateurs ont vu dans la forme, la lon- gueur et la flexibilité de cette queue, les principavix caractères de la queue des rats; ils se sont empressés de nommer rat de nicrla raie qui est Tobjet de cet article, tandis que d'autres, réunissant à cet attribut celui de nageoires semblables à des ailes, ont vu un rat ailé, une chauve-souris, et ont nommé la raie aigle chauve- souris marine. On connoît maintenant l'origine des diverses dénominations de rat, de chauve-souris, de crapaud, d'aigle, données à la raie dont nous parlons; et comme il est impossible de confondre un poisson avec un aigle, un crapaud, un rat, ou une chauve- souris, nous aurions pu sans inconvénient conserver indifféremment l'une ou l'autre de ces (juatre désigna- tions; mais nous avons préféré celle d'aigle, comme rappelant la beauté, la force et le courage, comme employée par les plus anciens écrivains , et comme conservée par le plus grand nombre de naturalistes modernes. La queue de la raie aigle ne présente qu'une petile nageoire doi-^ale placée au dessus de cette partie, et beaucoup plus près de son origine que de l'extrémité apposée. Entre cette nageoire et le petit bout de la 108 HISTOIRE NATURELLE queue, on voit un gros et long piquant, ou plutôt un dard très-fort, et dont la pointe est tournée vers l'ex- trémité la plus déliée de la queue. Ce dard est un peu^ aplati, et dentelé de deux côtés comme le fer de quel- ques espèces de lances : les pointes dont il est hérissé sont d'autant plus grandes qu'elles sont ])lus près de la racine de ce fort aiguillon; et comme elles sont tour- nées vers cette même racine, elles le rendent une arme d'autant plus dangereuse qu'elle peut pénétrer facile- ment dans les chairs, et qu'elle ne peut en sortir qu'en tirant ces pointes à contre-sens, et en déchirant pro- fondément les bords de la blessure. Ce dard parvient d'ailleurs à une longueur qui le rend encore plus redoutable. Flusieurs naturalistes, et notamment Gro- novius, ont décrit des aiguillons d'aigle qui avoient un décimètre (^ quatre jionces, ou à peu près) de longueur; Pline a écrit que ces picjuans étoient (juelquefois longs de douze ovi treize centimètres (cinq pouces, ou envi- ron) *; et j'en ai mesuré de plus longs encore. Cette arme se détache du corps de la raie après un certain temps; c'est ordinairement au bout d'un aa qu'elle s'en sépare, suivant quelques observateurs: mais , avant fju'elte tombe, un nouvel aiguillon et souvent deux commencent à se former, et paroissent comme deux piquans de remplacement auprès de la racine de l'ancien. Il arrive même quelquefois que l'un * Bline, lir. 9, chap, 48. DES POISSONS. 109 de ces nouveaux dards devient aussi long que celui qu'ils doivent remplacer, et alors on voit la raie aigle armée sur sa queue de deux forts aiguillons dentelés. Mais cette sorte d'accident, cette augmentation du nombre des piquans , ne constitue pas même une simple variété, bien loin de pouvoir fonder une diversité d'espèce, ainsi que l'ont pensé plusieurs naturalistes tant anciens que modernes, et particulièrenient Aristote. Lorsque cette arme particulière est introduite très- avant dans la main, dans le bras, ou dans quelque autre endroit du corps de ceux qui cherchent à saisir la raie aigle ; lorsque sur-tout elle j est agitée en clifFérens sens, et qu'elle en esta la fin violemment retirée par des efforts multipliés de l'animal, elle peut blesser le périoste, les tendons, ou d'autres parties plus ou moins délicates, de manière à produire des inflammations, des convulsions, et d'autres sjmptômes alarmans. Ces ter- ribles effets ont été bientôt regardés comme les signes de la présence d'un venin des plus actiis ; et comme si ce n'éfoit pas assez que d'attribuer à ce dangereux aiguillon dont la cpieue de la raie aigle est armée, les qualités redoutables, mais réelles, des poisons^ on a bientôt adopté sur sa puissance délétaire les faits les plus merveilleux, les contes les plus absurdes. On peut voir ce qu'ont écrit de ce venin mortel Oppien^ ^lien, Pline; car, relativement aux effets funestes que nous indiquons, ces trois auteurs ont entendu par leur pas- teuaque ou leur raie trigone, non seulement la paste- MO HISTOIRE NATURELLE iiaque proprement dite, mais la raie aigle, qui a les plus grands rapports de conformation avec cette dernière. Noii seulement ce dard dentelé a paru aux anciens plus prompt à donner la mort que les flèches empoisonnées des peuples à demi sauvages, non seulement ils ont cru qu'il conservoit sa vertu malfaisante long-temps après avoir été détaché du corps de la raiej mais son simple contact tuoit l'animal le plus vigoureux, des- séchoit la plante la plus vivace, faisoit périr le plus gros arbre dont il attaquoit la racine. C'étoit l'arme terrible que la fameuse Circé remettoit à ceux qu'elle vouloit rendre supérieurs à tous leurs ennemis : et quels effets plus redoutables, selon Pline, que ceux qise produit cet aiguillon, qui pénètre dans tous les corps avec la force du fer et l'activité d'un poison funeste? Cependant ce dard, devenu l'objet d'une si grande crainte, n'agit que mécaniquement sur l'homme ou sur les animaux qu'il blesse. Et sans répéter ce que nous avons dit* des prétendues qualités vénéneuses des pois- sons, Ton peut assurer que l'on ne trouve auprès de la racine de ce grand aiguillon aucune glande destinée à filtrer une liqueur empoisonnée; on ne voit aucun vaisseau qui puisse conduire un venin plus ou moins puissant jusqu'à ce piquant dentelé; le dard ne ren- ferme aucune cavité propre à transmettre ce poison jusques dans la blessure; et aucune humeur particu- * Discours sur la nature des poissons. DES POISSONS. 1 I î iière n'imprègne ou n'humecte cette arme, dont toute là puissance provient de sa grandeur, de sa dureté, de ses dentelures, et de la force avec laquelle i'aiiimal s'en sert pour frapper. Les vibrations de la queue de la raie aigle peuvent- en effet être si rapides, que l'aiguillon qui y est atta- ché paroisse en (juelque sorte lancé comme un jave- lot, ou décoché comme une flèche, et reçoive de cette vitesse, qui le fait pénétrer très-avant dans les corps qu'il atteint, une action des plus délétaires. C'est avec ce dard ainsi agité , et avec sa queue délice et plusieurs fois contournée, que la raie aigle atteint, saisit, cram- ponne, retientet met à mort les animaux Cju'elle pour- suit pour en faire sa proie, ou ceux qui passent auj^rès de son asj le , lors(]u'à demi couverte de vase elle se tient en embuscade au fond des eaux salées. C'est encore avec ce pitpiant très-dur et dentelé cju'elle se défend avec le plus d'avantage contre les attaques aux(pielies elle est exposée; et voilà pourquoi lorsque les pécheurs ont pris une raie aigle, ils s'empressent de séparer de sa queue l'aiguillon (jui la rend si dan- gereuse. Mais si sa queue présente un piquant si redouté, on n'en voit aucun sur son corps. La couleur de son dos est i\\\n brun plus ou moins foncé, cjui se change en olivâtre vers les côtés; et le dessous de l'animai est d'un blanc plus ou moins éclatant. Sa peau est épaisse, co- riace, et enduite d'une liqueur gluante. Sa chair esi. I I £ HISTOIRE NATURELLE presque toujours dure; mais son foie, qui est très-vo- lumiueux et très-bon à manger, fournit une grande quantité d'huile. Au reste, on trouve les raies aigles beaucoup plus rarement dans les mers septentrionales de l'Europe que dans la Méditerranée et d'autres mers situées dans des climats chauds ou tempérés; et c'est particulière- ment dans ces mers moins éloignées des tropiques que l'on en a péché du poids de quinze mvriagrammes (plus de trois cents livres). Nous avons trouvé parmi k^s papiers du célèbre vojageur Comnierson, un dessin dont on pourra voir la gravure dans cet ouvrage, et qui représente une raie. Cet animal, figuré par Commerson, est évidemment de l'espèce de la raie aigle; mais il en ditlere par des caractères assez remarquables pour former une variété très-distincte et plus ou moins constante. Premièrement, la raie de Commerson, à laquelle ce naturaliste avoit donné le nom de mourine , qui a été aussi appliqué à la raie aigle par plusieurs auteurs, a la tête beaucoup plus avancée et plus distincte des nageoires pectorales et du reste du corps , que l'aigle que nous venons de décrire; secondement, la nageoire dorsale, située sur la queue, et laiguillon dentelé cpii l'accompagne, sont beaucoup plus près de l'anus que sur la raie aigle; et troisièmement , le dessus du corps, au lieu de présenter des couleurs d'une seule nuance, jcstpai'sejné d'un grand nombre de petites taches plus DES POISSON S. I 1 3 OU moins blanchâtres. C'est dans la nier voisine des isles de France et de Madagascar qu'on avoit pêche cette variété de la i^aic aigle dont Commerson nous a laissé la figure. ■i O M E T. LA RAIE PASTENAQUE IjA forme et les habitudes de celte raie sont presque eu tout semblables à celles de la i-aie aigle que nous avons décrite. Mais voici les traits principaux par les- quels la pasteuaque diffère de ce dernier j^oisson. Sou museau se termine en pointe, au lieu d'être plus ou moins aiTondi; la queue est moins longue que celle de la raie aigle, à proportion de la grandeur du corps, quoique cependant elle soit assez étendue en longueur» très-mince et très-déliée; et enfin cette même partie non seulement ne présente point de nageoire dorsale * Pastinaque. Taieronde, aupi'ès de Bordeaux. PasCenago, sur les cûies de France voisines de Montpellier. Bastango , et vastango , dans plusieurs de'partemens méridionaux de France, Bruccho , à Rome. FeiT&za, sur la côte de Gènes. Bastonago, en Sicile. rire flaire, en Angleterre. Turtur, ]jar plusieurs auteurs Raie pastenague, Daubentnn^ Encyclopédie méthodique. Raja pastinaca, Linné, édition de Gnielin. Raja caudâ apterygiâ, aculeo sagittato, Bloch, Histoire naturelle des poissons, troisième partie, pi. 82. Artedi, gen. 7I , syn. loo. Raie pastenague, Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique^ Mus. ad.fr. 2, p. 5l *. HISTOIRE NATURELLE. I I 5 auprès de raigiiillon dentelé dont elle est armée, mais même est entièrement dénuée de nageoires. La pastenaque paroît répandue dans un plus grand nombre de mers que la raie aigle, et ne semble pas craindre le froid des mers du nord. Son piquant dentelé est souvent double et même triple, comme celui de la raie aigle; nous crojons en conséquence devoir rapporter à cette espèce toutes les raies qu'on n'en a séparées juscju'à présent qu'à cause d'un aiguillon trij)le ou double. D'un aulre côté, la nuance des couleurs, et même la présence ou l'absence de quelques taches, ne peuvent être regardées comme des caractères constans dans les poissons, et particu- Miiller, prodrom. Zool. dan. p. Sy, n. 3io. Grnnov. mus. i, 141. Zooph. 1S8. Leiobatus, in medio crassns, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 33, //. 5. Aristot. Hist. aiiim. lib. i , cap. 5. Pastinaca, Plin.Hist. inundi, lih. g, c. 24, 42. Pastenague, Rondelet, première partie, lis'. 12, chap. i, Pastinaca, Salv. Aquat.pag. 144, 145. Cesner, Aquat. p. 679. icoii. anim. p. 121, 122. Thierb.p. 63 a, Pastinaca marina, Jonslon, pisc. p. 32, tah. (),/ig. 7. Pastinaca marina lœvis, Ray, pisc. pag. 24. Bellon, Aquat. p. g5. Pastinaca marina nostra, Aldrovand. pisc. p. 426. Pastinaca marina prima, IP^illughbj, Ichlh. p. 67, tab, c. 3. Gej. Kœmpfir, Voy. au Japon , p. i55. Sling ray, Pennant, Brit. Zool. tom. m, ;;. 71 , n. 6. Pastinaca marina oxyrinchos, Schonet>. p. 58, Pastenaque, Valniont-Bomare j Dictionnaire d'histoire naturelle. I 1 6 H î s T O I R E NATURELLE lièrement dans les cartilagineux, qu'après nn très-grand nombre d'observations répétées en difîerens temps et en divers lieux. Nous ne considérerons donc, quant à présent, que comme ôes variétés plus ou moins con- stantes de la pastenaque, les raies qu'on n'a indiquées comme d'une espèce différente qu'à cause de la dissem- blance de leurs couleurs avec celles de ce cartilagi- neux. Au reste, il nous semble important de répéter plusieurs fois dans nos ouvrages sur fhistoire naturelle^ ainsi que nous l'avons dit très-souvent dans les cours que nous avons donnés sur cette science, que toutes les fuis que nous sommes dans le doute sur l'identité de l'espèce d'un animal avec celle d'un autre, nous aimons mieux regarder le premier comme vme variété que comme une espèce distincte de celle du second. Nous préférons de voir le temps venir par des observations nouvelles séparer tout-à-fait ce que nous n'avions en quelque sorte distingué qu'à demi, j)lutôt que de le voir réunir ce c|ue nous avions séparé y nous desirons qu'on ajoute aux listes que nous donnons des productions naturelles,, et non pas qu'on en retranche; et nous chercherons toujours à éviter de surcharger la mémoire des natvn-alistes , d'espèces nominales, et le tableau de la nature, de figures fantastiques. D'après toutes ces considérations, nous plaçons à la suite de la pastenaque, et nous considérons comme des variétés de ce poisson , jusqu'à ce que de nouvelles observations nous obligent de les en écarter: DES POISSONS. î I 7 Preinièrcmeni , Yahaycllc ', que Ton n'a distinguée de la pastenaque ([u'à cause de ses deux aiguillons dentelés ; Secondement, Yiiamak\ que l'on auroit confondu avec la raie que nous décrivons, sans les taches que tout son corps présente sur un fond pourfiinsi dire argenté; Troisièmement, iV////<'/X' ^ auqviel on n'a donné pour caractères distinclifs, et difïérens de ceux de la paste- naque, que deux aiguillons dentelés, la couleur argen- tée du dos, et le contoin- du corps plus arrondi; Et quatrièmement enfin , Vo/iinies schciit *, qui ne ' Raie pastenague altavelle, vari. b. Daubenton , Eiicydopédie mclJio- âiqite. Raja pastinaca aîfavaia, var. b. Linnc, éâilion de Ginelin, Raie pastenague altavelle , Bomiatenc, planches de V Encyclopédie mj- ihodiipie. Raja corpore glabio, nculeis saepè duobus posticè senatis in caiula apte* rygia, Aited. gen. 71, syii, 100. Pastinaca marina altéra, pteryplateja , altavela dicta , Coltium. Aqiia!-, i . 2, ;). ^, tah. 2. Ici. Et altavella Neapoll dicta, TVilhighby, p. 65. Id. Raj. p. 24. ' Raie sif uarnak, var. a. Bnnnaterre, planches de l'Encyclopédie n>cl7io~ diijue. Raja pastinaca uarnak, Linné, édition de Gniclin. Raja tota niaculata, Fo/-^kaelj Faiin. arab. p. 18. ^ Raja arnak, Linné ^ édil. de Gmelin. Raja corpore orbiculato argenteo, caudà (ereti aplerygiâ, spinis duabus; Forshael, Fuuii. arab. p. 9, n. i3. * Raja oniracs scherit, Linné , édition de Ginelin, Raie scherit, Bànnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique, R. caudâ tereti maculalâ, Forskael, Faiin, arab. p. 9, n, 12. ï ! 8 HISTOIRE NATURELLE. paroît avoir été. éloigné de la paslenaque qu'à cause des taches de sa queue. Les deux dernières de ces raies se trouvent dans la mer rouge , où elles ont été observées par Forskael. La seconde s j trouve également, et j a été vue par le même naturaliste; mais on la rencontre aussi dans les mers d'Europe et dans celle des Indes. Forskael a parlé de deux autres raies de la mer rouge, que l'on ne connoît qu'imparfaitement, et que nous ne croyons pas, d'après ceux de leurs caractères qu'on a énoncés, pouvoir placer encore comme deux espèces distinctes sur le tableau général du genre des raies, mais dont la notice nous paroît dans ce moment devoir accompagner celle des quatre variétés de la pastenaque. Ces deux raies sont la mule ', dont le dessous du corps est d'un blanc de neige, et dont la quevie déliée et tachetée est armée d'un piquant dangereux; et la raie -tajara', dont on a dit que le dessous du corps étoit aussi d'un blanc de neige, et la queue déliée. ' Raja tmila, Linné, édition Je Ginelin. Raie mule, Bonualcrre, planches de l' Encyclopédie jnéthodiqiie. R. subtus nlvea, caiulâ tereti vailegatâ, Forskael, Fiiun. arab. p. g, ii. i6, * Raja tajara, Linné, édition de Gmelin. Raie tajara, Bonnaterie, j)ltinches de l' Encyclopédie mclliodiqite, R. subtus nivea, caudà tereti. Forskael^ Faun, arab. p, 9, /;. 14. LA RAIE LYMME C'est dans la tncr rouge que le vojageur Forskaei a trouvé cette raie, qu'il a le premier fait conuoître. Elle ressemble beraicoup à la raie aigle, ainsi qu'à la pas- teiiaque; elle a les dents aplaties comme ces deux raies et tous les cartilagineux qui composent le même sous- genre : mais exposons les différences qu'elle montre. Le corps proprement dit, et les nageoires pectorales, forment un ensemble presque ovale; la partie posté- rieure des nageoires pectorales est terminée par un angle plus ou moins ovivert; les nageoires ventrales sont arrondies; et toute la partie supérieure du dos est d'un brun tirant sur la couleur de brique, parsemé d'une grande quantité de taches bleues, ovales, et iné- gales en grandeur. La queue est un peu plus longue que le corps, et. garnie, vers le milieu de sa longueur, d'un et quelque- ibis de deux aiguillons, longs, larges, dentelés comme ceux de la raie aigle et de la pastenaque, et revêtys à leur base d'une peau d'un brun bleuâtre. Depuis son * Raja lynima, Linné, c'dilion de Gmelin. Raielyinne, Boinuitcne, jila/iches de l'Eiicjclope'die mélhodique. Raja corpore lîevi testaceo, niaculis cœiiileis, caudâ pionaià, acuko iinico Forskacl, Fauii, arah. p. 17, '/. l5. 12.0 HISTOIRE NATURELLE origine jusqu'à ces aiguillons, la queue est un peu aplatie, blanche jiar-dessous, el rougeâtre dans sa partie supérieure , ^îi Ton voit régner deux petites bandes bleues et longitudinales; et depuis les pio^uans jusqu'à son extrémité, qui est blanche et très-déliée, elle est toute bleue, comprimée par les côtés, et garnie en haut et en bas d'une petite membrane frangée qui représente ime nageoire, et qui est plus large au dessous qu'au dessus de la queue. La Ijmme n'a point de nageoire dorsale; et par-là elle se rapproche plus de la pastena(jue, qui en est dénuée, que de la raie aigle, qui en présente une. C'est à cette jolie espèce cpi'il i'aut rapporter une raie pêchée par Commerson aux environs tics isles Praslin, et à laquelle il a donné le nom de raie sans piquans *, parce qu'en effet elle n'en présente aucun sur le dos, non ]Aus que les individus observés par Forskael. Ce naturaliste a fait de cette raie sans aiguillon sur le corps une description très-détaillée, qui fait partie des ma- nuscrits déposés dans le Muséum d'histoire naturelle, et qui s'accorde presque dans tous les points avec celle (jue^nous venons de donner d'après Forskael. La seule différence entre ces deux descriptions, c'est cjue Com- merson parle d'une rangée de petits tubercules, qui * Raja lœvis è tesiaceo fusccscens, guttis cn?rulels innumeris proiio coipoie spaisis, aculeis gemiiiis in média cauda. Co:uinevsoii, outrage maniis^rù sur la zoologie j qujt'ii'iiie caliier^ 176B. DES POISSONS. 121 règne sur la partie la plus élevée du dos et s'étend jus- qu'à la queue, et de deux autres tubercules semblables à des verrues,, et placés lun d'un côté, et l'autre de l'autre de l'origine de cette dernière partie. Au reste, parmi les individus qui ont été l'objet de l'attention de Commerson, un avoit près de cinq déci- mètres (un pied six pouces huit lignes) de longueur totale; et l'on pourra voir dans cet ouvrage la figure d'une Ijmrae maie et d'une Ijmme femelle, que nous avons fait graver d'après les dessins originaux apportés en France par ce vojageur célèbre. Nous nous sommes déterminés d'autant plus aisément à enrichir de ces deux figures l'histoire que nous décrivons, que l'on n'a pas encore publié de planche représentant l'espèce qui nous occupe. Au reste, nous ne crojons pas avoir be- soin de dire que le mâle est distingué de la femelle par . deux appendices placés auprès de l'anus, et semblables à ceux que nous avons fait connoître en traitant de la bâtis. La lymnie, que quelques naturalistes ont crue confi- née dans la mer rouge, habite donc aussi une partie de la mer des Indes. On doit la trouver dans d'autres mers, sur-tout aux environs des tropiques; et en.effet il vient d'arriver de Cajenne, au Muséum d'histoire naturelle, une petite collection de poissons parmi les- quels j'ai reconnu un individu de l'espèce de la Ijmme. Ces poissons ont été envoyés par le citoyen Le Blond, vojageur naturaliste, cpii nous a appris, dans des notes TOME r. î6 122 HISTOIRE NATURELLE. relatives aux animaux qu'il a fait parvenir au Muséum, que l'individu que nous avons considéré comme une lymme, avoit été pris au moment où il venoit de sortir de l'œuf, mais où il étoit encore dans le ventre de sa mère. Les raies de la même espèce, dit le citojen Le Blond, qui les appelle raies rouges, à cause de la couleur de la partie supérieure de leur corps, semblable par conséquent, ou presque semblable à celle des Ijmmes d Arabie ou des environs des isles Prasliu, sont très- bonnes à manger, lorsqu'elles sont jeunes, et parvien- nent quelquefois au poids de dix ou quinze mjria- grammes (deux ou trois cents livres ou environ). Au reste , le petit individu arrivé de TAmérique méridio- nale avoit la queue trois fois plus longue que le corps et la tête, et par conséquent beaucoup plus longue que les Ijmmes d'Afrique et d'Arabie. Mais tous les autres traits de la conformation réunissant ces cartilagineux de la mer rouge et des isles Praslin avec les raies rouges de Cajenne, on peut tout au plus regarder ces dernières comme une variété dans l'espèce des raies rougeâtres des isles Praslin et d'Arabie; mais on n'en doit pas moins les considérer comme appartenant à l'espèce de la lymme, qui dès-lors se trouve dans les eaux chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. x LA RAIE SEPHEN Dans cette même mer ronge où Forskael a trouvé plusieurs variétés de la pastenaque et la raie Ijmme, ce vojageur a aussi vu la sephen. Elle a de très-gi'aiids rapports de conformation avec la raie aigle , la paste- naque et la Jjmme; mais elle en diffère par des cai-ac- tères assez nombreux pour qu'elle constitue une espèce distincte. Sa couleur est, sur le corps, d'un cendré brun, et par- dessous d'un blanc rougeâtre. Elle parvient à une gran- deur très-considérable, puisqu'on a vu des individus de cette espèce dont les nageoires pectorales et le corps réunis avoient trente-six décimètres (onze pieds ou à peu près) de largeur. L'extrémité postérieure des na- geoires pectorales est arrondie, et, dans plusieurs des positions ou des mouvemens de l'animal, cache en partie les nageoires ventrales, qui sont très-petites à propor- tion du volume de la raie. Malgré la grande étendue du corps, la queue est deux fois plus longue que le corps proprement dit, comme celle de la raie aigle, et est armée de même d'un ou deux * Raja sephen, Linné, édition de Gmclin. Raie sif, 'iounaleire , planches de l' Encyclo'pédie méthodique, R. corpore suborbiculato, cauclà dublo long ore subtùs alatâ, suprà aculeis duobus longis, iitrimque serratis. Forskael^, Faun, arab. p. 17, n, 16, 124 HISTOIRE NATURELLE aiguillons assez longs, forts, dentelés des deux côtés, et revêtus en partie d'une peau épaisse : mais, au lieu d'être entièrement dénuée de nageoires et de petits pi(|uans, comme la queue de la raie aigle; au lieu de présenter une nageoire dorsale, comme celle de la pastenaque, ou de montrer, sans aucune petite pointe, une sorte de na- geoire particulière composée d'une membrane longue et étroite, comme la queue de la lymme; elle est garnie, depuis la place des deux grands dards jusqu'à son bout le plus délié, d'une rangée longitudinale de très-petits aiguillons qui règne sur sa jiiartie supérieure, et d'une membrane longue, étroite et noire, qui s'étend uni- quement le long de sa partie inférieure. L'un de ses caractères véritablement distinctifs est d'avoir le dessus du corps et la partie supérieure de la queue jusqu'à la base des deux pointes dentelées, couverts de tubercules plats, au milieu desquels on en distingvie trois plus grands que les autres, d'une forme hémisphérique, d'une couleur blanchâtre, et formant au milieu du dos un rang longitudinal. Presque tout le monde connoît cette peau dure, forte et tuberculée, emplojée dans le commerce sous le nom de galuchat, ([ue Ton peint communément en verd , et dont on garnit l'extérieur des boîtes et des étuis les plus recherchés. Cette peau a aussi reçu le nom de peau de requin; et c'est par cette dénomination qu'on a voulu la distinguer d'une peau couverte de tubercules beau- coup plus petits, beaucoup moins estimée, destinée à DES POISSONS. 120 revêtir des étuis ou des boîtes moins précieux, appelée feau de clikn de mer, et qui appartient en ellet au squale ou chien de mer, désigné par le nozu de rous- sette* . Ceux qui ont observé une dépouille de requin savent que le galuchat présente des tubercules plus gros et plus ronds que la peau de ce squale, et ne peut pas être cette dernière peau plus ou moins préparée. C'est donc une fausse dénomination que celle de peau de reijuiii donnée au galuchat. Mais j'ai désiré de savoir à quel animal il falioit rapporter cette production , qui forme une branche de commerce plus étendue qu'on ne le pense, et c|ui nous parvient le plus souvent par la voie de l'Angleterre. J'ai examiné les prétendues peaux de requin déposées dans les magasins où vont se pourvoir les faiseurs d'étuis et de boîtes; et quoi- qvi'aucune de ces peaux ne montrât en entier le dessus du corps et des nageoires pectorales, et ne présentât qu'une portion de la partie supérieure de la queue, je me suis assuré sans peine qu'elles étoientles dépouilles de raies sephens. Elles ne consistent que dans la partie supérieure de la tête, du corps, et du commencement de la queue; mais autour de ces portions tuberculées , et les seules employées par les faiseurs d'étuis, il y a assez de peau molle pour qu'on puisse être convaincu qu'elles ne peuvent provenir que d'un poisson cartila- gineux et même d'une raie : et d'ailleurs elles offrent la Voyez rarticle du squale roussette. 120 HISTOIRE NATURELLE même forme, la même grosseur, la même disposition de tubercules, que la sephenj elles présentent également les trois tubercules hémisphériques et blanchâtres du dos. A la vérité, toutes les jyvéie-nâues peaux de requin que j'ai vues, au lieu de montrer une couleur uniforme, comme les sephens observées par Forskael , étoient parsemées d'un grand nombre de taches inégales , blanches, et pre.rque rondes; mais Ton doit savoir déjà que, dans presque toutes les espèces de raies, la présence d'un nombre plus ou moins grand de taches ne peut constituer tout au plus qu'une variété plus ou moins constante. Ces tubercules s'étendent non seulement au dessus du corps, mais encore au dessus d'une grande partie de la tête. Ils s'avancent presque jusqu'à l'extrémité du museau, et entourent l'endroit des évents et des jeux, dont ils sont cependant séparés par un intervalle. On reçoit d'Angleterre de ces dépouilles de sephens, de presque toutes les grandeurs, jusqu'à la longueur de soixante-cinq centimètres (deux pieds) ou environ; La peau des sephens parvenues à un développement plus étendu ne pourroit pas être emplojée comme celle des petites, à cause de la grosseur trop considé- rable de ses tubercules. Sur une de ces dépouilles, la partie tuberculée qui couvre la tête et le corps avoit cinquante-quatre centimètres (un pied sept pouces) de long, et deux décimètres (sept pouces) dans sa plus grande largeur ; et celle qui revêtoit la iDortioii du DES POISSONS. 127 dessus de la queue , la plus voisine du dos, étoit longue de deux décimètres (sept pouces ou à peu près) *. J'ai pensé cjue Ton apprendroit avec plaisir dans quelle mer se trouve le poisson dont la peau , recher- chée depuis long-temps par plusieurs artistes , nous a été jusqu'à présent apportée par des étrangers, qui nous ont laissé ignorer la patrie de l'animal qui la four- nit. Il est à présumer que l'on rencontrera la sepheii dans presque toutes les mers placées sous le même climat que la mer rouge; et nous devons espérer que nos navigateurs , en nous procurant directement sa peau tuberculée, nous délivreront bientôt d'un des tx'ibuts que nous pajons à l'industrie étrangère, Voilà donc quatre raies, laigle, la pastenaque, la lymme et la sephen, dont la queue est armée de pi- quans dentelés. Ces dards, également redoutables dans ces difïérentes espèces de poissons cartilagineux, les ont fait regarder toutes les quatre comme venimeuses : mais les mêmes raisons qui novis ont montré que l'aigle et la pastenaque ne contenoient aucun poison , doivent nous faire penser que l'arme de la sephen et de la lymme ne distille aucun venin, et n'est à craindre que par ses effets mécaniques. * On peut voir, clans les galeries du Muséum national d'histoire naturelle, une de ces dépouilles de sephen. jr^VT---'-! Tmnrviaa LA RAIE BOUCLÉE*. Cette raie, à laquelle on a donné le nom de bouclée, ou de clouée, à cause des gros aiguillons dont elle est armée, et qu'on a comparés à des clous ou à des crochets, habite dans toutes les mers de TEurope. Elle j parvient * Raie clouée. Clavelade, dans plusieurs départemens méridionaux. Thornback, et niaids, en Angleterre. Raie bouclée, Daiihenton, encyclopédie méthodique. Raja clavata, Linné, édit. de Gnielin. Raja ordiiie aculeorum unguiformium, unico in dorso caiidaque. Bloch, Histoire des poissons en allemand, troisième partie, p. 65, 7i. S, pi, 83. Raja clavata, Fauna suecica, 2g3. Id. It. TTgoth. 175. Raja aculeata, dentibus tuberculosis, cartilagine transversâ in VeBtie. jirtedi, gen. 71, syn. 99, spec. io3. Raie bouclée, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique , Gronoi'. mus. i, 140, Zooph. 154. Dasybatus clavatus, corpore toto maculis albidis rotundis, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 35, n. 4, tab. 4, 71. 7. Raja clavata, Act. sien. 4, p. 353. Raie bouclée, Rondelet, première partie, liv, 12, chap, 12. Raja clavata, Gesn. -Aquat. 795. Id. TVillughhy , Ichth, 74. Id. Baj. pisc. i6. Raie bouclée, Bellon, Aquat. p. 70, Thornback, Peiinant, Zool. brit. 3, /;. 69,7?. 5, Raie bouclée^ Vahnont-Bomare, Dict. d'histoire naturelle. Duhamel, Traité des pêches, seconde partie, sect, 9, p. 280. HISTOIRE NATURELLE. 12.() jusqu'à la longueur de quatre mètres (plus de dovize pieds}. Elle est donc vine des plus grandes; et comme elle est en même temps une des meilleures à manger, elle est, ainsi que la bâtis, très-recherchée par les pê- cheurs : Ion ne voit même le plus souvent dans les marchés d'Europe que la bouclée et la bâtis. Elle res- semble à la bâtis par ses habitudes , excepté le temps de sa ponte , qui paroît plus retardé et exiger une saison plus chaude ; elle est aussi à beaucoup d'égards conformée de même. La couleur de la partie supérieiTre de son corps est ordinairement d'un brunâtre semé de taches blanches, mais quelquefois blanche avec des taches noires. La tête est un peu alongée, et le museau pointu; les dents sont petites, plates, en losange, disposées sur plusieurs rangs, et très-serrées les unes contre les autres. La queue , plus longue que le corps , et vni peu aplatie par-dessous, présente, auprès de son extrémité la plus menue, deux petites nageoires dorsales, et une véri- table nageoire caudale qui la termine. Chaque nageoire ventrale, organisée comme celles de la bat^s ; offre également deux portions plus larges l'une qvie l'autre, et qui paroissent représenter. Tune une nageoire ventrale proprement dite, et l'autre une nageoire de l'anus. Mais ce n'est qu'une fausse appa- rence ; et ces deux portions, dont la plus large a com- munément trois rajons cartilagineux, et l'autre six , ne forment qu'une seule nageoire. TOME I. 17 lOO HISTOIRE NATURELLE Presque toute la surface de Ja raie boviclée est hérissée d'aiguillons. Le nombre de ces piquans varie cependant suivant le sexe et les parages fréquentés par IVnimal; il paroît aussi augmenter avec l'âge. M; is voici (juelle est en général la disposition de ces ])oii)tcssurune raie bouclée qui a atteint un degré assez avancé de déve- lùppement. Un rang d'aiguillons grands , forts et recourbés, atta- chés à des cartilages un peu lenticulaires, durs, et cachés en grande partie sous la peau qui les retient et alfer- mil lt*s piquans, règne sur le dos, et s'étend jus(ju'au bout de la queue. L'on voit deux piquans semblables au dessus et au dessous du bout du museau. Deux autiies sont placés au devant des jeux, et trois derrière ces organes; quatre autres très-grands sont situés sur le dos de manière à j représenter les quatre coin* d'un carré; et une rangée cFaiguillons moins forts garnit longitudînalement chaque côté ^de la queue. Ce sont toutes ces pointes plus ou moins longues, dures et 'recourbées , que l'on a comparées à des clous, à des Trochets. Mais, indépendamment de ces grands piquans, le dessus du corps , de la tète et des nageoires pecto- rales, présente des aiguiUons plus petits, de longueurs inégales, et qui, lorscpi'ils tombent, lai.ssent à leur place une tache blanche comme les piquans grands et rrochus. Et enfin on voit, sur la partie inférieui^e de la raie bouclée,, qu eh -nés autres pointes encore plus pe- tites et plus clair-semées. DES POISSONS. l3l Cette tache blanche qui marque l'endroit que les aiguillons séparés du corps avoient ombragé, recou- vert, et privé de l'influence de la lumière, cette place décolorée, n'est-elle pas une preuve de ce que nous avons exposé sur les causes des différentes coideurs que les poissons présentent, et des dispositions que ces nuances affectent*? Le foie de la raie bouclée est divisé en trois lobes, dont celui du milieu est le moins grand, et les deux latéraux sont très-longs : il est très-volumineuxj il four- nit ime grande quantité d'huile, que les pêcheurs de Norvvège recueillent particulièrement avec beaucoup de soin. La vésicule du fiel, rougeâtre, alongée et triangu- laire, est entre le lobe du milieu du foie et l'estomac. Ce dernier viscère est assez grand, alongé, et situé ini peu du côté gauche de l'abdomen. Il se rétrécit et se recourbe un peu vers le pjloi'e, qui est très-étroit, et n'est garni d'aucun appendice. Au-delà du pjlore, le canal intestinal s'élargit, et parvient à l'anus sans beaucoup de sinuosités. Mais pourquoi nous étendre davantage sur un pois- son que l'on a si souvent entre les mains, que l'on peut si aisément connoître, et qui a tant de rapports avec la bâtis, dont nous avons examiné très eu détail et la forme et la manière de vivre? Qu'il nous suffise donc d'ajouter que l'on pêche les * Discours sia- la nature des poissons^ et plusieurs autres articles de cette îiistoire. l32 HISTOIRE NATURELLE raies bouclées, comme les autres, raies, avec des cordes flottantes ", des folles % des demi-folles % et des seines \ ' Il y a trois manières principales de pêcher avec des cordes. Premièrement , on peut se servir d'une longue corde à laquelle on attaclie, de distance en distance, des lignes ou empiles garnies de leurs hainis. Cette corde principale porte le nom de mai/resse corde, oti de bouffe , sur les bords de rOcéan , et celui de ir.aiire de palungre sur les côtes de la Méditerra- née, où la dénomination àe palan grès remplace celle Ae cordes, et où les péclieurs qui emploient des cordes et des empiles sont appelés jialangriers, au lieu de cordiers. Par empile ou pile, on entend un fil de ci in , de chanvre, on de lailon, auquel un haini est attaché, que l'on suspend aux lignes, et qui, variant dans sa grosseur suivant la force des haims, et l'espèce du poisson que l'on se propose de prenche, est simple, ou double, rond, ou tressé en cadenelte. Et par haini, presque tout le monde sait que l'on désigne un crochet d'os, de bois dur, ou de métal, auquel on attache une amorce, et qui , recevant quelquefois le nom cV hameçon, le porte sur- tout lorsqu'il est garni de son appât. Secondement , on péclie avec des cordes par fond , c'est-à-dire avec des maîtresses cordes chargées de plomb , ou de cailloux , qui les assujettissent au fond des eaux. Et troisièmement, on peut employer une corde flottante. Cette dernière, moins grosse ordinairement que les cordes par fond, est soutenue par des Jloltes ou corceroiis de liège, qui la font quelquefois flotter entièrement à la surface de l'eau. Ou s'en sert pour prendre les poissons qui nagent très- près de la superficie des mers ou des rivières. " 'L.a. folle est un filet à larges mailles, que l'on tend de manière qu'il fasse des plis tant dans le sens horizontal que dans le sens vertical, afin que les poissons s'enveloppent plus facilement dans ses diflTérentes parties. La plupart des auteurs qui ont écrit sui; les instrumens employés dans les pêches, ont dit que les mouveniens irréguliers et multipliés produits par les plis de ce filet lui ont fait donner le nom Ac folle. Au reste, il est lesté par le bas, et J^a^j-enrenf flotté ou garni de liège par le haut; et c'est communément auprès du fond des n'.ers ou de celui des rivières qu'il est tendu. 3 La demi- folle diffère de \a. folle, en ce qu'elle a moins d'étendue, et que les mailles qui la composent sont plus étroites. ■* On nomme seine j ou senne, un filet composé d'une nappe simple, et DES POISSONS. l33 Lorsque la bouclée a été prise, on la conserve pen- dant quelques jours, ainsi que presque tous les poissons du même genre, afin que sa chair acquière de la déli- catesse, et perde tou(e odeur de marécage ou de ma- rine. Sur plusieurs côtes , on recherche beaucoup de jeunes et très-petites raies bouclées que l'on nomme rayons, raictons, ralliions, et, dans quelques ports, papil- lons; dénomination dont on se sert aussi quelquefois pour désigner des morceaux détachés de grandes raies desséchées, et préparées pour de longs vojages. propre à arrêter les poissons que l'on veut prendre. Elle clifFère de \9.folle, en ce qu'elle est destinée à être train(?e parles pécheurs. Elle est garnie de lest dans sa partie inférieure, et àe flottes ou morceaux de liège dans sa partie supérieure. La corde.qui borde et termine cette partie supérieure , et à laquelle les flottes sont attachées, se nomme ralingue. Ku-x. extrémités de cette ralingue sont des cordes plus ou moins longues qu'on appelle braSj et gui servent à tendre le filet ou à le traîner. Lorsqu'on traîne la seine, elle fbrme, dans le sens horizontal, une courbure dont le creux est tourné vers le point auquel on tend; et comme il est très-rare que les poissons qiie l'on poursuit avec ce filet soient de grandeur ou de forme à s'embarrasser et se prendre dans ses mailles, on ne relève la seine qu'en rapprocliant et réu- nissant tout-à-fait les deux bouts de la ralingue, et en renfermant les pois- sons dans le contour que l'on produit par cette manœuvre. ..A-Hh-iar. .-«t-^Jt^»... w.- ■ ^^-^ T-,, ■ * f» * » «É rt« Mai Tr w. if< iii n a !%mf ^&\t^ smm iHi LA RAIE T H U I N. Cette belle espèce de raie, très-remarquable par sa forme- ainsi que par la disposition de ses couleurs, et dont la description n'a encore été publiée par aucun naturaliste , est un des innombrables trophées de la valeur des armées françoises. L'individu que nous avons fait graver, fait partie de la célèbre collection d'objets d'histoire naturelle, conservée pendant long-temps à la Haye, cédée à la France par la nation hoUandoise son alliée, après que la victoire a eu fait flotter le dra- peau tricolor jusqvies sur les bords du Zuiderzée, et qui décore maintenant les galeries du Muséum d'his- toire naturelle de Paris. Ces précieux objets ajant été recueillis eu Hollande et transportés en France par les soins de deux de mes collègues les professeurs Thouin et Faujas Saint-Fond, que le gouvernement françois avoit envojés au milieu de nos légions conquérantes pour accroître le domaine des sciences naturelles , pendant que nos braves soldats ajoutoient à notre territoire , j'ai cru devoir chercher à perpétuer les témoignages de reconnoissance qu'ils ont reçus des naturalistes, en donnant leurs noms à deux des espèces de poissons dont on va leur devoir la connoissance et la publication *. J'ai distingué en conséquence par le * Voyez l'article relatif à la nomenclature des poissons. HISTOIRE ]M A T U R E I. I, E. I 35 nom de fa/ijas une des lophies dont nous allons donner rhist(nre, et par celui de llioidn la raie dont nous nous occupons dans cet article. La raie thouin a les dents aplaties et disposées sur plusieurs rangs comme celles de toutes les raies com- prises dans le troisième et dans le quatrième sous-genre. Son museau , beaucoup plus trcuisparcut que celui de la plupart des autres raies, est terminé par une pro- longation souple assez étendue, et plus longue que Tiu- tervalle cpii sépare les deux jeux. Le dessus du corps et des nageoires pectorales est d'une couleur noire ou très-foncée; mais le museau est d'un blanc de neige très-éclatant, excepté à son extré- mité, où il est brun, et dans le milieu de sa longueur, où il présente la même couleur obscure. Cette raie lon- gitudinale brune s'étend sur le devant de la tête, qui, dans tout le reste de sa partie antérieure, est d'un blanc très-pur; et elle s'j réunit à la couleur très-foncée de l'entre-deux des j eux, de la partie postérieure de la tête, et du dessus du corps. Tout le dessous de l'animal est d'un beau blanc. Les jeux sont recouverts presque à demi par une prolongation de la peau de la tête, comme ceux de la bâtis; et derrière ces organes on voit de très-grands évents. L'ouverture des narines , située obliquement au dessous ciu museau et au devant delà bouche, présente la forme d'un ovale irréguîier et très-alongé, et est l36 HISTOIRE NATURELLE assez grande pour que son diamètre le plus long soit égal à plus de la nioilié de celui de la bouche. Cette ouverture aboutit à un organe composé de membranes plissées et frangées, dont nous avons fait graver la figure, et dont le nombre et les surfaces sont assez considérables pour le rendre très-délicat. Et comme, d'un autre côté, nous venons de voir que le museau, ce principal organe du toucher des raies, est très pro- longé, très-mobile, et par conséquent très-sensible, dans la raie thouin, nous devons présumer que ce dernier poisson jouit d'un toucher et d'iui odorat plus actifs que ceux de la plupart des autres raies, et doit avoir par conséquent un sentiment plus exquis et un instinct plus étendu. La queue est à peu près de la longueur de la tète et du corps pris ensemble 5 mais, au lieu d'être très-déliée comme celle de presque toutes les raies, elle présente à son origine une largeur égale à celle de la partie pos- térieure du corps à laquelle elle s'attache. Son diamètre va ensuite en diminuant par degrés insensibles jusqu'à l'extx'émité, qui s'insère, pour ainsi dire, dans une na- geoire. Cette dernière partie termine le bout de la queue, et le garnit par-dessqs et par-dessous, mais en ne composant qu'un seul lobe et en formant un triangle dont le sommet est dans le bas. Indépendamment de cette nageoire caudale, on en voit deux dorsales, à peu près de la même grandeur, un peu triangulaires et échancrées dans celle de leurs DES POISSONS. 187 faces qui est opposée à la tète. La première de ces deux nageoires dorsales est placée beaucoup plus près du corps que sur presque toutes les autres raies; ou la voit à peu près au tiers de la longueur de la queue, a compter de Tanus; et la seconde nageoire est située vers les deux tiers de cette même longueur. Le dessus de la tête et de la prolongation du museau est garni d'un très-grand nombre de petits aiguillons tournés vers la queue, et beaucoup plus sensibles sur les portions colorées en brun que sur celles qui le sont en blanc. D'ailleurs, le dessus et le dessous du corps et de la queue sont revêtus de petits tubercules plus rap- prochés et moins saiilans sur la partie inférieure de la queue et du corps. De plus, Ton voit une rangée de tu- bercules plus gros, et terminés par un aiguillon tourné vers la queue, s'étendre depuis les évents jusques à la seconde nageoire dorsale; et l'on apperçoit encore au- tour des jeux Cj[uelques xins de ces derniers tubercules. Les nageoires pectorales sont un peu sinueuses, et arrondies dans leur contour; et les ventrales, à peu près de la même largeur dans toute leur étendue, ne peuvent pas être considérées comme séparées en por- tion ventrale et en portion anale. Les nageoires laté- rales sont beaucoup plus difficiles à confondre que dans presque toutes les auti'es raies , avec le corps pro- prement dit, cjui, d'un autre côté, beaucoup moins distingué de la queue, donne à la thouin un caractère que nous n'avons retrouvé que dans la rhinobate , où TOME I. 18 l38 HISTOIRE NATURELLE. on le verra reparoître d'une manière encore plus mar- quée. Mais , malgré cette conformation ; l'ensemble de l'animal est très-plat, et beaucoup plus déprimé quo celui de la rhiuobate. LA RAIE BOHKAT Cette raie, que Forskael a vue dans la mer rouge, et qu'il a le premier fait conuuître, a, comme la raie tliouin, la queue garnie de trois nageoires : une, divisée en deux lobes, placée à l'extrémité de cette partie, et par conséquent véritablement caudale ; et les autres deux, dorsales. De même que sur la thouin , ces deux nageoii'es dorsales sont beaucoup plus avancées vers la tète que sur un très-grand nombre de raies; elles en sont même plus rapprochées que dans la raie thouin , puisque la première de ces deux nageoires est située au dessus des nageoires veiilrales, et par conséquent de l'anus, et quelquefois prend son origine encore plus près des jeux ou des évents. Un des individus observés par Forskael avoit plus de deux mètres de longueur. La couleur de sa partie supérieure étoit d'un cendré pâle, parsemé de taches ovales et blanchâtres; et celle de sa partie inférieure, d'un blanchâtre plus ou moins clair, avec quelques raies inégales brunes et blanches auprès de l'anus. Le dos s'élevoit un peu au devant de la pre- *Eaja pinnâ cauclee bilobéî , aculeorum online dorsi initio tiiplici, dein sîmplici, pinnâ dorsi pvimâ supra pinuas ventrales. Forskael, Fuun, ara^- j). i8, '/. 17. Raja djiddensîs, Linné, édition de Gmelin. Raie bobkat, Bonnaterrc, planches de l' Euryclopédie mélhodiquc. I zj-O HISTOIRE NATURELLE. mière nageoire dorsale; les nageoires pectorales, trian- gulaires, et terminées clans leur bord extérieur par un angle obtus, étoient quatre fois plus grandes que les ventrales. On appercevoitun rang de piquans autour des jeux, trois rangées d'aiguillons sur la partie antérieure du dos; et une rangée de ces pointes s'étendoit d'une nageoire dorsale à l'autre. La raie bohkat est, selon Forskael, très-bonne à manger. /.'/// /. PI. y . Pat/. 2 4 /. R.III:. CiU'i.T. 2. II. Il F. M,i/ial(,! J . SOI'.II.K. I',r„/,',i/ïicr. LA RAIE C U V I E R, Je nomme aingi cette raie, parce que j'en dois la con- noissance à mon savant confrère le professeur Cuvier, membre de l'institm national. Il a bien voulu, dès le mois de mars 1792, menvojer, du département de la Seine-Inférieure, le dessin et la description d'un indi- vidu de cette espèce, cpi'il avoit vu desséché. La raie cuvier a beaucoup de rapport avec la thouin, et sur- tout avec la bohkat, par la position de sa première na- geoire dorsale. Cette nageoire est, en effet, très-rap- prochée des jeux, comme celles de la thouin et de la bohkat. Mais ce qui sépare ce poisson des autres raies déjà connues, et forme même son caractère distinctif le plus saillaut, c'est que cette même nageoire dorsale est située non seulement au dessus des nageoires ven- trales, ou à une petite distance de ces nageoires, et vers la tête, comme sur la bohkat, mais qu'elle est implan- tée sur le dos, vers le milieu des nageoires pectorales, et plus près des évents que de l'origine de la queue. Cette place de la première nageoire dorsale est un nouveau lien entre la raie cuvier, et par conséquent tout le genre des raies , et celui des squales, dont plu- sieurs espèces ont la première nageoire dorsale très- proche de la tête. Le museau de la raie que nous décrivons est pointu j 'î42 HISTOIRE NATURELLE les iwgeoires pectorales sont très-gi-andcs et angu- leuses; les nageoires ventrales se divisent chacune en deux portions , dont Tune représente une nageoire ventrale proprement dite , et l'autre une nageoire de Tanus. Les aj^pendices qui caractérisent le mille sont très-courts, et d'un très-petit diamètre. La queue, très- mobile, déliée , et à peu près de la longueur de la tète et du corps pris enseml^le , est garnie à son extrémité d'une petite nageoire caudale, et présente de plus, sur la partie supérieure de cette même extrémité, deux petites nageoires contiguës l'une à l'autre, ou, pour mieux dire , une seconde nageoire dorsale , divisée en deux lobes, et qui touche la caudale. On ne voit aucun piquant autour des jeux; maisune rangée d'aiguillons s^étend depuis la première nageoire dorsale jusqu'à l'origine de la queue, qui est armée de trois rangées longitudinales de pointes aiguës. Au reste, la partie supérieure de l'animal est parse- mée d'une grande quantité de taches foncées et irré- gulières. La nageoire dorsale, qui se fait remarquer sur cette raie, est un peu ovale, plus longue que large, et un peu plus étroite à sa base que vers le milieu de sa longueur, à cause de la divergence des rajqns dont elle est composée. Sa place, beaucoup plus rapprochée des évents que celle des premières nageoires dorsales de la plupart des rai^s , avoit donné qvielques soupçons au citojen DES P O I S S O I^ S. 140 Cuvier sur la nature de cette nageoire : il avoit craint qu'elle ne lût le produit de quelque supercherie, et n'eût été mise artiiiciellenient sur le dos de l'individu qu'il décrivoit. «Cependant un examen attentif, m'a « écrit dans le temps cet habile observateur *, ne me « montra rien d'artificiel; et le possesseur de cette raie, K homme de bonne foi, m'assura avoir préparé cet ani- « mal tel cju'on le lui avoit apporté du marché. » Mf'is quand même il faudroit retrancher de la raie cuvier cette première nogeoire dorsale, elle seroit en- core une espèce distincte de toutes celles que nous connoissons. En effet, la raie avec laquelle elle paroît avoir le plus de ressemblance, est la ronce. Elle en dif- fère néanmoins par plusieurs traits , et particulièrement par les trois caractères suivans. Premièrement, elle n'a point, comme la ronce, de gros piquans auprès d^ narines, aiitour des jeux, sur les côtés du dos , sur la partie inférieure du corps , ni de petits aiguillons sur ses nageoires pectorales et sur tou* . le reste de sa surface. Secondement, les appendices qui distinguent les mâles sont très-petits, tandis que les appendices des raies ronces mâles sont très-loz^gs et très-gros, sui'-toufc vers leur extrémité. Et troisièmement, la raie ronce et la raie cuvier * Lcttie àii c'uoyen Cuvier au citoyen La Cepède, dalée de FiquainvilJe près de Valleniont , cu'partcnicnl de la Seine-Inférieure, le 9 mars i'/'p. 144 HISTOîRt NATURELLE. n'appartiennent pas au même sous-genre, puisque la ronce a les dents pointues et aiguës, et que la cuvier les a arrondies comme la pastenaque et la raie bouclée, suivant les expressions employées par mon confrère dam la lettre qu'il m'a adressée dès 1792. LA RAIE RHINOBATE \ Cette raie se rapproche de la envier et de la bobkat par la position de sa première nageoire dorsale 5 elle a de grandes ressemblances avec la thouin par cette même position , et par plusieurs autres particularités de sa conformation extérieure; et comme elle est le plus alongé de tous les poissons de son genre, elle se réunit de plus près que les autres raies, avec les squales, et sur-tout avec le squale ange, (|ui, de son côté, pré- sente plus de rapports que les autres squales avec la famille des raies. Les nageoires pectorales de la rhinobate sont moins étendues à proportion du volume total de l'animal, que celles des avitres espèces de son genre. Cette conlbr- iiaation la lie encore avec l'ange; et, en tout, ce squale et * Raie rhinolîate, Dauhculou, Encyclopédie métliodùjuc. Raja rliinolîatos, Linné, édition de Gmelin. Raie rhinohaie, Bonnalene, ji/anc/ies de l' Encyclopédie méthodique, R. oblonga, iinico acLileovum oïdine in dorso. Mus. ad. fr. 2, ;<. 24. Id. Artedi, gi'n. 10, yn. 99. Raja ilorso diplerygio, aculcoiurn oïdiiie solifario, caudà la(à piiiiia(A ii'.errai, roslro tti^ono productiore. Gronov. Zoophyt. 1S6. Bell. j)isc. 78. Squats-iaja, seii ihinobafos, Gcsn. pisc. 90.3. Rhinobatos, seu sqiiatina raja. Salv, pisc. i5j. Id. If-'illiighhy, 79. Id. Riij. piiC. 28. TOME r. 19 146 HISTOIRE NATURELLE cette raie offrent assez de parties sembhihles pour que l'on ait cru, dès le temps d'Aristote, que Tauge s'accou- ploit avec les raies, que cette union étoit féconde, et que le produit de ce mélange étoit un animal moitié raie et moitié squale, auquel on avoit en conséquence donné le nom composé de r]iLiio-halos\ Pline a partagé cette opinion^ : elle a été adoptée par plusieurs auteurs bien postérieurs à Pline; et elle a servi à faire donner ou conserver à la rhinobate la dénomination de scjua- îina-iaja , le squale ange ajant été appelé stjiiatiiie par plusieurs naturalistes. La rhinobate est cependant une espèce existante par elle-même, et qui peut se renouveler sans altération, ainsi que toutes les autres espèces d animaux que Ton n'a pas iinaginé de regarder comme métives. Elle est véri- tablement une raie, car son corps est plat par-dessous; et, ce qui forme le véritable caractère distinctif par lequel les raies sont séparées des squales, les ouvertures de ses branchies ne sont pas placées sur les côtés, mais sur la partie inférieure du corps. Son museau est très-alongé et très- étroit; le bord de ses évents présente quelquefois deux espèces de petites dents; elle a deux nageoires dorsjdes un peu conformées comme le fer d'une faux, et placées à peu près comme celles de la bohkat. La preuiière de ces ' Baloa , en grec, veut dire raie. ' Hist, iiatur. ln\ 9, cluip. 5i. DES POISSONS. 147 deux nageoires est en effet située au dessus des na- geoires ventrales, et la seconde un ])eu plus près de l'extrémité de la queue que de la première. Une troi- sième nageoire, ime vériiable nageoire caudale, garnit le bout de la queue; et cette dernière partie, de la même grosseur <à .son origine que la partie postérieure du corps, ne diminue de diamètre jusqu'à son extrémité que par des degrés insensibles. La surface de l'animal est revêtue d'une grande quantité de tubercules, et une rangée d'autres tubercules forts et aigus, ou, pour mieux dire, de pointes, part de l'entre-deux des jeux, et s'étend jusqu'à la seconde nageoire dorsale. La partie supérieure de l'animal est d'une couleur obscvu'e, et le dessous d'iui blanc rougeâtre. Telle est la véritable rhinobate, l'espèce que nous avons fait dessiner et graver d'après un individu de plus d'un mètre de longueur, conservé dans le Muséum uational d'histoire naturelle. La courte description que nous venons d'en faire d'après ce même individu, suf- fîroit pour que personne ne la confondît avec la i-aie thouin: cependant, afin d'éviter toute erreur, mettons en opposition quelques principaux caractères de ces deux poissons cartilagineux ; on n'en connoitra que mieux ces deux espèces remarquables de la famille des raies. Premièrement, la couleur du dessus du museau et du reste de la tète de la rîiinobate ne présente qu'une seule teinte : le museau et le devant de la tète de la 148 HISTOIRE K A T U 11 E L L. È (houin offrent une nuance très-ioncée, et tni blanc très-éclatant, distribués avec beaucoup de régularité, et contrastés d'une manière frappante. Secondement, l'angle <]ue présenie l'extrémité du museau est beaucoup j)lus aigu dans la l'hinobate que dans la tliouin, et la base de l'espèce de triangle que forme ce museau est par consé(juent beaucoup moins éteniiue. 'Tioisièmement, la surface supérieure de cette même partie et du devant de la tète n'est point hérissée de petits aiguillons sur la rhinobate, comme sur la lliouin. I Quatrièmement, la forme des pointes cpii régnent le long du dos de la raie cpie nous décrivons dans cefc article , est souvent différente de celle des piquans dont le dos de la thouin est armé. Cincjuièmément, le dessus du corps delà rhinobate est moins ;;plati que celui de la thouin. Sixièmement, le corps de la rhinobate ne commence à diminuer de diamètre que vers les nageoires ventrales: celui de la thouin montre cette diminution vers le mi- lieu des nageoires pectondcs. Septièmement, les nageoires pectorales de la rhino- bate ne présentent jias le même contour, et sont moins rapprochées des ventrales c[ue celles de la thouin. Huitièmement, une membrane ((uelquefois frangée, quelquefois sans découjmre, s'étend longitudinalement de chaque côté de la l'hinobaie, et marque, pour ainsi \ I) y. s p o I s s o N s. 1 49 fcliie, la séparation de la partie supérieure de l'animal d'avec rinlerieure : on ue voit rien de semblable sur la raie à Lîquelle nous la comparons. Neuvièmement, la première nageoire dorsr.le de In rlîinobate est si(uée beaucoup plus près des èvents que celle de la raie thouin. Et dixièmement enfin, la nageoii'e de la queue de la rlîinobate, au lieu dêlrc peu échancrée comme celle de la thouin, est divisée en deux lobes très - marqués , dont le supérieur est beaucoup plus grand que rinfé- rieur. (xs deux raies sont donc éloignées l'une de l'autre par dix caractères distinctifs : et comment confondre ensemble deux espèces ([ue tant de dissemblances sé- parent? Des variétés j)lus ou moins constantes de la rbinobate ou de la thouin pourront bien se placer, pour ainsi dire, entre ces deux animaux, et, par quel- ques akérations dans la conformation que nous venons d'exposer, servir en ajjparence de points de communi- cation, et même les rapprocher un peu : mais de trop grands intervalles resteront toujoiu's entre ces deux espèces pcjur qu'on puisse les identifier. La rlîinobate ajant le museau plus déiié, et par con- séquent plus mobile (pie la thouin, doit avoir le tou- cher pour le moins aussi excjuis, et la sensibilité aussi ■vive([iie cette dernière. Au rcile, c'est à l'espèce de la rhinobate que nous . I So H I s T o I H r, ^ A T y ïl E L L E. rapportons , avec le professeur Gmelin ',1a raie halavi ', décrite par Forskael dans sa Faune et Arabie, et qui ne présente aucun trait d'après lequel on doive l'en séparer. ' Liniu\ édition de Gnielin. ' Raja lialavi, Forskael, Fniiii, arah.-p. 19, ;;. 18. Raie lialavi, Bonnalcrrc , -planclics de V Encyclopédie mélhodiqiie. LA Pv A I E M O B U L A R ^ C'est DuhameP qvii a fait connoitre cette énorme •espèce de poisson cartilagineux, dont un individu, du poids de plus de vingt-neuf mjriagramnîes (six cents livres), fut ])ris en 1728 dans la mandrague ^ de Mont- redon , près de Marseille. Cette raie , supérieure en volume et en ]">oids h (ouh. 1^3. Srown Jam. p. 468, n. 2. Cynocephahis albus, Klein, miss. pisc. 3, p. S, n. i . Aristot. liist. anim. 1. 5, c. 5; et lib. g, c. 37. Plin. Hisl, mundi, l. g, c. 24. TOME I. 22 lyO HISTOIRE NATURELLE les ouvertures des branchies des raies, que ces orifices soient transportés de la surface inférieure du corps sur les côtés de Tanimal, cpi'on diminue la grandeur des Lamie, Rniidelel, première paitie, liv. l3, chap, il. Athen.l. 'j^pag. 3o6— 3io. JBello?ij Aijiiat. p. 58. CeiJi, .^qinit. p. lyB, icnn. aiiiiu.p. l5l — lS3, thierh. p. 8l, 82, C.ircharias canis, seu lamia. ^IdroiuucL pi'sc. p. 38l, 382, 387. Id. .Tons/on, piic. p. 24, /ah. 6 ^/î^, 6. Fermiit. Surin. 2, page 248. Diitertre, Antil. p. 202. Requin, Broitssonetj Me'/n. de l'acad. des sciences de Paris j pour l'an 1780,71. 670, 11. 19. While shark, Tnllughhy^ Iclith. p. 47, laJ}. h. 7. Id. Haj. pisc. p, 18. Id. Brit. Znol. 3, p. 82, ?;. 4. Requin, Vahnont-Bomare , Dict, d'histoire naturelle. Tibuione, Marcgrai . lil>. 4. Niereirib. lib. 12, c. 20. Piscis Jonae, seu anlliropophagiis, ciuorumdam, Canis galeus, Sahi. i32. Tubaron, ou liays. Sloan. Voyag. p. 24. Hithani: I , Tniité despéches,spcniidr pqUie, secf.(), chap. ^, art. l.,pf. 19. - Squalus dentibus serratis, niulliplici oïdine stipalis, Foveâ ad basini caudœ Junulatâ. Coiiiiiiersoiij nuiiiubcrits de'poses nu Maséitin d'/iisto're iialitrelle. ' ]S!ous avons préFéié, poiT le j;enie dnnt nous allons traiter, le nom de squale , adniis [ar un tiès-j^iand nonibie de naliiralistes iiiod( rnes, à edui de chien de mer, qui est toniposé, et qui présente une idée fau.-oe. l^ n effet, les sq"ales soni bien des habitans > peau âpre." DES POISSONS. 171 nageoires pectorales , qu'on grossisse dans quelques nus de ces cartilagineux l'origine de la queue, et qu'on donne h cette origine le même diamètre qu'à la partie postérieure du corps, et les raies seront entièrement confondues avec lessqviales. Les espèces seront toujours distinguées les unes des autres; mais aucun caractère véritablement générique ne pourra les diviser en deux grouppes : on comptera le même nombre de petits ra- meaux.; mais on ne verra plus deux grandes branches principales s'élever séparément sur leur tige com- mune. Quelques squales ont, comme les raies, des évents placés auprès et derrière les jeux; quelques autres ont, indépendamment de ces évents, xine véritable nageoire de l'anus, très-distincte des nageoires ventrales, etfpi'au- cune raie ne présente ; il en est enfin qui sont pourvus de cette même nageoire de l'anus , et qui sont dénués d'évents. Les premiers ont évidemment plus de confor- mité avec les raies que les seconds, et sur-tout que les troisièmes. Nous n'avons pas cru cependant devoir exposer les formes et les habitudes des squales dans l'ordre que nous venons d'indiquer, et que l'on [)()urroit à certains égards regarder comme le plus naturel. La nécess'ité de commencer par montrer les objets les mieux connus et de les faii-e servir de terme de comparaison, pour juger de ceux qui ont été- moins bien et moins fréquemment observés, nous a forcés de préférer un ordre inverse, et de placer les premiers dans cette 172 HISTOIRE NATURELLE histoire, les squales qui u'ont pas d'é vents, et qui ont une nageoire de l'anus. Au reste, les espèces de squales ne diffèrent dans leurs formes et dans leurs habitudes que par un petit nombre de points. Nous indiquerons ces points de séparation dans des articles particuliers; mais c'est en nous occupant du plus redoutable des squales, que nous allons tâcher de présenter en quelque sorte l'en- semble des habitudes et des formes du genre. Lejequin va être, pour ainsi dire, le tjpe de la famille entière; nous allons le considérer comme le squale par excel- lence, comme la mesure générale à laquelle nous rap- porterons les autres espèces; et l'on verra aisément combien cette sorte de prééminence due à la supério- rité de son volume, de sa force et de sa puissance, est d'ailleurs fondée sur le grand nombre d'observations dont la curiosité et la terreur qu'il inspire, l'ont rendu dans tous les temps l'objet. Ce formidable squale parvient jusqu'à une longueur de plus de dix mètres (trente pieds ou environ); il j)èse quelquefois près de cinquante mjriagrammes (mille livres) '; et il s'en faut de beaucoup que l'on ait prouvé que l'on doit regarder comme exagérée, l'assertion de ceux qui ont prétendu qu'on avoit péché un recpiin du poids de plus de cent quatre-vingt-dix lujriagrammcs (quatre mille livres) \ ' Rondelet, à l'endroit déjà cité. ' Cillius, dans Ray; et d'autres auteurs. DES POISSONS. 178 Mais la grandeur n'est pas son seul attribut : il a reçu aussi la force , et des armes meurtrières ; et, féroce autant que vorace, impétueux dans ses mouvemens , avide de sang, et insatiable de proie, il est véritable- ment le tigre de la mer. Recherchant sans crainte tout ennemi , poursuivant avec plus d'obstination, attaquant avec plus de rage, combattant avec plus d'acharne- ment, que les autres liabitans des eaux ; plus dangereux que plusieurs cétacées, qui presque toujours sont moins puissans que lui; inspirant même plus d'efi'roi que les baleines, qui, moins bien armées, et douées d'appétits bien differens , ne provoquent presque jamais ni l'homme ni les grands animaux; rapide dans sa course, répandu sous tous les climats, ajant envahi , pour ainsi dire, toutes les mers; paroissant souvent au milieu des tempêtes; appcrçu facilement, par l'éclat phosphorique dont il brille, au milieu des ombres des nuits les plus orageuses; menaçant de sa gueule énorme et dévorante les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur mon- trant en quelque sorte leur tombe ouverte, et plaçant sous leurs jeux le signal de la destruction, il n'est pas it^. surprenant (ju'il ait reçu le nom sinistre qu'il porte, et qui, réveillant tant d'idées lugubres, rappelle sur-tout la mort, dont il est le ministre. Rcyiii/i est en effet une corruption de nvfi/iem, qui désigne depuis long- temps, en Europe, la mort et le repos éternel, et qui a dû être souvent, pour des passagers efFrajés, l'expression 174 HISTOIRE NATURELLE de leur consternation , à la vue d'un squale de plus de trente pieds de longueur, et des victimes déchirées ou englouties par ce tjran des ondes. Terrible encore lorsqu'on a pu parvenir à l'accabler de chaînes , se' débattant avec violence au milieu de ses liens, con- servant une grande puissance lors même qu'il est déjà tout baigné dans son sang, et pouvant d'un seul coup de sa queue répandre le ravage autour de lui , à l'instant même où il est près d'expirer, n'est-il pas le plus for- midable de tous les animaux auxquels la nature n'a pas départi des armes empoisonnées? Le tigre le plus fu- rieux au milieu des sables brûlans, le crocodile le plus fort sur les rivages équatoriaux, le serpent le plus dé- mesuré dans les solitudes africaines, doivent-ils inspirer autant d'effroi qu'un énorme requin au milieu des va- gues agitées? Mais examinons le principe de cette puissance si redoutée, et la source de cette voracité si funeste. Le corps du i-equin est très-alongé, et la peau qui le recouvre est garnie de petits tubercules très -serrés les uns contre les autres. Comme cette peau tuberculée est très-dure, on l'emploie, dans les arts , à polir difll'é- rens ouvrages de bois et d'ivoire; on s'en sert aussi pour faire des liens et des courroies , ainsi que pour couvrir des étuis et d'autres meubles : mais il ne faut pas la confondre avec la peau de la raie sephen *, dont on fait * Article de la raie sephen. DES POISSONS. 17,5 le galuchat, et qui n'est connue dans le commerce que sous le faux nom de peau de rciiiiln, tandis <|ue la véri- fahle peau de requin porte la dénomiuation (rès-vague de pcan de cliicn de mer. La dureté de cette peau, (jui la fait rechercher dans les arts, est aussi très-utile au re- quin, et a dû coiîîribuer à augmenter sa hardiesse et sa voracité, en le garantissant de la morsure de plu- sieurs animaux assez forts et doués de dents meur- trières. La coîtleur de son dos et de ses côtés est d'un cendré brun ; et celle du dessous de son corps, d'un blanc sale. La tète est aplatie, et terminée par un museau un peu arrondi. Au dessous de cette extrémité, et à peu près à une distance égale du bout du museau et du milieu d(^s jeux, t)n voit les narines organisées dans leur in- térieur prescjue de la même manière (jue celles de la raie bâtis, et (|ui, étant le siège d'un odorat très-fin et très-délicat, donnent au re([uin la facilité de recon- noître de loin sa jiroie, et de la distinguer au miiieu des eaux les ])lus agitées par les vents, ou des on)bres de la nuit la plus noire, ou de l'obscurité des ab>mes les plus profonds de l'Océan. Le sens de l'odorat étant dans le recjuin, ainsi que dans les raies et dans presque tous les poissons, celui qui règle les courses et dirige les atta([ues, les objets qui répondent l'odeur la plus forte doivent être, tout égal d'ailleurs, ceux sur lestiueîs ilse jette avec le plus de rapidité. Ils sont pour le requin ce qu'une substance très-éciatante placée au miiieu de 176 HISTOIRE NATURELLE corps trè.s-|i^u éclairés seroit ]:)our un animal qui n'obéiroit qu'au sens de la vue. On ne peut donc guère se refuser à l'opinion de plusieurs voyageurs qui as- surent que lorsque des blancs et des noirs se baignent ensemble dans les eaux de l'Océan, les noirs, dont les émanations sont plus odorantes que celles des blancs, sont plus exposés à la féroce avidité du requin, et qu'immolés les premiers par cet animal vorace, ils don- nent le temps aux blancs d'échapper par la fuite à ses dents acérées. Et pourquoi, à la honte de l'humanité, est-on encore plus forcé de les croire lorsqu'ils racon- tent que des blancs ont pu oublier les loix sacrées de la nature, au point de ne descendre dans les eaux de la mer qu'en plaçant autour d'eux de malheureux nègres, dont ils faisoient la part du requin? L'ouverture de la bouche est en forme de demi-cercle, et placée transversalement au dessous de la tête, et derrière les narines. Elle est très-grande; et l'on pourra juger facilement de ses dimensions , en sachant que nous avons reconnu, d'après plusieurs comparaisons, que le contour d'un côté de la mâchoire supérievire , mesuré depuis l'angle des deux mâchoires jusqu'au som- met de la mâchoire d'en -haut, égale à peu près le onzième de la longueur totale de l'animal. Le contour de la mâchoire supérieure d'un requin de trente pieds (près de dix mètres) est donc environ de six pieds ou deux mètres de longueur. Quelle immense ouverture! Quel gouffre pour engloutir la proie du requin I Et DES POISSONS. 177 comme son gosier est (.l'un diamètre proportionné, on ne doit pss gtre étonné de lire dans Rondelet et dans d'autres auteurs, que les grands requins peuvent ava- ler un homme tout entier, et que, lorsque c<^s squales sont morts et gisans sur le rivage, on voit queltjuefois lies chiens entrer dans leur gueule, dont quel()ue corps étranger retient les mâchoires écartées, et aller cher- cher jusques dans l'estomac les restes des alimens dé- vores par l'énorme poisson. Loi'sque celfe gueule est ouverte, on voit au delà des lèvres, qui sont étroites et de la consistance du cuir, des dents plates, triangulaires, dentelées sur leurs bords, et blanches comme de l'ivoire. Chacun des bords de celte partie émaillée, c[ui sort hors des gencives, a communément cinq centimètres (près de deux pouces) de longueur dans les requiiTs de trente pieds. Le nombre des dents augmente avec l'âge de l'animal. Lorsque le requin est encore très-jeune , il n'en montre qu'ui} rang, dans lequel on n'apperçoit même cjuelquelois que de bien f'oibles dentelures, mais à mesure qu'il se déve- loppe, il en présente un plus grand nombre de ran- gées; et lorsqu'il a atteint un degré plus avancé de son accroissement et (|u'il est devenu adulte, sa gueule est armée, dans le haut comme dans le bas, de six rangs de ces dents fortes, dentelées, et si propres à déchiier ses victimes. Ces dents ne sont pas enfoncées dans des cavités solides; leurs racines sent uniquement logées dans des ceUules membraneuses qui peuvent se prêter TOME I. 20 1 y8 HISTOIRE NATURELLE aux diflTerens mouvemeiis que les muscles placés autour de la base de la dent tendent à imprimer. Le requin, par le mojen de ces diHérens muscles, couche en ar- n'èrc ou redresse à volonté les divers rangs de dents dont sa bouche est garnie; il peut les mouvoir ainsi ensemble , ou séparément ; il peut môme , selon les besoins qu'il éprouve, relever une portion d'un rang, et en incliner une autre portion; et, suivant qu'il lui est possible de n'emplojer qu'une partie de sa puissance,, ou qu'il lui est nécessaire d'avoir recours à toutes ses armes, il ne montre qu'un ou deux rangs de ses dents meurtrières, ou, les mettant toutes en action, il menace et atteint sa proie de tous ses dards pointus et relevés. Les rangs intérieurs des dents du requin , étant les derniers formés, sont composés de dents plus petites que celles que l'on voit dans les rangées extérieures, lorsque le requin est encore jeune: mais,à mesui^e qu'il s'éloigne du temps où il a été adulte, les dents des diflérentcs rangées que pré.senle sa gueule, sont à peu. près de la même longueur, ainsi (ju'on peut le vérifier en examinant, clans les collections d'histoire natvu'elle, de très-grandes mâchoires, c'est-à-dire celles qui ont .appartenu à des recjuins âgés, et sur tout en observant les requins d'une taille un peu considérable que l'on parvient à prendre. Je ne crois pas en conséquence devoir adopter l'opinion de ceux qui ont regardé les dents intérieures comme destinées à remplacer celles de devant, lorsque le requin est privé de ces dernièrespar DES POISSONS. 179 une suite d'efforts vioîciis, de résistances oi^iniâlres, ou d autres accidens. Les deiits intérieures sont un sup- plément de puissance pour le recjuin: elles concourent, avec celles de devant, à saisir, à retenir, à dilacérer la proie dont il veut se nourrir ; mais elles ne remplacent pas les extérieures : elles agissent avec ces dents plus éloignées du fond de la.bouclie, et n(!n pas uniquement après la chiite de ces dernières; et lorsque celles-ci cèdent leur place à d'autres , elles la laissent à des dents produites auprès de leur base et plus ou moins déve- loppées, à de véritables dents de remplacement, très- distinctes de celles que Ton voit dans les six grandes rangées, à des dcn(s (jui parviennent plus ou moins ra- pidement aux dimensions des dents intérieures, et qui ccjHndant très -souvent sont moins grandes que ces dernières, lorscpi'elles sont substituées aux dents exté- rieures arrachées de la gueule du requin. Les dents intérieures tombent aussi , et abandonnent, comme les extérieures, l'endroit qu'elles occupoient, à de véritables dents de remplacement formées autour de leur racine. Les dents de la mâchoire inférieut-e présentent ordi- nairement des dimensions moins grandes et une den- telure plus fine que celles de la mâchoire supérieure. La langue est courte, large, épaisse, cartilagineuse, retenue en dessous par un frein, libre dans ses bords, blanche et rude au toucher comme le palais. Toute la partie antérieure du museau est criblée, p?r- ï 8'0 HISTOIRE NATURELLE dessus et par-dessous, d'une grande quantité de pores répandus sans ordre, très- visibles, et (jui, lorsqu'on comprime fortement le devant de la tête, répandent ime espèce de gelée épaisse, crjstalline, et phospho- rique, suivant Commerson *, qui, dans ses voyages, a très-bien observé et décrit le requin^ Les >eux sont petits et presq.ue ronds; la cornée est très-dure; l'iris, d'un verd foncé et doré; et la prunelle, qui est blene, consiste dans une fente transversale. Les ouvertures des branchies sont placées de cliaque coté, plus li^jut (jue les nageoires pectorales. (>es bran- chics, seniblclbles h celles des raies, sont engagées cha- cune dr;ns une membrane très-mince, et toutes {iré- sentent deux rangs de filamens sur leur partie convexe, excepté la branchie la plus éloignée du museau, laquelle n'en montre (ju'une rangée. Une mucosité visqueuse, sanguinolente, et peut-être phospliorique, dit ('om* raerson , arrose ces branchies, et les entretient dans la souplesse nécessaire aux opérations relatives à la respi- ration. Toutes les nageoires sont fermes, roides, et cartila- gineuses. Les pectorales, triangulaires, et plus grandes que les autres, s'étendent au loin de chacpie côlé , et n'ajoutent ]>as peu h la rapidité avec laquelle nage le recjuin, et dont i! doit la plus grande partie à la force et à la mobilité de sa queue. * Muiiubcvits déjà cités. DES POISSONS* l8 I Ea première nageoire dorsale, plus élevée et plus étendue que la seconde , placée au-delà du point auquel correspondent les nageoires pectorales, et égalant presque ces dernières en surface, est temiinée dans le liaut par un bout un peu arrondi. Plus près de la queue, et au dessous du corps , on voit les deux nageoires ventrales, qui s'étendent jusques aux deux côtés de l'anus, et l'environnent comme celles des raies-. De chaque côté de cette oijverture on apperçoit, ainsi que dans les raies, un orifice qu'une valvule ferme exactement, et qui, comuiuniquant avec la cavité du ventre, sert à débarrasser l'animal des eaux qui, filtrées par difîéreutes parties du corps , se l'amassent dans cet espace vuide. La seconde nageoire du dos et celle de l'anus ont à peu près la même forme et les mèines dimensions, elles sont les plus petites de toutes, situées presque toujours l'une au dessus de l'autre, et très-près de celle de la ([ueue. Au reste l's nageoires pectorales , dorsales, ventrales, etde l'anus, sont terini'iées en arrière par un côté plus ou moins concave, et ne tiennent point au corps dans toute la longueur de leur base, dont la partie postérieure est détachée et prolongée en pointe ])Ius ou moins déliée. * La nageoire de la* queue se di' i^-e en deux lobes crèb-incgaux 5 le supérieur est deux fois plus longoue: iSa HISTOIRE NATURELLE l'autre, triangulaire, courbé, et augmeuté , auprès de sa poin'te d'un petit appendice également triangu- laire. Auprès de cette nageoire se trouve souvent, sur la queue, une ])eiite fossette faite en croissanl dont la concavité est tournée vers la tête. Au reste, k' rccjuin a des muscles si puissans dans la partie postérieure cie son corps, ainsi (|ue dans sa queue proprement trite, qu'un animal de cette espèce, encore (rès-jcuiie, et à peine parvenu à la longueur de deux mètres, ou d'en- viron six pieds, peut, d'un seul coup de sa queue, casser la jambe de l'homme le plus fort. Nous avons vu, dans notre Discours sur la nature des poissons , que les squales étoient, comme les raifs , dé- nués de cette vésicule aérienne, dont la compression et la dilatation donnent à la plupart des animaux dont nous avons entrepris d'écrire l'histoire , tant de facilité pour s'enfoncer ou s'élever au milieu des eaux; mais ce défaut de vésicule aérienne est bien compensé dans 'les squales, et particulièrement dans le re([uin , par la vigueur et la vitesse avec lesquelles ils peuvent mouvoir et agiter la queue proprement dite, cet instrument principal de la natation des poissons *. Nous avons vu aussi, dans ce même discours, que presque tous les poissons avoient de chaque côté du corps une ligne longitud^male saillante et j)lus ou * .Discours sur la nalurf des poissons. DES POISSONS. i83 lîioins sensible , à laquelle nous avons conservé le nom de ligne latérale, et que nous avons regardée comme l'indice des principaux vaisseaux destinés à répandre à la surface du corps une humeur visqueuse, nécessaire aux mouvemens et à la conservation des poissons. Cette ligne, que l'on ne remarque pas sur les raies, est très-visible sur le requin, et elle sj étend communément depuis les ouvertures des branchies jusqu'au bout de la queue, presque sans se courber, et toujours plus près du dos que de la partie inférieure du corps. Telles sont les formes extérieures du requin *. Son * Principales dimensions d'un requin. Depuis le bout o})hage , situé à la suite d'un gosier très-large, est très-court, et d'un diamètre égal à celui de la partie antérieure de l'estomac. Ce deri'.ier viscère a la forme d'un sac très-dilatable dans tous les sens, trois fois plus long que large, et qui dans son état d'extension ordinaire a une longueur égale au quart de celle de l'animal entier. Dans un re- quin de dix mètres, ou d'environ trente pieds, l'esto- mac, lors même qu'il n'est que très-peu dilaté, a donc deux mètres et demi, ou un peu plus de sept pieds et demi, dans sa plus grande dimension; et voilà comnieiit DES POISSONS. 107 on a pu trouver dans de très-grands requins des ca- davres humains tout entiers. La ami(|ue intérieure qui tapisse Testomac est rou- geâtre , mnqueuse, gluante, et inondée de suc gas- trique, ou digestif. Le canal intestinal ne montre que deux portions distinctes, dont l'une représente les intestins grêles, et l'autre les gros intestins de l'homme et des quadrupèdes. La première portion de ce canal est très-courte, et n'a ordinairement qu'un peu plus de trois décimètres , ou un pied, de long, dans les requins qui ne sont encore parvenus qu'à une longueur de deux mètres, ou d'envi- ron six pieds; et comme elle est si étroite, que sa ca- vité peut à ])eine,dans les individus dont nous venons de parler, laisser passer une pliuiie à t-r/vVc, ainsi que le rapporte Commerson , l'on doit penser, avec ce savant naturaliste, que le principal travail de la digestion s'opère dans l'estomac, et que les alimens doivent êtie déjà réduits à une substance liuide, pour pouvoir pé- nétrer par la première partie du canal jusqu'à la seconde. Cette seconde portion du tube intestinal, beaucoup plus grosse cpie l'autie, est très-courte; mais elle pré- sente une structure très-remarquable, et dont les elîéts compensent ceux de sa brièveté. Au lieu de former un tuj^au continu , et de représenter un simple sac, comme les intestins de presque tous les animaux, elle ne con- siste que dans une espèce de toile très-grande , qui l-bo f[ 1 s T O I II E N A r U R E L L E S étend inégalement lorsqu'on la développe, et qui > repliée sur elle-même en spirale, composant ainsi vai tube assez alongé, et maintenue dans cette situation uniquement par la membrane interne du péritoine , présente im grand nombre de sinuosités propres à retenir ou à absorber les produits des alimens. Cette conformation, qui équivaut h de longs intestins, a été très-bien observée et très-bien décrite par Commerson. Le foie se divise en deux lobes très-alongés et iné- gaux. Le lobe droit a communément une longueur égale au tiers de la longueur totale du requin ; le gauche est plus court à peu près d un quart, et plus large à sa . base. La vésicule du fiel, ]îliée et repliée en forme cVs, et placée entre les deux lobes du foie, est pleine d'une bile vrrte et fluide. La rate, très-alongée, tient p^r un bout au pvlore, et, par l'avitre bout, à la fin de l'intestin grêle; et sa cou- leur est très-variée parle pourpre et le blanc des vais- - seaux sanguins qui en parcourent la surface*. La grandeur du f(jie et d'autres viscères, l'abondance des licjuidescpi'iîs fournissent, la quantité des sucs gas- * Commerson a observe', dans le inâ!e ainsi que dans la femelle du requin , un viscère particulier situé dans le bas-ventre, enveloppé et suspendu dans la membrane intérieure du péritoine, semblable à la rate par sa couleu: et par sa substance, mais très petit, en forme de cylindre très-étroit et très-alongé, et s'ouvrant par un orifice très-resserré, près de l'anus, et dans le gros intestin. DES POISSONS. lOQ V triques qui inondent re.stomac, donnent su requin une force digestive active et rapide : elles sont les causes puissantes de celte voracité qui le rend si terrible, et que les alimens les plus copieux semblent ne pouvoir pas appaiser; mais elles ne sont pas les seuls aiguillons de cette faim dévorante. Comraerson a fait à ce sujet une observation curieuse que nous allons rapporter. Ce voyageur a toujours trouvé dans l'estomac et dans les intestins des requins, un très-grand nombre de taenia, qui non seulement en infestoient les cavités, mais pé- nétroient et se logeoient dans les tuniques intérieures de ces viscères. Il a vvi plus dune fois le fond de leur estomac gonflé et enflammé par les efforts cfune multi- tude de petits vers, de véritables tsenia, renfermés en partie dans les cellules qu'ils s'étoient pratiquées entre les membranes internes , et c|ui, s'j retirant tout entiers lorsqu'on les fatiguoit, conservoient encore la vie quelque temps après la mort du requin. Nous n'avons pas besoin de montrer combien cette quantité de pi- quures ajoute de vivacité aux appétits du requin. Aussi avalc-t-il ([iielquefois si goulûment, et se presse-t-il tant de se débarrasser d alimens encore mal disérés, p(mr les remplacer par une nouvelle proie, que ses in- testins, forcés de suivre en partie des excréinens impar- fv l'.s et chassés trop tôt, sortent par l'anus, et paroissent hors du coi'ps de l'animal, d'une longueur assez consi- dérable *. * ^'laiiuicriis de Coinmcisoii dJja citJ^, . lOO HISTOIRE NATURELLE Dans le mâle, les vaisseaux spermatiques, ou la JaiLe , sont divisés en deux portions, et ont une longueur égale au tiers de celle de l'animal considéré dans son entier. Le requin mâle a d ailleurs, entre chaque na- geoire de l'anus et cette dernière ouverture, un appen- dice douze fois plus long que large, égalant dans sa plus grande dimension le douzième de la longueur totale du squale, organisé à l'intérieur comme les ap- pendices des mâles des raies bâtis, contenant cependant ordinairement lui nombre moins grand de parties dures et solides , mais se recourbant également par le bout, et servant de même à saisir le corps de la femelle, et à la retenir avec force lors de raccou])lement. Chacun des deux ovaires de la femelle du requin est à peu près égal en gi-andeur à Tune des deux portions des vaisseaux spermatiques du mâle. Le temps où le mâle et la feiuelle se recherchent et s'unissent, varie suivant les climats; mais c'est presque toujoui's lorsque la saison chaude de l'année a com- mencé de se faire sentir , qu'ils éprouvent le besoin impérieux de se débarrasser, l'une des œufs qu'elle porte, et l'autre de la liqueur destinée à les féconder. Ils s'avancent alors vers les rivages; ils se rapprochent; et souvent, lorsque le mâle a soutenu contre un rival \\n combat dangereux et sanglant, ils s'appliquent l'vm contre l'autre, de manière à faire toucher leurs anus. Maintenus dans cette position par les appendices crochus du mâle, par leurs efforts mutuels, et par une sorte DES POISSONS. r 9 f de croisement de plusieurs nageoires et des extrémités de leur queue , ils voguent dans cette situation con- trainte, mais qui doit être pour eux pleine de charmes, jusqu'à ce que la liqueur viviliante du mâle ait animé ]'es œufs déjà parvenus au degré de développement suscej)tible de recevoir la vie. Et telle est la puissance de cette flamme si active , cpii s'allume même au milieu des eaux , et dont la chaleur pénètre jusqu'au plus profond des abjmes de la mer, que ce mîile et cette femelle , qui dans d'autres saisons seroient si redou- tables l'un pour l'autre, et ne chercheroient qu'à se dévorer mutuellement s'ils étoient pressés par ime faim violente, radoucis maintenant, et cédant à des affections bien différentes d'un sentiment destructeur, mêlent sans crainte leurs armes meurtrières, rappro- chent leurs gueules énormes et leurs queues terribles,' et, bieu loin de se donner la mort, s'exposeroient à la recevoir plutôt que de se séparer, et ne cesseroient de défendre avec fureur l'objet de leurs vives jouissances. Cet accouplement, plus ou moins prolongé, est aussi répété plus ou moins fréquemment pendant le temps des chaleurs, soit que le hasard ramène'ie même mâle auprès de la même femelle, on qu'il les imisse avec de nouveaux intlividus. Dans cette espèce sanguinaire, le mouvement qui entraîne le mâle vers sa femelle n'a en effet aucune constance; il jias.se avec le besoin qui la produit; et le refjuin, rendu bientôt à ses affreux <*.p- pétits, moins susceptible encore de tendresse que le tigre 'ï C)2 HISTOIRE NATURELLE le plus féroce, ne coniioissant ni leinelle, ni laniille, ni semblable, redevenu le dépopulateur des mers, et vc- l'itable image de la tyrannie, ne vit plus que pour combattre, mettre à mort, et anéantir. Ces divers accoiiplemens fécondent successivement une assez grande quantité d'œufs qui éclosent à diflé- rentes époques dans le ventre de la mère; et de ces développeniens commencés après des temps inégaux, il résulte que même encore, vers la lin de Tété, la femelle donne le jour à des petits. On sait que ces petits sortent du ventre de leur mère, au nombre de deux ou de trois à la fois, plus fréquemment que les jeunes raies; on a même écrit que ceux de ces squales qui venoient en- semble à la lumière, étoient souvent en nombre plus grand que trois ou quatre : mais la longue durée de la saison pendant laquelle s'exécutent ces sorties succes- sives de jeunes requins, a empêché de savoir avec préci- sion quel nombre de petits une femelle pouvoit mettre avi jour pendant un printemps ou- un été. Des observa- tions assez multipliées et faites avec exactitude parois- sent néanmoins prouver que ce nombre est plus consi- dérable qu'on ne l'a pensé jusqu'à présent; et l'on n'en sera pas étonné, si l'on rappelle ce que nous avons dit * de la fécondité des grandes espèces de poissons, supé- rieure en général à celle des petites, quoiqu'un rap- port contraire ait été reconnu dans les quadrupèdes à * Discours sui- la nature des poissons. DES POISSONS. I 90 mamelles, et que plusieurs grands naturalistes aient c(é tentés de le généraliser. Je ne serois point éloigné de croire, d'après la comparaison de plusieurs relations qui m'ont été envo) ées, que ce nombre va quelquefois au-delà de trente. J'ai même reçu une lettre du citojeii Odiot de Saint-Léger, qui ma assuré* avoir aidé à pêcher im requin de plus de trois mètres, ou d'environ dix pieds, de longueur, et dans le corps duquel il avoit trouvé une quarantaine d'oeufs ou de petits squales j et cette même lettre fait mention de l'assertion d'un autre marin, qui a dit avoir vu prendre dans la rade du fort appelé alors lujrt Dauphin, auprès du Cap françois (isle de Saint-Domingue), une femelle de requin, dans le ventre de kicpielle il couq)ta , ainsi qne plusieuis autres personnes, quarante-neuf œufs, ou squales déjà sortis de leur envel(>])pe. Il arrive quelquefois que les femelles se débarrassent de leurs œufs avant qu'ils soient assez développés pouréclore; mais, comme cette expulsion prématurée a lieu moins souvent pour les requins et les autres squales que pour les raies, on a connu la forme des œufs des premiers plus difficilement que celle des œufs des raies. Ces enveloppes, que l'on a prises pendant long-temps, ainsi que celles des jeunes raies, non pas povir de simples coques, mais pour des animaux parti- * Lettre du citoyen Odiot de Saint-Lf^ger, du 2 Juillet lyg.'î. TOME !. z3 T94 HISTOIRE N  T U R K L L E culiers, présentent presque entièrement la même sub- stance, la même couleur, et la même forme, que les œufs des raies; mais leurs quatre angles, au lieu de montrer de courtes prolongations, sont terminés jiar des filamens extrêmement déliés, et si longs, que nous en avons mesuré de cent sept centimètres (près de qua- rante pouces) de longueur, dans les coins d'une coque qui n'avoit que huit centimètres dans sa plus grande dimension *, Lorsque le requin est sorti de son œuf, et qu'il a étendu librement tous ses membres, il n'a encore que près de deux décimètres, ou quelques pouces, de lon- gueur; et nous ignorons quel nombre d'années doit s'écouler avant qu'il présente celle de dix mètres, ou de plus de trente pieds. Mais à peine a-t-il atteint quelques degrés de cet immense développement , qu'il se montre avec toute sa vorac'té. li n'arrive que lente- ment, et par des différences tiès-nombreuses, au ])lus haut point de sa grondeur et de sa puissance ; mais il parvient, pour ainsi dire, tout dnn coup à la plus grande intensité de ses appétits véhcmens; il n'a pas encore ime masse très -étendue à entretenir, ni des armes bien redovitables pour exercer ses fureurs, et déjà il est avide de proie : la férocité est son essence et devance sa force. * Nous avons fait graver un dessin d'œuf de roussette. L'enveloppe de ce squale est presque en tout semblable à celle du requin. DES POISSONS. 195 Quelquefois le défaut d'alitneiis plus subslauticJs l'oblige à se contenter de sé})ies, de mollusques, ou d'autres vers marins: mais ce sont les plus grands ani- maux qu'il recherche avec le plus d'ardeur; et, par une suite de la perfection de son odorat, ainsi que de la préférence qu'elle lui donne pour les substances dont l'odeur est la plus exaltée, il est sur-tout très-empressé de courir par- tout où l'attirent des corps morts de pois- sons ou de quadrupèdes, et des cadavres humains. Il s'attache, par exemjjle, aux vaisseaux négriers, qui, mal- gré les lumières de la ]ihilosophie, la voix du véritable intérêt, et le cri plaintif de fhumanité outragée, partent encore des côtes de la malheureuse Afrique. Digne compagnon de tant de cruels conducteurs de ces fu- nestes embarcations, il les escorte avec constance, il les suit avec acharnement jusques dans les ports des colo- nies américaines, et, se montrant sans cesse autour des bâtimens, s'agitant à la surface de l'eau, et , pour ainsi dire, sa gueule toujours ouverte, il j attend, pour les engloutir, les cadavres des noirs qui succombent sous le poids de fesclavage , ou aux fatigues d'une dure tra- versée. On a vu un de ces cadavres de noir, pendre au bout d'une vergue élevée de plus de six mètres (vingt pieds) au dessus de l'eau de la mer, et un requin s'élancer à plusieurs reprises vers cette dépouille, y atteindre enfin, et la dépecer sans crainte membre par membre *. Quelle énergie dans les muscles de la queue * Maïuiscrits dé Commerion, 1 q6 h I s t o 1 r e n a t u r e l l e et de la partie postérieure du corps ne doit -on pas supposer, pour qu'un animal aussi gros et aussi pesant puisse s'élever coinine un trait à une aussi grande haur leur*! Quelle preuve de la force que nous avons cru devoir lui attribuer! Comment être surpris maintenant des autres traits de l'histoire delà voracité des requins? Et tous les navigateurs ne savent -ils pas quel danger court un passager qui tomlîe dans la mer, auprès des endroits les plus infestés par ces animaux? S'il s'efibrce de se sauver à la nage, bientôt il se sent saisi par un de ces squales, qui l'entraîne au fond des ondes. Si l'on parvient à jeter juscpi'à lui une corde secourable, et h l'élever au dessus des flots, le requin s'élance et se retourne avec tant de promptitude, que, malgré la posi- tion tie l'ouverture de sa bouche au dessous de son museau, il arrête le malheureux qui se crojoit près de lui échapjier, le déchire en lamberux, et le dévore aux yeux de ses compagnons eHrajés. Oh ! quels périls envi- ronnent donc la vie de l'homme, et sur la terre, et sur les ondes! Et pourcjuoi l'îiut-il que ses passions aveugles ajoutent à chaque instant. à.ceux. qui le menacent? On a vu quelquefois cependant des marins surpris parle recpiin au milieu de feau , profiter, pour s'échap- per, des effets de cette situation de la bouche de ce squale dfns la partie inférieure de sa tète, et de la nécessité de se retourner, à laquelle cet animal fst * Discours sur Ici nature des poissojis» DES POISSONS. 197 condamné par cette conformation, lorsqu'il vent saisir l«s objets qui ne sont pas placés au dessous de lui. C'est par une suite de cette même nécessité que lorsque les requins s'attaquent mutuellement, (car comment des êtres aussi atroces, comment les tigres, de la mer, pourroient-ils conserver la paix entre eux?) ils élèvent au dessus de l'eau , et leur tête , et la partie antérieure de leur corps; et c'est alors que, faisant bril- ler leurs yeux sanguinolens et enflammés de colère, ils se portent des coups si terribles , que, suivant pkn sieurs vojageurs, la surface des ondes en retentit axe loin *. Un seul reqvu'n a suffi, près du banc de Terre-Neuve, pour déranger toutes les opérations relatives à la pêche de la morue , soit en se nourrissant d'une grande quan- tité des morues que l'on avoit prises, et en éloignant plusieurs des autres, soit en mordant aux appâts, et en détruisairt les lignes disposées par les pêcheurs. Mais quel est donc le mojen que l'on peut emplojer pour délivrer les mers d'un squale aussi dangereux? Il j a sur les, côtes d'Africjue des nègres assez hardis pour s'avancer en nageant vers tin requin, le harceler, preiuh'e le moment où l'animal se retourne, et lui fendre lé ventre avec luie arme tranchante. Mais, dans presque toutes les mers, on a recours à un procédé moins périlleux pour pêcher le requin. On préfère * Voyez paitjculièremeut Bosman, dans sa Description de la Guinée. o 190 HISTOIRE NATURELLE un temps calme; et sur quelques rivages, comme, par exemple, sur ceux cFlslande ', on attend les nuits les plus longues et les plus obscures. On prépare un ha- meçon garni ordinairement d'une pièce de lard , et attaché à une chaîne de fer longue et forte. Si le requin n'est pas très-aflamé , il s'approche de l'appât , tourne autour, l'examine, pour ainsi dire, s'en éloigne, re- vient , commence de l'engloutir , et en détache sa gueule déjà ensanglantée. Si alors on feint de retirer l'appât hors de l'eau, ses appétits se réveillent, son avidité se ranime, il se jette sur l'appât, l'avale goulûment, et veut se replonger dans les abjmes de fOcéan. Mais comme il se sent retenu par la chaîne , il la tire avec TÏolence, pour l'arracher et l'entraîner : ne pouvant vaincre la résistance qu'il éprouve, il s'élance, il bondit, il devient furieux 5 et, suivant plusieurs relations", il s'efforce de vomir tout ce qu'il a pris, et de retourner, en quelque sorte , son estomac. Lorsqu'il s'est débattu pendant long-temps et que ses forces commencent à être épuisées, on tire assez la chaîne de fer vers la côte ou le vaisseau pêcheur, pour que la tète du squale paroisse hors de l'eau ; on approche des cordes avec des nœuds coulans, dans lesquels on engage son corps, que l'on serre étroitement, sur-tout vers l'origine de la queue ; et après l'avoir ainsi entouré de liens, ou l'enlève ' Anderson, Histoire naturelle du Groenland, de l'Islande, etc. * iabat, Vojage en Afrique et en Amérique^ DES POISSONS. I 99 et on le transpoi'te sui^ le bâtiment ou sur le rivage, où Ton n'achève de le mettre à mort qu'en prenant les plus grandes précautions contre sa terrible morsure et les coups que sa (jueue peut encore donner. Au reste, ce n'est que difficilement qu'on lui ôte la vie; il résiste sans périr à de larges blessures; et lorsqu'il a expiré, on voit encore pendant long-temps les différentes par- ties de son corps donner tous les signes d'une grande irritabilité. La chair du requin est dure, coriace, de mauvais goût, et difficile à digérer. Les nègres de Guinée, et particulièrement ceux de la cote d'Or, s'en nour- rissent cependant, et ôtent à cet aliment presque toute sa dureté en le gardant très-long-temps. On mange aussi sur plusieurs côtes de la Méiiiterranée les très- peti-ts requins que l'on trouve dans le ventre de leur mère, el près de venir à la lumière; et l'on n'y dédaigne pas (jiielquefoJs le dessous du ventre des grands requins , auquel on fait subir diverses préparations pour lui ôter sa qualité coriace et son goût désagréable. Cette même chair du bas ventre est plus recherchée dans plusieurs contrées septentrionales, telles que la Norwège et l'Is- lande, où on la fait sécher avec soin, en la tenant sus- pendue à l'air pendant plus d'une année. Les Islandois font d'ailleurs un grand usage de la graisse du requui: comme elle a la pro})riété de se conserver long-temps et de se durcir en se séchant, ils s'en servent à la place du lard de cochon, ou la font bouillir pour en tirer de 2.00 HISTOIRE NATUREL'LE riiuile. Mais c'est sur-tout le foie du requin qui leur fournit cette huile qu'ils nomment thran , et dont uu seul foie peut donner vin grand nombre de litres ou pintes *. On a écrit que la cervelle des requins, séchée et mise en poudre, étoit apéritive et diurétique. On a vanté les vertus des dents de ces animaux, également réduiies en poudre, pour arrêter le cours du veutre, guérir les hémorrhagies, provoquer les urines, détruire la pierre dans la vessie; et ce sont ces mêmes dents de requin qui, enchâssées dans des métaux plus ou moins précieux, ont été portées en amulettes, pour calmer les douleurs de dents, et préserver du plus grand des maux, de celui de la peur. Ces amulettes ont entièrement perdu leur crédit, et nous ne vojons aucune cause de différence entre les propriétés de la poudre des dents ou de la cervelle des requins, et celles de la cervelle desséchée ou des dents brojées des autres poissons. Malgré les divers usages auxquels les arts emploient la peau du requin, ce squale seroit donc peu recherché dans les contrées où un climat tempéré, une popula- tion nombreuse, et une industrie active, produisent en abondance des alimens sains et agréables, si sa puis- sance n'étoit pas très-dangereuse. Lorsqu'on lui tend * Suivant Pontoppi<3fini, auteur d'une Histoire natinelte de la Norvège, Je foie d'un squale de vingt pieds de longueur fournit communément deux ;iÊpnnes et demie d'huile. DES POISSONS. iiO l des pièges, lorsqu'on s'avance pour le combattre, ce n'est pas uniquement une proie utile que l'on cherche à saisir, mais un ennemi acharné que l'on veut anéantii*. Il a le sort de tout ce qui inspire un grand eflroi : on l'attaque dès qu'on peut espérer de le vaincre; on le poursuit, parce qu'on le redoute; il périt, parce qu'il peut donner la mort : et telle est en tout la destinée des êtres dont la force paroît en quelque sorte sans égale. De petits vers, de foibles ascarides, tourmentent souvent dans son intérieur le plus énorme requin; ils déchirent ses entrailles sans avoir rien à craindre de sa puissance. D'auti'es animaux presque autant sans dé- fense relativement à sa force, des poissons mal armés, tels (pie VécJicne rémora, peuvent aussi impunément s'attacher à sa surface extérieure. Presque toujours, à la vérité, sa peau dure et tuberculeuse l'empêche de s'appercevoir de la présence de ces animaux : mais si quelquefois ils s'accrochent à quelque partie plus sen- sible, le requin fait de vains efforts pour échapper à la douleur; et le poisson qui n'a presque reçu aucun mojen de nuire, est pour lui au milieu des eaux ce que l'aiguillon d'un seul insecte est pour le tigre le plus furieux avi milieu des sables ardens de l'Afrique. Les requins de dix mètres, ou d'un peu plus de trente pieds, de longueur, étant les plus grands des poissons qui habitent la mer méditerranée, et surpassant par leurs dimensions la plupart des cétacées que l'on voit dans ses eaux, c'est vraisemblablement le squale dont TOME I. 26 2,02. HISTOIRE NATURELLE nous essajons de présenter les traits, qu'ont eu en vue les inventeurs des mythologies, ou les auteurs des opi- nions religieuses adoptées par les Grecs et par les autres peuples placés sur les rivages de cette même mer. 11 paroît que c'est dans le vaste estomac d'un immense requin qu'ils ont annoncé qu'un de leurs héros ou de leurs demi-dieux avoit vécu pendant trois jours et trois nuits; et ce qui doit faire croire d'autant plus aisément qu'ils ont dans leur récit voulu parler de ce squale, et qu'ils n'ont désigné aucun des autres animaux marins qu'ils comprenoient avec ce poisson sous la dénomina- tion générale de ceie, c'est que l'on a écrit qu'un très- long requin pouvoit avoir l'œsophage et l'estomac assez étendus pour engloutir de très-grands animaux sans les blesser, et pour les rendre encore en vie à la lumière. Les requins sont très-répandus dans toutes les mers. Il n'est donc pas surprenant que leurs dépouilles pétri- fiées, et plus ou moins entières, se trouvent dans un si grand nombre de montagnes et d'autres endroits du globe autrefois recouverts par les eaux de l'Océan. On a découvert une de ces dépouilles, presque complète,, dans l'intérieur du Monlcbolca, montagne volcanique des environs de Vérone, célèbre par les pétrifications de poissons qu'elle renferme, et qui, devenue depuis le dix-huitième siècle l'objet des recherches de savans Véronois, leur a fourni plusieurs collections précieuses*, * Deux de ces riches collections, formées l'une p.ir l'illustie marquis Sci- DES POISSONS. 52 CO et particulièrement celle que Ton a duc aux soins éclairés de M. Vincent Bozza et du comte Jean-Bcip- tiste Gazola. C'est à cette dernière collection qu'ap- partient ce requin pétrifié cjui a près de sept déci- mètres (vingt-cinq pouces six lignes) de longueur, et ■ dont on peut voir la figure dans V IcliLhjoUtJiologie l'é- ronoisc *, bel ouvrage que publie dans ce moment une société de physiciens de Vérone. Mais il est rare de voir, dans les différentes couches du globe , des restes un peu entiers de requin; on n'en trouve ordinairement que des fragmens; et celles des portions de cet animal qui sont répandues presque dans toutes les contrées, sont ses dents amenées à un état de pétrification plus ou moins complet. Ces parties sont les substances les plus dures de toufes celles qui composent le corps du l'equin; il est donc naturel qu'elles soient les plus communes dans les couches de la terre. Les premières dont les naturalistes se soient beaucoup occupés avoient été apportées de l'isle de Malte , où l'on en voit en très- grande quantité; et comme ces corps pétrifiés , ou ces espèces de pierres d'une forme extraordinaire pour beaucoup de personnes, se sont liés, dans le temps et dans beaucoup de têtes , avec l'histoire de l'arrivée de saint Paul à Malte, ainsi qu'avec la tradition de grands jj'ioa MafFéi , et l'autre par M. Jean-Jacques Spada, ont appartenu an célèbre Seguier de Nîmes, et ont été dans le temps transporlées dans celle dernière ville. * Siconde partie, page lo, pi. "à-jfig. l. £04 HISTOIRE NATURELLE serpens qui infestoient cette isle , et que cet apôtre changea en pierres, on a voulu retrou^^r dans ces dents de requin les langues pétrifiées des serpens métamor- phosés par saint Paul. Cette erreur, comme toutes celles cjui se sont mêlées avec des idées religieuses, a même été assez générale pour faire donner à ces parties de. requin un nom qui rappelât l'opinion que l'on avoit sur leur origine; et on les a distinguées par la déno- mination de ^lossopcïres, qui signifie langues de pierre ou pétrifiées. Il auroit été plus convenable de les appeler, avec quelques auteurs, ocluntopètres, c'est-à-dire dents pétrifiées, ou icliihyodoutes, qui veut dire dents de poisson, ou encore mieux, lamiodontes , dents de lamie ou requin. Au reste, on remarque, dans quelques cabinets, de ces dents de requin, ou lamiodontes, pétrifiées, d'une grandeur très -considérable. Et comme lorsqu'on a su que ces dépouilles avoient appartenu à un requin, on leur a attribué les mêmes vertus chimériques qu'aux dents de cet animal non pétrifiées, et non fossiles, on voit pourquoi plusieurs muséum présentent de ces lamiodontes enchâssées avec art dans de l'argent ou du cuivre, et montées de manière à pouvoir être suspen- dues et portées au cou en guise d'amulettes. Il j a^ dans le Muséum national d'histoire naturelle, une très-grande dent fossile et pétrifiée qui réunit à- un émail assez bien conservé tous les caractères des dents de requin. Elle a été trouvée aux environs de Dax, auprès des Pyrénées, et envojée dans le temps au DES POISSONS. 2.0 3 muséum par M. de Borda. J'ai mesuré avec exactitude la partie émaillée qui, dans l'animal vivant, paroissoit hors des alvéoles. J'ai trouve que le plus grand coté du triangle formé par cette partie émaillée avoit cent quinze millimètres (quatre pouces trois lignes) do longueur : la note suivante * indi(juera les autres dimensions. J'ai désiré de savoir cjuelie grandeur on pouvoit supposer dans le ref|uin auquel cette dent a appartenu. J'ai, en conséquence, pris avec exactitude la mesure des dents d'un grand nombre de requins par- venus à différens degrés de développement. J'ai comparé les dimensions de ces dents avec celles de ces animaux. J'ai vu qu'elles ne croissoiènt pas dans une proportion aussi grande que la longueur totale des requins, et que, lorsque ces squales avoient obtenu luie taille un peu considérable, leurs dents étoient plus petites qu'on no l'auroit pensé d'après celles des jeunes requins. On ne * Plus grande largeur de la partie émaillée de la nnllimlircs pouces lignes. dent, 90 3 3 Longueur de la partie émaillée, mesurée sur le cii(é convexe, et depuis le sommet de l!angle saillant jusqu'à celui de l'angle rentrant formé par la base de celle même partie émaillée, 82 3 Loni:;ueur delà partie émaillée, mesurée surle côlé concave, et depuis le sommet de l'angle sailhmt jusqu'à celui de l'angle rentrant formé par la base de cette même partie émaillée, 82 3" Je n'ai point cherché à connoîlreks dimensions de la portion non cinach, Histoire naturelle des poissons, troisiinie partie, pi. 86. SnuaUis Asceiisionis, Osb. It. chin.p. 385. Chien de roer h\çn ,Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Cynorephalus glaucus, Klein, miss. pisc. 3, p. 6, n. 2. Chien de merbteu, galeus glaucus, -Rcfnclelet, première partie-, Uv. i3j chap. 5. Gcsner, Aquat. p. 609, TVillugliby, [chthy. 49, tab. B. 8. Kaj. pisc. p. 20. Squalus glaucus, Ascagne, planches d'histoire naturelle, p. 7, pi. 3i. Chien de reier glauque , Broussonnet, Mémoires de l'académie des sciences, pour 1780. B!ue shark, Pennant, Zool. britannique, 3, p. 84, n. 5. Glaucus, Cliar'eton , p. 127. T) kamel , Traité des pêches, seconde partie , sect. 9, p. 298. Glauque, id. canis carcharias, vulgù requiem, Plumier, dessins sur vélin du Muséum d'histoire naturelle. Cagnot bleu , Valmont-Bomare , Dict. d'hisf. naturelle. 214 HISTOIRE NATURELLE aiK|uel le nom de glauque a été donné, et qui est sem- blable à la nuance la jilus ordinaire de toutes celles que présentent les eaux de la mer lorscju elles ne sont pas agitées par les vents, ni dorées par les rajons du soleil. Ce bleu verdâtre est relevé par le blanc éclatant de la partie inférieure de l'animal; et comme les anciens mjthologues, et les poètes voisins des temps héroïques, ii'auroient pas manqué de voir dans cette distribution de couleurs la représentation du manteau d'une divi- nité de l'Océan, ils auroient d'autant plus adopté la dénomination àe glauque, employée parles naturalistes pour désigner le scjuale dont nous nous occupons, qu'en indiquant la nuance cjui est propre à sa peau , elle leur auroit rappelé le nom de Glaucus, un de leurs demi-dieux marins. Mais ce dieu de l'onde étoit pour les anciens une puissance tutélaire, en l'honneur de laquelle on sacrifioit sur le rivage lorsqu'on a voit évité la mort au mili-eu des tempêtes; et le squale glauque est un être funeste, aux armes meurtrières duquel on cherche à se soustraire. En effet, ce squale a non seulement reçu la beauté, mais encore eu la grandeur en partage. Il parvient ordinairement à la longueur de quinze pieds (près de cinq mètres); et suivant Pontoppidan, qui a écrit V Histoire naturelle de la Nonvège, et qui a pu voir un très-grand nombre d'individus de cette espèce, le scjuale glauque a quel- quefois dix brasses de longueur *. Il est d'ailleurs très- * Suivant Ascagne, lorsqu'un squale glauque a huit pieds de long, il en a quatre de circonférence , et il pèse deux cents livres. DES £ i5 dangereux, parce que sa couleur empêche qu'où ne de distingue de loin au milieu des eaux, parce qu'il s'ap- proche à l'improviste, et qu'il joint à la force due à sa taille t()u(e celle qn'il peut tenir d'une grande audace. Plusieurs voyageurs, et particulièrement Plumier *, lui ont appliqué en conséquence les dénominations que la puissance redoutable du requin a fait donner à ce dernier, et ils l'ont nommé rccjuiem et carcharlas. Ses dents triangulaires, alongées et aiguës, ne sont pas dentelées comme celles du re(|uin, ni un peu co- niques comme celles du très-grand : on en trouve de fossiles dans un très-grand nombre d'endroits; et cela ne doit pas surprendre, puisque le glauque habite à toutes les latitudes, depuis l'isle de l'Ascension jusques aux mers polaires. Sa première nageoire dorsale est j)lus près de la tète que les nageoires ventrales; il a ime fos- sette sur la partie supérieure de l'exti'émité de la queue ; le lobe supérieur de la nageoire caudale est trois fois plus long que l'inférieur; et sa peau est moins rude que celle de presque tous les autres squales. Dessins sur vélin déjà cités. LE SQUALE LONG-NEZ La longueur du museau de ce squale lui a fait donner le nom qu'il porte. Ce museau est d'ailleurs conique, et criblé de pores. Les dents sont longues et aiguës, et les jeux assez grands. La première nageoire du dos est vers le milieu de la longueur du corps; la seconde, beaucoup plus petite, a sa base plus près de l'exirémité de la queue, que celle de l'anus qui l'égale en étendue; celle de la queue se divise en deux lobes, dont le supé- rieur est un peu plus long que l'autre; les pectorales occupent à peu près le milieu de la distance qui sépare les nageoires ventrales du bout du museau; et, ce qu'il faut sur -tout remarcpicr dans cet animal, la ligne latérale qui commence au dessus des veux se termine vers la nageoire caudale par un pli longitudinal. Il paroît que le squale dont Duhamel' a parlé en lui conservant le nom de touillc-bœir/', et celui que Pennant^ ' Squalus cornubicus , Linné, édition de Gmclin. Cliieii de mer nez, Broussonuet , Mémoires de l'acadéinie des sciences de Paris, pour 1780. Cliien de mer nez, Bonnaierre, planches de l'Encyclo-pédie méthodique, Porbeagle, Borlnse, Cornub. p. 265, /. 26, 11. 4. * Touille-bœuf j Duhamel, Traité des pêches, 2, sect. 9. ' Beaumaris sliark, Pennunt, Zool. hrilann. (seconde édition) p. 104, t. 17. HISTOIRE NATURELLE. 2 I 7 a fait counoître, et qu'il a désigné parla dénomination de bcaiiinaiis, ne sont qne des variétés plus ou moins constantes du long-nez, que l'on rencontre particuliè- rement dans la mer qui baigne le pajs de Cornouailles. Tome i. 28 LE SQUALE PHILIPP C'est pendant le vojage du capitaine Pliilipp à Bota- nj-Baj que l'on a vu ce squale dans le port Jackson de la Nouvelle-Hollande. J'ai cru en conséquence devoir donnera ce poisson un nom qui rappelât le navigateur à l'entreprise duquel ou en doit la connoissance. T.a conformation de cet animal est remarquable. Auprès des jeux on voit une proéminence dont la longueur est à peu près égale au huitième de la longueur totale. L'in- térieur de la bouche est garni d'un très-grand nombre de dents disposées sur dix ou onze rangées. Les dents les plus extérieures étoient les plus^ petites dans l'indi- vidu pêche dans le port Jackson. Peut-être ces denfs extérieures n'étoient-elles que des dents de remplace- ment, substituées depuis peu de temps à des dents plus anciennes, et qui seroient devenues plus grandes si l'animal avoit vécu plus long-temps. Mais, quoi qn'iî en soit, cette infériorité de grandevir dans les dents extérieures du squale philipp prouve évidemment que les intérieures ne sont pas destinées à les remplacer , puisque jamais les dents de remplacement ne sont plus développées que celles auxquelles elles doivent succé- * Squalus port Jackson. Vojage du caji. Philipp à BolanjBaj ^ quatrième c'dition publiée en 1790, en anglais, et à Londres, HISTOIRE NATURELLE. 2 I 9 der • et ce fait ne coiifiiune-t-il pas ce que nous avons dit sur les fonctions et la destination des différentes dents du requin? Au reste, toutes les dents du squale philipp ne sont pas aiguës et tranchantes; on en voit plusieurs à la mâchoire supérieure, et sur-tout à la mâchoire infé- rieure, qui sont presque demi-sphériques. Au devant de chacune des deux nageoires dorsales, est vin aiguillon très-fort et assez long. La nageoire de lanus est placée à une égale distance des ventrales et de celle de la queue, qui se divise eu deux lobes, et dont le lobe supérieur est plus long que l'inférieur. Ce squale de la mer Pacifique est brun par-dessus et blanchâtre par- dessous. L'individu décrit dans le Voyage du capitaine Philipp n'avoit que deux pieds de long, et cinq pouces et demi dans sa plus grande largeur. LE SQUALE PERL ON C'est mon confrère le citojen Broussonnet, membrt? tle l'Institut national, qui a parlé le premier de ce pois- son dans le beau travail qu'il a publié sur la famille des Squales '^. Il a donné à cet animal le nom de pcihn, que nous lui avons conservé.. Ce cartilagineux est, dans sa partie supérieure, d'un gris cendré, distribué commu- nément comme le bleu verdâtre du glauque, auquel il ressemble d'ailleurs ])ar sa peau moins tuberculeuse et moins rude que celle de plusieurs autres squales. Ses lignes latérales sont très-sensibles. Mais ce qui sert. })rincipalement à le faire dis(ingncr des poissons de son genre, c'est qu'il n'a qu'une nageoire dorsale, pla- cée à peu près vers le milieu du corps, et sur-tout qu'au lieu de cinq ovivertures branchiales , il en présente sept de chaque côté. Les vojageurs qui pourront le voir dans les différentes circoustances de sa vie, observeront sans doute avec beaucoup d'intérêt quelle influence exerce sur ses habitudes cette conformation particulière de ses organes respiratoires. ' Chien de mer peilon, Broussonnet , Mémoires de l'académie des sciences, fnnr 1780. Sqiialiis cineieus, Linné, édition de Gnielin. Chien de mer perlou , Bonnalerre^ planclies de l' Encjclopédie inétho- dl(]ue. ' Dansie yoliniie df^ja cité des Mémoires de l'académie des sciences. LE SQUALE ROUSSETTE Occupoivs-Nous maintenant ilcs squales qui ont une nageoire de l'anus coujnie ceux (|ue nous venons d'exa- miner, mais qui ont en même (cmps derrière chaque * Noms donnes an mâle el li la femelle. Chat luarin , dans plusieurs dcparlemens méridionaux, Pesce gatto, dans plusieurs endroits de V Italie, Haay, sur plusieurs côtes des Indes orientales. Chien tle mer roussette, Broussonnei ^ Mémoires df l'académie aes sciences de Paris, pour 1780. Ici. Daubenton ; Encyclopédie méthodique, 1<Î. Bonnaterre, planches de VEncyclope'dic méth(.p. 88, «. 8. Arist. lib. 6, c. 10 et rr. Roussette, Valmnnt-Boinare , Dictionnaire d'histoire naturelle. Roussette , dessins sur vélin, de la collection du Muséum national d'his- toire naturelle^ DES POISSONS. ££3 sur-tcKit parmi les oiseaux de proie, la iemelie cs-fc plus grande que le mâle. Nous retrouverons celte même diiFéreuce de grandeur dans plusieurs autres genres o\i espèces de jjoissous; et peut-êti-e cette supériorité de volume que les reniclles des poissons ont sur leurs mâles , n'a-t-elle lieu que dans les espèces où les œufs parviennent dans le veiilre de la mère à un accroisse- ment très-considérabic , ou sV développent en très- grand nombre. Mais, quoi qu'il en soit, c'est prin- cipalement dans Fespècc du squale roussette (lue se montre cette inégalité de dimensions entre le mâle et la femelle. Elle j est même assez grande pour que plusieurs auteurs anciens , et plusieurs naturalistes modernes, les aient considérés comme formant deux espèces distinctes, dont on a nommé une le mancl clutb de mer, ou cJiicn marin [canicula, vel caluhti i?iajur) , et l'autre le petit chat de mer, ou peliù chien marin [cani^ cnla, vel catidus ininor),. Ces auteurs se sont daiileurs déternn'nés à établir cette séparation, parce que le mâle et la femelle du squale roussette ne se ressemblent pas dans la position de leurs nageoires ventrales, ni dans la disposition de leurs couleurs. Mais, lorsqu'on aura pris la peine d'exa- miner vm assez grand nombre de roussettes mâles et femelles, de peser les observations des navi<:>-ateurs, et de comparer les descriptions des naturalistes, on adop- tera facilement avec nous l'opinion du citoyen Brous- sonnet, qui ne regarde les différences qui séparejit le :224 HISTOIRE NATURELLE grand et le petit chat de mer, que comme le signe de deux sexes, et non pas de deux espèces distinctes. Le grand chat de mer, ou la canicule marine, esl la rous- sette femelle, et le petit chat marin est la roussette mâle. La roussette femelle l'emporte donc sur le mâle par l'étendue de ses dimensions. Cependant, comme les attributs caractéristiques de l'espèce résident toujours par excellence dans les mâles, nous allons commencer par décrire le mâle de la roussette. La tête est grande, le museau plus transparent que dans quelques autres squales *, l'iris blanc, et la pru- nelle noire. Les narines sont recouvertes , à la volonté de l'animal, par une membrane qui se termine en lan- gviette déliée et vermiculaire. Les dents sont dentelées, et garnies, aux deux bouts de la base de la partie émail- lée^ d'une pointe ou d'un appendice dentelé; ce qui donne à chaque dent trois pointes principales. Elles forment ordinairement quatre rangées, et celles du niilieu de chaque rang sont les plus longues. Les na- geoires ventrales se touchent de très-près, et sont, pour ainsi dire, réunies; la place qu'elles occupent est d'ailleurs plus rapprochée de la tête que celle de la première nageoire dorsale. La seconde nageoii'e du dos est située au-dessus de celle de l'anus; la nageoire * Voyez , au sujet de la transparence des poissons , le discours sur LVnature de ces animaux. DES POISSONS. 2 £3 caudale est étroite et échancrée; et k longueur de la queue surpasse celle du corps proprement dit. La partie supérieure de l'animal est d'un gris bru- nâtre, mêlé de nuances rousses ou rouges, et par- semé de taches plus ou moins grandes, dont les unes sont blanchâtres, et les autres d'une couleur très- foncée. Ce mâle a communément deux ou trois pieds de longueur. Voici maintenant les différences que présente la fc^ melle. Premièrement , sa longueur est ordinairement de trois n quatre pieds. Secondement, la tête est plus petite à proportion du volume du corps. Troisièmement, les nageoires ventrales ne sont pa5 réunies. Et quatrièmement, les couleurs de la partie supé- rieure du corps ne sont pas toujours distribuées comme celles du mâle : les taches que cette [lartie présente res- semblent quelquefois davantage à celles que l'on voit sur la peau d'un léopard 5 et ces taches sont souvent rousses, ou noires, mêlées à d'autres taches cendrées. Telles sont les formes et les nuances qu'offrent le mâle et la femelle. Mais ne considérons plus que l'espèce , et indiquons &es habitudes. La roussette est très-vorace : elle se nourrit principa- TOME I. 29 S.2.6 HISTOIRE NATUREL!:, E lement de poissons, et en détruit un grand nombre; elle se jette même sur les pêcheurs et sur ceux qui se baignent dans les eaux de la mer. Mais, comme elle est moins grande et plus foible que plusieurs autres squales, elle n'attaque pas le plus souvent ses ennemis à force ouverte; elle a besoin de recourir à la ruse; et elle se tient presque toujours dans la vase, où elle se cache et se met en embuscade, comme les raies, pour surprendre sa proie : aussi est-il très-rare de pêcher des individus de cette espèce qui ne soient couverts de fange. La chair de la roussette est dure, et répand une odeur forte qui approche de celle du musc. On en mange rarement; et lorsqu'on veut s'en nourrir, on la fait macérer pendant quelque temps dans l'eau. Mais sa })ec!u séchée est très-répandue dans le commerce 3 elle y est connue sous le nom âe peau de rousseiie, peau de ehien de Jiier, peau de chagrin. Les j)etits tuber- cules dont elle est revêtue la rendent très-propre à polir des corps très-durs, du bois, de l'ivoire, et même du fer; et, comme celle du requin, elle est employée non seulement à faire des liens, mais encore à couvrir des malles, et, après avoir été peinte en vert, ou eu d'autres couleurs, à garnir des étuis sous le nom de^ galuchat. Il ne faut cependant pas confondre ce ga- luchat commun , avec celui que î'on obtient en pré- parant la peau de la raie sephen, ducpiel les grains ou tubercules sont plus gros, et dont nous avons parlé DES POISSON S. 2^7 âuus i'ardcle de cette raie. Ce second galuchat, plus beau et plus l'echerché, est aussi plus rare, la sepueïi ii'ajant été pêchée que dans un petit nombre de mers, et le squale roussette habitant non seulement dans la Méditerranée , mais encore dans foute l'étendue de rOcéan , depuis un cercle polaire jusqu'à l'au'.re, et depuis les Indes occidentales jusqu'aux grandes Indes, d'où un individu de cette espèce a été euvojé dans le temps à la Haje sous le nom de /laay '. On retire par la cuisson une assez grande quantité d'huile du foie de la roussette. Mais il paroît qu'il est très-dangereux de se nourrir de ce viscère, (jue les pé- cheurs ont ordinairement le soin d^ rejeter, avant de vendre l'animal. Le séjour de la roussette dans la fange, l'infériorité de sa force, et la violence de son appétit, peuvent l'obliger à se contenter souvent d'une proie très corrompue, d'alimens fétides, et même de molluscpies ou d'autres vers marins plus ou moins venimeux, (jui altèrent ses humeurs, vicient particulièrement sa bile, donnent à son foie une (jualité très-malfaisante, et rendroient aussi plus ou moins funeste dans plusieurs circonstances l'usage intérieur d'autres parties de cet animal'- Mais, quoi qu'il en soit , nous crovons devoir ' Cet individu desséché fait partie de la collection cédée à la Fiance par la Hollande. ' Nous ne saurions trop recommander de vuidcr avec la plus grande atten- tion les poissons dont on veut manger, lorsqu'ils se sont nounis d'aîi/iicns corrompus ou de vers iwarinf. 22'8 HISTOIRE NATURELLE ra})porler ici les observations faites par M. Sauvages, ha- bile médecin de Montpellier, sur les elTets d'un foie de roussette pris intérieurement *. Un savetier de Bias, auprès d'Agde, nommé Gervais, mangea d'un foie de ce squale, avec sa femmeet deux eofans, dont l'un étoil âgé de quinze ans, et l'autre de dix. En moins d'une demi -heure, ils tombèrent tous les quatre dans un grand assoupissement, se jetèrent sur de la paille, et ce ne fut que le troisième jour qu'ils revinrent à eus assez parfaitement pour connoître leur état. Ils furent alors plus ou moins réveillés, suivant qu'ils avoient pris une quantité moins grande ou plus considérable de foie. La femme, qui-en avoit mangé le pkis, fut cepen- dant la première rétablie. Elle eut, en sortant de son sommeil, le visage très-rouge; et elle ressentit le len- demain luie démangeaison universelle qui ne passa c|ue lorsque tout son épidémie se fut séparé du corps en lames plus ou moins grandes, excepté sur la tête, où cette exfoliation eut lieu par petites parties et n'entraîna pas la chute des cheveux. Son mari et ses enfans éprou- vèrent les mêmes effets. La roussette est très-féconde; elie s'accouple plusieurs fois; elle a plusieurs portées chaque année, et, suivant la plupart des observateurs, chaque portée est de neuf à treize petits; on a même écrit qu'il y avoit (juehjire- * Disscrtiitinn sur les aiif'maux vsnimeux , couronnée par l'académie de Soiien , en 17.J.5, DES POISSONS. 229 fois des portées de dix-neuf jeunes squales: mais peut- être a-t-ou appliqué faussement à la roussette ce qui paroît vrai du lochler, avec lequel elle a de très-grands rapports, et auquel le nom de roussette a été aussi donné. Les œufs qui éclosent dans le ventre de la mère, au moins. le plus souvent, sont semblables à ceux du requin : on l'es a également comparés à des sortes de coussins, de poches, de bourses; et ces coques mem- braneuses sont également terminées, dans leurs quatre angles, par un filament délié , et treize ou quatorze fois plus long cjue l'œuf proprement dit. Plusieurs auteurs anciens ont cru, d'après Aristote, cjue ces filamens si alongés étoient creux et formoient de petits tujaux ; mais dans ([uelcjue état qu'on observe ces sortes de cor^ dons, on les trouve toujoui's sans aucune espèce de cavité *. Lorsque les roussettes mâles sontaccoupléesavec leurs femelles, elles les retiennent avec des crochets ou des appendices mobiles placés auprès de l'anus, comme les mâles des autres squales et des raies se tiennent collés contre leurs femelles: mais l'organisation intérieure de ces appendices est plus simple que celle des parties ana- logues de la bâtis; ou n'y voit ([ue trois cartilages, dont deux ont une très-grande dureté. La rou.ssette étant répandue dans toutes Jes mers , sa * V^oyt'z Rondelel , à l'eudioil déjà cité. t2.3o HISTOIRE NATURELLE dépuuille a dû se trouver et se trouve en effet fossile dans un grand nombre de contrées. Ses dents sont sux-- tOLit très-abondantes dans plusieurs endroits ; on eu voit dans presque toutes les collections : elles j ont porté long-temps le nom de glossopcLres, ou de langues pétrifiées, donné à celles du requin; et ajant une forme plus alongée cjue ces dernières, elles ont même dû être prises moins difficilement pour des langues converties en pierre. Parmi celles que renferine le Muséum na- tional d'iùstoire naturelle, il j en a de frês-gr. niles. Nous avons mesuré la plus grande de toutes, et nous nous sommes assurés c|ue l'un des deux côtés les plus longs de la portion émaillée de cette dent triangulaire avoit, })ar le mojen de ses jjetites sinuosités, une longueur de soixante-dix-huit millimètres *. Nous avons désiré ensuite de connoitre , comme noxx% l'avions cher- ché pour le requin , la proportion la jxlus ordinaire entre les dimensions des dents, et celles de l'animal considéré * Autres dimensions de lu grande dent fossile de roussette. millimfetres pouces lignes. Plus grande largeur de la partie émaillée, ^5 = 2 9 Longueur de l'une des pointes ou appendices dentelés placés l'un à un bout de la base, et l'autre à l'autre, 10 — 4 {. Lonoueur mesurée sur la face extérieure et convexe, depuis le sommet de la dent jusqu'au sommet de l'angle rentrant formé par la base de la portion émaillée, 42 = i 6 f , Longueur mesurée sur la face concave et intérieure , depuis le souiraet de la dent jusqu'au sommet de l'angle rcnfrant formé par la base de la portion émaillée, 5o = j 10 DES P o r S J> O isi s. a3 i dans son entiei' : mais, quoique nous ajons éié à même d'examiner un grand nombre de roussettes, nous eiï avons observé trop peu de parvenues à un grand degré de développemeiît , pour que nous ajons pu croire avoir trouvé cette pnjportion très -variable dans les très-jeunes squales, même lorsque leurs longueurs sont égales. Nous pensons cependant qu'en général les dents des roussettes sont plus petites que celles des requins, relativement à la grandeur totale du scjuale. Mais, de peur de dépasser la limite du vrai, supposons ce cju'il est difficile de contester, et admettons, pour les roussettes et pour les requins, le même rapport entre les dimen- sions de l'animal et celles de ses dents. D'après la nropor- tion que nous avons adoptée jiour les requins, la rous- sette à laquelle a appartenu la dent fossile que nous avons mesurée dans le Muséum, a dû être deux cen(s fois plus longue que l'un des plus grands côtés de la partie émaillée de cette dent, et par conséquent avoir un peu plus de quinze mètres et demi (cinquante pieds) de longueur. Otte énorme extension étonnera sans doute dans une espèce dont on ne voit plus que des individus de qujeicjues pieds : mais la dent fossile qvii nous a fait admettre cet immense développement, a tous les ca- ractères des dents des roussettes; et si on vouloit la rapporter à d'autres s(juales qui ont aussi leurs dents garnies de trois pointes principales , diminueroit-on la surprise que peut causer cette étendue de cinquanfe pieds que nous proposons de reconnoître dans les 232 HISTOIRE NATURELLE. anciennes roussettes? Mais, quelle qu'ait été l'espèce du squale dont cette dent fossile est une partie de la dé- pouille, cette dent existe; elle a les dimensions que nous venons de rapporter; elle indique un squale long au moins de quinze mètres et demi; et cette consé- qvience, réunie avec celles que nous avons tirées de la grandeur de la dent de requin trouvée aux environs de Dax, ne sera-t-elie pas de quelque intérêt pour ceux qui voudront écrire l'histoire des changemens pliysiques que la terre a éprouvés? /.'/// / /'//,. /w ' I lit 'Il y/ /'' '1 I ■^ SXHkîl^ J' 'v% / ,s(ff .//./■: /{„./,„;■ 2 so /.//./■: ,/u/m//.,/ . ~>. sor.//./: //<■/.• LE SQUALE ROCHLER Lie squale a été souvent confondu avec le mâle ou la femelle de la roussette, que Ton a pi'is souvent aussi pour le mâle ou la femelle du rochier. Cette double erreur est venue de ce que ces animaux ont plusieurs rapports les tnis avec les autres, et particulièrement de ce que leurs couleurs, assez peu constantes, et va- riant non seulement dans la nuance, mais encore dans la grandeur et dans la liistribution des taches, ont été plusieurs fois les mêmes sur le rtvchier, et sur le mâle * Roussette, sur plitsù'in's eûtes de France. Catio rochiero, Jaiis plusieurs depurtemens inéridioiiau.r. Chien de mer, ciiat rochier , Broussonnet , Mémoires de l'académie des sciences, pour 1780. Id. Tiaubentoii, Encyclopédie mélhndiguê. Sqiial'is stellaris, Linné, édition de Gmelin, Squalus cinereus, piuiiis ventralibus discretis, Artedi, gen, 69, syn. 97, Catulus niaxiimis, TVilhtglily , p, 63. jRa/. 77. 22. Gesner, p. 169 ^99; '"' gerni. fol. 80, /;. The greater cat- fish. Edw. Glaii. p. i6g, lah. 289. The greater spofted cat-fish, Pennanl, Brit. Zool. 3, p. 99, lab. i5, ii. a. Petite roussette, chat rochier, Duhamel, Traité des ]>éches, part. 2, sect. g, p. 804, /)/. 22. Chat rochier, canicula saxatilis, Rondelet, prem. partie, Ui>. i3, chap. ^. Chien de mer, chat rochier mfJe, Bonnatcrre , planches de V Encyclopédie méthodique. TOME I. 3o i>34 HISTOIRE NATURELLE OU sur la femelle de la roussette. Ces méjîrises ont donné lieuàd'autres fausses a]i[)licati()ns.L()rs(jue, par exemple, ou a eu donné le nom de roussette mâle ou de roussette femelle à un squale rochier, on n'a pas manqué de liù attribuer eu même temps les habitudes de la roussette mâle ou femelle, sans examiner si l'individu (jue l'on avoit sous les jeux, et que l'on revêtoit d'une fausse dénomination, présentoit réellement les habitudes aux- quelles on le disoit soumis. Pour éviter toutes ces sup- positious contraires à la vérité, il ne faut pas perdre de vue la variab-lité des couleurs des roussettes et du rochier, et il ne faut distinguer ces espèces que par les formes et non p;is par les nuances qu'elles montrent. Si nous recherchons eu conséquence les diflereuces dans la conformation cjui séparent le rochier de la rous- sette, et si notis rassemblons en même temps les traits qui empêchent de le craiHl chat mariiu ^ La première nageoire dorsale est plus près de l'ex- trémité de la queue que du bout du nauseau; la seconde, prescjue aussi grande que la première, et plus éloignée de celle-ci (p.ie de la nageoire de la queue, est placée, au moins le pins souvent, en partie au dessus et en partie au delà de la nageoire de l'anus. Communément le rochier est d'une couleur grise ou roussâtre, avec des taches noirâtres, rondes, inégales, répandues sur tout le corps, et plus grandes que les taches qui sont semées sur le dos de la roussede mâle, ou grouppécs sur celui de la roussette femelle. La roussette vit dans la vase et parmi les algues; elle s'approche des rivages : le rochier s'en tient presque toujours éloigné; il préfère la haute mer; il aime à habiter les rochers, où il se nourrit de mollusques, de crustacées et de poissons, et qui lui ont fait donner le nom de rochier, de chat rochier, de cliat marin des rochers. Aussi tombe-t-il moins souvent dans les pièges des pêcheurs, et est-il pris moins fréquemment, quoi- que cette espèce soit assez nombreuse, chaque femelle, suivant le citojen Broussonnet, (jui a très-bien observé ce squale, portant dix-neuf ou vingt petits à la fois. On le recherche cependant , parce cpie sa peau est em- plojée dans le commerce aux mêmes usages et sous le même nom que celle de la roussette, et que sa chair est un peu moins désagréable au goût que la chair de ce 236 HISTOIRE NATURELLE. dernier animal. On le pêche avec des haims, ainsi qu'a- vec des filets ou demi-folles * , connus dans la Méditer- ranée sous la dénomination de roiissetières , de brete- lières, ou de bretelles^ et, dans quelques parogcs, on les prend dans les mêmes filets que le scombre auquel le nom de thon a été donné. * Voyez, à Tarticle de la raie bouclée ^ la description de \n folle et de la 4€mi-folle. LE SQUALE M I L A N D R E Ce squale parvient à une longueur assez considérable ; et voilà pourtjuoi, sur plusieurs des rivages de la Mé- diterranée, on Ta nommé Jannola, c'est-n-dirc petit Cagnot , dans plusieurs dcpar/euiens jiicriJioiiaitv, Mils n (lie, l'diiL Pal, dans oiie/i/ucs endroits de France et d'Italie, Laiiiiola, dans d'autres contrées de l'Italie. Tope , en Angleterre. Chit'ii (le mer milatulre, Broussonnet, Mémoires de V académie des sciences, pour l'y 80, Ici. Daithentnn, Encyclopédie mélhndiijue. Squalus g^ileiis, Linné., édition de (inielin. Squaliis naribus ovi vicinis, foraniiuibiis ad ociilos, Artedi, gen. 6S, n. Oy sjn. 97. Chien de mer milandre, Bon.naterrCj planches de L' Encyclopédie mélho~ di:]iie. Klein , miss. pisc. 3, p. 9, «. 3. A,islol. Hist. anim. l. 6, c. 1 l. Caniciila , P'in. Hist. ninndi , l. 9, c. 46; et l. 32, c. lî. Caiiosa, Sali: .'Ujuat. p. i?i2. Gesn. A^jiuii. p. 167. le. iinini. p. 144. Thierh. p. 80. Milandre, llondelei , première partie, lit. i3, cliap. 4. Aldroi'. pisc. p. 3i!8. Jonslon , pisc. p. 25, tcdi. H, fig. 4. Tf^iHiighby , Ic/ilh. ]>. 5i, t.d>. V> , 6,fig. x. Canis galeus, Raj. p/sc. p. 3o, /;. 5. Tope, Pennant , Brit. Zool. 3, n. 98, /;. 45. Milandre, Dukamelj Tfu'ué des pêches, part. 3, sect. 9, p. 299, pi. 20j fig. s. et 2. 2 38 HISTOIRE NATURELLE requin. On, n'a pas cru devoir le comparer à un animal moins grand. Le nn'Iandrea le museau aplati et alongé. Ses dents nombreuses, placées sur plusieurs rrngs, et un peu inclinées vers l'angle de la gueule le plus voi- sin, ont une forme particulière qui seule j)eut faire distinguer ce cartilagineux de tous les autres poissons de sa famille : elles sont aplaties, triangulaires et den- telées, comme celles du requin; mais elles présentent sur un de leurs bords verticaux une })rofonde échan- crure qui j forme un grand angle rentrant, et dont les côtés sont dentelés. Nous avons fait graver la figure d'une grande mcichoire de milandre qui fait partie de la collection du Muséum national d'histoire naturelle, et dont les dimensions doivent faire supposer, dans le squale aucjuel elle a appartenu, au moins une longueur de plus de cjuatre mètres (douze pieds trois pouces huit lignes). C'est donc avec raison qu'on a rapproché ce squale du requin, sur l'échelie tles grandeurs auxquelles parviennent les différentes espèces de son genre. Le milandre a d'ailleurs la langue arrondie et assez large; les narines placées près de Tuiiverture de la bouche, et en partie fermées par un lobule court; les évents très-petits et d'une forme alongée; les nageoires pectorales longues et légèrement échancrées à leur extrémité. La première nageoire dorsale est presque également éloignée de la base des pectorales et de celle des ven- trales ; et la seconde est située eu partie au dessus et en DES POISSONS.. 239 partie au devant de la nageoire de ianus, qui est moins près de cette ouverture <[uede la nageoire de la (jueue. Cette dernière nageoire est, au reste, divisée en deux lobes inégaux, et la peau est chagrinée ou revêtue de petils tubercules. Le citoyen Broussonnet, qui a décrit un individu de cette es|)èce dîius le port de ( elte, assure, d'après le témoignage des marins, (pie It chair du miiandre est très-diirc et rp|)aiul une odeur désagréable. On la fait cependant queUiuefois sécher; « nuiis Fabondance et le » bon marché de cet alinjent, dit ce nrifuraiiste, peuvent «seuls déterminer des pêcheurs aî!"an)ë.sà s'en nourrir.»; D'un autre côté, le miiandre doit être- moins (ré- quemment et moins vivement r( chrrché cpie plu.sieius autres s- formation avec le milandre , ainsi qu'avec plusieurs autres cartilagineux de la même famille que nous avons décrits. Et pour achever d'en donner une idée assez étendue, il suffit d'ajouter que sa première nageoire dorsale est presque triangulaire, et plus avancée vers la tête que les nageoires ventrales; que ces dernières sont une fois plus petites que les pectorales; que la seconde nageoire dorsale est une fois plus grande cjue celle de l'anus, qui est à peu près quarrée; et enfin que la na- geoire de la queue s'élargit vers son extrémité. L'estomac de l'émissole est garni de plusieurs appen- dices situés auprès du pjlore , ce qui dc/it augmenter sa faculté de digérer. Ses dents pouvant d'ailleurs brojer Mustelus Isevis primus, TViUxighby, Ichlh. p. 60, lab. B, ^iflg- 2. Raj. pisc. p. 22. Smooth hound. Pcnnant, Brif. Zon/. 3, p. gi, 11. 10. Squalus dentibus obtusis seu gvanulosïs, ^rledij geii. 66, sj-ii. gS. Arist. lib. 6, cap. 18. Ailien. l. 7, p. 294. Oppian, l. i,/bZ. 11 3, 4. Galeuslsevis, Bellon. GesneVjp. 608, 6i3, 717, et gcnn.fol. 77, a. Charleion, p. 128. Galei species ex Gesnero, Aldrov. lib. 3, cap. 35, p. 3g2. Jonston, Z. I, lit. 3, c. Z, a, 2, punct. 3. Squalus pinnis dorsalibus nuiticis, auall preesente, dentibus graauîosis. Acl, Helyet, 4, p. 268, n, ii3. S44 HISTOIRE NATURELLE. et diviser les alimens, pins complètement que celles de plusieurs autres squales, ce poisson a moins besoin que beaucoup d'autres animaux de son genre, de sucs di- gestifs très-puissans. La partie supérieure de l'émissole est d'un gris cen- dré ou brun, et l'inférieure est blanchâtre. Mais les couleurs de cette espèce ne sont pas les mêmes dans tous les individus ; et il paroît qu'il faut regarder comme ime variété de ce poisson , le squale qu'on a nommé étoile et leniillat* , (jui est conformé comme l'émissole, mais qui en diffère ]>ar des taches blanches répandues sur tout le corps, pkis grandes et moins nombreuses sur le dos que sur les côtés, semblables, a-t-on dit, à des lentilles, ou figurées comme de petites étoiles. Au reste, l'émissole non seulement habite dans les mers de l'Europe,, mais encore se retrouve dans la mer Pacifique. * Chien de mer estellé, galeus aslerias, lentillaf , Rondelet j première part, lu'. i3, chap. 3. Willughby , p. Cï, LE SQUALE BARBILLON ^ Le citojen Broussonnet a le premier fait connoître cette espèce de cartilagineux qui se trouve dans la mer Pacifique, et que l'on voit quelquefois auprès de plu- sieurs rivages d'Amérique. Ce scpiale parvient au moins à la longueur de cinq pieds ; il est d'une couleur rousse comme la roussettej et, quand il est jeune, il présente des taches noires : il a aussi, comme la roussette, les narines garnies d'un appendice alongé et vermiforme: mais ce qui empêche de le confondre avec cet animal, c'est qu'il a sur son corps des écailles grandes, plates et luisantes. Nous n'avons encore examiné que des pois- sons couverts d'écaillés presque insensibles, ou de tu- bercules plus ou moins gros, ou d'aiguillons plus ou moins forts; et c'est la première fois cpie nous voyons la matière qui forme ces écailles presque invisibles, ces aiguillons et ces tubercules, s'étendre en lames larges et plates, et produire de véritables écailles \ ' Cliien de nier barbillon, Broussonnet, Mémoires de V académie des sciences, pour 1780. Sqnaius cirralus, T^iiiné, édition de Cmclin. Gh'u 11 de mer barbillon, Bonnalerre, planc/ics de r Encyclopédie métlio- dique. * Voyez, dans le Discours sxtr hi nature des poissons, ce qui concerne la formation des écailles. 2.4-6 HISTOIRE NATURELLE. Le museau est court et un peu arrondi. Les dents sont nombreuses, alongées, aiguës, et élargies à leur base. Les deux dernières ouvertures branchiales de chaque côté sont assez rapprochées pour qu'on ait pu croire que l'animal n'en avoit que huit au lieu de dix. On voit la première nageoire dorsale au dessus des ven- trales, et la seconde plus près de la tète que celle de l'anus. La queue est courte, et la nageoire qui la termine se divise en deux lobes. LE SQUALE BARBU La description de ce squfile de la mer Pacifique, dans les eaux de laquelle il a été vu par le capitaine Cook, a été publiée pour la première fois par le citojen Brous- soniaet. Il est très-aisé de distinguer ce cartilagineux des autres animaux de son genre, à cause des appen-»» dices vermiformes (pii garnissent sa lèvre supérieure. Les plus grands de ces ajipendice.s ou barbillons ont communément de longueur, le (juatre-vingtième de la longueur (otale. Ces prolongîUions membraneuses sont d'ailleurs divisées le j)liis Souvent en trois petits ra- meaux ; et on les voit ordinairement au nombre de huit.' La tête est large, courte, et déprimée; lesclents,en forme de fer de lance , et sans dentelures , sont disposées , sur plusieurs rangs; les évents sont grands; et la pre- mière nageoire dorsale est placée plus loin de- la tête qi:e les nageoires ventrales. Le corps, recouvert de tuliercules, ou, pour mieux dire, d'écaillés très-petites, dures, lisses et brillantes, présente, dans sa partie sujiérieure, des taches noires, * Cliien de mer barbu, Broussouncl ^ Mc/noires de l' académis des sciences j 3^80. Squalus barbatus, Linné, édition de Gmeliii, Chien ik mer moucheté, Bonnuierrej planches de l' Encyclopédie métho- âii.]ue. £48 HISTOIRE NATURELLE. rondes, ou anguleuses, et renfermées clans un cercle blanc. C'est à cette espèce qu'il faut rapporter le squale décrit et figuré dans le Voyage du capitaine Philipp à Botany-Bay, chapitre xxii, et qui avoit été pris dans la crique de Sidney, du port Jackson de la Nouvelle- Hollande, par le lieutenant Watts. En réunissant la description donnée par le citojeu Broussonnet, avec celle que l'on trouve dans le T'^oyage du capitaine Pltilipp, on voit que la bouche du squale barbu est située à l'extrémité du museau, au lieu de l'être au dessous, comme dans le plus grand nombre des animaux de sa famille. L'entre-deux des jeux est large et concave. La nageoire de l'anus touche celle de la queue; et cette dernière, composée de deux lobes, dont l'antérieur est arrondi dans son contour, et plus étroit, ainsi que beaucoup plus long que le postérieur, ne garnit que le dessous de la queue , dont le bout est comme émoussé. LE S Q U A L E T I G R Ê C'est dans rOcéan indieu qu'habite ce squale remar- quable par sa grandeur et par la disposition des cou- leurs qu'il présente. On a vu, en effet, des individus de cette espèce parvenus à une longueur de cinq mètres, ou de quinze pieds: de plus, le dessus de son corps et ses nageoires sont noirs avec quelques taches blanches, et avec des bandes transversales de cette der- nière couleur, placées comme celles que l'on voit sur le dos du tigre ; et de là vient le nom qvie nous lui avons conservé. D'ailleurs ce s(|uale est épais; la tête est large et * Barbu. Chien de mer barliii. ■ Waunan-polica, par les Chingulais. Squalus ligrinus, Zoologia indicaselecia, auctore Joanne Kciiioldo Fors- ter, fol. 24, lab. i?),fig. 2. Bloch, Histoire naturelle des -poissons dtrangersy en allemand, part. ï, p- ig» "• 4- Cliien de mer tigre, Brot/ssonrietj Mémoires de l'académie des sciences, 1780. Squalus tigrinus, Linné, édition de Gnielin. Chien de mer barbu, Bonnaterre , planches de V Encyclopédie méthodique. Groiiof. mus. i, 7;. i36, Zooph. n. 147. Scba, mus. 3, p. loSj taù. 34,^5'. r. Uermann, Tah. affin, anim. p. 3o2. Squakis longicaudiis, Linné, édition de Gmclin. TOME I. 02 Si5o HISTOIRE NATURELLE. arrondie par devant; l'ouverture de la bouche placée au dessous du museau, et garnie de deux barbillons; et la lèvre supérieure proéminente. Les dents sont très- petites, et les ouvertures des branchies au nombre de cinq : mais les deux dernières de chaque côté sont si rapprochées, qu'elles se confondent l'une dans l'autre, et c|ue d'habiles naturalistes ont cru que le tigré n'en avoit que huit. L'on voit la première nageoire du dos au dessus des ventrales, la seconcle au dessus de celle de l'anus, et la caudale divisée en deux lobes, qui ne régnent communément que le long de la partie infé- rieure tie la queue. On a écrit que le tigré vivoit le plus souvent de cancres et de co(|uill;»ges. La petitesse de ses dents rend cette assertion vraisemblable; et ce fait curieux dans rhistoii'e de très-grands squales pourroit confir- mer, .s'il étoitbien constaté, une des habitudes (|ue l'on a attribuées à celle espèce, celle de vivre plu.sieurs in- dividus ens'jmbie sans chercher à se dévorer les uns les autres. Mais ne nous pressons pas d'admettre l'exis- tence (le mœurs si opposées à celles d'animaux carni- vores , tourmentés par un ai)pétit vorace , et ne pouvant l'appaiser que par une proie abondante. LE SQUALE GALONNÉ Les mers qui baignent les côtes d'Afrique, et particu- lièrement celle qui avoisiiie le Cap de Bonne-Espérance , sont riiabitation ordinaire de ce squale, dont le citojen Broussounet est le premier qui ait publié la description. Son caractère distinctif consiste dans sept grandes bandes noirâtres, parallèles entre elles, et qui s'étendent longitudinalenient sur son dos. Il est d'ailleurs revêtu de petits tubercules ou d'écaillés presque carrées. Sa tête est déprimée, et un pevi plus large que le corps; ses jeux sont trois fois plus grands que lesévents; et au travers de l'ouverture de sa bouche, qui est demi-circulaire, on voit des tubercules mous sur la langue et le palais, et plusieurs rangées, transversales dans la mâchoire supérieure et obliques dans l'infé- rieure, de dents longues, aiguës, et comprimées de dehors en dedans. Deux lobes inégaux servent à fermer les narines. Les ouvertures des branchies sont au nombre de cinq * Chien de mer galonné, Broussounet, 'Xlcinoires de l'académie des sciences de Paris, 1780. Squalus afi'icaniis, fdnné, édition de Gmclin. Chien de mer galonné, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie métho- dique. S5ii HISTOIRE NATURELLE. de chaque côté, comme dans tovis les squales dont nous écrivons l'histoire, excepté le perlon et le griset. La première nageoire dorsale est au-delà du milieu de la longueur du corps; la seconde est placée au-dessus de la partie postérieure de la nageoire de l'anus ; et celle de la queue est arrondie. LE SQUALE ŒILLÉ De chaque côté du cou de ce cartilagineux, on voit vuie grande tache ronde, noire, et entourée d'un cercle blanc, et qui, ressemblant à une prunelle noire placée au milieu d'un iris de couleur très-claire, a été consi- déré comme l'image d'un œil, et a fait donner le nojn d'a'///é au poisson que nous décrivons. C'est encore k l'ouvrage du citojen Broussonnet que nous devons la connoissauce de ce squale, cjue l'on a trouvé dans la mer Pacifique, auprès de la Nouvelle-Hollande. L'œillé est, dans sa partie supérievire, d'une couleur grise et tachetée, et, dans sa partie inférieure, d'un cendré verdâtre, qui, dans l'animal vivant, doit être plus clair que les nuances du dessus du corps. La tète est courte et sans taches. Les dents sont aiguës, comprimées de dehors en dedans, larges à leur base, mais petites. Les narines avoisinent le bout du museau ; et, de chaque côté, les deux dernières ouvertures des branchies sont très-rapprochées. La place qu'occupent les nageoires ventrales est plus près de la tète que le milieu de la longueur du corps. * Chien de mer œilié, Broussonnet^ Mémoires de l' académie des sciences 1780. Sc[uaUis ocellalus, Linné, édition de Cmelin, Chien de iiierœiilf^, Tonnuterrc, jdanches de l'Encyclopédie méthodique. 2.5^ HISTOIRE NATURELLE. Elles sont arrondies, noirâtres, et bordées de gris, comme les pectorales. On voit deux taches noires sur le bord antérieur de la première nageoire dorsale, qui est écliancrée par derrière, et située plus loin de la tête que celle de l'anus. La seconde, un peu plus petite que la première, ressemble d'ailleurs à cette première dorsale; et la na- geoire de l'anus touche presque celle de la (j[ueue, qui est écliancrée. LE SQUALE ISABELLE Ce poisson vit auprès des côtes de la Nouvelle-Zé- lande. C'est un de ces squales que l'on n'a rencon- trés jusqu'à présent que dans la mer Pacifique, et (jui paroissent en prél'érer le séjour à celui de toutes les autres mers. C)uel contraste cependant présentent les idées de ravage et de destruction cjue réveillent ce grand nombre d'êtres voraces et féroces, et les images douces et riantes ([ue font naître dans l'imagination le nom de cette mer famettse , et tout ce que l'on raconte des jsles qu'elle arrose, et où la nature semble avoir prodi- gué ses plus chères faveurs! Le nom du s([uaîe dont nous traitons, vient de la couleur du dessus de sou corps, (pii est, en eOet, Isabelle, avec des taches noires; le dessous est blan- cliàtre. Ces taches, ces nuances, le rapprochent de la rous- sette, avec laquelle les principaux détails de sa confor- mation lui donnent d'autres grands rapports : n^ais il en diHcre en ce qtie sa tète est ])lns déprimée, et sur- * Chien de mer Isabelle, Jhoubsonnci , Mémoires de l'académie des sciences, l'/So. Squahis isabeila, Linné, édition de Cmelin. Chien de mer Isabelle, Bonnalerre, ]-ilanelies de l'Encyclopédie mélho- diquc. 2 56 HISTOIRE NATURELLE. tout parce que la première nageoire dorsale est placée au dessus des ventrales, au lieu d'être plus éloignée de la tête que ces dernières, comme sur la roussette. Le museau est arrondi; les dents sont comprimées de devant en arrière, courtes, triangulaires, aiguës, garnies, aux deux bouts de leur base, d'un appendice ou grande pointe, et disposées ordinairement sur sis rangées^ la langue est courte et épaisse; les évents sont assez grands; les nageoires pectorales très-étendues, et attachées au corps auprès de la troisième ouverture des branchies; les ventrales séparées l'une de l'autre; et les lignes latérales suivent le contour du dos, dont elles sont voisines. LE SQUALE MARTEAU Il est peu de poissons aussi connus des marins et de tous ceux qui, sans oser se livrer aux hasards des tem- ] èles, ou sans pouvoir s'abandonnera un courage qui les porteroit à les affronter, aiment à suivre par la pensée les hardis navigateurs dans leurs courses loin- taines. Toutes les mers sont iiabitées par le marteau : sa conformation est frappante; elle le fait aisément dis- tinguer de presque tous les autres poissons; et son souvenir est d'autant plus durable, que sa voracité * Poisson juif, pesce joiiziou, à Marseille (à cause de sa ressemblance avec l'ornement de télé que les Juifs portoient autrefois en Provence). Pesce martello, dans plusieurs déparlenieiis méridionaux. Peis linio, limada, toilandolo, en Espagne. Ciainbelta, à Rome. Balista, dans plusieurs endroits d' Italie. Balance-fish, en Angleterre. Squalus zygaena, Linné, édition de Gmelin. Chien de luer marteau, Baubenton, Encyclopédie métliodique. Id. Bonnalerre, planches de l' Encyclopédie méthodique. Id. Broussonnet , Mémoires de l'académie des sciences, lySo. Squalus corpore malleiformi, Bloch, Hist. des poissons étrang. première •partie , pi. 1 17. Cesiracion fionte artûs forma, Klein, miss. pisc. 3, p. i3, /;. i. Libella ciarnbttfa, i'ijA'. ÂLjuat.ji. 128, 12g. Libella, balista, cagnolu, Bellon , Aqual.p, 6r. Sq. capite latissimo transverso malleiibrrai. Mus. ad.fri. i, p. 52. Squalus capite latissimo transveiso mallei instar, Art. gen. 67, syn. g6. TOME I. 33 -v 258 HISTOIRE NATURELLE l'entraîne souvent autour des bâtimens, au milîeu de.? rades, auprès des côtes, qu'il s'j montre fréquem- ment à la surface de l'eau, et que sa vue est toujours accompagnée du danger d'être la victime de sa férocité. Aussi n'est-il presque aucune relation de voyage sur mer, qui ne fasse mention de l'apparition de quelque marteau , qui n'indique quelqu'une de ses habitudes redoutables, n'expose, au moins imparfaitement, sa forme, ne soit ornée d'une figure plus ou moins exacte de cet animal; et depuis long-temps on ne voit pres- que aucune collection d'objets d'histoire naturelle, ni même de substances pharmaceutiques, qui ne présente quelque individu de cette espèce. Gronoi'. jûus. I, 71. i3g, Zoopli. ii. 146. , Sphyrsena Gillii, AJiis. besler.p. 55, tah..z5: jirist. anim, lib. 2, c. i5. jElian. an, lib. g, c. 49. GesTicrj ^quat.p. loSo, icon. an. p. l5o. jildrov. pisc.p. 408. .Tonston,pisc. p. 2<), tab, 'J^fig- 8 et Cj. Marteau, poisson juif, zygaena, libella, Rondelcl , première partie ^ liv. i3, cliap. 10. Zigène, Tiu Tertre , Ant, 2, p. 2oy. Requin, Feriniii, Surin. 2, p. 248. Pantouflier, Labat. Amer. 4, p.,3oi. , -J-Villiighby, Tchthyoï. p. b'i), tab. B, i. Balance fish, Raj. pisc. p. 20, n. 7. Marleau, Valmont-Bomare , Dict, d'histoire naturelle. Cliarletnn ^ p. iz8. Opp!an. lib. i.ip, i^. , i,,ii,,,'r MArt.ea,%.iDuiiiHiffl:,^Trtiit.é d^ét^péxfhpJaSiSecvdie p.aj85 aiguillon, comme celles de l'aiguillât, du sagre, et du humautin; et la seconde de ces nageoires est moins près de la tête que les ventrales, qui cependant en sont assez éloignées. Le citojen Broussonnet a parlé le pre- mier, et dès 1700, de cette espèce, dont il a vu lui in- dividu d'un mètre, ou environ trois pieds, de longueur, dans le Muséum national d'histoire naturelle. LE SQUALE SCIE Le nom que les anciens et les modernes ont donné à cet animal, indique l'arme terrible dont sa tête est pourvvie, et qui seule le sépareroit de toutes les espèces de poissons connues jusqu'à présent. Cette arme forte et redoutable consiste dans une prolongation du mu- seau, qui, au lieu d'être ai^rondi, ou de finir en pointe, se termine par une extension très-ferme, très-longue, très-aplatie de haut en bas, et très-étroite. Cette exten- * Espadon. Epée de mer. Sag-fisk, e7i Suède. Saw-fish, e/i Anglelerre, Chien de nier scie, Daubenlon, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnatene, planches de V Encyclopédie méthodique. Squalus pristis, Limié, édition de Gmelin. Faitna suecica, 2gy. Mus. ad.fr. i,p. 52. O. Fabrici. Faun. groenl. p. i3o, n, 91. Minier, Prodrom. Zoolog, dan. p. 38, n. 3ig. Squalus rostro longo cuspidaf o osseo piano utrimque dentato. Artedi, gen. 66, syn. 93. Gronov. mus. i, n. i32, ZoopJi. 11. 148. Brown, Jamaic. p. 468, n. i. Blocli, pi. 12p. Klein, miss. pisc. 3, p. 12, 72. 11, tah, "^ifig. i et 2, Squalus rastrifer, Conimerson, manuscrits déjà cites, Araguagua, Marcgr. Brasil. p. i58. \ HISTOIRE NATURELLE. 287 sioii est composée d'une matière osseuse, ou, pour mieux dire, cartiUigineuse et très-dure. C)ii peut la comparer à la lame d'une épée; et elle est recouverte d'une peau dont la consistance est semblable à celle du cuir. Sa longueur est commuuément égale au tieis de la longueur totale de l'animal; sa largeur augmente en allant vers la tête , auprès de laquelle elle égale ordinai- rement le septième de la longueur de cette même arme, pendant qu'elle n'en est qu'un douzième à l'autre extré- mité. Le bout de cette prolongation du museau ne pré- sente cependant pas de pointe aigué , mais un contour arrondi; et les deux cotés de cette sorte de lame montrent Id. Pis. Iiid. p. 54. Serra , P/i?!. Hist. miindi, l. 82, c. 11. Clus. exot.p. i35. Aldrov. cet. p. 692. Olear. Kunstk.p. 41, lah. ■^.G^fig.l. Gcsn. Aijuat. p. ySg, ic. anint. p. lyi. Thierb. p. lor. TViliiighby, Ichth, p. Gi, lab. V, , ().,fig. 5. Raj. piar. p. 23. Vivelle, Rondelet, première partie, lir. 16, chap. 11. Xiphias, vel gladius. Jonslon, pisc. p. i5, lab. 4, fig. i. Blas. Anat. p. 807, tah. 4g, fig. l3. Spatlon, du Tertre, Aiitill. p. 207. Serra marina, langue de serpent, Bellon, Aqiiat. p. itij. Chien de mer scie, Broussonnel , Mémoires de racadéinie des sciences 1780, Scie, espadon, épée de mer, Valmont-Bomare , Dictionnaire d'/dsloire naturelle , a.iùc\e des baleines. Arislot. Bist. aniin. l. 6, c. 12. Athen, l. 8, ;3. 333. £88 HISTOIRE NATURELLE nn nombre plus on moins considérable de dents, on ap- pendices dentiformes très-forts, très-durs, très-grands, et très-alongés. Ils font partie du cartilage très-endurci qui composècette même prolongation; ils sont de même uatui'e que ce cartilage , dans lequel ils ne sont pas en- châssés comme de véritables dents, mais dont ils déri- vent comme des branches sortent d'un tronc; et, perçant le cuir qui enveloppe cette lame, ils paroissent nuds à l'extérieur. La longueur de ces sortes de dents, qui sont assez séparées les unes des autres, égale souvent la moitié de la largeur de la lame, à laquelle elles donnent la forme d'un long peigne garni de pointes des deux côtés, ou , pour mieux dire , du râteau dont les jardiniers et les agriculteurs se servent: aussi plusieurs naturalistes ont-ils nommé le squale scie, râteau owporle- râteau. Pendant que l'animal est encore renfermé dans son œuf, ou lorsqu'il n'en est sorti que depuis peu de temps, la lame cartilagineuse qui doit former son arme est molle, ainsi que les dents que produisent les décou- pures de cette lame, et qui sont, à cette époque de la vie du squale, cachées presque en entier sous le cuir. Au reste , le nombre des dents de cette scie varie dans les dififérens individus, et le plus souvent il y en a de vingt- cinq à trente de chaque côté. Nous allons voir l'usage que le poisson scie fait de cette longue épée; mais achevons auparavant de faire connoître les particularités de la conformation de ce squale. DES POISSONS. 289 La couleur de la partie supérieure de ce cartilagineux est grise et presque noire; celle des côtes est plus claire, et la partie inférieure est blanchâtre. On voit sur la peau de très-petits tubercules, dont l'extrémité est tournée vers la queue, et qui par conséquent ne rendent cette même peau rude au toucher que pour la main qui en parcourt la surface en allant de la queue vers le museau. La tête et la partie antérieure du corps sont aplaties. L'ouverture de la bouche est demi-circulaire, et placée dans la partie inférieure de la tète, à une plus grande distance du bout du museau que les jeux. Les mâ- choires sont garnies de dents aplaties de haut en bas , ou, jiour mieux dire, un peu convexes, serrées les unes contre les autres, et formant une sorte de pavé. Les nageoires pectorales présentent une grande éten- due; la première dorsale est située au dessus des ven- trales, et celle de la queue est très-courte *. * Principales diiiipusioiis d'un squale scie Diesuré j'ar Commerson^ au moment où cet animal venait de mourir. Longueur depuis le bout du museau jusqu'aux poinles de la prolongation de cette partie, les plus voisines de la tête pro- pieds pouces lignes. pruiuent dite. 7 6 au bord antérieur des narines , 7 10 au milieu des yeux , 8 6 aux évents. 9 3 à la première ouverluie branchiale, I 6 TOME I. ^7 Sloo histoire k a T Li r e l l e Les anciens naturalistes et quelques auteurs mo- dernes ont placé la scie parmi les cëtacées, que l'on a si souvent confontlus avec les poissons, parce cjii'ils liabitent les uns et les autres au milieu des eaux. Cette première erreur a fait supposer par ces mêmes auteurs^ ainsi que par Pline, que la scie parvenoit à la très- grande longueur attribuée aux baleines, et l'on a écrit et répété que, dans des mers éloignées, elle avoit quelque- fois jusqu'à deux cents coudées de long. Quelle distance entre cette dimiCnsion et celles que l'observation a mon- trées dans les squales scies les plus développés! On n'eu a guère vu au-delà de cinq mètres, ou de quinze pieds, de longueur; mais comme tous les squales ont des mus- cles très-forls, et que d'ailleurs une scie de quinze pieds a une arme longue de près de deux mètres, nous ne de- vons pas être surpris de voir les grands individus de l'es- pietls puiices lignes. à la cinquième ouverture l)i,inc!iiale, I i 8 au bout antérieur de la base des nageoires pectorales, l 6 à l'origine des nageoires ventrales, i 7 lo à l'anus, i 11 à l'origine de la première nageoire dorsale, 1 8 à l'origine de la seconde nageoire dorsale, 2 3 à l'origine de la nageoire de la queue, 2 6 au bout de la nageoire de la queue, le plus éloigné de la tête, 2 11 I argenr de la tcie, auprès de l'ouverture de la bouclie, 2 8 du corps, auprès des nageoires pectorales, à l'endroit où elle est la plus grande, 4 6 du corpSjauprèi de la secoudenageoiie du dos, i 3 DES POISSONS. 291 pcce que nous examinons, aUaquer sans crainte et com- battre avec avantage des habitans de la mer des plus dangereux par leur puissance. La scie ose même se me- surer avec la baleine mjsticète , ou baleine franche , ou grande baleine; et, ce qui prouve quel pouvoir lui donne sa longue et dure épée, son audace va jusqu'à une sorte de haine implacable. Tous les pêcheurs qui fréquentent les mers du nord, assurent cpie toutes les fois que ce squale rencontre une baleine, il lui livre un combat opiniâtre. La baleine tâche en vain de frap- per son ennemi de sa queue, dont un seul coup sufïi- roitpourle mettre à mort : le squale, réunissant fagi- lité à la force, bondit, s'élance au-dessus de l'eau, échappe au coup, et retombant sur le cétacée , lui en- fonce dans le dos sa lame dentelée. La baleine, irritée de sa blessiu'e, redouble ses efforts : mais souvent, les dents de la lame du squale pénétrant très-avant dans son corps, elle perd la vie avec son sang, avant d'avoir pu parvenir à frapper mortellement un ennemi qui se dérobe trop rapidement à sa redoutable queue. Martens a été témoin d'un combat de cette nature derrière la Hitlande, entre une autre espèce de baltine nommée nord caper, et une grande scie. Il n'osa prs s'approcher du champ de bataille; mais il les vojoit de loin s'agiter, s'élancer, s'éviter, se poursuivre, et se heurter avec tant de force, que l'eau jaillissoit autour d'eux, et retomboit eu forme de pluie. Le mauvais temps l'empêcha de savoir de quel côté demeura la 29^ HISTOIRE NATURELLE. victoire. Les matelots qui étoient avec ce vojageiir lui dirent qu'ils avoient souvent sous les jeux de ces spectacles imposans ; qu'ils se tenoient à l'écart jusqu'au moment où la baleine étoit vaincue par la scie, qui se contentoit de lui dévorer la langue , et qui abandonnoit en quelque sorte aux marins le reste du cadavre de l'immense cétacée. Mais ce n'est pas seulement dans l'Océan septentrional que la scie donne, pour ainsi dire, la chasse aux baleines; elle habite en edet dans les deux hémisphères, et on Vy trouve dans presque toutes les mers. On la rencontre particulièrement auprès des côtes d'Afritpie , où la forme, la grandeur et la force de ses m'mes ont frap]>é l'imagination de plusieurs nations nègres, qiu l'onî , pour ainsi dire, divinisée, et conservent les pkis petits fragm^ns de son museau dentelé, connne un fétiche précieux. Quelquefois ce squale, jeté avec violence par la tem» pète contre la carène d'un vaisseau , ou précipité par sa rage contre le corps d'une baleine, j enfonce sa scie oui se brise; et une porlion de cette grande lame den- telée reste attachée au doublage du bâtiment, ou au corps du cétacée, pendant que l'animal s'éloigne avec son museau troncpié et son arme raccourcie. L'on. con- serve, dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle, un fragment considérable d'une très-grande lame de squale scie, qui y a été envojé dans le temps par M. de Capellis, capitaine de vaisseau, et qui a été trouvé im- planté dans le côté d'une baleine. lo/n I . ïl. 12 ■ Vtxç zç 5 iél'i- 1. SOlLdLK JiKje 2 CLL[j\IJ:IIE Jnùu-c/u/uc 3 /'Û/A'OP ÛS^^ /ùw//<- LE SQUALE ANGE*. De tous les scjiiales connus, Fange est celui qui a le plus de rapporls avec les raies et particulièrement avec la rliinohate. Non seulement il est, comme ces dernières, dénué de nageoire de Fanus et jiourvu d'évents, mais encore il s'en rapproche par la forme de sa queue, par l'aplatissement de son corps, et par la grande étendue des nageoires pectorales. Il s'en éloigne cependant par un autre caractère très-sensible qui le lie au contraire avec le squale barbu, parla position de l'ouverture de * Ci(?ac de buse, uitfièi. de Bordeaux, Squaqua, dans ])lu£ieiirs ]>ays d'Italie,. Sqiiaia , i/n'd, Pesce angelo, ri. Gènes, Tlic monk, .';■ angel-fish , en Angleterre, Cliien de mer ange, Daiibentnn, encyclopédie méthodiques Id. Bnnnalcrre, planches de L' Encyclopédie mélhodiijue, Squaliis squatina, Linné, édition de Gmelin, Mus. ad.fr, 2, ;;. 40, '. Squalus pinnà aiii carens , ore iii apiee capiti?, ,/^7Vf.7/j geti. 67, n. 6, syn. qS. Gronni'. mus. i, iSy, Zooph. l5l. H/ol/i, Hisl. des poisAons étrangers , etc. pi. 116. Rhiiia sive squatina autoruiii, Klein, miss, pi c. 3, p. 14, ;?. i, ta!). 2, fig. 5 el 6. Arisl, Eisl. anim. lib. 2, cap. i5: lih. 5, cap. 5, 10, 11 ; ///;. g, cap, 37; 294 HISTOIRE NATURELLE la bouche, qui, au lieu d'être placée au dessous du museau, en occupe rextrémilé. Cette ouverture, qui est d'ailleurs assez grande, forme une partie de la cir- conférence de la tête c|ui est arrondie, a})latie, et plus large que le corps. Les mâchoires sont garnies de dents pointues et recourbées, disposées sur des rangs dont le nombre augmente avec l'âge de l'animal, et est toujours plus grand dans la mâchoire inférieiire que dans la supé- rieure. Les narines sont situées , comme la Ijouche , sur le bord antérieur de la tête, et la membrane qiii les re- couvre se termine par deux barbillons. C'est sur la queue que l'on voit les deux nageoires Sqiiadro, Sali iati. ^iji/at. p. i5i. Squatina, P/i'«. Ilist. nnindij lib. g, caji. 12,24, 42, 5r. L'ange, Rondelet ^ première partie^ lU'. 12, chap. 20. Cesner, Aquat. p. 899, g02 ; icon. anim, p. 89, 40; Tliierb. p, i65, /ij 166. Aldrov. pisc. p. 472. Jonsto/ij pisc. p. 3g, tab. xi^flg, 7. Ballon j Aquat. p. 78. Squatina, TVillugliby , Ichth. p. 97, tab. D, 3. Raj. pisc. p. 26. Chien de mer ange, Broussonnet^ Mém. de l'académie des sciences pour 1780. Angel-fish. Pcunant , Brit. Zool. 3, p. 74, n, i, Oppian. /. I, c. l5. , Charleton, p. i3i. Athen. l. 7, /). 319. Sqiiatine, et ange, Valmont-Bomare , Diclionna-'re d'histoire naturelle. D ES POISSON S. ÎIC^S dorsales; les ventrales sont grandes; la caudale est un peu en demi-cercle; et les pectorales sont très-étendues et assez profondément échancrées par-devant. Au reste, ce sont les dimensions ainsi que la forme de ces der- nières qui les ont fait comparer à des ailes comme les pectorales des raies, et qui ont fait donner le nom dV//7j;'r' au squale que nous décrivons. Ce cartilagineux ressemble d'ailleurs à plusieurs raies par les aiguillons recourbés en arrière qu'il a auprès des jeux et des narines, sur les nageoires pectorales et ventrales, et sur le dos et la queue. Il est gris par- dessus, et blanc par-dessous; et le?- nageoires pecto- rales sont souvent bordées de brun par-dessous, et blanches par-dessus; ce (pii leur donne de l'éclat, les fait contraster avec la nuance cendrée du dos , et n'a pas peu contrijjué à les faire considérer comme des ailes. L'ange donne le jour à treize petits à la fois. Les grands individiss de celte espèce ont communément sept ou huit pieds (près de trois mètres) de longueur; mais les appétits de ce squale ne doivent pas être très- violens, puisqu'il va quelquefois par troupes, et cju'il ne se nourrit guère cpie de petits poissons. Il les prend souvent en se tenant en einbuscade dans le fond de la mer, en s'j couvrant de vase, et en agitant ses barbil- lons, qui, passant au travers du limon, paroissent comme autant de vers aux petits poissons, et les attirent, pour ainsi dire, jus(pies dans la gueule de l'ange. 296 HISTOIRE NATURELLE. il habite dans VOcéau septentrional, aussi-bien que dans la Méditerranée, sur plusieurs rivages de laquelle on emploie sa peau à polir des corps durs , à garnir des étuis, et à couvrir des fourreaux de sabre ou de cimeterre. QUATRIÈME GENRE. A O D O N. Les mâchoires sans dents; cinq ouvertures branchiales de cJiacjue côte du corps. ESPÈCES. CARACTÈRES. I. AoDON MASSASA. Les nageoires pectorales très-longues. 2. AODON KtJMAL. fLes nageoires pectorales courtes; quatre bar- 1 billous auprès de l'ouverture de la bouche. 'i, AoDON CORNU. Uii long appendice au dessous de chaque œil. TOME i; ou L' A O D O N M A S S A S A % E T L'AODON KUMAL^ Ces deux espèces de cartilagineux ont été comprises jusqu'à présent dans le genre des squales 5 mais nous avons cru devoir séparer de cette famille, des animaux qui en diffèrent par un caractère aussi remarquable que le défavit total de dents, mis en opposition avecla présence de dents très-grandes, très-fortes et très-nom- breuses, telles que celles des squales. Nous en avons composé un genre particulier, que nous distinguons par le nom iïaodoii, qui veut dire sans dénis, et qui exprime leur dissemblance avec les cartilagineux parmi lesquels on les a comptés. Au reste, le massasa et le kumal, qui habitent tous les deux dans la mer rouge, ne sont ' Saiiakis massasa, Forshael, Fauii. arah. p. lo, n. 17. Ici. Lin /lé, édition de Gmeliii. Chien île mer massasa, Bonnaterre, jilanches de l'Encyclopédie métho- dique. ' Squalus kumal , ForsTiael, Faim. arah. p, 10, n. ig. Id, l.inuê, édition de Gmeliii, Chien de mer kumal, Bonnaterrej planches de V Encyclopédie métho- diqiie^ HISTOIRE NATURELLE. 299 encore connus que d'après de très-cour(es descriptions données par Forskael; et nous n'avons en conséquence rien à ajouter à ce que nous venons d'en dire, dans le tableau méthodique du genre qu'ils forment. L'AODON CORNU C'e s t aussi dans le genre de l'aodon que nous avons cru devoir placer l'animal sans dents , dont la tête a été décrite par Brunnicli dans son Histoire naturelle des pois- sons de Marseille, et qui a été compris parmi les squales par cet observateur, ainsi que par le citojen Bonna- terre.On ne connoît encore ce poisson que par Brunnich, qui n'en a vu qu'une tête desséchée dans la collection de l'académie dePise. Mais les caractères que présente cette tête suffisent pour distinguer l'animal, non seulement des autres aodons, mais encore de tous les poissons dont on a jiublié jusqu'à présent la description ou la figure. Elle est plate, large de trois palmes, dit Briuinich, et comme tronquée vers le museau. Les deux mâchoires sont garnies d'une bande osseuse et large d'un pouce. Cette bande est lisse dans la mâchoire inférieure, et raboteuse dans la supérieure, qui est plus avancée que l'autre. Les jeux sont grands ; et, un peu au dessous de chacun de cts organes, on voit s'élever un appendice cutané long d'une palme et demie, et en forme de corne un peu contournée. * Squalus edentulus, Urunnich, Ichtliyol. massilietis.j). 6. Chien de nier covnii , Bonnaierrej planches de l'Encvclopédie méllio- Jique. SECONDE DIVISION. Poissons canilagiucux (jni ont une uicnihranc des hrancliies sans opercule. SIXIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU SECOND ORDRE DE LA SECONDE DIVISION DES CARTILAGINEUX'. .Poissons jugulaires , ou qui ont des nageoires situées- sous la gorge. CINQUIEME GENRE. LES LOPHIES. Un très-grand nombre de dents aiguës j une seule oui'er- iure branchiale de chaque coté du corps-, les nageoires pectorales attachées à des prolongations en forme de bras. * On ne connoît encore aucune espèce de poisson dont on puisse foiniey un premier ordre, ou un ordre d'apodes^ dans la seconde division des car- tilagineux. 3c2 HISTOIRE NATURELLE PREMIER SOUS-GENRE. Le corps aplad de haiiL en bas. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. Loi'HiE BAUDROIE. La tête très-grosse et arrondie. 2. Loi'HiE VESPERTILION. Le corps tuberculeux; le museau poiutti. „ ^ I ^e corps très- di^primé, aiguillonné, et en O. LOPHIE FAUJAS. S „ , ,. t forme de disque. SECOND S O U S - G E N R E. I.e corps comprimé latéralement. ESPÈCES. CARACTÈRES. {Un long filament placé au dessus de la lèvre supérieure, et terminé par deux appendices • charnus. {Un long filament placé au-dessus de la lèvre supérieure, et teriuiijé par une très-petite masse charnue ; le corps rougeatre , et pré- sentant quelques taches noires. rUn long filament placé au dessus de la lèvre supérieure , et terminé par une très-petite masse charnue; le corps varié de noir et 6. LOPHIE DOUBLF-EOSSE. de gris. 7. LoPHIE COMMERSON. - Un long filament placé au dessus de la lèvre supérieure, et terminé par une très-petite masse charnue; le corps noir; un peint . blanc de chaque côté. DES V O I S S () I»' S. So3 TROISIÈME SOUS-GENRE. Le corps de Jor/iic conujiie. ESPÈCE. CARACTÈRES. [Deux filamens sidiés au dessus de la lèvre 8. Loi'îJlE FERGUSOX. / supéi ieiive ; des piotubéraiicps anguleuses sur la partie supérieure de la (été, LA LOPIilE BAUDROIE ^ Les poissons que nous avons décrits jusqu'à présent sont dénués d'opercule et de membrane particulière des- tinés à fermer à leur volonté les ouvertures de iorgane * Rana jiiscatrix. Marino piscatoie, en Italie, Maitino piscatoie , ibid. Diavolo di mare, ibid. Baudroi, dans plusieurs départeniens méridionaux, Pescheteau , ibid- \ Galanga , ibid. Toad-fisli , en Angleterre, Frog-fish , ibid. Sea-devil , ibid. Baudroie (la grande), Baubenton, Encjclo-pédie viéthodique, LiOphiiis piscatoiius, Linné, édition de Gmelin. Id. Fauna suecica, 298. Mull.jyrodroni. Zool. danic. p. 38, n. Szi, If. scan. Say. Mus. ad.fr. 55. Lophius oie cii roso , Artedi, gen. 36, sjn 87. Gronov. mus. l, p. Sj, Zonph. p. 58. Bloc/t, Histoire naturelle des poissons, pi. 87. Lophius, Strom. sondm. 271. Batrachus capite rictuque ranse , Klein, miss. pisc. 3 , 77. i5. Batraclius altère pinnanun pare ad exortum caudse carens , ibid. Charleinn, Onom. 19g. Olear. mus. 87, tab 26, f g. 4. 7b m . / . P/.i3 Jh,/ ^'o4 1 LaP/mj 3a.u/rcn. 2 B./L/STF. HcZ/e . 5 Zi^/A/sr/'J (lu^r,..,,, n'/wj-uiUc de imr, placée au devant d'un corps terminé par luie queue et doué en appa- rence de mains ou de pieds d'hotnme , surmontée par de longs fiiamens qui imitent des cornes, et toute entourée d'appendices vermiculaires,a fait de la grande lophie qui nous occupe , le type de ces images ridicules de démons et de lutins par lesquelles une pieuse crédulité ou une coup^'ibie fourberie ont efirajé pendant tant de siècles POIS s () :; s. 009 rignorance superstitieuse et craintive , et de ces repré- seatations comiques avec lestjuelles la riante poésie a su égajer même l'austère jinilosophie. Aussi la baudroie a - 1 - elle souvent lait naître une sorte de curiosité inquiète dans l'anie des observateurs peu instruits (jui l'ont vue pour la première fois, sur-tout lorsqu'elle est parvenue à son entier développeuicnt et cjiieih' a atteint une longueur de plus de deux uiètres, ou de près de sept pieds. Elle a été appelée diable de mer: et sa dépouille , préparée de manière à être très-transpa- rente , et rendue lumineuse ])ar uiie lampe allumée renfermée dans son intérieur, a servi i^lusieurs fois à faire croire des esprits (bibles à de fantasîitiues ap- paritions. L'intérieur de la bouche est garni d'un grand nom- bre de dents longues, crochues et aiguës, comme dans tontes les lophies. Mais on en voit non seulement à la mâchoire suj^érieure, où elles forment trois rangées, et à la mâchoire inférieure, où elles sontdisposéessur deux rangs, et où celles de derrière peuvent se baisser en ar- rière, mais encore au palais, et sur deux cartilages très- durs et alongés placés auprès du gosier. La langue, qui est large, courte et épaisse, est hérissée de dents sem- blables; et l'on apperçoit d'autant plus aisément cette multitude de dents plus ou moins recourbées, cette distribution de ces crochets sur la langue, au gosier, sur. le palais et aux mâchoires, et tout cet arrangement (|ui: est soumis pour la première fois à notre examen, quo 3 I O lî I s T O I R E N A T U II E T, I, E rouverture de la bouche s'étend d'un côté de la tête à ranire, presque dans l'endroit où cette dernière partie a le phis de largeur, et que cette même tête est très- grande relativement au volume (]u corps qu'elle déborde des deux côtés. C'est cet excès de grandeur du diamèlre transversal de In tête sur celui du corps, qui, réuni avec le contour îirrondi du devarit du museau, forme le caractère spé- cili(pie.de la baudroie. î.'ouverture de la bouche est d'aillears placée dans la jiarlie supérieure du museau; et, par conséquent;, la mâchoire inférieure est la plus avancée. Derrière la lèvre supérieure, on voit les narines. Elles présentent dans la baudroie une contbrmation particu- lière. Les membranes qui composent l'organe de l'odo- rat, ou l'intérieur de ces narines, sont renfermées dans luie espèce de calice à ouverture étroite, que soutient une sorte de pédoncule; le nerf olfactif parcourt la par- tie interne de ces pédoncules pour aller se déployer sur la surface des membranes contenues dans le creux du calice; et cette coupe, lui peu niobile sur sa tige, peut se touriier à la volonté de l'animal contre les courans odorans, et rendre plus forte l'impression des odeurs sur i'organe de la baudroie. L'organe de l'ouie de cette grande lophie a beaucoup plus de rapports avec celui des jioissons osseux qu'avec celui des raies et des squales*; la cavité qui te contient * D/.-^coiirs i«7" Li lutturc des poissons. 1) K S l' () 1 S S () N S. O \ l n'est pas séparée de ce lie (hi ecrvenii par une cloison rai'tilaii,ineuse comme clans les squr.les et les raies, mais par une simple membrane. De plus , les trois caj^.aiix nommés ciemi-ciiTulaires, cpii com{)osent une des princi- pales portions de cet organe, communicpient enseiiible; et, dansTeudroii on leur réunion s'opère, on voit un os- selet particulier, que l'on relroiive dans le broelict, que Scarpa adécou\ei-( dans l'anguille, dans la morue, dans la truite, et qu'il soupçonne dans tous les poissons osseux*. L'ouverture branchiale est uni(pje de chaque côté; et ce caractère, qui est commun à toutes les lophies, est un de ceux qui servent à distinguer le genre de ces anima.ux de ceux def, autres poissons, ainsi cju'on a pu le voir dans le tableau méthodicpie de cette ["amiile. Ou a pu voir aussi, sur ce même tableau, que les lophies n'a voient p''s fl'opercule pour fermer leur^s ouvertures branchiales, mais (ju'elles étoient jiourvues d'une mend:>rane des branchies. Dans la briudroie, cette membrane est soute- )uie par six ravons qui servent à la [)lier ou à la dé- ])lojer, pour ouvrir ou fermer Porifice par lequel l'eau de la mer peut pénétrer jusfpi a l'organe respiratoire. Cet organe ne consiste de chacjue côté que dasis tiois branchies engagées dans une niembrajie qui les iixe •jlus ou moins au corps de l'animal: et l'orifice en est situé très-près de la nageoire pectorale, qui, dans cci- taines positions, em])èc(ie de le distinguer avec faeiiiié. * Oinruge de Scarpci , ucja ciu'. 3 I 2 HISTOIRE NATURELLE Les yeux sont placés sur la partie supérieure de la ièie , et très-rnpprochés lini de l'autre; ce qui donne à lanimal la faculîé de reconnoître très - distinctement les objets qui passent au dessus de lui. On apperçoit entre les yeux une rangée longitudi- nale composée de trois longs filamens, dont ordinaire- ment le plus antérieur a plus de longueu v que les autres, s'élève à une hauteur égale au moins à la moitié de la plus grande lai'geur de la tète, et se termine par une membrane assez lai'ge et assez longue. Cette mem- brane se divise en deux lobes, et Ton voit une seconde membrane beaucoup plus petite, et un peu triangu- laire , implantée vers sa base et sur sa partie posté- rieure. Les autres deux filamens offrent quelques fils le long de leur tige. Au-delà de ces trois filamens très-déliés, sont deux nageoires dorsales, dont la première a une membrane beaucoup plus courte que les rajons qui j sont attachés. La nageoire de la queue est très-arrondie, ainsi que les pectorales *. Celle de l'anus est au dessous de la seconde dorsale. Des barbillons vermiformes garnissent les côtés du corps, de la queue, et de la tête, au dessus de laquelle * Comiminf^ment la première nageoire dorsale a 3 rayons, la seconi-!gali(;ns charnues an\(p!eiles tieiinent les nageoires pectorales sont as>e/ l()nguf\s, et assez cou- dées pour ioiiler moins imparFaiteir-ent (jue dans plu- sieurs autres lon'des, un bras et un avant-l)ras, ou une janlbe et un pied \ Oite d. rnière coniormation , con- sidérée en même temj.s (]ue k* n.ii.seau pointu, (pie la bouche placée sôus h\ tète, que ia graïuie largeur des côtés étendus comme des ailes, (t cpie la queue co- nique, a réveillé, poiir jîlusieurs observateurs, l'idée * La nageoire du dos a comniLine'inent 9 rayons. les pectorales en ont 10 les ventrales 6 celle de l'anus en a . 6 et celle de la queue, qui est arrondie , en a 11 DES POISSONS. 3î7 d'une cîinnve-s«')iiri>, et de !;i vient le nom de rcspcii- lion, que jious lui avons conservé. Les dents (jiii ofi missent les mâchoires sont petites, crochues, et disposées ordiiiaireiuent sur un rang. L'ouverture des hranciu'es es! un peu demi-circulaire, et pl.'i-ée, de ch'Kjue coté, auprès de la prolongation ch/M'ir:.' qui soutient la naopoire jiectorale. Tout 1:^ dessus de la iophie vespertilion présente uu gr' !u! iion;bre f'c (ubercnles Pails en ("orme de patelles, ou (L' petites coujxs renversées, rr-yonnés sur leur sur- face supérieure , et terniinés p-'r lui sommet aigu; le, dessous de ranimai est hérissé de petits aiguillons; et, exceijfé les nageoires de la (pieue et (!e la j^oltrine, qui sont 1)1 Michcâires , et celles du des et du ventre, qui sont brun s, hi coule \iv de la vespertilion est rougeâtre sur pres([ue tou(es les |)arties du corps. C'est di:ns l:i mercpii baigne l'Araéricpie méridionale,, que l'on pêche le plus souvent cette hjphie, cpii est peu mangeable, qui parvient à la longueur d'nn j)ied et demi, ou de près d'un demi-mètre, et dont les habi- tudes sont analogues à celles de la baudroie. LA L O P H I E F A U J A S. Nous avons dit, en traitant cle la raie thon in, pour- quoi nous avons désiré que les services rendus par notre collègue le citojen Faujas aux sciences natu- relles, fussent rappelés par le nom de la lophie (pie nous allons décrire, qui faisoit partie de la belle col- lection de la Haje , et qui est encore inconnue aux natnralistes. La conformation de cette lophie est très-remar- quable. Son corps est très-aplati de haut en bas : il l'est plus que celui de la baudroie, et que celui de la vespertilion; et si Ton retranchoit la (pieuc et les nageoires pectorales, il ofiriroit l'image d'un disque parfait. L'ouverture de la bouche est un peu au dessous de la partie antérieure de la tête. Au dessus au museau, et prescjue à son extrémité, paroît une petite cavité, au milieu de laquelle s'élève une protubérance arron- die. Les narines sont très-près de cette cavité; et chacun de ces organes a deux ouvertures, dont la plus anté- rieure est la plus étroite, et placée au bout cfun petit tube. Les jeux, très-peu gros et assez rapprochés l'un cle l'autre , forment presque ini carré avec les deux narines. C) HISTOIRE NATURELLE. O I 9 Les onver'-jrcs des branchies sont placées sur ic disque , et plus près de l'origine de la queue que sur presque toutes les autres lophies , quoique , sur ces poissons, elles soient en général très-éloignées du mu- seau. Le canal qui va de chacune de ces ouvertures à la cavité de la bouche, doit donc être assez long; mais nous n'avons pas pu connoître exactement ses dimen- sions, parce que nous n'avons pas voulu sacrifier à des recherches anatomiques l'individu apporté de Hollande, et qui étoit unicjue et très-entier. La membrane branchiale présente cinq rayons. Les nageoires inférieures ou jugulaires sont attachées à des prolongemens charnus, composées de cinq rajons divisés à leurs extrémités, assez semblables à des mains, ou au moins à des pattes, mais plus reculées que sous la baudroie et la vespertilion; elles sont situées vers le milieu de la partie inférieure du disque, et à une distance à peu près égale de l'ouverture de la bouche , et des nageoires pectorales. Ces dernières sont en effet très-voisines de l'anus, et par-là elles sont rapprochées des ouvertures des branchies, presque autant Cjue dans la p!u[5art des autres lophies. On voit au dessous de l'animal les pro- longations charnues auxquelles elles tiennent. L'anus est situé à l'endroit où la queue touche le disque, c'est-à-dire lecorps proprement dit. Cette même- queue représente un cône aplati par-dessous, et dont la longueur égale à peine la moitié du diamètre du disque» 320 HISTOIRE NATURELLE. Elle se termine par une nageoire arrondie, et montre au dessus de son origine une petite ncTgeoire dorsale, et ime nageoire de l'anus vers le milieu de sa surface inférieure *. Tout le dessus du corps et de la queue de la lopliie faujas est semé de très-petits tubercules, et de piquans dont la racine se divise en plusieurs branches: mais, indépendamment de ces tubercules et de ces aiguil- lons, on voit dans la circonférence de la partie infé- rieure du disque, deux ou trois rangs d'espèces de mamelons garnis de filamens plus sensibles dans la rangée la plus extérieure ; et on retrouve d s éléva- tions de même nature le long de la lèvre de dessous. Nous avons cru devoir faire connoitre un peu en détail cette curieuse espèce de lojihie, que nous avons d'ailleurs fait représenter vue par-dessus et par-dessous, et dont l'individu que nous avons décrit avoit quatre pouces, ou plus d'un décimètre, de longueur. * On trouve dans chaque nageoire pectorale 12 rayons, à la nageoire dorsale S à celle de l'anus 5 et à celle de la queue 7 '/bnl . I. /'/. //. /;<., / LÛPr/Œ //is/ru,/, 2 Lûr////<: '('/,à-,.,u'c/e 3 ZOJ'jrm cl>i,u,u;\ron LA LOPIIIE HISTRION Ce poisson, comme (oiîs ceux que renferme le sous- genre à la tète duquel nous le trouvons, jn-ésenle un cor{)s (rès-comprimé parles cotes, au lieu d'être ajil'Ui de lir.ut en bas, ainsi que ceux de la baudroie, de la vespertilion , et de la lophie faujas. Sa tête est petite; sa mâchoire inférieure est; plus avancée c{ue la supé- rieure, et garnie, ainsi que cette dernière, de dciUs très-déliées. Des barbillons bordent les lèvres; et, im- médiatement derrière l'ouverture de la bouche, on * raiiciroie tachée , DaiiuciiU;n, Encyclopédie mclhodique, I Oj)liius histiio, Linné, édition de Gmelin. rauciroie thc\\ie ^ Bounaicire, pLinc/ws de l'Encychjw'die inélhodiqiie. Lophius coinjnessus, yan Braeiii Uouckgrest, Acl, llaarl. i5. Tîiocli, tlisl. natur. des poissons, pi. m. Lopli'uis piiinis dorsalibiis tiibus. Lai^crstv. Chili, 21. Lophiiis tumiclus, Osb. II. 3o5. Croi.or. 2I.O(>pli. 210. BatiMtluis , etc. Klein, miss, pisc. 3, ;>. 16, n, 3, 7, lûli, '^fîg, 4. Rana pUcatrix luinima, l'iiimier, dessins sur vélin déposés dans la bi- bliothèque du Muséum d'histoire naturelle. Mus. ad.fr. i, /). 56. 11. IV go th. 187, tab, 'i,fig, 5. Guaperva, Marcgrav, Brasil. i5o. Tf'illughby, Ichth.p, 5o, lab, E, 2,fig, 2. Rana piscatiix anieiiiana, Seba, mus. i, p, 118, 11, 3, 7, li>h. b^.,/ig. 3, 7. Piscis biasiliensis coiniitus, Peliv. Gazoph. tab, %o,fg. 6. Aaieiican toad-fish, Riij. pisc.p. 29, n. 2. TOME I. 41 0'±2. HISTOIRE NATURELLE voit une prolongation , ou un jfilament cartilagineux et élasti(:(ue, qui soutient deux appendices alongés et cliarnus. Derrière ce filament, paroissent deux autres éminences charnues, élevées , un peu coniques , par- semées de barbillons, et dont la postérieure est la plus grosse et la plus exhaussée. Vient enfin une nageoire dorsale. Les nageoires de la poitrine et les jugulaires sont conformées à ])eu près comme dans les autres lo- phies ; mais les jugulaires, ont une ressemblance moins imparfaite avec une main humaine, ou plutôt avec un pied de quadrupède. On compte (juatre branchies dans cb.' Clin des di ux organes de ia respiration. Le corps est hérissé, en beaucoup d'endroits, de petits aiguillons crochus et de courts filamens) il est d'ailleurs brun par-dessous , et couleur d'or par-dessus, avec des bandes, des raies et des taches irrégulières et brunes*. Les habitudes de la lophie histrion sont semblables h celks de la baudroie. Oii lui a donné le nom qu'elle porte, à c; use des mouvemens prom])ts et variés qu'elle imprim.e à ses nageoires et à ses filamens, et des(piels on a dit qu'ils avoient beaucoup de rapports avec des gestes comicjues. Elle a d'ailleurs paru mériter ce nom par l'usage fréquent qu't lie fait, lurstpi'ede n; ge , de la * Ji va ordiiiaircnifnt à la nageoire dorsale 12 lajous. à chaque nageoire pectorale 11 à chaque naoeoiie Jugulaire 5 à la nageoire de l'anus 7 h celle lie la queue, qui est arroiuliej 10 DES POISSONS. S2.0 faculté qu'elle a d'étendre et de gonfler une portion considéraljle de la partie inférieure de son cor]).s, d'ar- rondir ainsi son volume avec vitesse, et de changer rapidement sa figure. Nous nous sommes déjà occupés, dans notre Discours sur la nature des poissons, de cette faculté, cjue nous retrouverons dans plusieurs espèces de ces animaux à un degré jilus ou moins élevé, sur lacjLielle nous reporterons ])lusieurs fois notre atten- tion , et que nous examinerons particulièrement de nouveau en traitant du «ienre des tétrodons. La lophie histrion habite n(jn seulement dans la mer du Brésil, mais encore dans celle cpii baigne !es côtes de la Chine, et elle j parvient à la longueur de neuf ou dix pouces. Nous avons trouvé, dans les manuscrits de Commer- son , la description d'une lophie *, dont nous avons fait graver la figure d'après un des dessins de ce célèbre voyageur. Ce cartilagineux a de trop grands rapports avec l'histrion, pour que nous n'ajons pas dû les rap- porter l'un et l'autre à la même espèce. Voici en efiét la seule différence qui les distingue, et tpii , si elle est constante, ne peut constituer qu'une variét^é d'âge, ou de sexe, ou de pajs. Le filament élastique qui s'élève derrière l'ouverture de la bouche, au lieu de porter im appendice charnu, divisé uniquement en deux par- * Antennaruis ant nnâ tiicorni, Coniniersoitj manuscrits déposés dans le Muséum d'histoire naturelle. 3i24 HISTOIRE NATURELLE. ties, en soutient un partagé en trois lobes , dont les deux extérieurs sont les plus épais*. C'est dans la mer voisine des côtes orientales de l'Afrique (jue (Gommer- son a trouvé l'individu qu'il a décrit , et qvii avoit près de cinq pouces de long, sur deux pouces, ou environ, de large. , * On ne distingue pas, clans la figure qui a dû être scrupuleusement copiée sur le dessin de Coninierson , les petits barbillons et les aiguillons courts et crochus que l'on voit sur la léle^^t le corps de l'histrion ; mais ces aiguil- lons et ces barbillons sont décrits dans la partie du texte de Comnierson qui concerne sou antcnitarius anlennâ tricorni. LA LOPÏIIE CHIRONECTE% E T LA LOPHIE DOUBLE -BOSSE ^ Nous réunissons dans cet rtrîiclc ce que nous avons à dire de deux espèces de lophies dont la (iescriptiua n'a point encore été publiée, et dont nons derons la connoissance à Commcrson , qui en a traité dans ses manuscrits. La première de ces deux espèces , à laquelle le voya- geur que nous venons de citer a donné le nom grec de chlrohcctc, qui signifie nageant avec des mains, ou ajant des nageoires faites en forme de mains, a le corps comprimé par les côtés comme l'histrion : mais le filament qui s'élève derrière l'ouverture de la bouche est beaucoup plus délié et plus long que sur cette dernière lophie; et, au lieu de soutenir un appendice charnu et divisé en deux ou trois lobes, il est surmonté d'un petit bouton ou d'une petite masse entièrement seinbh'ble à celle que l'on voit au !)out des antennes de plusieurs genres d'insectes. Les deux prolongations ' Antennarius cliiionectes , obscure lubens, maculis n'urrls raris insneisus» Coiniiieisnii, iirciiuiscn/s déjà ci/es, * Antennarius bigibbus, nigro et griseo vaiiegatus. Id. ibid. SaÔ HISTOIRE NATURELLE. charnues et filamenteuses qui sont placées sur rhistrion. derrière le filament élastique, sont remplacées, sur la cliironecte, par deux bosses dénuées de barbillons, et dont la postérieure est la plus grande et la ])lus haute. La couleur générale de l'animal est d'un rouge obscur avec des taches noires très-clair-semées *. Au reste, on le trouvera représenté d'après un dessin de Com- nierson, sur la même planche que l'histrion. La lophie double-bosse est variée de noir et de gris. Voilà la seule dissemblance avec la lophie chironecte , que nous avons trouvée indicjuée dans les manuscrits de Commerson, qui n'en a laissé d'ailleurs aucune figure. Mais Commerson étoit un trop habile natura- liste, et il a dit trop expressément que la double-bosse étoit d'une espèce diflerente de la chironecte et des autres lophies , pour que nous n'ajons pas dû la séparer de ces derniers cartilagineux * A la nageoire dorsale 14 rayons, à chaque nageoire pectorale 8 à chaque nageoire jugulaire 5 ou 6 à celle de l'anus 7 à celle de la queue, qui est arrondie, 10 ou lï LA LOPHIE COMMERSON *. Ce poisson a été vu dans les mêmes mers que les deux lophies précédentes, par le vojageur Commerson, qui l'a décrite avec beaucoup de soiu, et dont uous avons cru devoir lui donner le nom. Sa couleur est d'un noir sans mélange. On remarque seulement , sur chacun de ses côtés, une petite tache ronde et très-blanche; on en VQÏt une moins sensible sur le bord supérieur de la nageoire delà (|ueue ; et les extrémités des rajons des nageoires jugulaires et des nageoires pectorales sont d'une nuance un peu pâle, et coloriées de manière qu'elles imitent des ongles au bout des mains ou des pieds représentés par ces nageoires de la poitrine et par les jugulaires. La commerson ressemble d'ailleurs beaucoup, par sa conformation , à la chironecte ei à la double-bosse, quoicpie plus petite que la chironecte; elle présente cependant quelques traits particuliers que nous ferons remarquer. Le corps, très-comprimé par les côtés , est, comme celui de prestjue toutes les lophies , et particulièrement des deux dernières dont nous venons de pnler, revêtu d'une peau épaisse, grenue, et rude au toucher. * Antennaiiiis bivertex, totiis atcr, punclo medioiura laurum albo. Com- Tnemorij munusciUs déjà cités. ^ SilS HISTOIRE NATURELLE L'ouverture de la bouche estsiiuée à rexlrémité et lui peu dans la partie supérieure du museau ; la mâ- choire d en-hau( , dont la lèvre peut s'alonger et se raccourcir à la volonté de l'animal , représente un ori- fice denii-circviiaire, ([ue Commerson trouve semblable à la bouche d'un petit four, et que la mâchoire infé- rieure vient fermer en se relevant. Ces deux mâchoires sont hérissées de dents menues et serrées; et l'on trouve des dents semblables sur la langue, sur le palais, et suv deux petits corps situés auprès du gosier. .. Deux bosses paroissent derrière l'ouverture (le la gueule. La postérieure est plus grande que l'antérieure, comme sur la chironecte : mais la seconde est plus grosse à proportion et plus arrondie (pie sur cette der- nière lophie; et, quoiqu'elle soit penchée vers la queue, elle ne forme pas une sorte de courbure ou de crochet, comme la seconde bosse de la chironecte. Le fîlamenfc très-long et très-délié qui s'élève au devant de ces deux bosses, a été appelé antenne par Commei\son, qui l'a trouvé conformé comme les antennes d'un grand nombre de papillons diurnes : il est en effet, comme ces dernières, et comme le filament de la chironecte, terminé par une petite masse. Les branchies sont très-petites, maintenues par ime membrane, au nombre de trois de chatjue cô(é; et; c'est derrière chaque nageoire pectorale (pi'il faut chercher une des deux oiiverlin'cs rondes, et à peine visibles, par lesquelles l'eau de la mer peut parvenir DES POISSONS. 329 à ces organes. En examinant attentivement la mem- brane destinée à fermer de ch;ujue côté l'ouverture branchiale, on s'apperçoit qu'elle est soutenue par cinq rajons. Commerson a écrit que les nageoires jugulaires, qu'il nomme ventrales, rappellent assez bien l'image des pattes de devant d'une taupe. Les derniers rayons de la nageoire dorsale sont plus courts que ceux qui les avoisinent, au lieu d'être plus longs, comme sur la chirouecte *. Cette lophie a été disséquée par Commerson, qui a trouvé que l'estomac étoit très-grand , le ])éritoine noi- râti'e, et la vessie à air, très-blanche, en forme d'œuf, et adhérente au dos. * Il y a à la nageoire dorsale i3 rayons, à chaque n;igeoire pectorale 10 à chaque jugulaire 6 à la nageoire de l'anus 7 à celle de la queue 9 on 10 TOME I. ^2 LA LOPHIE FERGUSON M. James Fergnson ° a fait connoître celte grande espèce de lophie, dont un individu de (juatre pieds uevif pouces, ou de plus d'un mètre et demi, de lon- gueur, fut pris dans la rade de Bristol en 1763. Le corps de ce cartilagineux n'est point très-?plati de haut en bas, ou comprimé par les côtés, mais en quelque sorte cjlindrique et terminé ])ar une forme un peu conique. L'ouverture de la bouche, placée au bout du museau, îui lieu d'être située dans la partie supérieure delà tète comme sur la baudroie, fait voir trois ran- gées de dents ])()iiitu(\s. Le dessus de la tète présente des protubérances iioirâîres et aiguës; et, derrière la lèvre supéiicure, sont imjilantés , l'un à la suite de l'autre, deux hhimensdurs, élastiques, et très-longs, mais dénués de membrane à leur extrémité. On a représenté' les rryons des nageoires jugvdaires comme finissant par un ongle ; nous n'avons pas besoin d'avertir que c'est une inexactitude. La coideur générale de la ' Baudroie à cinq doigts, Boiinaterre, planches de V Encyclopédie mé- thndijue. • Tnntsact. philosoph. vol. 53, pi. i3. ' Planche des Transaciions p/iilosophicptes déjà citée. HISTOIRE NATURELLE. 33 I lopliie fcrguson est d"uu brun foncé avec des teintes o noirâtres *. * Les nageoyes jugulaires ont chacune 5 rayons, chaque pectorale en a 8 ]a dorsale, qui est unique, en présente lo celle (le l'anus 14 et ceJIe de la queue la SEPTIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU TROISIÈME ORDRE DE LA SECONDE DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons thoracins , ou cjui ont une ou deux nageoires situées sons le coi/^s , un dessous ou presque au dessous des }iageoires peelorales. SIXIÈME GENRE. LES BALISTES. La fête et Je corps comprimés latéralement; huit dents au nujins à chacjue mâchoire; ïouverture des branchies très-étroite; les écailles on tubercules qui revêtent la peau, réunis par une Jorte membrane. PREMIER SOUS-GENRE. Plus d'un rayon à la nageoire inférieure ou thorachupie , et à la première nageoire dorsale. ESPECE. I. BaLISTE TIEIiLE. CARACTERES. Douze rayon i, on plus, à la nageoire dite ven- trale; point d'aiguillons sur les côtés de la queue. HISTOIRE NATURELLE. 333 ESPÈCES. CARACTÈRES. /De très-petites taclies semées sur la partie I siipérlciae du corps ; huit ou dix rayons 2. BalisTE Étoile. \ contenus par une mem! rane épaisse, a la nageoire dite ventrale; point d'aiguillons sur les côtés de la queue. rL'ne large bande noire, étendue obliquement depuis les yeux jusqu'à la nageoire de l'a- 3. Baliste É-CHARPE. } ""' ^ l^ùt ou dk rayons contenus par une membrane épaisse, à la nageoire dite ven- trale ; quatre rangs d'aiguillons sur les côtés de la queue. l 4. Baliste doitele- aiguillon. jQuatre rayons à la première nageoire dor- |_ sale; deux grands rayons à la thorachique, SECOND S O U S - G E N R E. J'his iliiii rayon à la nageoire thoracliùjue ou iiifcriture ; un seul à la pix'uiièrc nageoire dorsale. ESPÈCE. caractère. ^ _ f Douze rayons, ou plus, à la nas;eoire dite 5. Baliste chinois. { , ° (_ ventrale. TROISIÈME S O U S - G E N R E. Un seul rayon à la nageoire thoracliique ou inférieure; plus d'un rayon à la première nageoire dorsale. espèce. caractères. Deux rayons à la première nageoire dorsale; 6. Baliste velu, .; trente rayons à la seconde ; la queue héris- sée de piquans. 834 HISTOIRE ESPÈCES. NATURELLE CARACTÈRESi { Deux rayons à la première nageoire du dos; 7. BaLÎSTE MAMELONNE. < . , .,, ' I ]e corps garni ae papilles. 8. Baliste tacheté. 9. Baliste pralin. 10. Baliste kleinien. Deux rayons à la première nageoire du dos; un grand nombre de taches sur tout le corps. Deux rayons à la première nageoire du dos; vingt-cinq à la seconde; la tête très-grande; trois ou quatre rangs d'aiguillons surcbaque côté de la queue; plusieurs raies sur le de- vant du corps; une grande tache noire de chaque côté. Deux rayons à la première nngeoire du dos; le museau avancé; l'ouverture delà bouche, très-petite, et garnie de barbillons; qua- rante-c'nq rayons au moins à la seconde nageoire du dos et à celle de l'anus. II, Baliste curassavien.< 12. Baliste épineux. i3, Baliste sillonné. 14. Baliste caprisque. Deux rayons à la première nageoire du dos • le museau arrondi; la nageoire de la queue, terminée par une ligne droite. f Trois ravons à la première nageoire du dos; depuis deux jusqu'à six rangs d'aiguillons de chaque côte de la queue; le rayon de la nageoire ventrale fort, dentelé, et placé au devant d'une rangée d'aiguillons. Trois rayons à la première nageoire dorsale ; la queue sillonnée ; la nageoire caudale ea croissant. Trois rayons à la première nageoire dorsale; ]ioint de grands aiguillons auprès du rayon delà nageoire ventrale; la nageoire de la queue, arrondie ; les couleurs du corps bril- lantes et variées. DES POISSONS. 533 ESPÈCES, CARACTÈRES. „ -, (Trois rayons à la première nageoiie du dos; î5. Baliste queue-four-} , , , , , ■ , 1 ' des taches sur la seconde; la nageoire de la CHUE. queue, foui 'Trois rayons à la première nageoire du dos; / „ I celle de la nueue, (eiminfe par une ligne 16. IjALISTE BOURSE. < , . , ■ ,■ , ■ di oile; une (aclie noireen (orme de croissant, entre les yeux et les nageoires peciorales. [Trois rayons à la première naçeoire dorsale j 17. Baliste AMÉRICAIN. \ ""'^ '^^ '" ''"'"'■' ^-"'""''i''; de grandes taches blanches sur la partie inférieure du corps. f Trois rayons a la première nageoire dorsale; quafre rangs d'aiguillons de chaque côté 18. Baliste VERDATRE. <^ de la queue, dont la nageoire est légèrement arrondie; de très-petites taches noires sur le corps. (Trois rayons à la première nageoire dorsale; six rangs de verrues de chaque côté de la té(e; la queue sans aiguillons; la nageoire caudale en foime de croissant; une grande tache blanche de chaque côté du corps. f Trois rayons à la première nageoire du dos^ plus de (rente rayons à la seconde, et à 20. Baliste NOIR. { celle de l'anus; la nageoire caudale en forme de croissant; point d'aiguillons sur la queue; tout le corps d'une couleur noire. Trois rayons à la première nageoire dorsale; celle de la queue en forme de croissant ; point d'aiguillons sur la queue ; un anneau 21, Baliste BRIDÉ, ■( de couleur très-claire autour du museau- un demi-anneau de la même teinte au des- sous de l'ouverture de la bouche, et une raie longitudinale de chaque côté. TACHE. 336 HISTOIRE NATURELLE. ESPECES. 22. Baliste armé. 23. Baliste cendré. 24. Baliste assasi. caractères. Trois rayons à la première nageoire du dos; celle de la queue un peu eu forme de croissant, et bordée de blanc; six rangées d'aiguillons de chaque côté de la queue. Quatre rayons à la première nageoire du dos j trois bandes bleues, étroites et courbes, sur la queue. rPlusieurs rangs de verrues sur le corps, et I trois rangs de verrues sur la queue. QUATRIÈME SOUS-GENRE. Un seul rayon à la nageoire inférieure cm thoracliicjue , eL à la première dorsale. ESPECES. 25. Baliste monocéros a6. Baliste hérissé. (cinquante ra (. de l'anus. CARACTERES. yons, ou ii peu près, à la nageoire Une trentaine de rayons au plus , à la na- geoire de l'anus; cent petits aiguillons de chaque côté de la queue. LE BALISTE VIEILLE La nombreuse famille des squales et celle des raies nous ont présenté la gi'andeur, la force, des armes terribles, des mouvemens rapides, tous les attributs de la puissance. Le genre des lophies nous a montré * Bourse , à la Murlinique. OUI wlfe, en anglois. Baliste vieille, Daubenton, Encyclo-pédie mélliodique. Balistes vetula , Linné^ édition de Gmeliu. Baliste vieille , Bonnalerrc, planches de l'Encyclopédie mélliodique, Balistes aculeis dorsi tribus, caudâ bifurcà, Ari.gen. 53, syn. 82. Balistes vetula, Osb. II. 2g-|.. Bloch, pi. i5o. Cronov. Zooph. 71. igS. Srown , Jaintii. p. 456, n. I. Turdus ocido radiato, Catesb. Carol. 2, p. 22, tab. 22. Seb. mus. 3, /). 62, ;;. 14, /iib. %^.,fig. 14. Capriscus, extremâ caudà et pinnà dorsali in tenuissima et longissima fila productis , etc. , et capriscus rubro iride , etc. Klein, miss, pisc, 3, p. zS. n. 4 c/ ir. Guaperva peisce-porco. Marcgr, Brasil. p. 161. Pis. Ind. p. Sj. ,Tonsl. pisc. p. 188, tab. 84, Jig. 2, Guaperva maxime caudata , TT'illughby , Tchtli. app, p. 21, tab. 7, 23. Baj. pisc. p. 49, /i. 4. Sultan ternate. Valent. Ind. 3, p. 410, n. 202, y. 202, File fish, Crew. mus. p. ii3. Capriscus variegatus, caud.l fuscinulatà, Plumier, dessins sur vélin déjà cités. TOME I. 40 338 HISTOIRE NATURELLE ensuite les ressources de la ruse qui su[)plée au pouvoir. Toutes ces finesses d'un instinct assez étendu, et ces armes redoutables cFénormes es[)èces, nous les avons vues également employées pour attaquer de nombreux ennemis, pour saisir une proie abondante, pour vaincre des résistances violentes. Le genre des balistes va main- tenant déplojer devant nous des moyens mulîijiiiés de délense : mais nous cbercherons en vain d mis cette faTfTille ' traïKjuille celte conformotiou inlcrieure (|uî donne le l)(\s()in d'assailbr des adversaires dangereux, et ces formes extéri ores (]ui assurent le succès. Eii ré[)an(];n( dans le .sein des mrrs les lopliics et les S(|U<" les , la n- (lire y a .semé et ties périls cachés, et des dan^,crs évidciîs, souvent inévilabies : on diroit que, sus|)endant son soufi'e créateur, et réagi-^sanl eu que'cjiie sorte con(re elle-même, elle a eu la dcslruc- tiou pour bu(, lorscpi'elle a pro(!uit Ifs s([uaJes et les lophies. En plaçant au contraire les balistes au nn'iieu de ces mêmes mers, elle |)aroît avoir repris pli.s que jamais l'exercice de sa puissance vivifiante, et neTavoir dirigée cpie vers la conservation, (e ne sont pas des animaux impétueux qu'elle a armés pour les combats, mais des êtres paisibles (ju'ellea munis [)our leur sûreté. Aussi, lorsque nous retirons nos regards de dessus les genres que nous venons d'examiner, lorsque nous ces- sons d'observer et leurs diverses enîbuscades et leurs attaques à force ouverte, lorsque sur-tout, nous dé- gageant du milieu des requins et des autres squales DES POISSONS. 339 très-grands et très-voraces , nous ne vojons plus les flofs de la mer rougis par le sang de nombreuses vic- times , ou des gouffres animés et insatiables engloutis- sant à chaque instant une nouvelle proie, et que nous arrêtons notre vue sur celte famille dca balistes, que la nature a si favorablement traitée, puisqu'elle a été destinée à ne faire ni recevoir aucune offense, à n'ins- ])ircr ni éprouver aucune crainte, nous ressentons une affection un peu voisine du sentiment auquel se livrent avec tant d'attraits ceux qui, parcourant l'histoire des actes de l'espèce humaine, soulagent par la douce contemjilatioa des époques de vertu et de bonheur leur cœur tourmenté par le spectacle des temps d'infortunes et de criiues. Le contraste off^ert jiar les genres que nous venons d'examiner, et par celui (|ui se présente à nous, est d'autant plus niar((ué, et la sensation qu'il fait naître est d'autant plus vive, (]ue rien ne répugne ni à l'œil ni à l'esprit dans la considération de cetîe intéressante famille des balistes. Si elle ne recherche pas les combats, elle ne fuit pas lâchement, même devant des ennemis très-supérieurs en force; elle se défend avec courage; elle use de toutes ses ressources avec adresse ; et elle a reçu la plus brillante des parures. Nous ferons voir, en dé- crivant les différentes espèces qui la composent, qu'elle présente les couleurs les plus vives; les plus agréables, et les mieux opposées. En observajTt même les balisles les mieux traités à cet égard, ou diroit que la distri- 840 HISTOIRE NATURELLE bution , la nuance et l'opposition de leurs couleurs ont souvent servi de modèle au goût délicat, prépa- rant pour la beauté les ornenieus les plus propres à augmenter le don de plaire. Et que l'on ne soit pas étonné de cette empreinte de la magnificence de la nature, que l'on voit sur les dif- férentes espèces de balistes : c'est dans les climats les plus chauds c|u'elles habitent. Excepté une seule de ces espèces, que l'on trouve dans le bassin de la Méditerra- née, elles n'ont été encore vues que dans ces contrées é(|uatoriaIes, où des llols de lumière et toutes les in- fluences d'une chaleur productive pénètrent, pour ainsi dire, et l'air, et la terre, et les eaux; où volent dans l'atmosphère les oiseaux-mouches, ceux de paradis, les colibris, les perroquets, et tant d'autres oiseaux riclie- ment décorés; où lîourdonnent au milieu âvs plus belles Heurs tant d'insectes resplendissans d'or, de verd et d'azur; où les teintes de l'arc-en-ciel se dé- ploient avec tant d'éclat sur les écailles luisantes des serpens et des quadrupèdes ovi])ares ; et où , jus- qu'au sein de la terre , se forment ces diamans et ces pierres précieuses, que l'art sait faire briller de tant de feux diversement colorés. Les baliste sont aussi reçu une part distinguée des dons de la chaleur et de la lumière répandues dans les mei's écjuatoriales , aussi-bien que sur les continens dont ces mers arrosent les bords. Ils ajoutent d'autant plus, sur ces plages écliauflees par un soleil toujours voisin, à la pompe du spectacle qu'j DES POISSONS. OJ^l présentent les eanx et tout ce qu'elles recèlent, qu'ils forment des troupes très-nombreuses. Chaque espèce de baliste renferme en eflet beaucoup d'individus ; et le genre entier de ces beaux poissons contient tant d'es- pèces, (ju'iui des naturalistes les plus habiles et les plus exercés à ordonner avec convenance et à observer avec fruit des légions d'aniuiaux, le célèbre Commer- son, s'écrie dans son ouvrage *, en traitant des balistes: Q//c//c rie pounoil siijjire pour dccrirc , pour comparer, pour bien eonnohre tous ceux que l'on a déjà rus? Mais sachons ciuelles sont les formes sur lesquelles la nature a disposé les couleurs diversifiées dont nous venons de parler. Examinons en quoi consistent les mojens de défense dont les balistes sont pourvus. Leur corps est très -comprimé par les côtés, et se termine le pi us souvent, le long du dos et soiis le ventre, par \\n bord aigu que l'on a comparé à une carène. Il est tout couvert de petits tubercules, ou cFécailles très- dures, réunis par grouppes, distribués par comparti- niens plus ou moins réguliers , et fortement attachés à un cuir épais. O tégument particulier revêt non seu- lement le corps proprement dit des balistes, mais en- core leur tête, ciui paroît le plus souvent peu ch'siincte du corps; et il cache ainsi tout l'animal sous une sorte de cuirasse et de cas(|ue, que ç[e<> dents très -acérées ont beaucoup de peine à percer. Mais, indépendamment * Manuscrits déjà elles. 342 HISTOIRE NATURELLE de celte espèce d'armure défensive et complète, ils ont encore, pour protéger leur vie, des moyens puissans de faire lâcher prise aux ennemis qui les attaquant. Des aiguillons, à la vérité très petits, mais très-durs, hérissent souvent une partie de leur qiieue; et comme ils sont recourbés vers la tête , ils auroient bientôt en- sanglanté la gueule des gros poissons qui voudroient saisir et retenir un baliste par la queue. Les cartilagineux du genre dont nous traitons ont d'ailleurs deux nageoires dorsales ; et la première de ces nageoires présente toujours un rajon très -fort, très-gros, très-long, et souvent garni de pointes, qui, couché dans une fossette placée sur le dos, et se rele- vant avec vitesse à la volonté de l'animal, pénètre très- avant dans le palais de ceux de leurs ennemis qui les attaquent par la partie supérieure de leur corps, et les contraint bientôt à s'enfuir, ou leur donne (juelquefois la mort par une suite de blessures midtipliées qu'il peut faire , en s'abaissant et se redressant plusieurs fois *. Les nageoires inférieures, ou, pour mieux dire, la nageoire thorachique , et improprement appelée ven- trale, présente dans les balistes une conformation que l'on n'a encore observée dans aucun genre de poissons. * La manière rapide dont les balistes redressent le rayon long et épi- neux de leur première naL^eoire dorsale, a été comparée à celle avec la- quelle se débandoient autrefois certaines pailles d'instrumens de guerre propres à lancer des dardsj et voilà d'où vient le nom de ces aniaiaux. UES POISSONS. 843 Non seulement les nageoires dites ventrales sont ici rapprocliées (le ti'ès-orè.s , comme sur le mâle du S(juaie roussette; non seulement elles sont réunies, comme nous le verrons, sur les cycl()[)tèrcs pirnji les cartilagi- neux, et sur \i.'i gohics j)armi les ])oissons osseux; mais encore elles sont confondues l'une dans l'autre, réduites à une seule, et même (|uelquef"uis composées d'un seul rayon. O rayon, soit isolé, soit accompagné d'autres rajons plus ou moins nomhixux, est ])rescpie toujours caché en grande [);r(ie sous la j>e;;u; et cependant il est a.'^sez gros, assez fort, et souvent assez iiérissé de petites aiguilKs, jiour faire de la nîigcoire thorachi(pîe une arme prestpie aussi redoutable .(pie la premièi-e na- geoire dorsale, et mettre le dessous du ccups de l'ani- mal à couvert d'une dent ennemie. Cet isolement, dans certains balistes, du rajon très- alongé (]i;e l'on voit à la première nageoire dorsale et à l'infériture , et sa réunion avec d'autres rajons moins puiss.'ins, dans d'autres animaux de la même famille, sont les caractères dont nous nous sonunes scr\is pour répandre ([uehpie clarté dans la description des diverses espèces de ce ginie, et jxnir en faire retenir les attri- buts a\ec plus de facilité. (Test par le moyen de ces caractères (pie nous avons établi (piatre sous-genr s, dans Ies(|uels nous avons distribué les bilistes c(uuhis. Nous avons placé dans le premier ce ux de ces pois- sons (pii ont plus d'un rajou à la prepiière nageoire 344 HISTOIRE NATURELLE du dos et à la nageoire dite ventrale; nous_ avons mis dans le second les balistes qui, n'ajant qu'un rajon k la première nageoire du dos, en ont cepeudant plu- sieurs à la thorachiquej nous avons compris dans le troisième ceux qui au contraire, n'ajant qu'un rnjon à la nageoire inférieure , en ont plus d'un à la première du dos; et enfin nous avons composé le quatrième sous- genre des balistes qui ne présentent qu'un seul rajon tant à la nageoire inférieure (pi'à la. première dorsale. L'ouverture des branchies est étroite, située au des- sus et très-près des nageoires pectorales, et garnie d'une membrane qui est ordinairement soutenue par deux rajons. L'ouverture de la bouche est aussi très-peu large; et l'on compte à chocpie mâchoire au moins huit dents, dont les deux antérieures sont les plus longues, et qui, étant larges et aplaties de devant en arrière, et ne se terminant pas en pointe, ressemblent beaucoup à celles que l'on a nommées i/iciih'es dans l'homme et dans les cjuadrupèdes vivipares. Elles sont, pour' ainsi dire, for- tifiées, au moins le plus souvent, par des dents à peu près semblables, placées à l'intérieur, et ap[)liquées contre les intervalles des dents extérieures. Ces dents auxiliaires sont quelquefois au nombre de six de chaque côté ; et comme les extérieures et les intérieures sont toutes d'ailleurs assez grandes et assez fortes par elles- mêmes , il n'est pas surprenant que les balistes s'en servent avec avantage pour briser des corps très-durs, DES POISSONS. c340 et pour écraser non seulement les coraux dont ils recherchent les poljpes , et l'enveloppe solide qui revêt les crustacées, dont ils sont plus ou moins avides, mais encore les coquilles épaisses qui recèlent les animaux marins dont ils aiment à se nourrir. Des crabes, de petits mollusques, des poljpes bien plus petits encore, tels sont en effet les alimens qui conviennent aux balistes; et s'il leiir arrive d'emplojer à attaquer une proie d'une autre nature, des armes dont ils se servent pour se défendre avec courage et avec succès, ce n'est que lorscju'une faim cruelle les presse, et que la nécessité les y contraint. Au reste, nous avons ici un exemple de ce que nous avons fait remarquer dans notre Discours sur la nature des poissons. Nous avons dit que ceux qui se nourrissent de coquillages présentent ordinairement les plus belles couleui\s : les balistes , qui préfèrent les animaux des coquilles pres(|ue à tout autre aliment, n'offrent-ils pas en eflet des couleurs aussi vives qu'agréables? Il est des saisons et des rivages où ceux qui se sont nourris de balistes, en ont été si gravement incom- modés , (jue l'on a regardé ces poissons connue renfer- mant un poison plus ou moins actif Que l'on rappelle ce que nous avons dit au sujet des animaux venimeux dans le discoiu'S que nous venons de citer. Il n'est pas surprenant que, dans certaines circonstances de temps ou de lieu, des balistes nourris de mollusques et de poljpes dont les sucs peuvent être mortels pour TOME I. 44 346 HISTOlPvE NATURELLE l'homme et pour (juelques animaux, aient eu dans leur^ intestins quelques restes de ces vers malfaisans qu'oit n'aura pas eu le soin d'en ôter, et, par le mojen de ce poison étranger, aient causé des accidens plus ou moins funestes à l'homme ou aux animaux qui en auront mangé. Il peut même se faire (}u'une longue habitude de ces alimens nuisibles ait détérioré les sucs et altéré les chairs de quelques balistes, au point de leur don- ner des qualités presque aussi délétaires que celles que possèdent ces vers marins : mais les balistes n'en sont pas moins par eux-mêmes dénués de tout venin pro- prement dit j et les cHets qu'éprouvent ceux (pii s'eu noiu'rissent , ne peuvent ressembler aux suites d'un poison réel (]ue lorsque ces cartilagineux ont perdu la véritable nature de leur ch?ir et de leurs sucs, ou qu'ils contiennent une substance étrangère et dange-r reuse. On ne doit donc manger de br.listes qu'après les plus grandes précautions; mais il ne faut pas moins retranclier le terrible pouvoir d'empoisonner, des qualités ])ropres à ces animaux. Les balistes s'aident, en nageant, d'une vessie à air qu'ils ont auj)rès du dos; ils ont cependant reçu un autre mojen d'augmenter la facilité avec laquelle ils peuvent s'élever ou s'abaisser au milieu des eaux de la mer. Les tégumens qui recouvrent leur ventre sont sus- ceptibles d'une grande extension; et l'animal peut, quand il le veut, introduire dans cette cavité une quan- tité de gaz assez considérable pour j produire un gonfle- DES POISSONS. 347 ment très-marqué. En accroissant ainsi son volume par l'admission d'un fluide plus léger que l'eau , il diminue sa pesanteur spécifique, et s'élève au sein des mers. Il s'enfonce dans leurs profondeurs, en faisant sortir de l'intérieur de son corps le gaz qu'il j avoit fait pénélrer ; et lorsque la crainte produite par quel (|ue attouchement soudain, ou quelque autre circonstance, font naître dan^ le baliste une conipression subite , le gaz , qui s'échappe avec vitesse, passe avec assez de rapidité et de force au travers des intestins, du gosier, de l'ouverture de la bouche, et de celles des branchies, pour faire entendre une sorte de sifflement. Nous avons déjà vu des effets très-analogues dans les tortues; et nous en trouverons de presque semblables dans plusieurs genres de pois- sons osseux, tels cjue les zées, les trigles et les cobitcs. Malgré le double secours d'une vessie aérienne, et de la dilatation du ventre, les balistë's pardissent nager avec difficulté : c'est que la peau épaisse, dure et tuber- culeuse, qui enveloppe la queue, ôte a cette partie la liberté de se mouvoir avec assez de rapidité pour don- ner à l'animal une grande force progressive; et ceci confirme ce que nous avons déjà dit sur la véritable cause de la vitesse de la natation des poissons. Tels sont les caractères généraux qui appartiennent à tous les balistes. Chaque espèce en présente d'ailleurs de particuliers que nous allons indiquer, en commen- çant par celle à laquelle nous avons conservé le nom de ricilk-, et que nous devons faire connoître la première. 348 HISTOIRE NATURELLE Cette dénomination de Titille vient de la nature du sifflement qu'elle pre(te même couleur ])leue borde les lèvi-es , les nageoires pectorales qui sont jaunes , celle de l'aniis ((ui est grise, et la caudale qui est jaune, et elle s'étend sur la (lueue en lîandes tr<"!nsvcrsales, dont la teinte ilevient j)lus claire à me- sure {|uViles sont plus éloignées de la tête. La vieille se nouirit des animaux des coquilles. Elle est quel([uerois la proie de gros poissons , malgré sa grandeur, sa conformation et ses picpiaus : mais alors elle est pres(jue toujours saisie par la queue, (jui, dé- nuée d'aiguillons , est moins bien défendue (jue le devant du corps, et d'ailleurs est douée d'une force à proportion beaucoup moins considérable 3 ce cpii s'ac- corde avec ce que nous venons de dire sur la lenteur des mouvemens des balistes. On trouve la vieille non seulement dans les mers de rinde, mais encore dans celles d'Américjue , où cet(c espèce , en subissant quel([ue changement dans le nombre des rajons de ses nageoires * et dans les teintes de ses couleurs, a produit j)Ius d'une variété. "^ * On compte dans une de ces variétés, à la première nageoire du dos 3 rayons. à la seconde 27 aux pccloia'es 14 à la îlioracliirpie 14 à celle de l'anus 2.S à celle de la rjueue 12 LE B A LISTE ÉTOILE Ce cartilagineux, tlécrit par Commerson , et vu par lui clans la mer qui entoure l'Isle de France, ne pré- sente pas des couleurs aussi variées ni aussi vives que celles de la j)lupart des autres balistesj mais celles qu'il montre sont agréables à Tœil , distribuées avec ordre, et d'une manière qui nous a indiqué le nom que nous lui donnons. Il est g»'is par-dessus, et blan- châtre par- dessous : des raies longitudinales et d'un blanc mêlé de gris s'étendent sur la seconde nageoire du dos et sin' celle de l'anus; et des taches j^resque blanches, très-petites, et semées sur la partie supé- rieure du corps, la font paroître é(oilée. Cette parure simple, mais élégante, fait ressortir les formes qui suivent. Un sillon assez profond est creusé sur le devant de la tète; l'ouverture de chaque narine est double; celle des branchies est très-étroite, placée presque perpen- diculairement au dessus de l'origine des nageoires pec- torales , et située au devant d'un petit assemblage d'écaillés osseuses plus grandes que les autres. * Balisfes griseus, clorso maculls lenticulaiibus et exalbidis coasperso» Vetitrali unicâ spLirià. Commerson, manuscrits déjà cités. HISTOIRE NATURELLE. 35 î On compte h la première nageoire dorsale trois rajons , dont le premier est très-long, très-fort, et dentelé par-devant '. La nageoire dite ventrale consiste dans un rajon très-gros et très-dur, ainsi que dans huit ou dix autres beaucoup plus courts, mais très-forts, et rendus comme immobiles par la peau épaisse dans laquelle ils sont engagés. T!eile de la queue est un peu échancrée en croissant. La seconde dorsale et celle de lanus ren- ferment jîresqiie un égal nombre de rajons, et par consé(juei]t ])aroissent presque égales. Peut-être laudroit-il rapporter à l'étoile un baliste que le professeur Gmelin a nommé fc n()nctuc\ qu'il ne paroit avoir connu (pie par ce (pi'en a écrit le voja- geiu' Nicuhof, et du(piel il dit seulement qu'il habite dans les mers de l'Inde, et qu'il a le corps ponctué, ou semé de petites taches. ' L'individu oljservé par Commerson avoit seize pouces, ou près d'un demi- mètre de longueur. II y avoit à la seconde nageoire dorsale 26 rayons, à celle de l'anus 24 aux pectorales i5 et à la nageoire de la queue 12 Tous ces rayons étoient mous, excepte'* le premier de la seconde dor- sale, le premier de la nageoire de l'auus, le premier et le dernier de celle de la queue. ^ Ijalistes punctatus, hinné, édition de Gmelin, Stipvisch, Niculiof, Lad, 2,/;. 276. LE B A L I S T E É C H A R P E *. La forme de ce poisson ressemble beaucoup à celle de ]>rpsque tous les autres b'alistes j mais ses couleurs très- belles , très-vives, et distribuées d'une manière reraar- cjuable, le font distinguer parmi les diilerentes espèces de sa nombreuse famille. ' I/extrémilé du miisciu de Yccharpc est peinte d'un très-beau bleu de ciel, qui j rejirèsenfe comme une sorte de demi-nnneau. La tête est d'ailleurs d'un j,!une vif, qui devient jilus clair sur les côtés, et qui se change, dans l'entrc-deux des jeux, en vm fond d'aiguë marine, sur lefjuel s'étendent trois raies noires et transversales. Une autre ligne bleuâtre descend depuis le devant de l'œil juscpies vers la base de la nageoire pectorale; et, au-delà de cette ligne, une bande d'un noir très-foncé part de l'œil, et, allant obliquement et en s'élargissant jusqu'à l'anus et à }a nageoire anale, forme sur le corps du baliste une sorte d'écharpe noire, que les nuances voisines font ressortir avec beaucoup d'éclat, et qui nous a indi([ué le nom que nous avons cru devoir don- ner au cartilagineux que nous décrivons. * Biilistes, roslii semi-annulo cœiulco; genis luteis; iiUeistitio ociiloium smaragciino cuni lineis Uibiis nigiis transveisls; f'as^i.iâ nig^iâ Intissinjâ ab oc\ilis ad anum ohliqualà; aculeis caudte tiiangulo nii^ro inteiclusis. Cunt. fncrsoiiy viaiiuscriis déjà cités, 7h//i / ""&^Mn'd^ & 2)tJci>eJ',i,J'e/ / Ji^/LIST£ i:c/ia,y?e 2 /LJL/S77<: Jméricaà, 5 B^ISTi: /^-rj.i/re c* HISTOIRE NATURELLE. 35-3 Cette écliarpe est d'autant plus facile à distinguer , que son bord postérieur présente un liséré bleuâtre qui, vers le milieu du corps, donne naissance à une raie de la même couleur; et cette dernière raie par- vient jusques aux rajons postérieurs de la seconde na- geoire du dos, en formant sur le côté de l'animal le sommet d'un angle aigu. Entre les deux branches de cet angle, on voit sur le cùté de la queue un triangle noir et bordé d'un bleu verdàtre; et un anneau d'un noir très-foncé en- toure la base de la nageoire caudale. Tout le reste du corps est d'un rouge brun, excepté la partie inférieure comprise entre le museau et le bout de l'écharpe : cette partie inférieure est blanche. La seconde nageoire du dos et celle de l'anus sont transparentes , ainsi que les pectorales, dont. la base est noire, et dont le bout est marqué d'une belle tache rouge. Voilà donc toutes les couleurs de l'arc-en-ciel dis- tribuées avec agrément et régularité sur ce baliste, et leurs teintes relevées par cette espèce d'écharpe noire qui traverse obliquement le corps de l'animal. A l'égard des formes particulières à ce poisson, il svifEra de faire remarquer que sa tête est alongée; ciue Ton compte dans la première nageoire du dos trois rajons, dont le premier est dentelé, et le troisième très-court et éloigné des deux autres; que celle dite du ventre est composée d'un ravon gros , osseux , TOME I. 45 354 HISTOIRE NATURELLE. hérissé de pointes, et de huit ou dix petits rajons con- tenus par une membrane épaisse *j et que sur chaque côté de la queue il j a quatre rangées d'aiguillons re- courbés vers la tète. Nous avons tiré ce que nous venons de dire des ma- nuscrits de Commerson, qui a trouvé et décrit le baliste écliarpe dans la mer voisine de Flsle de France. * Il y a à la seconde nageoire du dos 23 rayons. aux nageoires pectorales i3 à la thorachique 9 ou ii à celle de l'anus 20 et à celle de la queue 12 La nageoire de la queue est en arc de cercle , suivant le texte de Cosn- merson, et terminée par une ligne droite, suivant le dessin du même auteur. LE BALISTE DOUBLE-AIGUILLON Les mers de Tlnde, si fécondes en poissons et parti- culièrement eu balistes, nourrissent le cartilagineux auquel nous avons conservé le nom de double- aiguillon , d'après le savant professeur Bloch de Berlin, qui le premier la fait connoître avec exactitude aux natura- listes. Cet animal présente plusieurs caractères forte- ment prononcés : son museau est très-long et terminé par une sorte de groin ; ([viatre rajons composent la première nageoire dorsale ; une ligne latérale très- sensible part de l'œil, suit à peu près la courbure du dos, et s'étend jusques à la nageoire caudale, qui est fourchue; la queue est plus étroite à*proportion que dans plusieurs autres balistes ; et, pour repx'ésenter la nageoire dite ventrale, on voit, derrière une tache noire, deux rajons très-longs, très-forts, très-dentelés, * Balistes biaculeatus, Linné ^ édition de Gmelin, Bloch, pi. ïi^^fig. 2. Gronov. mus. I, p. 52, 71, ii5, Zoop/t, 71, iq^, Piscis cornutus, VCHliighby , Ichth. app, p. 5,fab. lo, fig. i, Raj. pisc. p. i5r, 7i. i2. • Baliste à deux piquans , Bo/i7iaterre, pla7iches de l' Encyclopédie métho- dique. Hoora-visch , Nieuhof, Ind. 2, p. zi2, tab, 22^1, fig. 3. 356 HISTOIRE NATURELLE. et qui, placés à côté Tun tle l'autre , peuvent être coja- cliés vers la queue, et renfermés, pour ainsi dire, chacun dans une fossette particulière. Le baliste double-aiguillon est d'ailleurs gris par- dessus, et blanchâtre par-dessous*. * A la première nageoire du dos 4 rayons. à la seconde 23 aux pectorales i3 à celle (le l'anus 17 à celle de la queue 12 LE B A L I S T E CHINOIS C'est dans la mer qui arrose les rivages de la Chine, cjiie l'on trouve ce baliste, que l'on voit aussi dans celle ciu Brésil. La première nageoire dorsale de ce poisson ne consiste que dans un rajon très-long, très-fort, garni par derrière de deux rangs de petites dents, et que l'animal peut coucher et renfermer à volonté dans une fossette creusée entre les deux nageoires du dos. La ligne latérale commence derrière les jeux, se courbe en- suite vers le bas, et devient à peine sensible, au milieu de quatre rangées d'aiguillons qui hérissent chaquecôté de la queue. La nageoire qui termine cette dernière partie est arrondie : celle du ventre présente treize * Balisfes sinensis, Linné , édition de Gmeliu, Baliste chinois, Bonnalerre, planches de l'Encyclopédie mélliodique, jBI'uli,pl. i52, fiif. I. laliites chinensis, Osb. It. p. 147. Grin'ou. mus. 2, n, 196, -' oopli, n. l8g. Pila aca. M .rcgr, Brasih p. 154. IP'ilhighby , Ichthy. p. l5o, /u/i. l, 4,7%'. I. K.ij. risc. p. 47. iVlonoceios, piscis Cliisii, piia ara Marcgr, — Plumier j dessins sur vélin, déjà cités. ;La figure est peu exacte,) 358 HISTOIRE NATURELLE. rajons renfermés, pour ainsi dire, dans une peau épaisse , excepté le premier *. Le baliste chinois est gris par-dessus, blanchâtre par- dessous, et communément tout parsemé de petites taches couleur d'or. Sa chair est à peine mangeable. * A la seconde nageoire du dos 3o rayons, aux nageoires pectorales i3 à la nageoire dite ventrale i3 à celle de l'anus 3o a celle de la queue la LE BALISTE VELU^ E T LE BALISTE MAMELONNÉ % Nous plaçons dans le même article ce qui concerne ces deux balistes , parce qu'ils ont de très-grands rap- ports l'un avec l'autre, et parce qu'ils sont séparés par un petit nombre de différences d'avec les poissons de leur genre. ' Balistes fomentosus, L,inn.é, édition de Gineliri. Baliste velu, Daulteiilon^ Eiicycloj}édie'méthodique. Id. Boimalerre, ■planches de l'Encyclopédie méthodique. Balistes aculeis dorsi duobiis , lateribus versus caudara hirsulis. Grotiov, vins. I, n. 114, tab. (>, fig- 5; Zooph. n. 191. Bloch, pi. i^'è^fig, I. ( Nota. Bloch n'a compté qu'un rayon à la première nageoire du dos : mais Gronovius et d'autres ualuraiistcs en ont compté deux; et il paroit que l'individu observé par Bloch étoit défectueux.) Seh. mus. 3, tab. 24, /'j/'. 18. Ewauve hoorn-fish, Renard, poiss. i, p. 27, tab. 25, fig. 1,34. Ikan kipas, wajer-visch, T'aient. Ind. 3, p. 556, n. zQ., Jîg. 28. ' Balistes papillosus, Linné, édition de Gmelin. Baliste mamelonné, Baubcnlnn, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnatcrre, planches de l' Encyclopédie méthodique. Balistes granulatus, pinnâ dorsali anteriore biiadialâ, corpore granoso. . — Décrit par Urinlcr, dans l'app< iulix de la relation angloisc du Voyage à la nouvelle Galles méridionale, par Jean TT'hite, premier chirurgien de Vexpéditioii commandée par le capitaine Philirp, — pl.'à^.,fig, 2. S6o HISTOIRE NATURELLE. Le baliste velu, qui se trouve dans les mers de l'Inde,' a le corps assez mince : sa première nageoire dorsale ne présente que deux rayons, dont l'antérieur est court, mais fort, et garni par derrière de deux rangées de pointes; de petits aiguillons recourbés sont placés sur les côtés de la cjuene. La couleur de l'animal est d'un brun qui se change, sur les côtés, en jaune, ensuite en gris, et enfin en jaune plus ou moins clair, et qui est souvent varié par des taches noires et alongées'. Le mamelonné n'a que deux rajons à la première nageoire du dos, comme le velu; mais son corps est parsemé de petites papilles ou de petits mamelons'. Il a été péché auprès des rivages de la nouvelle Galles méridionale. Suivant le texte de la relation citée dans la seconde note de la page précédente , ce poisson est d'un gris blanchâtre; et, suivant la figure coloriée qui ac- compagne ce texte, il est d'un jaiuie noirâtre avec la tête lilas. ' A la seconde nageoire dorsale 3i rayons, aux pectorales 9 ou 10 à celle de l'anus 27 à celle de la queue 9 - A la seconde nageoire du dos 29 rayons, aux nageoires pectorales 10 à celle de l'anus 21 à celle de la queue 1 2 LE B A L I S T E TACHETÉ*. Ce poisson habite dans les mers chaudes du nouveau et de l'ancien continent. Il ressemble un peu au mame- lonné par les petites papilles ou verrues qui, dans plu- sieurs endroits de son corps, rendent sa peau rude au toucher; mais il en diffère par le nombre des rajons de ses aiageoires, et par d'autres caractères dont nous allons exposer quelques uns. Il est violet dans sa partie supérieiu-e, et d'un blanc jaunâti'e dans l'inférieure ; ses nageoii'es pectorales sont, jaunes, et presc[ue tout l'animal est couvert de taches bleues. Cet agréable assortiment de couleurs s'étend sur un corps assez grand. L'orifice de chaque narine est double , et les quatre ouvertures de ces organes sont placées dans une petite fossette située au devant des * Balistes maculatus. hinné, édition de Gmelin. Baliste tacheté, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Bloch, pi. 101. Capriscusmuriuin dentlbus minutis, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 25, n. 6, tah. "h.fig. 9. Guaperva longa, TVillughby , Ichth. append. p, 21, tab. /, 20. Raj. pisc. p. 48, /;. 2. Little old wife, Bronn ,Jum. p. 406, 71. 2. Prickle, or long file fish, Grew. mus. p. n3, tah. 7. Maanvisch, poisson de luoe , turin saratfe, Renardj poiss. 2, laù, 38, fg. i33. TOME I. 46 362 HISTOIRE NATURELLE. jeux. On apperçoit quelques aiguillons au-delà du rayon fort et hérissé de la nageoire dite ventrale ; celle de l'anus , qui vient ensuite, est très-large; on ne voit pas de piquans sur les cotés de la queue, dont la na- geoire est arrondie *. *A la première nageoire du dos, 2 rayons, à la seconde 24 aux pectorales 14 à celle de l'anus 21 à celle de la queue la LE BALISTE PRALIN JJe très-belles couleurs parent ce baliste. Celle de la partie supérieure de son corps est d'un verd foncé; efc sa partie inférieure est d'un beau blanc. Une tache très- grande et très-noire relève chaque cùté de l'animal; l'on voit également sur chc'cun des côtés une raie pourpre qui s'étend depuis le bout du museau jusqu'à la base de la nageoire pectorale; et cinq autres raies, dont les deux extérieures et celle du milieu sont bleuâtres, et dont les deux autres sont rougeâti-es et Un peu plus larges, s'élèvent de cette même base jusqu'à l'œil. Le baliste pralin est d'ailleurs remarquable par le rouge de ses nageoires pectorales, et par le jaune que l'on voit sur les bords supérieur et inférieur de la nageoire de la queue. Ce poisson, que Commerson a décrit, et dont il a dit que la longueur étoit à peu près égale à celle de la perche, a la tête assez grande pour qu'elle compose seule près du tiers de la longueur totale de ce cartila- gineux. Malgré l'épaisseur de la peau qui recouvre la tête aussi-bien que le corps, les lèvres peuvent être, * Balistes pinnâ dorsi prima radiatâ ; triplici aculeorum ôrdine ad basim caudae; lineâ piirpuveà à siipremo rostro ad baaim pinnaruni pectoralitiiu ductâ ; macula latissimâ nigrà médium utrinque latus occupante. Commer- son, manuscrits déjà cités; quatrième cahier de zoologie. 364 HISTOIRE NATURELLE. comme dans les autres balistes, un peu alougées et retirées en arrière, à la volonté de l'animal. On voit auprès de l'ouverture des branchies un petit grouppe d'écaillés assez grandes et très-distinctes des autres, que l'on seroit tenté de prendre pour des rudi- mens d'un opercule placé trop en arrière. Le rajon qui forme la nageoire dite ventrale est ar- ticulé , hérissé de pointes comme une lime, précédé d'une double rangée de tubercules très-durs, et suivi d'un rang d'aiguillons très-courts, qui va jusqu'àl'anus*. Chaque côté de la queue est d'ailleurs armé de trois ou quatre rangs de petits piquons recourbés vers la tête, et dont chacun est renfermé en partie dans une sorte de gaîne noire à sa base. O baliste, dit Commerson, doit être compté parmi les poissons saxatiles : il se tient en effet au milieu des rochers voisins des rivages de l'isle Pralinj et c'est le nom de cette isle , auprès de laquelle se trouve son habi- tation la plus ordinaire, que nous avons cru devoir lui faire porter. Il mord avec force, lorsqu'on le prend sans précau- tion. Sa chair est agréable et saine. » A la membrane des branchies 2 rayons. à la première nageoire dorsale 2 à la seconde nageoire du dos 26 aux nageoires pectorales . i3 à la nageoire thorachique i à celle de l'anus ar à celle de la queue 1 2 Cette dernière est terminée par une ligne presque droite. LE BA LISTE KLEINIEN*. L A longueur de la seconde nageoire du dos et de celle de l'anus, qui renferment chacune plus de quarante- cinq rajons, est un des caractères qui servent à distin- guer ce baliste, dont on doit particulièrement la con- noissance à Klein. Le museau de ce poisson est d'ailleurs avancé; l'ouverture de sa bouche, petite et garnie de barbillons; le rajon antérieur de la première nageoire dorsale, dentelé de deux côtés; et la nageoire de la queue , arrondie. Ce poisson habite dans les mers de l'Inde. * Balistes Kleinii , Linné, édition de Gmelin, Gronov. Zoopli. ri. ic)3. Capiiscus capite triangulato gutturoso, oieadmodùm parvo barbato, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 2.5, n. 8, tab. 3.,fig. i3. Ikan auwavva, Paient, Ind. 3, /;. 377, n. 92, _/%■. 92, LE BALISTE CURASSAVIEN ^ Auprès de Curassao habite ce poisson, dont la na- geoire de la queue est terminée par une ligne droite, et dont les côtés brillent d'une couleur d'or très-éda- tante. Cette dorure est relevée par un point noir placé au milieu de chacune des écailles sur lesquelles elle s'étend. Le dos est brun , et le museau arrondi \ ' Balistes ciirassavicus , Linné, édition de Ginelin. Cronoi . Zooph. ig6. " A la première nageoire du dos 2 rayons, à la seconde 27 aux pectorales i3 à celle de l'anus 26 à celle de la queue 9 TorJi ■ I , PI. 1J7 ■ Fuj/ . ôôy. , «c t^l -iiJtnJJau d,l TfcÂZJTk I D^ILISTE K^'iht'u.r 2 B^ILTSTE d'/uù-c' 5 B.:ILISTF. MonorercKf LE BA LISTE ÉPINEUX Les balistes compris dans le second sous-genre, et que nous venons de faire connoître, n'ont que deux rajons à la première nageoire du dos. Nous allons maintenant voir un plus grand nombre de rajons à cette première nageoire dorsale. Le baliste épineux en présente trois dans cette partie de son corps. Plusievu's piquans sont placés sur son ventre à la suite du rajon garni de pointes qui compose la nageoire thorachique ; et de plus on voit de chaque côté de la queue des aiguillons recourbés en avant, et dont le nombre des rangées varie depuis deux jusqu'à cinq, suivant l'âge, le sexe, ou le * Balistes aculeatus, Linné, cd'uion de Ginelin, Baliste épineux, Dauheiiton, Encyclopédie méthodique. Id, Bonnaterre, jiLinches de V Encyclopédie méthodique. It. TVgoth. i38. Gronov- Zooph. i88. Blochj pi. 14g. Seb. mus. 3, tah. 24, yT^. i5. Capiiscus coruutus supra oculum, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 2S, ?;. 5 7, tab. Sjfg. 10. Giiaperva hystrix. TVillughhy , IchlJiyol. cipp. p. 2X, tab, I, 21. Sounck hoornvisch , man visch, gros poupou, Renard, poiss. i, ;;/. 28, fig. i54, et 2, /)/. 2Z,fig. i36, et pi. i'ififig. iBj. Balistes fuscus ex rubro et aureo obliqué virgatus, pinnâ dorsi prima fria- canthà, ossiculo xyphoïde scabeirimo; pinnarum ventralium loco , aculcis antiovnitn vcrsis diiplici ordine utiinque ad caudam, Commerson, mif Jiuscrits déjà cités; quatrième cahier de zoologie. 368 HISTOIRE NATURELLE climat. Les couleurs de ce poisson sont très-belles. Les voici telles que les décrit Commerson, qui a observé plusieurs fois ce baliste en vie et nageant au milieu des eaux qu'il préfère. L'animal est d'un brun foncé ; mais, sur ce fond obscur, des raies transversales, rouges sur le devant du corps , et dorées sur le derrière , s'étendent obliquement, et répandent un éclat très-vif. Les jeux, les lèvres , et la base des nageoires pectorales , sont d'ailleurs d'un rouge de vermillon , dont on apper- çoit des traces plus ou moins fortes, et mêlées avec un peu de javine sur les autres nageoires, et parti- culièrement sur celle de la queue , où les intervalles qui séparent les rajons sont bleuâtres '. Ce baliste habite la mer Rouge et la mer de l'Inde, *avi milieu de laquelle Commerson l'a péché parmi les rochers, les coraux, et les rescifs qui avoisinent l'isle Pralin. Ce vojageur dit que ce poisson est très-bon à manger. Nous crojons devoir rapporter à cette espèce le ba- liste décrit par le professeur Gmelin sous le nom de vcnii(jiieiix\ et que Linné avoit déjà fait connoître ' A la membrane des brancliies 2 rayons. à la piemièie tloisale 3 à la seconde %5 aux pectorales i3 à celle de l'anus 28 à celle de la queue ' 10 Celle dernière est terminée par une ligne presque droite. ' Ballsles verrucosus, Linné, édition de Gmelin, M.llS' ad.fr. i,p. 67, iab. 27,/^. 4. DES P O f S S O N S. 369 dans l'exposition des objets (jui composoient la col- lection du ])rince Adoljîhe -Frédéx'ic de Suède. Ce haliste verrucjueux ne diffère en effet de l'épineux qu'en ce que le rajon qiù représente la nageoire dite ventrale est garni de verrues, au lieu de l'être de pointes plus aiguës. Mais si ce caractère doit être re- gardé comme constant, il ne peut servir à établir qu'une simple variété. TOME î. 47 LE B A L î S T E S 1 L L O N iN É *. Lorsque ce balîste esf en vîe , il présente une couleur d'un beau noir sur toutes les parties de son corps, excepté sur la base de sa seconde nageoire dorsale , et de celle de l'anus. Une raie longitudinale blanche, et quelquefois bleue, s'étend sur ces bases. Une rangée de tubercules garnit rintervalle coiupris entre l'anus et le rayon qui tient lieu de nageoire thoracbique. Les côtés de la queue sont comme sillonnés; chacune des écailles qui les revêtent présente dans son centre un tubercule ou petit aiguillon obtus tourné vers la tète ; * Ballsfes ringens, Linné, édition de Gmelin, Baliste sillonné , Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , plcnichea de V Encyclopédie méthodique. Mus, ad.fr. i, p. 58. II. TVgoth. iSg. Balistes nigra , OshecTi, It. 2()S. Gronov. Zooph. igS. Bloch,pl. ïS2,fig, 2. Artedi, gen. p. 5^, ti. 4. Guapervalata ad caudam striata, Listeri , Willughhy , Ichtl , app. p. %ï, n. S, tab. I, 24. Raj. pisc. p. 49, n. S. Balistes niger, lineâ albà dorsi , Commerson, manuscrits déjà cités, Ikan kandawara, Valent. Ind. 3, p. 36(),y!g, 42. Baliste noir, kolkenboati, et kandavfAr^ Renard, poiss. !■) p. 26, tab. 17, fig, 96} et p. 27, tab. 18, fg. 98. H I s T Ù I II E NATURE I. LE. 87 I et, par une suite de cette conformation , ces côtés sont plus rudes au toucher que la partie antérieure du corps *. On trouve le nilloniu' dans la mer de la Chine , et dans celle qui borde les côtes orientales de l'Afrique. * AJa première nageoire dorsale 3 rayons, à la seconde 35 aux pectoriiles i5 à celle de l'anus 3i à celle de la queue 10 Ciette dernière est en forme de croissant. LE BALISTE CAPRISQUE On ne trouve pas seulement ce poisson dans les mers chaudes de l'Inde et de l'Amérique , ou le rencontre aussi dans la Méditerranée; et c'est à ce cartilagineux que Pline a, d'après Aristote, appliqué le nom de caper, '■'Porc, dans "plusieurs départemetis méridioTiaucc. Porco, en Sicile et dans d'autres contrées de l'Italie, Caper, par plusieurs auteurs anciens. Apev, id. Porcus , iJ. Sus , id. Mus mariDus, id. . Balistes capriscus, Z.innê, édition de Gmelin. Gronov. Zooph. //. 187, nnts. i, yi, 53, n, iiy. Sel), mus. 3, tab. 2^,_/ig. 16. Klein, miss. pisc. 3,/J. 24, n, X. Cesn. ir. p. S7. Aldroi'. pisc. p. S16. Joiiston , pisc. tab. 2à,Jig, 7. TFillugl.hy, Icbihy.p. 162, tab. 7, ig. , Haj. pisc. p. 47. Caper, Plin. JJist. inuiidi, lih. It, cap. Bï. Caper, Saliian. Àifuaf, p. 207, 208, tab. 206, b, Poiipou noble , Renard , poiss. tab. l^fjig. 7. Capriscus Rondeletii, Plwnier, dessins sur vélin déjà cîtéSt Porc , Rondelet j première partie^ liv. S, chap, 261 Aristot. llist. anim. l. 2, c. i3, et l. 4, c. 9. Athen. l. q^ifol. i52, 40, et i63, 5. .^Elian, lib, 12, c, 26. HISTOIRE NATURELLE. SjO et qu'il a attribué la faculté de faire entendre une sorte de bruit ou de petit sifflement, laquelle appartient en effet à tous les balistes , ainsi que nous lavons vu. Les couleurs du caprisque sont belles et chatoyantes : il présente en Amérique, et d'après les dessins enluminés de Plumier, une teinte générale d'un violet clair et chatoyant , qui donne à tout son corps les nuances va- riées que l'on admire sur la gorge des pigeons ; et l'iris de ses jeux , assez grand , d'un bleu très-vif, et bordé d'un jaune éclatant, paroît, au milieu du fond violet dont nous venons de parler, comme un beau saphir entouré d'un cercle d'or. A des latitudes plus élevées, et particulièrement dans la Méditerranée, le caprisque est quelquefois semé de taches bleiies sur le corps , et bleues ainsi que rouges sur les nageoires ; et des nuances vertes se font remarquer sur plusieurs par- ties de l'animal. Il ne diffère d'ailleurs des poissons de sa famille que par les caractères distinctifs que l'on a déjà pu voir sur le tableau de son genre , et par le nombre des rajons qui composent ses nageoires. LE BALISTE QUEUE-FOURCHUE La première nageoire du dos de ce poisson est com- posée de trois rajons , dont l'antérieur, très-long et très-fort, représente une sorte de corne, et est hé- rissé , de tous les côtés , de tubercules et de petites dents. La seconde nageoire dorsale est d'ailleurs remar- cjuable par les taches qu'elle présente ; et celle de la queue est fourchue. * Balistes forcipalus, Linné, édition de Gmelin, Balistes caudâ bifurcâ, pinnâ dorsi maculosà , Arledi, gen. 54, sjn, SSi yjTdlughbj i Ichlhjol, apfup. 21 ^tab, I, %z. LE BALISTE BOURSE S E T LE BALISTE AMERICAIN Il faut prendre garde de confondre le premier de ces poissons avec le baliste vieille, qui, selon Plumier et d'autres voyageurs, a reçu, dans cj[uelques colonies occi- dentales , et particulièrement à la Martinique , le nom de bourse. Celui dont il est question dans cet article, non seulement n'est pas delà même espèce quela vieille, mais encore appartient à uu sous-genre différent. Ce carti- lagineux présente une couleur d'un gris plus ou moins foncé sur toutes ses parties , excepté sur la portion an- térieure et inférieure du corps qui est blanche ; et ce blanc du dessous du corps est séparé du gris , d'une ' Baliste bourse, Sonneraf , Journal, de physique, an. 1774. Id. Boniiuterre, plancJies de l' Encyclopédie méthodique, ^ Balistes americanus, hinné, édilion de Gmelin. Gronov, Zooph, n. 192. Balistes nigricans ; rostio, naaculis, pinnis pectorîs, dorsi, ani, dimidiâ- que caiidà , exalbidis ; tiiplici aculeorum série ad caudam. Commcrson , vianuscrils déjà cités. Baliste tacheté, Sonnerai, Journal de physique, /oh;. 3, /;. 446. Baliste noir, Bonnalerre, planches de l'Encyclopédie méthodique. .376 HISTOIRE NATURELLE manière si tranchée , que la limite qui divise les deux nuances forme une ligne très-droite , placée oblique- ment depuis l'ouverture de la bouche jusqu'à la na- geoire de l'oinus. On voit d'ailleurs de chaque côté de l'animal une bandelette noire en forme de croissant, située entre l'œil et la nageoire pectorale , et qui ren- ferme dans sa concavité une tache également noire et faite en forme d'une sorte d'j grec *. Ce poisson habite auprès de l'isle de France; et c'est le citojen Sonnerat, l'un des plus anciens correspond.; ns du Muséum d'his- toire naturelle, qui l'a fait connoître. Malgré les rapports qui lient le baliste bourse avec le baliste américain, il est aisé de les distinguer l'un de l'autre , même au premier coup d'œil , en regardant la nageoire de la queue : elle est terminée par une ligne droite sur la bourse , et on la voit arrondie sur le ba- liste américain. Ce dernier a de plus sur chaque côté de la queue trois rangées de petits aiguillons recour- bés, que l'on ne trouve pas sur le baliste bourse, et les nuances ainsi cjue la distribution des couleurs sont très -différentes sur l'un et l'autre de ces poissons. L'américain ne présente que du blanc et du noir, mais disposés d'une manière qui lui est particulière. Tout * A la preaùèie nageoiie dorsale 3 rayons, à la seconde 29 à chaque nageoire pectorale 14 à celle de l'anus z6 à celle de la yiieue is DES POISSONS. 377 son corps est noir; et, sur ce fond, ua blanc très-éclatant environne l'ouverture de la bouche comme un double cercle, s'étend en petite bandelette au devant desjj^eux, occupe la gorge , paroît en grandes taches irrégulières de chaque côté du baliste, et se montre sur les na- geoires pectorales , sur la seconde du dos, sur celle de l'anus , et sur la base de celle de la queue. Telle est la parure de goût que montre l'américain non seulement dans les mers voisines de l'Amérique équatoriale , dans lesquelles il a été observé par plusieurs vojageurs, mais encore dans celle qui sépare l'Afrique de l'Asie , et dans laquelle il a été examiné par Commerson, qui l'a dé' crit avec beaucoup de soin *. * A la première nageoire du dos 3 rayons. à la seconde 28 aux pectorales i5 ou 16 à celle de l'anus 28 à celle de la queue 1 2 TOME I, 48 LE BALISTE VERDATRE s LE BALÎSTE GRANDE-TACHE \ LE BALISTE NOIR \ LE BALISTE BRIDE, ET LE BALISTE ARME*. Nous plaçons dans le même article ce que nous avons à exposer relativement à cinq espèces de balistes que les naturalistes n'ont pas encore connues, et dont nous avons trouvé des dessins ou des descriptions plus ou moins étendues dans les manuscrits de Commerson. Le verdâtre est un des plus grands de son genre. Nous avons tiré le nom que nous lui avons donné , de la couleur qui domine le plus sur ce cartilagineux. La plus grande partie de son corps est en effet d'un verd mêlé de teintes de brun et de jaune : mais on voit un point noir au centre de presque toutes les écailles , ou , ' Balisfes e fusco viridescens, genis aureis, gulâ subteriùs pallidè caerti- lescente; pinnis dorsi , ani , et caudœ , basi obsolète flavescentibus, estinio limbo nigris. Commerson^ manuscrits déjà cités. ' Balisles fiiscus, macula pectorali maxirnâ, postreraisque pînnarum mar- ginibusalbis, caudâ inermi longé bifurcâ, genis sextuplici verrucarum série notatis. Commerson, ^ Balistes totus niger. Commersoyt. ■♦ Balistes sextuplici aculeoiuin ordine ad caudam utrioque , caudâ niar- gine extrême et laferibus albâ. Commerson. HISTOIRE NATURELLE. 879 pour mieux dire, de tous les grouppes que les écailles forment. Les deux côtés de la tète sont d'ailleurs d'une couleur d'or foncée; le sommet en est d'un bleu noi- râtre avec de petites taches prescjue jaunes; et un bleu plus clair règne sur la partie inférieure du museau , ainsi que sur la poitrine. Une bande noire et ini peu indéterminée descend des jeux jusqu'aux bases des nageoires pectorales. Ces nageoires, la seconde du dos, celle de l'anus, et celle de la c|ueue, sont blanchâtres , et bordées de noir; et enfin on voit une belle couleur jaune à l'extrémité des nageoires pectorales , et sur les côtés de la queue, à fendi'oit où ils sont garnis de quatre rangs d'aiguillons recourbés. La membrane des branchies est soutenue par six rajons cachés sous une peau épaisse. On compte plu- sieurs aiguillons à la suite de la nageoh-e thorachique. Celle de la queue est légèrement arrondie ; et on n'ap- perçoit aucune ligne latérale *. La vessie aérienne est argentée. L'individu observé par Commerson , et qui étoit femelle , contenoit des milliers d'oeuf; etcette femelle étoiti'ainsi pleine au mois de janvier, dans la mer qui baigne Flsle de France, mer * A la raembrane des branchies 6 rayons. à la première nageoire du dos 3 à la seconde 25 à chacune des pectorales i5 à celle de l'anus 24 à celle de la queue 12 38o HISTOIRE NATURELLE dont les eaux servent aussi d'habitation aux quatre autres espèces dont nous allons parler dans cet article. Le baliste grande-tache, la première de ces quatre espèces, est, comme le verdâtre , un des plus grands balistes. Sa couleur est d'un brun tirant sur le livide, et plus ckiir sur le ventre que sur le dosj et ce fond est relevé par une tache blanche très-étendue que l'on voit de chaque côté du corps , et |3ar une ligne blanche qui borde l'extrémité de presque toutes les nageoires. Il n'j a aucune pointe sur les cotés de la queue ; mais ceux de la tête présentent un caractère que nous n'avons encore fait remarquer sur aucun baliste : ces deux faces latérales montrent six rangs de verrues disposées longitudinalement , et séparées par une peau unie. La nageoire de la queue est en forme de crois- sant ; les deux pointes en sont très-prolongées *. Occupons-nous maintenant du baliste noir. Son nom indique la couleur que ce cartilagineux présente, et qui est en effet d'un noir plus ou moins foncé sur toutes les parties du corps , excepté le milieu du crois- sant formé par la nageoire caudale , qui est bordé de blanc. Indépendamment de cette teinte sombre et presque unique, ce baliste est séparé de celui que nous * A la première nageoire du clos 3 rayons, à la seconde 27 aux pectorales i5 à celle de l'anus 2a à celle de la queue 12 DES POISSONS. 38 î appelons la graude-taclie , par l'absence de verrues disposées snr des rangs longitudinaux de chaque côté de la tête; mais il s'en rapproche en ce que sa queue est dénuée d'aiguillons comme celle de la grande-tache, et terminée par une nageoire (|ui représente un crois- sant à pointes très-longues *. On voit plusieurs, petits piquans au-delà de la nageoire dite ventrale. Il nous reste à parler du bridé et de l'armé. Nous avons trouvé parmi les dessins de Commerson la figure d'un baliste dont les caractères ne peuvent convenir à aucune des espèces du même genre déjà connues des naturalistes , ni à aucune de celles dont nous traitons dans cette histoire. Les manuscrits de ce savant vovageur, qui nous ont été remis, ne nous avant présenté aucun détail relatif à cette figure , nous ne pouvons faire connoître le baliste aucjuel elle appar- tient , que par les traits que son portrait a pu nous montrer. Le premier rajon de la nageoire du dos, cpù en renferme trois, est long , très-fort, et dentelé par- devant : celui qui remplace ou représente la nageoire dite ventrale , est articulé , c'est-à-dire composé de plus d'une pièce; et de plus il est suivi de plusieurs piquans. Il n'j a point d'aiguillons svir la cpieue, et la nageoire * A la première nageoiie dorsale 3 rayons, à la seconde 84 à chaque pectorale. i5 à celle de l'anus Sa à celle de la c[ueue la 382 HISTOIRE NATURELLE qtii termine cette deruière partie, est un peu en forme de croissant. On voit auprès de l'ouverture des bran- chies, et comme sur Véioi/é, ungrouppe d'écaillés assez grandes , qui rappelle en quelque sorte l'opercule que la nature a donné a presque tous les poissons. La cou- leur de l'animal est uniforme et foncée, excepté sur la tête, où, de chaque côté, une bandelette d'une couleur très-claire part d'auprès des nageoires pectorales, s'étend jusqu'au museau, qu'elle entoure, et au dessous duquel elle se lie avec un demi-anneau d'une nuance égale- ment très-claire. Ce demi-anneau , l'anneau qui envi- ronne l'ouverture de la bouche, et les deux raies qui s'avancent vers les nageoires pectorales , forment un assemblage qui ressemble à une sorte de bride; et de là vient le nom de bride que nous avons donné au baliste que nous examinons. Nous appelons haliste armé une autre espèce de la même famille, dont nous avons vu, parmi les manuscrits de Commerson , un dessin et une courte description. Lorsque ce vojageur voulut examiner l'individu de cette espèce qu'on avoit pèche quelques heures auparavant, ce poisson avoit perdu presque toutes ses couleurs; il ne lui restoit qu'vine bandelette blanche à l'extrémité et de chaque côté de la nageoire de la queue, qui étoit un peu conformée en croissant. On voyoit sur chaque face latérale de cette même quevie six rangs d'aiguillons recourbés ; et c'est à cause du grand nombre de ces petits dards , que nous avons donné à l'animal le nom DES POISSONS. 383 d'armé. La première nageoire du dos étoit soutenue par trois rayons, et celui de la nageoire thoracliiquc étoit suivi de plusieurs piquans. On s'appercevra aisément que l'armé a beaucoup de rapports avec l'épineux; mais, indépendamment de la distribution de ses couleurs, et d'autres différences que l'on trouvera sans peine, il a sur la queue un plus grand nombre de rangs de pointes recourbées, et les aiguillons qui accompagnent son rajon tliorachique sont plus petits et plus courts. û LE BALISTE CENDRÉ ^ Les raers voismes de l'Isle de France sont encore l'ha- bitation de ce poisson, dont la tête est très-grande, la couleur générale d'un gris cendré, et qu'il est aisé de distinguer de tous les balistes qui le précèdent sur le tableau du troisième sous-genre de ces cartila-gineux, par les quatre rajous qui composent sa première na- geoire dorsale. On le sépare facilement de tous les ani- maux déjà connus de sa famille , en réunissant à ce caractère la présence de trois bandelettes bleues et courbes, qui sont placées sur chaque côté de la queue, et celle d'une bande noire qui va de chacjue œil à la nageoire pectorale la plus voisine. Indépendamment des trois raies bleues, on voit des piquans sur les deux faces latérales de la queue de ce baliste, dont le ci tojen Sonnerat a publié le premier la description , et dont Commerson a dessiné la figure '. ' Baliste cendré. Sonnerat, Journal de physique, tovi. ^, p. y8. Id. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie niélhodùjue, ° A la première nageoire dorsale 4 rayons. à la seconde 34 aux pectorales 14 à celle de l'anus 2r à celle de la queue , qui est un peu arrondie ,|ja LE BALISTE ASSASI *. roRSKAEL a observé sur les rivages de l'Arabie ce poisson de la mer Rouge, qui montre sur son corps un grand nombre de verrues brunes , et, sur chaque face latérale de sa queue , trois rangées de verrues noires. Cet animal, dont on mange la chair, quoiqu'elle ne soit pas très-succulente, présente d'ailleurs une dis- position de couleurs assez régulière, assez variée, et très-agréable. La partie supérieure de ce baliste est brune, l'inférieure est blanche; et sur ce double fond on voit du jaune autour des lèvres, (juatre raies bleues et trois raies noires placées en travers et alternative- ment au devant des jeus, une raie d'une teinte foncée et tirée de la bouche à chaque nageoire pectorale, chacune de ces deux raies obscures surmontée d'une bandelette jaune , lancéolée , et bordée de bleu , et d'une seconde bandelette noire également lancéolée, une tache alongée et blanche sur la queue , une autre tache noire et entoui^ée de fauve à l'endroit de l'anus , et enfin du roussâtre sur presque toutes les nageoires. * ForsJcaelj Faun. arab. p. ^5, n. 112. Balistes assasi. hiiiné, édition de Gmelin. TOME I. 49 LE BALISTE MONOCÉROS \ Nous voici parvenus au quatrième sous-genre de ba- listes. Nous ne trouverons maintenant qu'un seul rayon à la première nageoire dorsale et à la tlioracliique. A la tète de ce sous-genre , nous avons inscrit le iiwnocéros. Ce nom de monocéros , qui désigne la sorte de corne unique que Ton voit sur le dos du poisson , a été donné à plusieurs balistes. Nous avons déjà vu que Plumier l'avoit ap})liqué au chinois ; mais , à l'exemple de Linné et d'un grand nombre d'autres naturalistes, nous l'em- plojons uniquement pour l'espèce que nous décrivons dans cet article. Le baliste monocéros, que l'on trouve dans les mers chaudes de l'Asie et du nouveau continent , parvient ordinairement à la longueur d'un pied. Il est varié de brun et de cendré ; et la couleur brune est distribuée sur la nageoire de la queue en trois bandes transver- * Balistes monoct-ros. 'Linné , édition de Gmelin. Baliste monocéros. Dauh-nton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , pLiiic/ies de l' Encyclopédie inélhodiijiie. Bloch, pi. 147. Balistes monocéros. Osb. It. iio. Capriscus longus, etc. Klein, miss, pisc, 3, p. 20, //, 10. Acaramucu. Miircgr. Brasil. p. l63. TnUuglibyj Ic/iih.p. 336, lab. E, 2.,fg. 2. HISTOIRE NATURELLE. 887 sales, qui ressortent d'autant plus que le fond de cette nageoire est d'un jaune couleur d'or, comme toutes les autres nageoires de ce cartilagineux , et comme l'iris de ses yeux. L'entre-deux de ces organes de la vue est plus élevé au dessus de l'ouvertvire de la bouche que sur plusieurs autres balistes. Le rajon qui représente la première nageoire doi'sale est ti'ès-long, recoui-bé vers la queue, retenu par une petite membrane qui attache au dos la partie postérieure de sa base, et garni, des denxcûtés, de piquans tournés vers cette même base. La nageoire de l'anus et la seconde du dos renferment un très-grand nombre de rajons '. Le raonocéros vit de poljpes et de jeunes crabes. Il paroît <|ue l'on doit rapporter à cette espèce un baliste qui a une grande ressemblance avec le rao- nocéros, mais qui parvient jusqu'à la longueur d'un mètre, ou d'environ trois pieds, qui présente des taches noires, rouges et bleues, hgurées de manière h res- sembler à des lettres , et qui , par tuie suite de cette disposition de couleurs , a été nommé le halhte écrit % ■ A la seconde nageoire du dos 48 rayons, aux pectorales i5 à celle de l'anus Si à celle de la queue , qui est arrondie ,12 ' Balistes monoceros scriplus. Liiiné^ édition de Ginelin, Osb. Chili, p. 144. f nicornu piscisbahamensis. Culesb, Carol, tab, ig. \ 388 HISTOIRE NATURELLE, Oii ne sera pas ëtomié d'apprendre que ce balisfe, paré de nuances plus variées que le monocérôs ordinaire, se ncnirrit fréquemment d'animaux à coquille, et de ceux (jui construisent les coraux. Sa chair passe ]iour îîialfaisante et même vénéneuse, vraisemblablement par une suite des effets funestes de quelques uns de& alimeus qu'il préfère. MfcAi O ^iVg^'iO-ai LE BALISTE HÉRISSE.'. Ce poisson est d'un brun presque noir sur toute sa sur- face, excepté sur ses nageoires pectorales, la seconde du dos et celle de l'anus, qui sont ordinairement d'un jaune très-pâle. On le trouve dans les mers de l'Inde, et particulièrement auprès de l'isle de France, où il a été très-bien observé par Commerson. On le voit aussi auprès des rivages de la Caroline; et il j présente souvent sur la queue une tache noire entourée d'un cercle d'une nuance plus claire. Sa hauteur est à peu près égale à la moitié de sa longueur totale. L'iris paroît d'un brun très-clair, et la prunelle bleuâtre. Le rayon de la première nageoire dorsale est énor- .mément long, épais, et garni de pointes plus nom- breuses et plus courtes que sur le monocéros "; celui ' Balistes liispiflus. Linné, édilion de Gmelin. Ballste hérissé. Daubentnn , Encyclopédie niélhodiqite. Id. Bonnaterre, -planches de l' Encyclopédie méthodique. Seb. mus. 3, lab. 84, ,/%■. 2. Puite-vergelte: balistes è fusco nigrescens; capitis radio singulaii ^ iinde- quaquespinuloso ; laleiibus caiidœ selis acicidaribus centum circiter j scopa- riim more coinpactis. Commerson, manuscrils déjà cités, ' A la seconde nageoire du dos 27 rayons, aux pectorales i3 à celle de l'anus 24 à celle de la queue 12 390 HISTOIRE NATURELLE. qui compose la nageoire thoracliique, est armé de piquans plus longs et plus forts. De chaque côté de la queue, et un peu avant la nageoire caudale, on voit ime centaine de petites pointes inclinées vers la tête, et disposées de manière que Coramerson en compare l'ensemble à une rergctle , et a donné le nom de porte- vergette au baliste que nous décrivons. Le même vojageur rapporte que le hérissé peut se servir de ces deux cents petites pointes comme d'autant de crochets, pour se tenir attaché dans les fentes des rochers au milieu desquels il cherche un asjle. Aussi est-il très difficile de le prendre; et Commerson ne dut l'individu qu'il a examiné, qu'au violent ouragan qui ravagea Tlsle de France en 1772 , et qui jeta ce poisson sur la côte. Ce baliste a d'ailleurs , sur la nageoire même de la queue, plusieurs épines phis petites encore que celles dont nous venons de parler , et qui sont sensibles plutôt au tact cpi'à la vue. On n'apperçoit pas de ligne latérale ; la nageoire caudale est un peu arrondie. HUITIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE LA SECONDE DIVISION DES CARTILAGINEUX, Poissons abdominaux, ou qui ont des nageoires situées sur le ventre. SEPTIÈME GENRE. LES CHIMÈRES. Jlne seule ouverture branchiale , de chaque coté du cou; la queue longue et terminée par un longJilamenU ESPÈCES. CARACTÈRES, 1. La chimère arctique. Des plis poreux sur le museau. 2, La chimère antarctique. Le museau uarni d'un long appendice. LA CHIMÈRE ARCTIQUE C'est un objet très -digne d'attention que ce grand poisson cartilagineux, dont la conformation remar- quable lui a fait donner le nom de cJiimère , et même celui de chimère monslnieiiae par Linné et par d'autres naturalistes , et dont les habitudes l'ont fait nommer aussi le singe de la vaçw * Chimaera monstrosa. Liinié, édition de Gnielin. Bol des harengs tlii nord. DaubeiiioU} Ejicjclopédie méthodique. ïi\. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Fauua suecica, 294. Cuuiier, j4ct, nidros. 2, p. 270, iab. S, 6. Miill, prodrom. Zool. danic. p 38, n, 820. Olaff.Island. t , p. 192. Bloch, pi. 124. Mus, ad.fr, i, p. 53, tab, a5t Chlmspia argentea. Linné ( mas), Asc;tn, ican. rentm nalural. tab. i5. GaleusacauthiasCIuaiiexotiçus. JVillughbj , Jchth.p, 5'], lab. Bj^^Jig.c). JRaj- p. 23, «. i5. Gesnevj yJquat.p. 877, icon. an. p. i53, Sirnia marina, Jonst, pisc, p. 29, tab. i, fg. 6. Centrina prima, cenirina vera , siosia marina dicta. Aldrov, pisc. p. 402, 403, 4o3. Viilpecula. Slrcem, sœndm. p. 289. 'Nota. C'est à (ort qu'on a cru devoir rapporter à la chimère arctique le poisson décrit par Artedi sous le nom de squale à queue plus longue que le corps ( gen. 68 ). Tl est évident que cet auteur a parlé du squale au- quel nous avons conservé le nom de renard. /. J'L jç. Pat/. Ô^cjJ. 1 CSImÈkE ^rctitJiœ, .2 CiyNTlUSQUE Cuù^assJ 3 CENTHIS QUI: Bécasse^ HISTOIRE NATURELLE. 898 L'agilité et en même temps l'espèce de bizarrerie de ses mouvemens, la mobilité de sa queue très-longue et très-déliée, la manière dont il montre fréquemment «es dents, et celle dont il i-emue inégalement les diffé- rentes parties de son museau souples et flexibles, ont, en effet, retracé aux yeux de ceux qui l'ont observé, Fallure, les gestes et les contorsions des singes les plus connus. Dun autre côté, tout le monde sait que l'imagination poétique des anciens avoit donné à l'animal redou- table qu'ils appeloient clàinère, une tète de lion et ime queue de serpent. La longue queue du cartila- gineux que nous examinons, rappelle celle d'un rep- tile; et la place ainsi que la longueur des premiers rajous de la nageoire du dos représentent, quoique très-imparfaitement, une sorte de crinière, située der- rière la tète qui est très-grosse, ainsi que celle du lion, et sur laquelle s'élève dans le mâle, à l'ex- trémité d'un petit appendice, une petite touffe de fila- mens déliés. D'ailleurs les différentes parties du corps de cet animal ont des proportions que l'on ne ren- contre pas fréquemment dans la classe cependant très-nombreuse des poissons, et qui lui donnent, au premier coup d'oeil , l'apparence d'un être mon- strueux. Enfin la conformation particulière des parties sexuelles, tant dans le mâle que dans la femelle, et sur-tout l'appareil extérieur de ces parties , ajoutent à l'espèce de tendance cjue l'on a , dans les premiers momens où l'on voit la chimère arctique , à ne la TOME I. 5o 394 HISTOIRE NATURELLE considérer que comme un monstre, et doivent la faire observer avec un intéi'êt encore plus soutenu. On a assimilé en quelque sorte sa tête à celle du lion. On a voulu, eu conséquence, la couronner comme celle de ce dernier et terrible quadrupède. Le lion a été nommé le roi des animaux. On a donné aussi un empire à la chimère ; et si on n'a pu supposer sa puissance établie que sur une seule espèce, on Ta fait régner sur une des plus nombreuses, et plusieurs auteurs Font appelée le roi des harengs, dont elle agite et poursuit les immenses colonnes. On ne connoît encore dans le genre de la chimère que deuis espèces; l"ai'Cti(|ue dont nous nous occupons, et celle à lacpielle nous avons donné le nom d'antarctique. Leurs dénominations indiquent les contrées du globe cm'elles habitent: et c'est encore un fait digne d'être observé, que ces deux espèces, qui ont de très-grands rapports dans leurs formes et dans leurs habiiucies , soient séparées sur le globe par les ])lus grands inter- valles ; que l'une ne se trouve qu'au milieu des mers qui environnent le pôle septentrional, et qu'on ne ren- contre l'autre que dans les eaux situées auprès du pôle antarctique, et particulièrement dans la partie de la mer du sud qui avoisine ce dernier pôle. On diroit qu'elles se sont partagé les zones glaciales. Aucune de ces deux espèces ne s'approche que rarement des contrées tempérées ; elles ne se plaisent, pour ainsi dire, qu'au milieu des moiitagues de glace, et des tempêtes DES POISSONS. 390 qui bouleversent si souvent les plages polaires ; et si l'antarctique s'avance, au milieu des flots de la mer du sud , beaucoup plus près des tropiques, que la chi- mère arctique au milieu des ondes agitées de FOcéan boréal, c'est que l'hémisphère austral, plus froid que celui que nous habitons, oflVe une température moine chaude à une égale distance de la ligne équatoriale , et que la chimère antarctique peut trouver dans cet hémisphère, quoiqu'à une plus grande proximité de la zone torride, le même degré de froid, la même nature ou la même abondance d'aliniens, et les mêmes facilités pour la fécondation de ses œufs, que dans Ihémisphère septentrional. Mais, avant de parler plus au long de cette espèce antarctique , continuons de faire connoître la chimère qui habite dans notre hémisphère, cjui , de loin, res- semble beaucoup à un squale, et qui parvient au moins à trois pieds de longueur. Le corps de la chimère arctique est un peu compri- m4pfii' If"» côtés, très-alongé , et va en diminuant très- sensiblement de grosseur depuis les nageoires pecto- rales jusqu'à l'extrémité de la quelle. La peau qvii la revêt est souple, lisse, et ])résente des écailles si petites, qu'elles échappent, pour ainsi dire, au toucher, et cependant si argentées, que tout le corps de la chimère brille d'un éclat assez vif Quelquefois des taches brunes, répandues sur ce fond, en relèvent la blancheur. La tète est grande, et représente urne sorte de pjra- 3g6 HISTOIRE NATURELLE mide, dont le bout du miiseavi forme la pointe, et dont le sommet est presque à la même hauteur que les jeux. Le tégument mou et flexible qui la couvre est plissé dans une très-grande étendue du côté inférieur, et percé dans cette même partie, ainsi que sur les faces latérales , d'un nombre assez considérable de pores arrondis , grands, et destinés à répandre une mucosité plus ou moins gluante. Les jeux sont très-gros. A une petite distance de ces organes, on voit, de chaque côté du corps, vme ligne latérale blanche, et quelquefois bordée de brun, qui s'étend jusques vers le milieu de la quevie , j descend sous la partie inférieure de l'animal , et va s'j réunir à la ligne latérale du côté opposé. Vers la tête , la ligne latérale se divise en plusieurs branches plus ou moins sinueuses, dont une s'élève sur le dos , et va joindre un rameau analogue de la ligne latérale opposée. Deux avitres branches entourent l'oeil , et se rencontrent à l'extrémité du museau; ime quatrième va à la commis- sure de la bouche; et une cinquième, placée au dessus de cette dernière, serpente sur la portion inférieure du museau, où elle se confond avec une branche sem- blable , partie du côté correspondant à celui qu'elle a parcouru. Tous ces rameaux forment des sillons plus ou moins profonds et plus ou moins interrompus par des pores arrondis. Les nageoires pectorales sont très-grandes, un peu en forme de faux, et attachées à une prolongation DES POISSONS. 897 cliiirnue. Celle du dos commence par vui rajon trian- gulaire, très-alongé, tt'ès-dur, et dentelé par derrière: sa hauteur diminue ensuite tout d'un coup; mais bien- tôt après elle se relève, et s'étend jusques assez loin au-delà de l'anus , en montrant toujours à peu près la même élévation. Là un intervalle très-peu sensible la sépare quelquefois d'une espèce de seconde nageoire dorsale, dont les rajous ont d'abord la même longueur que les derniers de la première , et qui s'abaisse ensuite insensiblement jusques vers l'extrémité de la queue, où elle disparoît. D'autres fois cet intervalle n'existe point; et bien loin de pouvoir compter trois nageoires sur le dos de la chimère arctique, ainsi que plusieurs naturalistes l'ont écrit , on n'j en voit qu'une seule. Le bout de la queue est terminé par un filament très-long et très-délié. H J a deux nageoires de l'anus: la première, qui est très-courte et un peu en forme de faux, ne commence qu'au-delà de l'endroit où les lignes latérales aboutissent l'une à l'autre; la seconde est très- étroite et se prolonge peu. Les nageoires ventrales en- vironnent l'anus, et tiennent, comme les pectorales, à un appendice charnu. La bouche est petite; l'on voit à chacpie mâchoire deux lames osseuses, à bords tranchans , et sillonnées assez profondément pour ressembler à une rangée de dents incisives, et très-distinctes l'une de l'autre; ilj a de plus au palais deux dents communément aplaties et triangulaires. 398 HIvSTOlRE NATURELLE Indépendamment de la petite honppe qui orne le bout du museau du mâle, et dont nous avens parlé, il a, au devant des nageoires ventrales, deux espèces de petits pieds, ou plutôt d'appendices, garnis d'ongles destinés à retenir la femelle dans l'accouplement. La chimère s'accouple donc comme les raies et les squales; les oeufs sont fécondés dans le ventre de la mère, et l'on doit penser que le pins souvent ils éclosent dans ce même ventre, comme ceux des squales et des raies: mais ce qui est plus digne de remarque, ce qui lie la classe des poissons iwec celle des serpens, et ce qui rend les chimères des êtres plus extraordinaires et plus singuliers, c'est que, seules parmi tous les poissons connus jusqu'à présent, elles paroissent féconder leurs œufs non seulement pendant un accouplement réel, mais encore pendant une réunion intime, et j)ar une véritable intromission. Plusieurs auteurs ont écrit eu effet que les chimères maies «voient une sorte de verge double; et j'ai vu sur une i'emelle assez grande, un peu au-delà de l'anus, deux parties très-rapprochées, sail- lantes, arrondies, assez grandes, membraneiises, plis- sées, extensibles, -et qui présentoient chacune l'origine d'une cavité que j'a,i suivie jusques dans l'ovaire corres- pondant. Ces deux appendices doivent être considérés comme; une double vulve destinée à recevoir le double membre génital du mâle; et nous devions d'autant plus .les faire connoitre, que cette conformation, très-rare dans plusieurs classes d'animaux, est très -éloignée de DES POISSONS. 899 celle que présentent le plus souvent les parties sexuelles des femelles des poissons. La cliimère arctique, cet animal exti-aordinaire ])ar sa forme, vit, ainsi que nous l'avons dit au commen- cement de cet article , au milieu de TOcéan septen- trional. Ce n'est que rarement qu'il s'approche des rivages; le temps de son accouplement est presque le seul pendant lequel il quitte la haute mer : il se tient presque toujours dans les profondeurs de l'Océan, où il se nourrit le plus souvent de crabes, de mollusques, et des animaux à coquille 3 et s'il vient à la surface de l'eau , ce n'est guère que pendant la nuit , ses jeux grands et sensibles ne pouvant svipporter qu'avec peine ??,* l'éclat de la lumière du jour, augmenté par la réflexion, des glaces boréales. On l'a vu cependant attaquer ces légions innombrables de harengs dont la mer du nord est couverte à certaines époques de l'année, les pour- suivre, et faire sa proie de plusieurs de ces foibles ani- maux. Au reste, les Norwégiens, et d'autres habitans des côtes septentrionales , vers lescjuelles il s'avance quel- quefois, se nourrissent de ses œufs, et de son foie, qu'ils préparent avec plus ou moins de soin. LA CHIMÈRE ANTARCTIQUE Cette chimère, qui se trouve dans les mers de l'hé- misphère méridional, et particulièrement dans celles cjui baignent les rivages du Chili et les côtes de la Nouvelle-Hollande, ressemble beaucoup, non seulement par ses habitudes, mais encore par sa conformation, à la chimère arctique. Elle en est cependant séparée par plusieurs différences, que nous allons indiquer en la décrivant d'après un individu apporté de l'Amérique méridionale par le célèbre vojageur Dombej. La jjeau qui la recouvre est, comme celle de la chimère arctique, blanche, lisse, et argentée; le corps est également très- alongé , et plus gros vers les nageoires pectorales que dans tout autre endroit. Mais la ligne latérale, au lieu de se réunir à celle du côté opposé, se termine à la nageoire de l'anus; le filament placé au bout de la queue est plus court que sur l'arctique ; on voit sur le dos trois * Cliiilgua , acbagual , en langue arauque, Cliimera callorhinchus. Liniië, édition de Gmelin. Roi des harengs du sud. Danbentou , Encyclopédie viélhodique, Id. Bonnaterre , -planches de l'Encyclopédie méthodique. Callorhinchus. Gionov. mus, 69, n. i3o, iab, 4. Pejegallo. Frez. il. 1, p. 211, tab. \q.,fig. 4. * Elephant-fish. Ellis, premier voyage de Cooli. Poisson coq. Essai sur l'histoire naturelle du Clùli, par M. l'abbé ilolina, p, 207. DES POISSONS. 401 nageoires très-distinctes, très-séparées l'une âe l'antre, dont la dernière est très- basse, la seconde en forme de faux, ainsi t|ue la preraièi'e, et la première soutenue vers la tète par un rajon long, très-fort et très-dur. Les uageoi-res pectorales et ventrales sont attachées à des espèces de prolongations charnues. La tête est; arrondie ; elle présente plusieurs branches de deux lignes latérales qui serpentent sur ses cotés , entourent les jeux, aboutissent aux lèvres ou au museau, ou se réunissent les unes aux autres ; mais ces rameaux ne sont pas creusés en sillons , ni disposés de la même manière que sur rarctique ; et ce qui forme véritable- ment le caractère distinctif de la chimère antarctic|ue , c'est que le bout de son museau, et en quelque sorte sa lèvre supérieure, se termine par un appendice carti- lagineux, qui s'étend en avant et se recourbe ensuite vers la bouche. Cette extension, assimilée à une crête par certains auteurs, a fait nommer la chimère antarc- tique le pui-sson coij, et, comparée à une trompe par d'autres écrivains , a fait appeler la même chimère poisson éléphant, La chair de ce cartilagineux est insi- pide, mais on en mange cependant quelquefois. Il parvient ordinairement à la longueur de trois pieds, TOMiS ï. Ôl TROISIÈME DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont un opercule des branchies, sans membrane branchiale. DOUZIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE LA TROISIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons abdominaux, ou qui ont deux nageoires situées sur le ventre. HUITIÈME GENRE. LES POLYODONS. Des dents aux mâchoires et au palais. ESPÈCE. CARACTÈRES. Le museau presque aussi long que le corps, Le POLYODON FEUILLE. [ et garni, de chaque côlé, d'une b.-,.Klemem. braneuse, dont la contexture ressemble un peu à celle des feuilles des arbres. LE POLYODON FEUILLE. L'on conserve depuis long-temps, dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle, plusieurs individus de cette espèce, qui y ont été apportés sous le nom de c/iie/i de /7ierjh/i//c, et qui ont même été indiqués sous ce nom, dans Y Encyclopédie méthodiciue, par le citojeu Bonnaterre, qui ne les a vus que de loin, au travers de verres épais , et sans pouvoir en donner aucune description. Ayant examiné de près ces poissons, je me suisapperçu sans peine qu'ils étoient de la sous-classe des cartilagineux , et qu'ils avoient de très-grands rap- ports de conformation avec les squales ou chiens de mer, mais qu'ils dévoient être placés dans un genre très-différent de celui de ces derniers animaux. En effet, les squales ont, de chaque côté du corps, au moins quatre ouvei'tures branchiales; et ces poissons nommés feuilles n'en ont qu'une de chaque coté. D'ailleurs les branchies des squales et celles des poissons feuilles ne sont pas organisées de même, ainsi qu'on va le voir; et de plus les cartilagineux dont il est question dans cet article ont im très-grand opercule sur les ouver- tures de leurs branchies, et les squales n'en présentent aucun. J'ai donc séparé les poljodons des squales ; et comme leurs ouvertures branchiales sont garnies d'un opercule , et que cependant elles n'ont pas de mem- 404 HISTOlRi; NATURELLE hrane, j'ai dû les placer dans la 8ecoDde division des cartilagineux. Les nageoires véritablement ventrales, placées sur l'abdomen de ces animaux, déterminent cl^iiileiîrs leur position dans l'ordre des abdominaux âe cette seconde division; et cet ordre n'ayant encore ren- fermé que le genre des acipënsères, ces derniers poissons sont les seuls avec lesquels on pourroit être tenté de confondre les poîjodons. Mais les acipensères n'ont pas de dents proprement dites ; et les poljodons en ont un très-grand nombre. J'ai donc été obligé de rap- porter à un genre particulier les poissons feuilles ; et c'est à ce genre, que l'on n'avoit pas encore reconnu, que je donne le nom de polyodon, qui désigne le grand nombre de ses dents, et le caractère qui le distingue le plus de tous les animaux placés dans Tordre auquel il appartient. La feuille est la seule espèce de poisson déjà connue, qui doive faire partie de ce genre. Elle Q?,i très-aisée à distinguer par l'excessive prolongation de son museau, dont la longueur égale presque celle de la ikie, du corps, et de la queue. Ce museau, très-alongé, seroit aussi très-étroit, et ressembleroit beaucoup à celui du xiplîias espadon^ dont nous parlerons dans un des articles suivans, s'il n'étoit pas élargi de chaque coté par une sorte de bande membraneuse. Ces deux bandes sont légèrement arrondies , de manière à donner un peu à l'ensemble du museau la forme d'une spatule: elles laissent voir à leurs surfaces auie très-grande* DÈS P O i S S O N S. 4*^^ quantité de petits vaisseaux ramifiés, dont rasseni" blage peut être comparé au réseau des feuilles ; et voilà d'où vient le nom de feuille, que nous avons cru devoir laisser à ce polyodon. L ouverture de la bouche est arrondie par-devant , et située dans la partie inférieure de la tête. La ma- clioire supérieure est garnie de deux rangs de dents fortes, serrées et crochues; la mâchoire inférieure n'eu présente qu'une rangée : mais on en voit sur deux petits cartilages arrondis qui font partie du palais; et il j en a d'avitres très-petites sur la partie antérieure des deux premières branchies de chaque côté. Les narines sont doubles, et placées au devant et très- près des jeux! Chacun des denx opercules est très- grand; il recouvre le coté de la tête, s'avance vers le bout du museau jusqu'au-delà des jeux qu'il entoure, et se termine j du côté de la queue, par une portion triangidaire et beaucoup plus molle que le reste de cet opercule. Lorsqu'on le soulève, on apperçoit une large ouverture, et Ton voit au-delà cinq branchies cartilagineuses demi-ovales, et garnies de franges sur leurs deux bords. La frange extérieure de la quatrième est à demi engagée, et Celle de la cinquième est entiè- rement renfermée dans une membrane (pii s'attache à la partie de la tête, la plus voisine; mais celles des trois premières sont libres , ce qu'on ne voit pas dans les squales. Les deux ouvertures branchiales se réunissent dans 4o6 HISTOIRE NATURELLE la partie inférieure de la tête, et s'y terminent à une peau molle qui joint ensemble les deux opercules. Les nageoires pectorales sont petites. Il nj en a qu'une sur le dos; elle est un peu en forme de faux, et le commencement de sa base est à peu près au dessus des nageoires ventrales. La nageoire de l'anus est assez grande , et celle de la queue se divise eu deux lobes. Le supérieur garnit les deux côtés de la queue pro- prement dite qui se dirige vers le haut; et l'inférieur se prolonge de manière à former, avec le premier, une sorte de grand croissant. On v(»it une ligne latérale très-marquée qui s'étend depuis l'opercule jusqu'à la nageoire caudale ; mais la peau ne présente ni tubercules ni écailles visibles. Les individus que j'ai examinés ajant été conservés dans de l'alkohol, je n'ai pu juger qu'im[)ariaitement de la couleur du poljodon feuille. Le corps ne parois- soiit avoir été varié par aucune raie, tache , ni bande; mais les opercules étoient encore parsemés de petites taches rondes et assez régulières. L'intérieur du poljodon feuille que j'ai disséqué, ne m'a montré aucun trait de conformation remarquable, excepté la présence d'une vessie aérienne assez grande, qui rapproche le genre dont nous nous occupons de celui des acipensères, et l'éloigné de celui des squales. Le plus grand des poljodons feuilles que j'ai vus n'a- voit guère que dix ou onze pouces (un peu plus de trois décimètres) de longueur; mais ils avoient tous DES POISSONS. 407 Jes caractères qui appartiennent, dans les poissons, aux individus très-jeunes. On peut donc présumer que l'es- pèce que nous décrivons, parvient à une grandeur plus considérable que celle de ces individus. Nous ne pou- vons cependant rien conjecturer avec beaucoup de certitude relativement à ses habitudes, sur lesquelles nous n'avons reçu aucun renseignement, non plus que sur les mers qu'elle habite : tout ce C|U( nous pouvons dire, c'est que, par une suite de la corl'ormation de ce polyodon , elles doivent, pour ai ;si dire, tenir le milieu entre celles des squales et celles des acipen- sères. On seroit tenté, au premier coup d'œil, de comparer le parti que le poijodon feuille peut tirer de la forme alongée de son museau, à l'usage que le squale scie fait de la prolongation du sien. Mais, dans le squale scie, cette extension est comme osseuse et très-dure dans tous ses points , et elle est de plus armée , de chaque coté, de dents longues et fortes , au lieu que, dans le polyodon feuille, la partie corresponilante n'est dure et solide que dans son milieu, et n'est composée dans ses cotés que de membranes plus ou moins souples. On pourroil plutôt juger des effets de cette prolonga- tion par ceux de l'arme du xiphias espadon, avec la- quelle elle auroit une très-grande ressemblance sans les bandes molles et membraneuses dont elle est bor- dée d'un bout à l'autre. Au reste , jxmr peu qu'on rappelle ce que nous avons dit, dans le Discours sur 4o8 histoire; îs^turelle. la nature des poissons, au sujet de la natation de ces nnimaiix, on verra aisément que cet aloiigement ex- cessif de la tête du poljodon feuille doit être un obstacle assez grand à la rapidité de ses mouveraens. 555=!^ NEUVIEME GENRE. LES A C I P E N S È R E S. U ouverture de la bouche, s'il née dans hi partie infciieurc de la tête, rétractile, et sans dents; des barbillons au d^'Vant de la bouche; le corps alongé , et garni de plusieurs rangs de plaijues dures. PREMIER S O U S - G E N R E. Les lèvres fendues. ESPECE. ï. L'acii'ensère estur- geon. CARACTERES. Quatre barliillons pins près ou aussi près de l'exdéiiiité du museau que de l'ouverture de la bouche. SECOND SOUS-GENRE. ESPECES i.. L'acipe Les lèvres non fendues, CARACTÈRES. (Le mnsean à pt-u près de la lono;ueur du grai NSERE HUSO. "l i- ■ , ., i i i i (^ uiameiie de I ouverture de la bouche. 3. L'acipensère stkelet . TOME î. i.e museau trois ou quade fr.is plus long que le grand diamètre de l'ouverture de la bouche. 52 4IO HISTOIRE NATURELLE. ESPECE. 4. L'acipensère étoile. CARACTÈRES. 'Le museau un peu iPcourlK', (^lai^i vers son extit'milé , et cinq ou six fols plus lon^; que le grand dianicUe de l'ouvtriuie de la bouche. 77'w . /. 7V. uo. Pa<;. 4x1 . 1 .i('rF£J\^SERE Esliirg^'on 2 OSTR^^CIOA' Triaiuju/Mre 5 TEimODON /Viwu>r L'ACIPENSÈRE ESTURGEON *. L'on doit compter les acipensères parmi les plus grands poissons. Quelques uns de ces animaux parviennent, en effet , à une longueur de plus de vingt-cinq pieds (près de neuf mètres). Mais s'ils atteignent aux dimen- sions du plus grand nomlîre de squales, avec ]es(iuels leur conformation extérieure lem^ donne d'ailleurs * Estourgeon, dans plusieurs départemens méridionaux, Sturium , dans d'autres. Créac , dans d'autres. Porcelleto, en Italie. Adello, ibid. Adano , ibid. Adeno, ibid. Attlius, ibid. Stunone, ibid. The sturgeon, en Angleterre. Stent , en ^flamand. Store, en Daneniarcl!, Stor, en Suède. Acipenser stmio. Linné, édition de Cinelin, Gidden^t. nov. Com. -petropol. i6, p. 532. Bloch, pi. 88. Acipe esturgeon. Dauhenton, Encyclopédie méthodique. Id. Boiuiatcrre, planches de l' Encyclopédie mélliodique, JI///.V. ad. fr. t ,/). 54, tab. 18, /ig. 2. Fauna suecica, £99. It. Scan. 187. Miillerj Prodrom. Zoolog, dan. p. 3i, ". 822. 412 HISTOIRE NATURELLE beaucoup de rapports; s'ils voguent, au milieu dos ondes, leurs égaux en grandeur, ils sont bien éloignés de partager leur jniissance. Ajant reçu une chair plus délicate et des muscles moins fermes , ils ont été réduits à une force bien moindre; et leur bouche plus petite ne présente (pie des cartilages plus ou moins endurcis, au lieu d'être armée de plusieurs rangs de dents aiguës, longues et menaçantes. Aussi ue sont-ils le jilus souvent dangereux que pour les poissons mal défendus par leur taille ou par leur Atspenser corpore tubcvculis spino?is exaspcrafo. Arledi, geii, 65, sjn. gi. Groiiot', mus. i, p. 60, 11. i3i. Zonph. p. Si}, //. 140. Klein, miss. pisc. 4, j!. 12, n. i ; /). l3, 11. 2. Acipeiiser. Gesner, ylqtial. 2. iEstoui'geon. llondelet , première partie, liv. 14, chap. 8. Adello du pan. Id, seconde partie, des ]>oisso?is de rivière, cliap, 4. Cops. Id. ib. cliap, 5. Sturlo sive siluriis. Sali'. Aquat, p. il3. Athen. }3, p. 3l5. Scb. mus. 3, tah. 29, /?V. ig. Esturgeon. BeLlon, Aquat. p. 8g. Erit. y.ool. 3, p. g6, n. 1. iVilbighhy , Ichlhjol. i3g, tah. p. 7, fg. 3. Raj. pisc. 112. Scliiik. Kram. El. 383. Sloei". Sander naiurf. iS, /). i65. Plin. Hist. miindi, lit. g, cap. l5. Schonev. p. 9. Blas. nal. p. zSg, tab. 4g, /%•. 2, 3, 12. ^Idroi'. Ub. 4, cap. g, p. 617, 626. Jonston, lil>. 2, ///. j, cap. 7, /a6. l'i.ffig. 8, 9. CharleloUjp.ïSz, DES POISSONS. 4i3 conformation; et, comme ils se nourrissent assez sou- vent c!e vers , ils ont même des appétits peu viulens , des habitudes douces , et des inclinations paisibles. Extrê- mement féconds , ils sont répandus dans toutes les mers et dans presque tous les grands fleuves (jui ar- rosent la surface du globe, comme autant d'agens pacifiques d'une nature créatrice et conservatrice, au lieu d'être, comme les squales, les redoutables ministres de la destruction. Et comment l'absence seule des dents mevn^trières dont la gueule des squales est hérissée, ne détermineroit-elle pas cette grande dilierence? Que l'on arrache ses armes à resj)èce la plus féroce , et bientôt la nécessité aura amorti cette ardeur terrible qui la dévoroit ; obligée de renoncera une proie qu'elle ne pourra plus vaincre, forcée d'avoir recours à de nou- velles allures , condamnée à des précautions qti'clle n'avoit pas connues, contrainte de chercher des asjles cjui lui étoient inutiles, imprégnée de nouveaux sucs, nourrie de nouvelles substances, elle sera, au bout d'un petit nombre de générations, assez; profondément modifiée dans toute son organisation, pf)ur n'(jHVir plus que de la foiblesse dans ses apj^étits, de la réserve daris ses habitudes , et même tie la timidité dans son caractère. Parmi les différentes espèces de ces acipensércs, nui attirent l'attention du philosophe non seulement i)ar leurs formes, leurs dimensions, leurs affections, et leurs manières de vivre, mais encore par la nourriture 414 HISTOIRE NATURELLE sai'jie, agréable, variée et abondante, qu'elles fournissent à l'horame, ainsi que par les matières utiles dont elles enrichissent les arts, la mieux connue et la plus an- ciennei:»ent observée est celle de l'esturgeon, cpii se trouve dans presque toutes les contrées de l'ancien continent. Elle ressemble aux squales, comme les autres poissons de sa famille, par l'alongemeut de son corps, la forme de la nageoire caudale , qui est divisée en deux lobes inégaux , et celle du museau, dont l'extré- mité plus ou moins prolongée en avant est aussi plus ou moins arrondie. L'ouverture de la bouche est placée , comme dans le plus grand nombre de scpiales, au dessous de ce museau avancé. Des cartilages assez durs garnisseut les deux mâchoires et tiennent lieu de dents; la lèvre su- périeure est, ainsi cpie l'inférieure , divisée au moins en deux lobes ; et l'animal peut les avancer l'une et l'autre , ou les retirer à volonté. Entre cette ouverture de la bouche et le bout du museau, on voit quatre filamens déliés rangés sur une ligne transversale , aussi éloignés de cette ouverture que de l'exti-émité de la tète, et même cpielquefois plus rapprochés de cette dernière partie que de la première. Ces barbillons, ti'ès-menus, très-mobiles , et un peu semblables à de petits vers, attirent souvent de petits j)oissous imprudens jusqu'auprès de la gueule de l'es- turgeon, qui avoit caché presque toute sa tête au milieu de plantes marines ou fluviatiles. DES V O I S S O K S. 4 1 5 Au devant des jeu\, sont les narines, dont Fintérieur présente une organisation un peu différente de celle que nous avons vue dans le siège de l'odorat des raies et des squales, mais qui ofîre une assez grande étendue de surface pour donner à l'animal un grand nombre de sensations plus ou moins vives. Dix-neuf membranes doubles s'y élèvent en forme de petits feuillets , et aboutissent à im centre commun, comme autant de rajons. L'ouverture des branchies est fermée de chaque coté par im opercule, dont la surface supérieure montre un grand nombre de stries plus ou moins droites, et réunies presque toutes dans un point commun et à peu près central. Des stries disposées de même et plus ou moins sail- lantes paroissent le plus souvent sur les plaques dures que Ton voit former plusieurs rangées sur le corps de l'esturgeon. Os plaques rajonnées et osseuses, que l'on a nommées de petits boucliers, sont convexes par- dessus , concaves par-ciessous, un peu arrondies dans leur contour, relevées dans leiu' centre, et terminées, dans cette partie exhau.-sée, par une pointe recourbée et tournée vers la (jueue. Elles lorment cinq rangs . longitudinaux cpii partent de la tète, et qui s'étendent juscju'auprès de la nageoire de la (pieue, excepté celui du milieu, (jui se termine à la nageoire dorsale. Cette rangée du milieu est placée sur la partie la plus éle- vée du dos, et composée des plus grandes pièces; les 4l6 HISTOIRE NATURELLE ceux rangées les plus voisines son( situées vu peu sur les côtés de l'esturgeon, et les deux les plus extérieures bordent d'un bout à l'autre le dessous du corps de ce cartilagineux. (]es cinq séries de jietils boucliers sont assez élevées pour faire jiaroître l'ensemble de l'animal comme une sorte de prisme à cinq faces, et par conséquent à cinq arêtes. Le nombre de ces j^îaques varie dans chaque rang; il est quel(]uefois de onze ou douze dans la rangée du dos , et il n'est pas rare de voir la plus grande de ces pièces avec un diamètre de quatre ou cincj pouces, sur des esturgeons déjà parvenus à la longueur de dix ou onze pieds. L'épaisseur des boucliers répondant à leur volume, et leur dureté étant très-grande, les cinq ran- gées qu'ils composent seroient donc une excellente défense pour l'esturgeon, et le rendroient un des mieux cuirassés des poissons, si ces rangées n'éf oient pas sé- parées l'une de l'autre par de grands intervalles. La nageoire dorsale commence ])ar un rajon très- gros et très-fort, et est située plus loin de la tête que les nageoires ventrales ; celle de l'anus est plus éloi- gnée encore du museau j et le lobe inférieur de la na- geoire caudale est en forme de faux, plus long- et sur- tout plus large que le supérieur. L'esturgeon a une conformité de plus avec les raies, par deux trous garnis chacun d'une valvule mobile à volonté, et qui, placés dans le rectum, très-près de J'auus, Tua à droite, et l'autre à gauche, font cuiu- DES POISSONS. 417 muniquer cet intestin avec la cavité de Tabdomen. Leau de la mer, ou celle des rivières, pénètre dans cette cavité par ces deux ouvertures j elle sj mêle avec celle que les vaisseaux sanguins j déposent , ou que d'autres parties du corps peuvent y laisser filtrer, et parvient ensuite jusques dans la vessie. La couleur de l'esturgeon est bleuâtre, avec de petites taches brunes sur le dos, et noires sur la partie infé- rieure du corps. Sa grandeur est très-considérable, ainsi que nous l'avons déjà annoncé; et lorsqu'il a atteint tout son développement , il a plus de dix-huit pieds, ou de six mètres,, de longueur. Cet énorme cartilagineux habite non seulement dans l'Océan , mais encore dans la Méditerranée , dans la mer Rouge, dans le Pont-Euxin , dans la mer Caspienne. Mais, au lieu de passer toute sa vie au milieu des eaux salées , comme les raies, les squales, les lophies, les balistes et les chimères, il recherche les eaux douces comme le pétromjzon lamproie, lorsque le printemps arrive, qu'une chaleur nouvelle se fait sentir jusqu'au milieu des ondes, y ranime le sentiment le plus actif, et que le besoin de pondre ou de féconder ses œufs le presse et l'aiguillonne. Il s'engage alors dans presque tous les grands fleuves. 11 remonte particulièrement dans le Volga, leTanaïs, le Danube, le Pô, la Garonne, la Loire, le Rhin, l'Elbe, l'Oder. Ou ne le voit même le plus souvent que dans les fleuves larges et profonds, soit qu'il y trouve avec plus de facilité l'aliment qu'il TOME I. Ôd 4l8 HISTOIRE NATURELLE préfère , soit qu'il obéisse dans ce clioix à d'autres causes presque aussi énergiques, et que, par exemple, ayant une assez grande force dans ses diverses parties, dans sels nageoires, et particulièrement dans sa queue, quoique cet-te puissance musculaire soit inférieure, ainsi que nous l'avons dit, à celle des squales, il se plaise à vaincre, en nageant, des courans rapides, des Bots nombreux j dès niasses d'eau voinmineuses , et J'esseute, comme tous les êtres, le besoin d'exercer de temps en temps, dans toute sa plénitude, le pouvoir qui lui a été départi. D'aillevirs , l'esturgeon présente un grand volume : il lui faut donc vme grande place pour se mouvoir sans obstacle et sans peine j et cette place étendue et favorable , il ne la trouve que dans les fleuves qu'il préfère. Il grandit et engraisse dans ces rivières fortes et rapides, suivant qu'il y rencontre la tranquillité, la température et les alimens qui lui conviennent le mieux; et il est de ces fleuves dans lesquels il est par- "Venu à un poids énorme, et jusqu'à celui de mille livres, "ainsi que le rapporte Pline de quelques uns de ceux que l'on vojoit de son temps dans le Pô. Lorsqu'il est encore dans la mer, ou près de l'em- bouchure des grandes rivières, il se nourrit de harengs, 'ovi de maquereaux et de gades; et lorsqu'il est en- gagé dans les fleuves, il attaque les 'saumons, qui les '^remontent à peu près dans le mérne temps que lui, et 'qui ne peuvent lui opposer qu'une foible résistance. DES POISSONS. 419 Comme il arrive quelquefois dans les parties élevées des rivières considérables avant ces poissons, ou qu'il se mêle à leurs bandes, dont il cherche à faire sa jiroie, et qu'il paroit semblable à un géant au milieu de ces légions nombreuses , on l'a comparé à un chef, et on l'a nommé le conducteur des saumons. Lorsque le fond des mers ou des rivières qu'il fré- quente est très-limonneux, il préfère souvent les vers qui peuvent se trouver dans la vase dont le fond des eaux est recouvert, et qu'il trouve avec d'autant plus de facilité au milieu de la terre grasse et ramollie, que le bout de son museau est dur et un peu pointu , et qu'il sait fort bien s'en servir pour fouiller dans le limon et dans les sables mous. Il dépose dans les fleuves une immense quantité d'oeufs; et sa chair j présente un degré de délicatesse très-rare , svir-tout dans les poissons cartilagineux. Ce goût fin et exquis est réuni dans l'esturgeon avec une sorte de compacité que l'on remarque dans ses muscles, et qui les rapproche un peu des parties musculaires des autres cartilagineux : aussi sa chair a-t-elle été prise très-souvent pour celle d'un jeune veau, et a-t-il été de tous les temps très-recherché. Non seulement on le mange frais ; mais, dans tous les pajs où l'on en prend un grand nombre , on emploie plusieurs sortes de pré- parations pour le conserver et pouvoir l'envojer au loin. On le fait sécher, ou on le marine, ou on le sale. La laite du mâle est la portion de cet animal que J'en 420 HISTOIRE NATURELLE préfère à toutes les autres. Mais quelque prix qu'on attache aux diverses parties de l'esturgeon ;, et même à sa laite , les nations modernes qui en font la plus grande consommation et le paient le plus cher, n'ont pas pour les poissons en général un goût aussi vif que plusieurs peuples anciens de l'Europe et de l'Asie, et particulièi'ement que les Romains enrichis des dé- pouilles du globe. N'étant pas d'ailleurs tombées encore dans ces inconcevables recherches du luxe, qui ont marqué les derniers degrés de l'asservissement des habitaus de Rome, elles sont bien éloignées d'avoir de la bonté et de la valeur de l'esturgeon une idée aussi extraordinaire que celle qu'on en avoit dans la capitale du monde , au milieu des temps de corruption qui ont précipité sa ruine. On n'a pas encore vu, dans nos temps modernes, des esturgeons portés en triomphe, sur des tables fastueusement décorées , par des ministres cou- ronnés de fleurs, et au sou des instrumens, comme on l'a vu dans Rome avilie, esclave de ses empereurs, et expirant sous le poids des richesses excessives des uns , de l'affreuse misère des autres, des vices ou des crimes de tous. L'esturgeon peut être gardé hors de l'eavi pendant plusieurs jours, sans cependant périr; et l'une des causes de cette faculté qu'il a de se passer, pendant un temps assez long, d'un fluide aussi nécessaire que l'eau à la respiration des poissons , est la conformation de l'opercule qui ferme de chaque côté l'ouverture des DES POISSONS. 42 I branchies, et qui, étant bordé dans presque tout son contour d'une peau assez molle, peut s'appliquer plus facilement à la circonférence de l'ouverture, et la clore plus exactement '. Nous pensons que l'acipensère décrit sous le nom de schypa par Guldenstaedt % et qui se trouve non seu- ieraent dans la mer Caspienne, mais encore dans le lac Oka en Sibérie, doit être rapporté à Festurgeon, comme une simple variété, et ainsi que l'a soupçonné le pro- fesseur Gmelin \ Il a en effet les plus grands rapports avec ce dernier poisson, il en présente les principaux caractères , et il ne paroît en différer que par les attri- buts des jeunes animaux, iine taille moins alongée , et inie chair plus agréable au goût. ■ Voyez le Discours sur la nature des poissons. * Acipenser schypa, roslro obtuso, oris diametro tertiam p&rfcm longiove? cirrisrostri apici propioribus, labiis bifidis. Guldtnst, not'. Comni. petropo/. 16, p. 532. Acipenser schypa. Linné, édition de Gmelin, S. g. Gmelin, It. p. 238. Acipenser kostera. Lepech. It. i , p. S4. Acipe schype. Bonnaierre , planches de V Encyclopédie mélTioditjne. ^ Voyez Vendrait déjà cité. L'ACIPENSÈRE HUSO*. Le huso n'est pas aussi répandu dans les différentes mers tempérées de l'Europe et de l'Asie que l'estur- geon. On ne le trouve guère que dans la Caspienne * Copse, dans quelques parties de l'Italie. Colpesce, dans d'autres parties de l'Italie. Husen , dans quelques contrées d'Allemagne. Collano. Barbota. Moio la , par quelques Grecs modernes. Belluge, dans plusieurs pays du Nord. Belloiiga , ibid. Belluga, ibid. Exos , par plusieurs auteurs latins, Acipenser huso. Linné, édition de Gmelin, Acipe ichthyocolle. Haubenton, Encyclopédie méthodique. là. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Guldenst. nov. Coin, petrop. i(>,p. 532. Rœlreuter, ib. 17, p. 52>i,y. 12, 17. Acipenser tuberculis carens. Art. gen. 65, syn, 92. Kram. El. 385. Mario. Plin, Hist, mundi. l. g, c. i5. Aldroi'. pisc. p. 534. Jonston, pisc. tab. 25,fig. i, 3. Gesner, Aquat. p. 5g. Huso Germanorum. TP'illughhy , Ichthyol. p. 143. Raj. pisc, p. ii3. Copso, ou colpesce. Rondelet, seconde partie des poissons de rivière', chap. 6. ( La figure ne se rapporte point à un acipensère, mais à un silure.) Aatacée de Neper, id. ibid. c. ^. ( La figure est défectueuse. ) HISTOIRE NATURELLE. 423 et dans la mer Noire; et on ne le voit communément remonter que dans le Volga, le Danube, et les autres grands fleuves qui portent leurs eaux dans ces deux mers. Mais les légions (jue cette es])èce j forme sont bien plus nombreuses que celles de l'esturgeon , et elle est bien plus féconde que ce dernier acipensère. Elle parvient d ailleurs à des dimensions plus considé- rables : il j a des liusos de plus de vingt-quatre pieds (huit mètres) de longueur; et l'on en pêche qui p)èsent jusqu'à deux mille huit cents livres (plus de cent qua- rante rajriagrammes). Il a cependant dans sa confor- mation de très-grands rapports avec l'esturgeon; il n'en diffère d'une manière remarquable que dans les proportions de son museau et dans la forme de ses lèvres. Le museau de cet animal est, en effet, plus court que le grand diamètre de l'ouverture de sa bouche, et ses lèvres ne sont pas divisées de manière à présenter chacune deux lobes. Le nombre de pièces cjue Ton voit dans les cinq ran- gées de grandes plaques disposées longitudinalement sur son corps , est très sujet à varier ; à mesure que l'animal vieillit, plusieurs de ces boucliers tombent sans être remplacés par d'autres : lors même que le buso est arrivé à un âge très-avancé, il est quelquefois entièrement dénué de ces plaques très-dures; et voilà pourquoi Artedi, et d'autres naturalistes, ont cru devoir distinguer cette espèce par le défaut de boucliers. Il est le plus souvent d'un bleu presque noir sur le dos, et d'un jaune clair snr le ventre. 424 HISTOIRE NATURELLE C'est avec les œufs que les femelles de cette espèce pondent en très-grande quantité, au commencement du retour des chaleurs, que les habitans des rives des mers Noire et Caspienne, et des grandes rivières qui sj jettent, composent ces préparations connues sous le nom de ca'^'iar, et plus ou moins estimées , suivant que les œufs , qui en font la base, ont été plus ou moins bien choisis, nettojés, maniés, pressés, mêlés avec du sel ou d'autres ingrédiens. Au reste, l'on se représen- tera aisément le grand nombre de ces œufs, lorsqu'on saura que le poids des deux ovaires égale presque le tiers du poids total de l'animal, et que ces ovaires ont pesé jusqu'à huit cents livres dans un liuso femelle qui en pesoit deux mille huit cents. Ce n'est cependant pas uniquement avec les œufs du huso que l'on fait le caviar : ceux des autres acipen- sères servent à composer cette préparation. Outre les œufs noirs de ces cartilagineux , on pourroit même emplojer dans la fabrication du caviar, selon M. Gui- denstaedt , les œufs jaunes d'autres grands poissons , comme du brochet, du sandat , de la carpe, de la brème, et d'autres cjprins appelés en russe j'aze, he- resna, on jeregh, et virezou, dont la pêche est très-abon- dante dans le bas des fleuves de la Russie méridionale, rOural, le Volga, le Terek, le Don , et le Dnieper *. Mais ce n'est pas seulement pour ses œufs que le * Guldenstaedt , Dhcours sur les produc/inns de Russie ; PétexsbouTgy lyyG; page 11. DES POISSONS. 425 luiso est recherché; sa chair est très-nourrissaii(e , très- saine , et très-agréable au goût. Aussi est-il peu de poissons qui aient autant exercé l'industrie et animé le commerce des habitans des côtes maritimes ou des bords des grands fleuves , que Facipensère dont nous nous occupons. On emploie,- pour le prendre, divers procédés cpi'il est bon d'indicpier, et qui ont été décrits très en détail par d'habiles observateurs. Le célèbre naturaliste de Russie, le professeur Pallas, nous a par- ticulièrement ffiit connoître la manière dont on pêche le huso dans le Volga et dans le Jaick, qui ont leurs embouchures dans la mer Caspienne. Lorsque le temps pendant lequel les acipensères remontent de la mer dans les rivières est arrivé, on construit, dans certains endroits (hi Volga ou du Jaick, une digue composée de pieux, et qui ne laisse aucun intenvalle assez grand pour laisser passer le huso. Cette digue forme, vers son milieu, un angle opposé au courant, et par conséquent elle présente un angle rentrant au poisson qui remonte le fleuve, et cpii , cherchant luie issue au travers de l'obstacle qui l'arrêle , est déterminé à s'avancer vers le sommet de cet angle. A ce sommet est une ouverture qui conduit dans une espèce de chambre ou d'enceinte formée avec des filets sur la fin de l'hiver, et avec des claies d'osier pendant l'été. Au dessus de l'ouverture est une sorte déchafaud sur lequel des pêcheurs s'éta- blissent. Le fond de la chambre est, comme l'enceinte, d'osier ou de filet, suivant les saisons, et peut être levé TOME I. 54 426 HISTOIRE NATURELLE facilement à 1 1 hauteui- de la surface de fean. Le liuso s'engage dans la cham!)re jiar l'ouverture que lui offre la digue; mais à peine j est-il entré, que les pêcheurs, placés sur féchafaud , laissent tomber une porte qui lui interdit le retour vers la mer. On lève alors le fond mobile de la chambre , et Ton se saisit facilement du poisson. Pendant le )our, les acipeusères qui pénètrent dans la grande enceinte , avertissent les pêcheurs de leur présence par le mouvement qu'ils sont forcés de communiquer à des cordes suspendues à de petits corps iloltans 5 et pendant la nuit ils agitent nécessai- rement d'autres cordes disposées dans la chambre, et les tirent assez pour faire tomber derrière eux la fer- meture dont nous venons de parler. Non seulement ils sont pris par la chute de cette porte, mais encore cette fermeture, en s'enfonçant,fait sonner une cloche qui avertit et peut éveiller le pêcheur resté en senti- nelle sur féchafaud. Le vojageur (^melin, qui a parcouru différentes contrées de la Russie, a décrit d'une manière très- animée l'espèce de pêche solemnelle qui a lieu de temps en temps, et au commencement de l'hiver, pour prendre les husos retirés vers cette saison dans les ca- vernes et les creux des rivages voisins d'Asfracan. On réunit un grand nombre de pêcheurs; on rassemble plusieurs petits bâtimens ; on se prépare comme pour une opération militaire importante et bien ordonnée ; on s'approche avec concert, et par des manoeuvres DES POISSONS. 427 régulières, des asjles dans lesquels les liusos sont ca- chés; on interdit avec sévérité le bruit le plus foible non seulement aux pêcheurs, mais encore à tous ceux qui peuvent naviguer auprès de la ilotte; on observe le plus profond silence ; et tout d'un coup , poussant de grands cris, que les échos grossissent et multiplient, on agite , on trouble , on eflraie si vivement les husos, c|u"ils se précipitent en tumulte hors de leurs cavernes, et vont touiber dans les filets de toute espèce tendus ou préparés pour les recevoir. Le museau des husos, coaime celui de plusieurs car- tilagineux, et particulièrement d'un grand nombre de s((uales, est très-sensible à toute espèce d'attouchement. Le dessous de leur corps, cpii n'est revêtu que d'une peau assez molle, ef qui ne présente pas de boucliers, comme leur partie supérieure, jouit aussi d'une assez grande sensibilit'é; et Marsigli nous apprend, dans son Hbloirc du Danube *, cpie les pêcheurs de ce fleuve se sont servis de cette sensibilité du ventre et du museau des husos, pour les prendre avec plus de facilité. Eu opposant à leur museau délicat des filets ou tout autre corps capable de le blesser, ils ont souvent forcé ces animaux à s'élancer sur le rivage; et lorsque ces aci- pensères ont été à sec et étendus sur la grève, ils ont pu les contraindre, par les divers attouchemens qu'ils ont fait éprouver à leur ventre , à retourner leur longue * Marsigli , Histoire du Danube j (oiue IV. 4^8 HISTOIRE NATURELLE masse, et à se prêter, malgré leur excessive grandeur, à toutes les opérations nécessaires pour les saisir et pour les attacher. Lorsque les husos sont très-grands, on est, en efîet, obligé de prendre des précautions contre les coups qu'ils peuvent donner avec leur queue : il faut avoir recours à ces précautions lors même qu'ils sont hors de l'eau et gisans sur le sable; et on doit alors cher- cher d'autant plus à arrêter les mouvemens de cette queue très-longue par les liens dont on l'entoure , que leur puissance musculaire, quoiqu'inférieure à celle des squales, ne peut qu'être dangereuse dans des indi- vidus de plus de vingt pieds de long, et que les plaques dures et relevées qui revêtent l'extrémité postérieure du corps sont trop séparées les unes des autres pour en diminuer la mobilité , et ne pas ajouter par leur nature et par leur forme à la force an coup. D'ailleurs la rapidité des mouvemens n'est point ralen- tie dans le huso , non plus que dans les autres acipen- sères , par les vertèbres cartilagineuses qui composent l'épine dorsale, et dont la suite s'étend jusqu'à l'extré- mité de la queue. Ces vertèbres se prêtent, par leur peu de dureté et par leur conformation, aux diverses inflexions que l'animal veut imprimer à sa queue , et à la vitesse avec laquelle il tendà les exécuter. Cette chaîne de vertèbres cartilagineuses , qui règne depuis la tête jusqu'au bout de la queue, présente,, conime dans les autres poissons du même genre, trois: DES POISSONS. 429 petits canaux, trois cavités longitudinales*. La supé- rieure renferme la moelle épinière, et la seconde con- tient une matière tenace, susceptible de se durcir par la. cuisson, qui commence à la base du crâne, et que l'on retrouve encore auprès de la nageoire caudale. C'est au dessous de cette épine dorsale qu'est située la vésicule aérienne, qui est siuq^le et conique, qui a sa pointe tournée vers la queue , et qui sert à faire , sur les bords de la mer Caspienne et des fleuves qui j versent leurs eaux , cette colle de poisson si recherchée, que l'on distribue dans toute l'Europe, et C[ue l'on y vend à un prix considérable. Les diverses opérations que l'on emploie, dans cette partie de la Russie, pour la préparation de cette colle si estimée, se réduisent à plonger les vésicules aériennes dans l'eau ,. à les j sé- parer avec soin de leur peau extérieure et du sang dont elles peuvent être salies, à les couper en long, à les renfermer dans une toile, à les ramollir entre les mains , à les façonner en tablettes ou en espèces de petils cj'lindres recourbés, à les percer pour les sus- pendre, et à les exposer pour les faire sécher à une chaleur modérée et plus douce que celle du soleil. Cette colle, connue depuis long-temps sous le nom d'ic/it/ijoco/fc, ou de cal/e de poisson, et qui a fait don- ner au huso le nom (XichtJiyocollc, a été sovivent em- plojée dans la médecine contre la dj ssenterie , les * Maisigli , ounagr déjà cite. 43o HISTOIRE NATURELLE ulcères de la gorge , ceux des poumons , et d'autres maladies. On s'en sert aussi beaucoup dans les arts, et particulièrement pour éclaircir les liqueurs et pour lustrer les étoffes. Mêlée avec une colle plus forte, elle peut réunir les morceaux séparés de la porcelaine et d'un verre cassé; elle porte alors le nom de colle à verre et à porcelaine; et on la nomme colle à bouche, lorsqu'on l'a préparée avec une substance agréable au goût et à l'odorat, laquelle permet iVen ramollir les fragmens dans la bouche , sans aucune espèce de dégoût. . Mais ce n'est pas seulement avec les vésicules aériennes du huso (pie Ton compose, près de la mer (>aspienne, cette colle si utile, que Ton connoît , dans plusieurs contrées russes , sous le nom à'ushlat : on y emploie celles de tous les acipensères que l'on j pèche. On peut très-bien imiter en Europe les procédés des Russes pour la fabrication d'une matière qui forme une branche de commerce plus importante qu'on ne le croit. Et je puis assurer que particulièrement en France l'on peut parvenir aisément à s'affranchir du paiement de sommes considérables, auquel nous nous sommes soumis envers l'industrie étrangère pour en recevoir cette colle si recherchée. Il n'est ni dans nos étangs , ni dans nos rivières , ni dans nos mers , presque aucune espèce de poisson dont la vésicule aérienne, et toutes les parties minces et membraneuses, ne puissent fournir, après avoir été nettoyées , séparées de toute matière étran- DES POISSONS. 43 I gère , lavées, divisées , rauioUies, et sécliées avec soin . une colle aussi bonne, ou du œoins presque aussi bonne, que celle qu'on nous apporte de la Russie méridio- nale. On l'a essajé avec succès ; et je n'ai pas besoin de faire remarcjuer à quel bas prix et dans quelle quan- tité on auroit une préparation (pie Ton feroit avec des matières rejetées maintenant de toutes les poisson- neries et de toutes les cuisines, et dont l'emploi ne diminueroit en rien la consommation des autres par- ties des poissons. On auroit donc le triple avantage d'avoir en plus grande abondance une matière néces- saire à plusieurs arts, de la pajer moins cher, et de la fabriquer en France ; et on devroit sur-tout se presser de se la procurer, dans un moment où mon savant confrère, le citojcn Rochon, membre de l'Institut na- tional , a trouvé , et fait adopter pour la marine , le mojen ingénieux de remplacer le verre, dans un grand nombre de circonstances, par des toiles très-claires de fil de métal, enduites de colle de poisson. La graisse du huso est presque autant employée cpie sa vessie aérienne , par les habitans des contrées méri- dionales de la Russie. Elle est de très-bon goût lors- qu'elle est fraîche; et on s'en sert alors à la j)lace du beurre ou de l'huile. Elle peut d'autant plus remplacer cette dernière substance, que la graisse des poissons est toujours plus ou moins huileuse. On découpe la peau des grands husos, de manière à pouvoir la substituer au cuir de plusieurs animaux; 43^ HISTOIRE NATURELLE et celle des jeunes, bien sèche , et bien débarrassée de toutes les matières qui pourroient en augmenter l'é- paisseur et en altérer la transparence, tient lieu de vitre dans une partie de la Russie et de la Tartarie. La chair, les œufs, la vessie à air, la graisse, la peau, tout est donc utile à l'homme dans cette féconde et grande espèce d'acipensère *. Il n'est donc pas sur- prenant que, dans les contrées où elle est le plus répan- due, elle porte difl'érens noms. Par-tout où les animaux ont été très-observés et très-recherchés , ils ont reçu différentes appellations; chaque observateur, chaque artiste, chaque ouvrier, les ont vus sous une face par- ticulière, et tant de rapports différens ont dû néces- sairement introduire une grande variété dans les signes de ces rapports, et par conséquent dans les désignations du sujet de ces diverses relations. Comme les husos vivent à des latitudes éloignées de la ligne, et qu'ils habitent des pajs exposés à des Iroids rigoureux, ils cherchent à se soustraire pendant l'hiver à une tempéi-ature trop peu convenable à leur nature , en se renfermant plusieurs ensemble dans de grandes cavités des rivages. Ils remontent même quelquefois dans les fleuves, quoique la saison de la ponte soit en- core éloignée , afin d'y trouver, sur les bords, des asyles plus commodes. Leur grande taille les contraint à être * On mange jusques à l'épine cartilagineuse el dorsale du huso et de l'esturgeon ; et on la prépare de diverses manières, dans les pays du Nord. DES POISSONS. 433 frès-rapprocht^s ]es uns des antres dans ces cavernes, quelque spacieuses qu'elles soient, lis conservent plus facilement, par ce voisinage, le peu de chaleur qu'ils peuvent posséder ; ils ne s'j engourdissent pas ; ils n'j sont pas soumis du moins à une torpeur complète : ils y prennent un peu de nourriture; mais le plus souvent ils ne font que mettre à profit les humeurs qui s'é- chappent de leiu's corps, et ils sucent la liqueur vis- cjueuse qui enduit la peau des poissons de leur espèce, auprès desquels ils se trouvent. Ils sont cependant assez avides d'alimens dans des saisons plus chaudes , et lorsqu'ils jouissent de toute leur activité; et en effet, ils ont une masse bien étendue à entretenir. Leur estomac est, à la vérité, beaucoup moins musculeux que celui des autres acipensères; mais il est d'un assez grand volume, et, suivant Pallas, il j^eut contenir même, dans les indi- vidus éloignés encore du dernier terme de leur ac- croissement, plusieurs animaux tout entiers et d'un volume considérable. Leurs sucs digestifs paroissent d'ailleurs jouir d'une grande force : aussi avalent-ils quelquefois , et indépendamment des poissons dont ils se nourrissent, de jeunes phoques, et des canards .sauvages qu'ils surprennent sur la surface des eaux qu'ils fréquentent, et qu'ils ont l'adresse de saisir par les pattes avec leur gueule , et d'entraîner au fond des flots. Lorsqu'ils ne trouvent pas à leur portée l'ali- ment qui leur convient, ils sont même obligés, dans TOME I. 55 434 HISTOIRE NATURELLE. (*^ertaines circonstances, pour remplir la vaste capacité de leur estomac, le lester, pour ainsi dire, et emplojer en quelque sorte ses sucs digestifs surabondans , cVy introduire les premiers corps qu'ils rencontrent, du jonc , des racines, ou des morceaux de ces bois que l'on, voit flotter sur la mer ou sur les rivières. L'ACIPENSÈRE STRELET Cet acipensère présente des couleurs agréables. La partie inférieure de son corps est blanche , tachetée de rose; son dos est noirâtre; et les boucliers fl^ii J for- ment des rangées longitudinales, sont d'un beau Jaune. Les nageoires de la poitrine , du dos , et de la queue , sont grises; celles du ventre et de l'anus sont rouges. Mais le strelet est particulièrement distingué des aci- pensères du second sous-genre, dans lequel il est com- pris, par la forme de son museau, f[ui est trois ou quatre fois plus long que le grand diamètre de l'ou- *Aci penser rulhenus. Linné, édition de Gmelin, Acipe strelet. Daiibenton, Kncyclojiédie méthodique. Id. Bonnaterrej planches de l' Encyclopédie méthodique, Guldenslaedt , nov. Coinm, petropol. i6, p. 533. Bloch, pi. 89. Mus. ad.fr. i, /). 64, tab. 2'j,fig. 2; et tah. 28, fg. I, Fauna suec. 3oo. N'ulff. Ichihyol. borussens. p. 17, n. 28, S. G. Gmelin, It. I, /). 142; 3, p. 134. Kœlreuter, noc. Corn, petropol. 16, ;;. Sil, tab. 14 et 17, p. Bli. Acipenser ordinlbus 5 squamaruiu ossearum j intermedio ossiculis i5. Fauna suec. 272. Acipenser ex clnereo, flavo et rosaceo varlus, Klein, tuiss. pisc, ^ y p. l3, tl. 4, lab. I. Sterlet. Bruyn, II. gS, /ab. 33. '436 HISTOIRE NATURELLE verture de sa bouche. Il l'est d'ailleurs de l'esturgeon et du huso par la petitesse de sa taille : il ne parvient guère à la longueur de trois pieds ; et ce n'est que très -rarement qvi'on le voit atteindre à celle de quatre pieds et quelques pouces. Il a sur le dos cinq rangs de boucliers, comme l'es- turgeon et le huso. La rangée du milieu est composée ordinairement de quinze pièces assez grandes; les deux qui viennent ensuite en comprennent chacune cin- quante-neuf ou soixante, qui, par conséquent, ont un diamètre très-peu étendu 5 et les deux rangs qui bordent le ventre sont formés de plaques plus petites encore, et cpii, au lieu d'être très-relevées dans leur centre comme celles des trois rangées intérieui'es , sont presque entièrement plates. On trouve cet acipensère dans la mer Caspienne , ainsi que dans le Volga et dans l'Oural , qui y ont leur embovicîiure; on le voit aussi , mais rarement, dans la Baltique; et telles sont les habitations qu*il a reçues de la natin-e. Mais l'art de l'homme, qui sait si bien détourner , combiner , accroître , modifier , domter même les forces de la nature , l'a transporté dans des lacs où l'on est parvenu, avec très-peu de précautions, à le faire prospérer et multiplier : Frédéric premier, roi de Suède, l'a introduit avec succès dans le lac Meeler et dans d'autres lacs de la Suède; et ce roi de Prusse, qui, philosophe et homme de lettres sur le trôoe, a su créer par son génie, et les états qu'il de- DES POISSONS. 437 Toit régir, et l'art de la guerre qui dcvoit les défendre, et Fart d'administrer plus rare encore, (jui devoît leur donner l'abondance et le bonheur, a répandu le stre- let dans un très-grand nombre d'endroits de la Pomé- ranie et de la Marche de Brandcbouro;. Voilà deux preuves remarquables de la facilité avec laquelle on peut donner à vuie contrée les espèces de poissons les plus utiles. Ces deux faits importans seront réunis à un grand nombre d'autres, dans le discours que l'on trouvera dans cette histoire, sur les usages économiques des poissons, et sur les divers moyens d'en acclimater, d'en perfectionner, d'eu multiplier les espèces et les individus. Et que l'on ne soit pas étonné d'apprendre les soins que se sont donnés les chefs de deux grandes nations pour procurer à leur pajs l'acipensère strelet. Cette espèce est très-féconde : elle ne montre jamais, à la vérité , une très-grande taille ; mais sa chair est plus tendre et plus délicate cjue celle des autres cartilagi- neux de sa famille. Elle est d'ailleurs facile à nourrir; elle se con(ente de très -petits individus, et même d'œufs de poissons dont les espèces sont très - com- munes; et elle peut n'avoir d'autre aliment que les vers qu'elle trouve dans le limon des mers, des fleuves, ou des lacs qu'elle fréquente. C'est vers la fin du printemps que le strelet remonte dans les grandes rivières ; et comme le temps de la ponte et de la fécondation de ses œufs n'est pas très- 438 HISTOIRE NATURELLE. long , on voit cet acipensère descendre ces mêmes rivières avant la fin de l'été , et tendre , même avant l'automne , vers les asjles d'hiver que la mer lui présente. L'ACIPENSERE ÉTOILE*. Vers le commencement du printemps, on voit cet acipensère remonter le Danube et les autres fleuves qui se jettent dans la mer Noire ou dans la mer Cas- pienne. Il parvient à quatre ou cinq pieds de longueur; et par conséquent il est pour le moins aussi long que le strelet, mais il est plus mince. Son museau, im peu recourbé , et élargi vers son extrémité, est cinq ou six fois plus long que le grand diamètre de l'ouverture de la bouche; et cette conformation du museau suffiroit seule pour séparer l'étoile des autres acipensères : au reste, le dessus de cette partie est hérissé de petites raies dentelées. Les lèvres peuvent être étendues en avant beaucoup plus que dans les autres poissons du même genre. La tête, aplatie pan-dessus et par les côtés, est garnie de tubercules pointus, et de petits corps 'durs, dentelés, et en forme d'étoiles. Le devant de la bouche présente quatre barbillons, comme clans tous les acipensères. On remarque, sur différentes parties du corps de l'étoile, des rudimens crénelés d'écaillés; et l'on voit _ — • * Acipenser stellatiis. Linné , édition de G)neliu. Acipe éloilé. Bonnaterre, fdanches de J' Encyclopédie méthodique, Guldenst, riov. Coin.peirnpol. i6, />. 533. Pallasj It. 1,7'. i3i, 460, n. 20, \ \ 44^ HISTOIRE NATURELLE. particulièrement, sur son dos, de petites callosités blanches, rudes, étoilées, et disposées sans ordre. Il a d'ailleurs cinq rangs de boucliers relevés et pointus , dont la rangée du milieu contient communément treize pièces , et dont les deux suivantes renferment chacune trente-cinq plaques plus petites. Trois autres pièces sont placées au-delà de l'anus. La couleur de cet animal est noirâtre sur le dos', tachetée et variée de blanc sur les côtés , et d'un blanc de neige sur le ventre. Cette espèce est très-féconde ; l'on compte plus de trois cent mille œufs dans une seule femelle. t QUATRIÈME DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont un opercule et une mem- brane des branchies. TREIZIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ov PREMIER ORDRE DE LA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons apodes , ou qui nont point de nageoires dites ventrales. DIXIEME GENRE. LESOSTRACIONS. Le corps dans une enveloppe osseuse, des dents incisives à chaque mâchoire. PREMIER SOU S- GENRE. Point d'aiguillons auprès des yeux, ni au dessous de la queue. ESPÈCE. CAKACTÈRES. I. L'OSTRACiON TRlAN-fLe corps triangulaire, et garni de tubercules GULAiRE. I. salllans aur des plaques bombées. TOME I. 56 442 HISTOIRE NATURELLE ESPÈCES. 2. L'OSTRACION MAILLÉ. 3. L'OSTEACION POINTILLÉ. 4. L'OSTRACION QUATRE- TtlEERCULES. 5. L'OSTRACION MUSEAU- A LONGÉ. CARACTERES. Le corps triangulaire, et garni de tubercules peu sensibles , mais dont la disposition imite un ouvrage à mailles. , Le corps quadrangulaire ; de petits points rayorinans , et point de figures polygones sur l'enveloppe osseuse; de petites taclies blanches sur tout le corps. ("Le corps quadrangulaire ; quatre grands tu- I bercules disposés en carré sur le dos. 'Le corps quadrangulaire; le museau alongé. 6. L'OSTR A CION DEUX- TUBERCULES. 7. L'OSTRACION MOU- CHETÉ. Le corps quadrangulaire; deux tubercules, l'un au dessus , et l'autre au dessous de l'ou- verture de la bouche. Le corps quadrangulaire ; un grand nombre de taches noires, chargées chacune d'un point blanc ou bleuâtre. 8. L'OSTRACION EOSSU. { Le corps quadrangulaire ; le dos relevé eu bosse. SECOND SOUS-GENRE. Des aiguillons auprès des yeux, et non au dessous de hi queue. ESPÈCE. CARACTERES. 9. L'OSTRACION TROIS-JLe corps triangulaire; un aiguillon sur le dos J_ et auprès c AIGUILLONS, de chaque œil. DES POISSONS. 443 TROISIÈME SOUS-GENRE. Des aiguillons au dessous de la queue, et non auprès des yeux. ESPÈCES. CARACTÈRES. /"Le corps tiiangulaiie; deux aiguillons can- , 1 neli's nu dessous do la queuf; des tubercules 10. L OSTRACION TRIGONE.' .,, , , , w I sailians sur des plaques bombées ; quatorze \^ rayons à la nageoire du dos. ÎLe corps triangulaire ; deux aiguillons sillon- nés au dessous de la queue; des tubercules peu élevés ; dix rayons à la nageoire du dos. QUATRIÈME SOUS -GENRE. Des aiguillons auprès des yeux et au dessous de la (jueue. ESPÈCES. CARACTÈRES. 12. L'OSTRACION QUATRE- rLe corps triangulaire ; deux aiguillons auprès AIGUILLONS. l des yeux , et deux autres sous la queue. „ ^ . rLe corps triangulaire ; un grand aiguillon sur 13. L'OSTRACJON LISTER. J , • , , • , , (. la partie de la queue qui est hors du tét. 14. L'osTRACiON QUADRAN-jLe corps quadrangulairej deux aiguillons au- GULAIRE. l près des yeux , et deux autres sous la queue. i5. L'OSTRACION DROMA- fLe corps quadrangulaire ; une bosse garnie fLe corps quadra; l d'un aiguillon DAIRE, l d'un aiguillon sur le dos. L'OSTRACION TRIANGULAIRE *, On diroit que la nature, en répandant la plus grande variété parmi les êtres vivans et sensibles dont elle a peuplé le globe, n'a cependant jamais cessé d'imprimer à ses productions des traits de quelques formes remar- quables, dont on retrouve des images plus ou moins imparfaites dans presque toutes les classes d'animaux. Ces formes générales, vers lesquelles les loix qui ré- gissent l'organisation des êtres animés, paroissent les ramener sans cesse, sont comme des modèles, dont la puissance créatrice semble avoir voulu s'écarter d'au- tant moins , que les résultats de ces conformations * Ostracion triqueter. Linné, édition de Gmelin. Mus. ad. fr. i , />. 60. Ostracion triangulus,fuberculis exigiiis innumeris, aculeis carens. ^r/ff/o gen. 67, syn. 85. Piscis triangularis ex toto cornibus carens. Lister, Apj>en. JVillughby , Jchthyol. p. 20, tab.j ,71. 18. Raj. 7'. 4 , S. Seb. mus. 3, tab. 24 ^fg. 6, 12. Coffre triangulaire sans épines. Daubenton , 'Encyclopédie méthodique. Coffre triangulaire. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie méthodicjiie. Piscis triangularis Clusii , couchon , cochon , ou coffre à la Martinique. Plumier, dessins sur vélin déjà cités. L'un des poissons coffres. Vabnont-Bomare , Dictionnaire d'histoire na- turelle. Ostracion triqueter, coffre lisse. Bloch, pi. t3o. HISTOIRE NATURELLE. 445 principales tendent presque tous à une plus sûre conser- vation des espèces et des individus. Le genre dont nous allons nous occuper, va nous présenter un exemple frap- pant de cette multiplication de copies plus ou moins ressemblantes d'un tjpe préservateur , et de leur dissé- mination dans presque toutes les classes des êtres orga- nisés et sensibles. Cette arme défensive, cette enveloppe solide, cette cuirasse tutélaire , sous hupielle la nature a mis à l'abri plusieurs des animaux dont Buffon, ou nous , avons déjà donné l'histoire, nous allons la retrou- ver autour du corps des ostracions ; et si nous pour- suivons nos recherches jusques au milieu de ces légions innombrables d'êtres connus sous le nom d'animaux à sang blanc, nous la reverrons, avec des dissemblances plus ou moins grandes, sur des familles entières, et sur des ordres nombreux en familles. L'épaisse cuirasse et les bandes osseuses qui revêtent les tatous, la cara- pace et le plastron qui défendent les tortues , les gros tubercules et les lames très -dures qui protègent les crocodiles , la croûte crétacée qui environne les oursins , le têt solide qui revêt les crustacées, et enfin les co- quilles pierreuses qui cachent un si grand nombre de mollusques , sont autant d'empreintes d'une première forme conservatrice , sur laquelle a été aussi modelée la couvertui-e la plus extérieure des ostracionsj et voilà pourquoi ces derniers animaux ont reçu le nom qu'ils portent, et qui rappelle sans cesse le rapport, si digne d'attention , c|ui les lie avec les habitans des coquilles. 446 HISTOIRE NATURELLE Ils ont cependant de plus grandes ressemblances super- ficielles avec les oursins: leur enveloppe est, en ettet, garnie d'une grande quantité de petites élévations , qui la font paroître comme ciselée; et ces petits tuber- cules qui la rehaussent sont disposés avec assez d'ordre et de régularité, pour que leur arrangenient puisse être comparé à la distribution si régulière et si bien ordon- née que l'on voit dans les petites inégalités de la croûte des oursins, lorsque ces derniers ont été privés de leurs piquans. La nature de la cuirasse des ostracions n'est pas néanmoins crétacée ni pierreuse : elle est vérital)le- ment osseuse ; et les diverses portions qui la composent sont si bien jointes les unes aux autres, que l'ensemble . de cette enveloppe qui recouvre le dessus et le dessous du corps, ne paroît formé que d'un seul os, et repré- sente une espèce de boîte ou de coffre alongé, à trois ou quatre faces, dans lequel on auroit placé le corps du poisson povir le garantir contre les attaques de ses ennemis, et qui, en quelque sorte, ne laisseroit à dé- couvert que les organes extéi^ieurs dn movivement, c'est-à-dire les nageoires, et mie partie plus ou moins grande de la queue. Aussi plusieurs voyageurs , plu- sieurs naturalistes , et les habitans de plusieurs contrées équatoriales, ont-ils donné le nom àç. poisson cojfrc aux différentes espèces d'ostracions dont ils se sont occu- pés. On croiroit que cette matière dure et osseuse, que nous avons vue ramassée en boucliers relevés et pointus , et distribuée en plusieurs rangs très-séparés DES POISSONS. 447 les uns (les autres sur le corps des acipensères, rap- prochée autour de celui des ostracious, j a é(é dis])o- sée en pla(|ues plus luinces et étroitement attachées les unes aux autres, et que jiar-là Une armiuT défensive complète a été substituée à des moyens de défense très-isolés, et par conséquent bien moins utiles. Nous venons de voir que l'espèce de cofïre dans lequel le corps des ostracions est renfermé, est eu forme tantôt de solide triangulaire , et tantôt de solide quadrangulaire , c'est-à-dire que les deux faces qui revêtent les côtés se réunissent quelquefois sur le dos et j produisent une arête longitudinale plus ou moins aiguë, et que d'autres fois elles vont s'attacher à une cjuatrième face placée horizontalement et au dessus du corps. Mais indépendamment de cette diflerence, il en est (raiitrcs qui nous ont servi à distinguer plus faci- lement les espèces de cette famille , eu les distribuant dans ([uatre sous-genres. Il est de ces poissons sur lesquels la matière osseuse qui compose la cuirasse, s'étend en pointes ou aiguillons assez longs, le plus souvent sil- lonnés ou cannelés, et auxquels le nom de cornes a été donné par plusieurs auteurs. D'autres ostracions n'ont , au contraire , aucune de ces ])roénn'nences. Parmi les premiers, j)armi les ostracions cornus ou aiguillonnés, les uns ont de longues pointes auprès des yeux; d'autres vers le bord inférieur de l'enveloppe, qui touche la «jueue ; et d'autres enfin présentent (!e ces pointes non seulement dans cette extrémité, mais 44^ HISTOIRE NATURELLE encore aujDrès des jeux. Nous avons, en conséquence, mis dans le premier sous-geni^e ceux de ces poissons qui n'ont point d'aiguillons ; nous avons placé dans le second ceux qui en ont auprès des j eux ; le troisième comprend ceux qui en présentent dans la partie de leur couverture osseuse la plus voisine du dessous de la queue ; et le quatrième renferiue les ostracions qui sont armés d'aiguillons dans cette dernière partie de l'enveloppe et auprès des jeux. Le triangulaire est le premier des cartilagineux de cette famille que nous ajons à examiner. Comme tous les poissons de son genre, le solide alongé que repré- sente sa couverture, peut être considéré comme com- posé de deux sortes de pjramides irrégulières, tron- qués, et réunies [)ar leurs bases. Au devant de la pyramide antérieure, on voit, dans presque tous les ostracions , l'ouverture de la bouche. Les mâchoires peuvent s'écarter d'autant plus l'une de l'autre , qu'elles sont plus indépendantes de la croûte osseuse, dont une interruption plus ou moins grande laisse passer et déborder les deux , ou seule- ment une des deux mâchoires. La partie qui déborde est revêtue d'une matière quelquefois assez dure , et presque toujours de nature écaiileuse. Chaque mâchoire est ordinairement garnie de dix ou douze dents serrées, alongées , étroites, mousses, et assez semblables aux dents incisives de plusieurs quadrupèdes vivipares. DES POISSONS. 447 Dans le triangulaire , les jeux sont situés à une distance à peu près égale du milieu du dos, et du bout du museau; et la place qu'ils occupent est sail- lante. L'ouverture des branchies est située de chaque côté au devant de la nageoire pectorale. Elle est très-alon- gée , très-étroite , et placée presque perpendiculaire- ment a. la longueur du corps. On a été pendant long- temps dans l'incertitude sur la manière dont cette ouverture peut être fermée, à la volonté de l'animal; mais diverses observations faites sur des ostracions vivans par le savant Commerson et par d'autres voja- geurs, réunies avec celles que j'ai pu taire moi-même sur un grand nombre d'individus de cette famille con- servés dans différentes collections, ne permettent pas de douter qu'il n'y ait sur l'ouverture des branchies des ostracions un opercule et une membi^ane. L'oper- cule est coiivert de petits tubercules disposés comme sur le reste du corps, mais moins régulièrement^, et la membrane est nn'nce, flottante, et attachée du même côté que l'opercule. On ne trouve les ostracions que dans les mers chaudes des deux continens , dans la mer Rouge, clans celle des Indes , dans celle qui baigne l'Amérique équi- noxiale. Ils se nourrissent de criistacées , et des animaux qui vivent dans les coquilles, et dont ils peuvent briser facilement avec leurs dents l'envelojîpe , lor.«qu'elIe n'est ni très-épaisse ni très-volumineuse. Ces poissons TOME 1. 5y 450 HISTOIRE NATURELLE ont, en général, peu de chair; mais elle est de bon goût dans plusieurs espèces. Le triangulaire habite dans les deux Indes. Sur cet animal, ainsi que sur tous les ostracions , les tubercules qui recouvrent l'enveloppe osseuse, sont placés de manière à la faire paroître divisée en pièces hexagones et plus ou moins régulières , mais presque toutes de la même grandeur. Sur le triangulaire, ces hexagones sont relevés dans leur centre , et les tubercules qui les composent sont très-sensibles. Cette conformation suffit pour distinguer le triangulaire des autres cartilaginevix compris dans le premier sous-genre des ostracions, et qui n'ont que trois faces longitudinales. Le milieu du dos de l'ostracion que nous décrivons , est d'ailleurs très-relevé, de telle sorte que chacune des faces latérales de l'enveloppe de ce poisson est presque triangulaire. De plus , la forme bombée des hexagones, et les petits tubercules dont ils sont hé- rissés, font paroître la ligne dorsale, lorsqu'on lare- garde par côté , non seulement festonnée, mais encore finement dentelée. Au reste , sur tous les ostracions , et par conséquent sur le triangulaire, l'ensemble de l'enveloppe osseuse est recouvert d'un tégument très - peu épais, d'une sorte de peau ou d'épidcrme Irès-mince, qui s'applique très-exactement à toutes les inégalités, et n'empêche de distinguer aucune forme. Après un commencement DES POISSONS. 461 d'altération ou de décomposition, ou peut facilement séparer les unes des autres, et cette peau , et les diverses pièces qui composent la croûte osseuse. Les nageoires du triangulaire sont toutes à peu près de la même grandeur, et presque également arrondies. Celle du dos et celle de Tanus sont aussi éloignées l'une que l'autre du bout du museau*. La queue sort de l'intérieur de la croûte ossense par une ouverture échancrée de chaque côté, et l'on en voit au moins les deux tiers hors de l'enveloppe solide. Une plus grande partie de la queue n'est libre dans presque aucune espèce d'ostracions ; et il est, au contraire, des poissons du même genre dans lesquels la queue est encore plus engagée sous la couverture osseuse. Les ostracions sont donc bien éloignés d'avoir, dans la totalité de leur queue et dans la partie posté- rieure de leur corps, cette liberté de mouveraens né* cessaire pour frapper l'eau avec vitesse , rejaillir avec force , et s'avancer avec facilité. On doit donc supposer que , tout égal d'ailleurs , les ostracions nagent avec bien moins de rapidité que plusieurs autres cartila- gineux ; et il paroît qu'en tout ils sont, comme les balistes , formés pour la défense bien plus que pour l'attaque. * Il y a communément à chaque nageoire pectorale 1 2 rayons, à celle du clos n à celle de l'anus 10 à celle de la queue to 45s HISTOIRE NATURELLE Le triaiigulaire parvient à la longueur d'un pied et demi, ovi d'un demi-mètre. Sa chair est plus recherchée que celle de presque tous les poissons des mers d'Amé- rique, dans lesquelles on le trouve. Quoiqu'il ne paroisse se plaire que dans les contrées équatoriales , on pour- roit chercher à l'acclimater dans des pajs bien plus éloi- gnés de la ligne , les difï'érences de température que les eaux peuvent présenter à difï'érens degrés de lati- tude , étant moins grandes que celles que l'on observe dans l'atmospiière. D'un autre côté , on sait avec quelle facilité on peut habituer à vivre au milieu de l'eau douce , les poissons que l'on n'avoit cependant jamais trouvés que dans les eaux salées. Le goût exquis et la nature très-salubre de la chair du triangulaire devroient engager à faire avec constance des tentatives bien diri- gées à ce sujet : on pourroit tendre à cette acclimatation, qui seroit utile à plus d'un égard, par des degrés bien ordonnés : on u'exposeroit que successivement l'espèce à une température moins chaude; on attendroit peut- être plusieurs générations de cet animal , pour l'aban- donner entièrement, sans secours étranger, au climat dans lequel t)n voudroit le naturaliser. On pourroit faire pour le triangulaire ce que l'on fait pour plu- sieurs végétaux : on apportcroit des individus de cette espèce, et on les soigneroit pendant quelque temps dans de l'eau que l'on conserveroit à une températirre presque semblable à celle des mers équatoriales auprès de leur surface; on diminueroit la chaleur artificielle TJ E s POISSONS. 453 des peti(s bassins dans lescpiels seroient les triangu- Jaires, par degrés presque insensibles, e( par des va- riations extrêmement lentes. Dans les endroits de l'Europe, ou d'autres parties du globe, éloignés des tropiques et où coulent des eaux thermales, on pourroit du moins profiter de ces eaux naturellement échaufTces, pour donner aux triangulaires la quantité de chaleur qui leur seroit absolument nécessaire, ou les amener insensiblement à supporter la température ordinaire des eaux doucts ou des eaux salées de ces divers pajs. Le corps et la queue du triangulaire sont bruns, avec de petites taches blanches; les nageoires sont jaunes. .[ ! L'OSTRACION MAILLÉ'. C'est d'tiprès un dessin trouvé dans des mnniiscrits de Plumier, que le professeur Bloch a publié la description de ce poisson. Son enveloppe est triangulaire , comme celle de l'ostracion que nous venons d'examiner. A Faide d'une loupe, ou avec des jeux très-bons et très- exercés, on distingue des rangées de tubercules, placées sur des lignes blanches, formant des triangles de diffé- rentes grandeurs et de diverses formes , et se réunissant de manière à représenter un réseau, ou un ouvrage à mailles. La mâchoire supérieure est plus avancée que l'inférieure. La tête est d'un gris cendré avec des raies violettes; les facettes latérales sont d'un violet grisâ- tre; le dessous du corps est blanc; les nageoires sont un peu rouges'. ' Ostracion concatenatus, coffre maillé. Bloch, pi. i3i. Coffre maillé. Bonnaterre , -planches de V Encyclopédie méthodique. ' Il y a aux nageoires pectorales 12 rayons, à celle du dos 10 à celle de l'anus 9 à celle de la queue, qui est arrondie , 8 'loin . J ■ /'/. 21 . 7'ac7. 4ôS. i ■ ,ûi!im '"mih J Jliut yV ,1'eire />/,- ,f,'/ _ ^l!lzt\j.Jii'nûiiJ\iih' 1 OSTR.lr/ON Aunttû.'. 2 OSTR^dCION^ Museau - a/onje. 3 OSl'ILiCWN (Juadranqukire.. L'OSTRACÎON POINTILLÉ Le vojageur Coramerson a trouvé ce cartilagineux dans les mers voisines de l'isle de France. Il n'a vu de celte espèce que des individus d'un demi-pied de lon- gueur. Ce poisson a une enveloppe osseuse, quadran- gulaire, c'est-à-dire composée de quatre grandes faces, dont une est placée sur le dos. Celte couverture solide présente un grand nombre de petits points un peu rajonnans, qui la font paroître comme ciselée; mais elle n'est pas garnie de tubercules qui en divisent la surface en compartimens polygones et plus ou moins réguliers. J'ai tiré le nom que j'ai donné à cet ostracion, de cette sorte de pointillage que présente sa croûte osseuse , ainsi que de la disj)osition de ses couleurs. On voit, en effet, sur fout l'animal, tant sur l'espèce de cuirasse qui le recouvre, que sur les parties de son corps que ce têt ne cache pas , une quantité innombrable de très-petites taches lenticulaires et blanches, un peu moins petites sur le dos, un peu moins petites encore et réunies quelquefois plusieurs ensemble sur le ventre, * Ostracion tetragonus oblongus miiticiis, scutis (eslœ inclistinctis , (oto corpore maculis lenticulaiibus sub ventre majoribns, guttato. Cninmerson, manuscrits déjà cites. (J'ai fait graver le dessin que ce naîiiraliste a Jaissé de ce cartilaginsnis.) 4-56 HISTOIRE NATURELLE. et paroissant d'autant mieux, qu'elles sont disséminées sur un fond brun. Les deux mâchoires sont également avancées ; les dents sont souvent d'une couleur foncée , et ordinai- rement an nombre de dix à la mâchoire d'en haut et à celle d'en bas. Au dessous de chaque œil, on voit une place assez large, aplatie, déprimée même, et ciselée d'une ma- nière particulière. La nageoire de la queue est arrondie *. * On compte aux nageoires pectorales lo rayons, à la nageoire dorsale n à celle de l'anus, qui est un peu plus étendue que celle du dos, ii à celle de la queue ao L'OSTRAC. QUATRE-TUBERCULES Cet ostracton est quadrangiilaire comme le pointillé j mais il est distingué de tous les cartilagineux compris dans le premier sous-genre, par quatre gros tubercules placés sur le dos, disposés en carré, et assez éloignés de la tête. On le trouve dans l'Inde. * Ostracion tuberciilatus. Linné, édilinn de Cmelin. Oslracion quadrangulus, tuberculis quatuor majoribus in dorso. Artedi, een. 55, syn. 83. CofFre quadrangulaire à quatre tubercules. Bonnaterre , -planches de VEn* cyclopédie luélhodique. Id. Tiaitbenton, Encyclopédie métliodique. Piscis maximus quadrangularis, quatuor tuberculis in dorso, longé à ca- pite, insignltus. ^Villughby , Ichthyol. append. p, 20, TOME I. ô'à L'OSTRACION MUSEAU-ALONGÉ \ Cet ostiacion est remarquable par la forme de son museau avancé , pointu et prolongé , de manière que l'ouverture de la bouche est placée au dessous de cette îi;^ extension. On trouve quatorze dents à la mâchoire su- péi'ieure , et douze à l'inférieure. L'iris est d'un jaune verdâtre, et la prunelle noire. La croûte osseuse pré- sente quatre faces ; elle est toute couverte de pièces figurées en losange, et réunies de six en six, de manière à offrir l'image d'une sorte de fleur épanouie en roue et à six feuilles ou pétales. Au milieu de chacune de ces espèces de fleurs paroissent quelques tubercules rouges. On voit d'ailleurs des taches rouges sur la tète et le corps, qui sont gris ; d'autres taches brunes sont répandues sur la tête et la queue, et les nageoires sont rougeâtres *. ' Artediy gen. 56 , n. 3. Ostracion nasus, coffre à bec. Bloc7i,-pl. i38. Coffre à bec. Bonnatene , planches de l' Encyclopédie ynétlwdique, ' Aux nageoires pectorales 9 rayons, à celle du dos 9 à celle de l'anus g à celle de la queue, qui est arrondie, 9 L'OSTRACION DEUX-TUBERCULES L'enveloppe dure et solide qui revêt ce cartilagineux est à quatre faces. Elle est toute couverte de petites plaques hexagones , marquées de poinis disposés en rajons, moins régulières sur la tète, moins distinguées l'une de l'autre sur le dos, et cependant aussi faciles h séparer que celles -que l'on voit sur les autres ostra- cions. Celles de ces placjues qui garnissent le dos sont noires dans leur centre. D'ailleurs la couleur générale de la croûte osseuse est d'un rouge obscur. Toutes les nageoires sont brunes j l'extrémité de la queue, l'iris, et les intervalles des pièces situées auprès des opercules des branchies, sont d'un beau jaune, et le dessous du corps est d'un jaune sale et blanchâtre. Le museau est comme tronqué , l'ouverture de la bouche petite j les dents sont brunes, et au nombre de dix à chaque mâchoire : mais ce qui distingue princi- palement l'ostracion que nous cherchons à faire cou- noître , c'est qu'il a deux tubercules cartilagineux et blanchâtres , l'un au devant de l'ouverture de la bouche, et l'autre au dessous. Ce dernier est le plus grand. * Ostracion oblongus, quadrangularis (muticus), tubercuîo cartilagineo supra et infia os; sentis corporis hesagonis punctato-radiatis ; dorsalibus centro iiigricanlibus ; caudos bas! croceà. Comiuerso/tj manuscrits déjà cités. 460 HISTOIRE NATURELLE. La langue est une sorte de cartilage informe, un peu arrondi , et blanchâtre. L'ouverture des narines est étroite , et située au de- vant et très-près des jeux. Les branchies sont au nombre de quatre de cha(j-.3 côté , et la partie concave des demi-cercles qui les soutiennent , est finement dentelée *. Nous devons la connoissance de cette espèce à Com- merson , qui Fa observée dans la mer voisine de l'isle Pralin , où elle parvient au moins à la longueur d'un pied. Aux nageoires pectorales 10 rayons. à celle du rlos 9 à celle de l'anus 9 à celle de là queue , qui est arrondie , 10 i'rr- Fi -z-i i\,,; /^> 1 OKTRJl'lON Mouc/u'fJ . Z TKTIiODO.V Linu-. 5 (U'/f//)Œ r/iùictsc L'OSTRACION MOUCHETÉ \ Cet ostracion est peint de couleurs plus belles i[ue celles qui ornent le deux-tubercules , avec lequel il a cependant de très-grands rapports. Chacune des pièces hexagones que l'on voit sur la croûte osseuse, présente une tache blanche ou d'un bleu très-clair , entourée d'un cercle noir qui la rend plus éclatante, et lui donne l'apparence d'un iris avec sa prunelle. Les nageoires pectorales , du dos et de l'anus, sont jaunâtres'. Le ' Ostracion cubicus. Linné, édilion de Cmelin. Mus. ad.fr. i, /j. Sq. It.TVgoth.ji.iT.'è. Ostracion quadrangiilus, maculis variis plurirais. Arledi , gen. 56, syn. 85, n. 8. Coffre quadrangulaire, sans épines. Daubenton, Encyclopédie métho' dique. CofFre tigré. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Piscis mediocris quadrangularis , maculosus. Lister, ap. JVillughliy , p. 20, Raj. p. 45. Pet. Gaz. I, lab. 1 ■, fig. 2. Seh. nuis. 3 , tab. 24 , fig. 4 et 5. Ostracion tetragonus oblongus, muticus, scutîs testae hexagonis punctato- scabris , ocelle nigro cœruleo in singiilis. Commerson, manuscrits déjà cités, Ostracion cubicus, coffre tigré. Bloch,pl. i3j. - Aux nageoires pectorales 10 rayons, à celle du dos 9 à celle de l'anus 9 à celle de la queue, qui ejt arrondie ,10 462 HISTOIRE NATURELLE. dessous du corps offre des taches blanches sur les petits boucliers de l'enveloppe solide, et jaunes ou blanchâtres sur les intervalles; et enfin, la portion de la queue qui déborde la couverture osseuse, est brune et par- semée de points noirs. Mais ce qui différencie le plus le moucheté d'avec l'espèce précédente, c'est qu'il n'a pas de tubercule cartilagineux au dessus ni au dessous de la bouche. D'ailleurs il n'j a ordinairement, suivant Cora- merson , que huit dents à la mâchoire supérieure , et six à Finférieure. Au reste , la sorte de coffre dans lequel la plus grande partie de l'animal est renfermée, est à quatre faces longitudinales, ou quadrangulaire. Le moucheté vit dans les mers chaiides des Indes orientales, et particulièrement dans celles qui avoisi- uentl'Islede France. Sa chair est exquise. On le nourrit avec soin en plusieurs endroits 3 on Vy conserve dans des bassins ou dans des étangs ; et il j devient , selon Renard , si familier, qu'il accourt à la voix de ceux qui l'appellent , vient à la surface de l'eau , et prend sans crainte sa nourriture jusques dans la main qui la lui présente. Tnm ■ /. PI. 2 J. Fa^. /^'' J Etu't />r Jevi- /}/.■, A'/ - JJ.r/-,' /\tviou . 'nt/i '/■ 1 TETROnOy Mouche/d. 2 OI'OWE FascJ . J /)lOnONAtin. p. 76, //. 114. Tetrodon lineatus, tetrodon rayé. Bloch, pi. 141. ' Tetrodon ocellatus. I inné, édition de Gmelin. Tetrodon fascià humerai i ocellatà. Mus. ad.fr, 2 y p. 55, 11. Scan. 260. Diodon ocellatus, kai-po-y. Osheck, Iter, etc. i%(:i. Tetrodon ocellatus, tetrodon croissant. Bloch., pi. \\5. Fu-rube. Kœmpfer, Jap. i,p. iSz, Seb. mus. 3 , tab. 28, fig. 7 et 8. Bumphi. Ainb. 49. Quatre-dents petit monde. Dauhenlon, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie méthodique. Orbis asper maculosus. JVillughby , p. iSj. Baj. p. 48. ^ Tetrodon laevigatus. Linné, édition- de Cnielin. Quatre-dents lisse. Bonnaterre, planches de l' Encyclopédie méthodique. * Tetrodon Spengleri. Linné, édition de Gmelin. Quatre dents penton. Bonnaterre, planches de l' Encyclopédie méthod, Tetrodon Spengleri, penton de mer. Bloch, pi, 144. TOME I. 63 498 HISTOIRE NATURELLE puisse les mieux comparer, et les distinguer plus faci- Icmeiil l'une de l'autre. Le rajé se trouve dans le Nil. Depuis la tête jusqu'au milieu du corps, il est hérissé de j>i(juans extrènieinent courts, tournés vers la queue, et qui occasionnent des démangeaisons et d'autres acci- dens assez analogues à ceux que l'on éprouve lorsqu'on a touché des orties, pour qu'on ait regardé cet animal comme venimeux. Depuis le milieu du corps jusqu'à l'extrémité de la queue, la partie inférieure du rajé ne présente que de petits creux qui le font paroître pointillé. Au devant de chaque œil est nn tubercule terminé à son sommet par deux filamens très-courts; les deux tubercules se touchent *. .La ligne latérale passe au dessous de l'œil , descend ensuite, se relève , et s'étend enfin presque directement jusqu'à la nageoire caudale. Le rajé est, par-dessus, d'un verd bleuâtre; par-des- sous, d'un jaune roux; sur les côtés, d'un bleuâtre foncé; et sur ce fond on voit régner longitudinalement et de chacpje côté quatre raies brunes et blanchâtres, dont les deux supérieures sont courbes, et dont la troisième se partage en deux. Le croissant vit en Egypte comme le rajé; mais il habite aussi en Asie, et particulièrement dans les eaux * Le rayé a aux nageoires pectorales 19 rayons, à celle (lu dos 12 à celle (le l'anus g à celle de la queue, qui est arrondie , 12 DES POISSONS. 499 delà Chine et dans celles du Japon. Il est regardé, dans tontes les contrées où on le pèche, connue nne nonr- riture très-dangereuse, lorsqu'il n'a pas été vidé avec ini très-grand soin. La cpialité funeste qu'on lui attri- bue vient peut-être le plus souvent de la nature des alimcnscju'il préfère, et qui, salulaircs pour ce poisson, sont très-niaHaisans pour d'autres animaux, et sur- tout pour l'homme; mais il se pourroit qu'une longue habitude de convertir en sa propre substance des ali- mens nuisibles fît contracter à la chair même du crois- saut, ou aux sucs renfermés dans l'intérieur de son corps, des propriétés vénéneuses. Cette qualité délé- tère du croissant est reconnue depuis plusieurs siècles au Japon et en Egypte, où la superstition a fait croire pendant long-temps que l'espèce entière de ce tétrodou avoit été condamnée à renfermer ainsi un poison actif, parce cpie des individus de cette même espèce avoient autrefois dévoré le corps d'un Pharaon tombé dans le Nil, Au reste, le venin que renferme le croissant, à quelque cause qu'il faille le rapporter, est très-puis- sant, au moins dans le Japon, puisque, suivant Osbeck, cet animal peut j donner la mort, dans deux heures, à ceux qui s'en nourrissent*. Aussi les soldats de celte contrée orientale, et tous ceux de ses habitans sur les- quels on peut exercer une surveillance exacte, ont-ils * Suivant Riinipliius, l'antidote cUi poison contenu clans le tétrodou crois- sant est la plante à laquelle il a donné le nom de rex iimoris. 5oO HISTOIRE NATURELLE reçu une défense rigoureuse de manger du tétrodon croissant. Mais si l'on doit redouter de se nourrir de ce car- tilagineux, on doit aiiner à le voir, à cause de la beauté de ses couleurs. Le dessous de son corps est blanc; ses nageoires sont jaunâtres; sa partie supérieure est d'un verd foncé; et sur son dos on voit une tache , et au de- vant de la tache une bande transversale, large, et en croissant , toutes les deux noires, et bordées de jaune. Il n'y a de piquans que sur la partie inférieure du corps. La ligne latérale commence au devant de l'œil, passe au dessous de cet organe, se relève ensuite, et s'étend jusqu'à la nageoire caudale, en suivant, à peu près, la courbure du dos '. Le mal-armé a été observé dans la Caroline, où il parvient à une grandeur assez considérable. Il n'a d'aiguillons que depuis le museau jusques vers les nageoires pectorales : il est ordinairement bleuâtre par- dessus, et blanc par-dessous; et ce qui sert à le dis- tinguer des autres tétrodons , c'est principalement la double ligne latérale qu'il a de chaque côté'. ' Le croissant a aux nageoires pectorales 18 rayons, à celle du clos i5 à celle de l'anus 12 à celle de la queue, qui est arrondie, 8 * Le mal-armé a aux nageoires pectorales iSrayonSr à la nageoire dorsale i3 à celle de l'anus 12 à celle de la queue , qui est un pen festonnée, 11 DES POISSONS, 5o I Quant au spenglérien, qui vit dans les Indes, etau- quel le docteur Bloch a donné le nom de M. Spengler de Copenhague , qui lui avoit envoj é un individu de cette espèce, il se fait remarquei' par deux ou trois rangées longitudinales de fîlamens ou barbillons , que l'on voit de chaque côté de son corps , indépendam- ment des aiguillons dont son ventre est hérissé. Sa partie supérieure est cFailleurs rougeâtre , avec plu- sieurs taches d'un brun foncé; et sa partie inférieure, d'une blancheur qui n'est communément variée par aucune autre nuance*. * Aux nageoires pectorales du tétrodon spenglérien iSrayonSt à celle du dos 8 à celle de l'anus 6 à celle de la queue , qui est arrondie , 8 LE TÉTRODON ALONGË', E T LE TÉTRODON MUSEAU -A LONCtÉ Ces deux tétrodons habitent daus les Iiides. Le pre- mier a tiré son nom de la forme de son corps, qui est beaucoup plus alongé que haut, et d'ailleurs cylin- drique. Ce poisson présente de plvis deux lignes laté- rales de chaque côté. La supérieure part au dessus de l'œil, se baisse, se contourne, se relève, et suit à peu près la courbure du dos jusqu'à la nageoire caudale. La seconde commence auprès de la mâchoire d'en bas, et suit assez régulièrement le contoiir de la partie in- férieure du corps jusqu'à la nageoire de la queue, excepté auprès de la nageoire pectorale, où elle se relève et forme un petit angle. ' Tetrodon oblongus. Linné, édition de Gmelin. Tetrodon oblongus, maxillis œqualibus, hérisson oblong. Bloch.^pl. 146, f'S- I- Quatre- dents hérisson oblong. Bonnaterrc , planches de l' Encyclopédie niétliodiijiie, " Tetrodon rostratus. Linné, édition de Gmelin, Id. , tf'trodon à bec. Bloch, pi. i/^G,fg. 2. Qiiatre-dents hérisson à bec. Bonnaterte, planches de P Encyclopédie viélhodique. HISTOIRE NATURELLE. 5o3 L'ouverture des narines est double; une pointe très- sensible et triangulaire est attachée à l'opercule des lîranchies , et tournée vers la queue; le dessus du corps offre des bandes traiisversales, brunes, variables dans leur nombre; les cotés sont argentés, les nageoires jaunâtres; et de petits picpuans hérissent presque toute la surface du poisson '. Le niuseau-alongé n'a de petits aiguillons que sur le dos, et sur le devant du ventre. Il est gris par-dessus, et blanc par-dessous; les nageoires sont jaunâtres, sur- tout les pectorales, qui sont courtes et larges ; on voit autour des jeux des taches brunes disposées en rajons. Il u'y- a qu'une ouverture à chaque narine ; on n'ap- perçoit pas de ligne latérale ; et les mâchoires sont en forme de petit cjlindre et très-alongées \ ' Il y n aux nageoires pectorales de l'alongé 16 rayons. à la nageoire dorsale 12 à celle de l'anus ir à celle de la queue, qui est arrondie, 19 ' Le niuscau-alongé a aux nageoires iicctorales 16 rayons, à celle du dos 9 à celle de l'anus S à celle de la queue, qui est arrondie , 10 LE TÉTRODON PLUMIER*. Ce tétrodou, dont la description n'a pas encore été publiée, est représenté dans les dessins sur vélin que renferme la collection du Muséum national d'histoire naturelle, et qui ont été faits d'après ceux du natu- raliste Plumier; et comme ce n'est qu'à ce vojageur que nous devons la connoissance de cet animal, j'ai donné à ce poisson le nom de l'habile observateur qui en a transmis la figure. Lorsque le tétrodon plumier n'est pas gonflé , son corps est assez alongé relativement à sa hauteur. Au- delà de sa tête, on voit une sorte d'élévation pjrami- dale à quatre faces , jaune , et recourbée en arrière, qui tient lieu, pour ainsi dire, d'une première nageoire du dos. Au dessus de la nageoire de l'anus, qui est de la même couleur, on voit d'ailleurs une nageoire dorsale qui est également jaune , aussi bien que celle de la queue. Cette dernière est arrondie , et présente deux bandes transversales brunes. L'iris est bleu; le dessus du corps, brun et lisse; le dessous blanchâtre , très-extensible , et garni de très- petits piquans. Deux rangées longitudinales de taches dun brun verdâtre régnent de chaque côté de l'animal, et ajoutent à sa beauté. * Orbis minimus non aculeatus. Plumier, dessins sur vélin déjà cités. LE TÉTRODON MÉLÉAGRIS *. CjOmmerson a laissé dans ses manuscrits une des- cription très-étendue de ce poisson, qu'il a vu dans les mers de l'Asie, et auquel il a donné le nom de mê- lé a gris , à cause de la ressemblance des nuances et de la distribution des couleurs de ce cartilagineux, avec celles de la pintade que l'on a désignée par la même dénomination. Ce tétrodon est en efl'et brun, avec des taches innombrables, lenticulaires, blanches, et distri- buées sur la tète, le dos, les côtés, le ventre , la queue , et même les nageoires. La peau est d'ailleurs hérissée de très -petites pointes un peu plus sensibles sur la tête. Chaque narine n'a qu'un orifice. Les branchies sont au nombre de trois de chaque coté; leur ouverture est en forme de croissant ; leur membrane mince et flot- tante est attachée au bord antérieur de cette ouver- ture ; et les demi-cercles solides qui les soutiennent sont dentelés dans leur partie concave. Ce poisson fait entendre le bruissement que l'on a remarqué dans la plupart des cartilagineux de sou * Tétrodon brtinneus, hispiduluSjixiaculis lenticularlbus albis undequaque coiispersus. Comniersoiij tnanuscriis déjà cilési TOME I. 64 So6 HISTOIRE NATURELLE, genre , d'une manière peut-être plus sensible que ces derniers , au moins à proportion de son volume *. * Aux nageoires pectorales i8 rayons. à celle du tics lo à celle de l'anus lo à celle de la queue, qui est arrondie, g LE TÉTRODON ÉLECTRIQUE Les plus belles couleurs parent ce poisson. Il est, en efif'et, brun sur le dos, jaune sur les côtés, verd de mer en dessous; ses nageoires sont rousses ou vertes; son iris est rouge ; et cet agréable assortiment est relevé par des taches rouges, vertes , blanches, et quelquefois d'autres nuances très- vives. Mais il est encore plus remarquable par la propriété de faire éprouver de fortes commotions à ceux qui veulent le saisir. Cette qualité est une faculté véritablement électrique, que nous avons déjà vue dans la torpille , que nous exami- nerons de nouveau dans un gj'mnote, et que nous retrouverons encore dans un silure, et peut-être même dans d'autres poissons. Ce cartilagineux habite au milieu des bancs de corail creusés par la mer, et qui entoure^it l'isle Saint-Jean, près de celle de Coraorre, dans l'Océan indien. Lorsqu'il y a été péché, Teavi étoit à la température de seize de- grés du thermomètre auquel on donne le nom de Réau- mur. Il parvient au moins à la longueur de sept pouces; et c'est M. Paterson qui l'a décrit le premier. * Tetrodon electricus, Linnéj édition de Gmelin, Guillaume Paterson , Act, auglic. 76, 2, p. 882, tab, i3. LE TÉTRODON GROSSE-TETE Voici encore lui tétrodon très-aisé à distinguer des autres espèces de sa famille. Il en est, en effet, séparé par la grosseur de sa tête, beaucoup plus volumineuse à proportion des dimensions du corps , que dans les autres cartilagineux de son genre. Il devient très-grand relativement à la longueur ordinaire de presque tous les autres tétrodons; il est quelquefois long de deux pieds et demi. Il fait éproviver à ceux qui en mangent les mêmes accidens qu'un poison très-actif. Il se trouve dans les mers chaudes de TAmérique et dans la mer Pacifique; et Ion en doit la connoissance au vojageur Forster. * TetrodoD sceleratus. Linné, édition de Ginelin. G, Forsiej-j II, i , p. 4o3. LE TÉTRODON LUNE^ Ce poisson, un des plus remarquables par sa forme, habite non seulement dans la Méditerranée, où on le trouve très-fréquemment, mais encore dans l'Océan, Molle, dans plitsieitrô dc/uirtemeiis méridionaux. Meule. Bout , dans plusieurs con/rées d'Espagne. Mole bout. Lune de mer. Poisson d'argent. Sun-fish , en anglais. Tetrodon mola. Linné., édition de Gmelin. Quatie-dents , lune. Dauhenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre., planches de P Encyclopédie méthodique. Mola, lune. Bloch, pi. 128. Arledi, gen. 61 , syn. 83, 4. Mola. Monti , Act. Bonon. z , p. 2, p. 297, tah. 3, ^g. i. Orthragoriscus, luna pisc'is. Cesn, Hist. auim. 4,/'. 640. Klsimp-fisch. PA/ncttSj Promptuar. Hamb. 18,/'. I, tab. l^/ig. I. Short sun-fish. Pennant, Brit. Zoolog. 3,/?. 102, n. 2. Ostracion cathetoplafeus , subcompressus, brevis , lahis, scaber, pinnis dorsi anique lanceolatis caudœ proxiniis. Gronov. Zooph, 11. 186. Orthragoriscus. Plin. l. 32^ c. ■2. et \\. Lune ou mole. Rondelet ^première partie, liv. i5, chap. 6. 'yixÀA. Salvian. fol. i55 et 164, , 2, p. 116. Plane. Prnmt. lîamb. iS,/ii/>. t^/ig. 2. Monli, Ad. Bonoii. i-ip- 2,;). 2()-j,tab. z^fig. i. Oblong sun-fish. Bi/t. Zoolog, 3, p> 100, n. i. Morlase , llisi, nat. ofCoriinaLt, ial>. 'jJjyftg. 7, DES POÎSSONS. Sl5 forme, elle varie aussi dans ses couleurs ; et nous avons trouvé , parmi les manuscrits de Commerson , le dessin d'une lime, dont la longueur est presque double de la hauteur, qui n'a pas cependant d'élévation particulière au dessus du museau , et qui , au lieu des nuances que nous avons déjà exposées, est peinte de couleurs dis- posées dans un ordre remarcpjable. Un grand nombre de taches irrégulières, les unes presque rondes, les autres alongées, sont distribuées sur charjue face laté- rale de l'animal, et s'j réunissent plusieurs ensemble de manière à y former, sur-tout vers la tête et vers les nageoires pectorales, des bandelettes cpii, serpentant dans le sens de la lono;ueur ou dans celui de la lar- geur de la lune, se séparent en bandelettes plus petites, ou se rapprochent et se touchent dans plusieurs en- droits, et sont prescjue toutes couvertes de petits points d'une couleur très- foncée. Mais quelles que soient les couleurs dont la lune soit peinte, sa peau est épaisse, tenace , et revêtue le plus souvent de tubercules assez sensibles pour donner un peu de rudesse ù ce tégu- ment. Immédiatement au dessous de la peau proprement dite, se trouve une couche assez considérable d'une substance qui a été très-bien observée par mon con- frère le citojen Cuvier, dans une lune (pi'il a dissé- quée *. Cette matière est d'une grande blancheur, assez * Noies manuscrites eoramuniqiié^es par le clloyen Cuvier. s I 6 HISTOIRE N A T U R E I, L E sembl?:])le au lard du cochon, mais plus compacte et plus lioniogène : lorsqu'un la presse , elle laisse échap- per beaucoup d'eau limpide ; elle se dessèche sans se fondre, cjuand on l'expose à la chaleur; et si on la fait bouillir dans l'eau , elle se ramollit et se dissout en partie. Le citojen Cuvier a aussi vu dans la cavité de l'orliile de l'œil, et contre cet organe, un tissu remarquable , composé de vésicules , lesquelles sont formées de meni- Ixranes molles et peu distinctes , et sont remplies d'une substance senrblable à du blanc d'oeuf par la couleur et par la consistance. Ce tissu a un très-grand nombre de vaisseaux et de nerfs propres-, et cède à la moindre impression *. L'ouverlure de la peau, au travers de laquelle on apperçoit en partie le globe de l'œil, n'a ordinairement, dans son plus grand diamètre, (jue la moitié de celui de ce globe. Elle est garnie intérieurement d'une sorte de men)brane molle et ridée; et autour de cette ouver- ture on découvre, immédiatement au dessous de la peau , un anneau charnu , derrière lequel l'animal peut retirer son œil, qui est alors caché par la mciribrane ridée comme par une paupière. L'on doit encore observer, dans l'organe de la vue du tétrodon lune, deux parties qui oi]t été très-l)ieu décrites par le citoyen (Àivier, aiijsi que celles dont * ISotes manusciiïes comniuniqi't'es par le citoyen Cuvier. DES POISSONS. 5 17 nous venons déparier. Premièrement, on peut voir une glande rougeâtre, un peu cylindrifjue, irrégidiè- rement [)h!cée autour du nerf opticpie , à l'endroit où il a déjà péjictré dans le globe (!e l'œil, recouverte par la membrane intérieure de cet organe, à lacpiellele nom de clioroïdca. été-donné , et tenant à la membrane jolus intérieure enc(jte de ce même organe par vui très-grantl nondjre de petits vaistieaux blancs, qui ser- pejitcnt de manière à former une sorte de réseau. Secondement, il y a une espèce de poche ou bourse conique, comjiosée d'une membrane très-mince, d'une couleur brune, et cjui va depuis le r.erf optique jus- qu'au crjstallin , en paroissant occuper un sillon de l'humeur vitrée. Au reste, les nerfs optiques se croisent nu dessous du cerveau , sans se confondre : le droit passe au dessu» du gauche pour aller jusqu'à l'œil ; et ils sont l'un et l'autre très renflés, et comme divisés en plusieurs Mlets, à l'endroit du croisement. La cavité du crâne est près de dix fois plus grande qu'il ne le faut ])our contenir le cerveau. Elle forme un triangle isoscèle dont la pointe est vers le museau, et do'it les côtés sont courbés irrégulièrement. A ehacjue angle de la base, cette cavité s'agrandit pour renièrmer l'organe de l'ouïe. Le diamètre de l'estomac n'est guère plus grand (pie celui du reste du canal intestinal. Ses membranes , ainsi que celles du duodéiitun et du rectum , sont fortes et 5l8 HISTOIRE NATURELLE épaisses; et ee canal alimentaire rer.ferme souvent, ainsi que celui dun très-grand nombre de poissons, une quantité considérable de vers intestinaux de dif- férentes espèces. Les reins sont situés dans la partie supérieure de la cavité abdominale; ils se terminent vers la tète par deux longs prolongemens ; ces prolongations sont reçues dans deux sinus de la cavité de labdomen; ces sinus sont séparés Tun de l'autre par une cloison musculeuse', et ils s'étendent horizontalement jusqii'auprès des jeux. Le péritoine contient ime grande quantité d'eau salée et limpide, qui a beaucoup de rapports avec celle que l'on trouve dans la cavité abdominale des raies, des squales , des acipensères, et d'autres poissons cartila- gineux ou osseux, et qui doit j parvenir au travers des membranes assez perméables des intestins et d'autres parties intérieures du tétrodon lune. Le foie est très-grand; il occupe presque la moitié de la cavité abdominale, et est situé dans la partie supé- rieure de cette cavité, au dessous des reins. Il est d'ail- leurs demi-sphérique, jaune, gras, mou, parsemé de vaisseaux sanguins ; il ne paroît pas divisé en lobes; et on le dit assez bon à manger. La chair de la lune n'est pas aussi agréable au goût que le foie de cet animal; elle déplaît non seulement par sa nature , en quelque sorte trop gluante et vis- queuse , mais encore par l'odeur assez mauvaise que répand le tétrodon pendant sa vie , et qu'elle conserve Y) t. s POISSONS. 5 I() souvent après avoir été préparée; elle fournit, par la cuisson, une quantité assez considérable d'huile bonne à brûler, mais dont on ne se sert presque pas jîonr les alinieiis : aussi la lune est-elle peu recherchée, l^ors- qu'on veut la saisir, elle fait entendre, de même que la plupart des tétrodons , et plusieurs autres poissoias osseux ou cartilagineux, un bi'uisseinent très-marquéy et comme cette sorte de bruit est souvent assez grave dans le tétrodon lune, on l'a compare au grognement du cochon ; et voilà pourcjuoi la lune a été nommée porc, même dès le temps des anciens Grecs. DOUZIÈME GENRE. LES OVOÏDES. Le corps ovoïde; les viâcholres osseuses, avancées, et divisées chacune en deux dents; point de nageoires du dos, de la queue, ni de l'anus. ESPECE. L'OVOlDE FASCÉ. CARACTERES. Des bandes blanches, étroites, transversales, et c)ivisÉ?es à leui extrémité, de manière à représenter un F. i L' ovoïde fascé*. Nous avons cru devoir séparer de la famille des tétro- dons, et inscrire dans un genre particulier, ce poisson très-remarquable, non seulement par la forme de son corps, qui paroît encore semLJlable à vin œuf lors même que son ventre n'est pas gonflé , mais encore par le dé- faut absolu de nageoires de la queue, du dos et de l'a- nus. Une présente que deux nageoires pectorales, aussi petites que les ailes d'une mouche ordinaire, dans un individu d'un pouce et demi de longueur, rapprochées du sommet du museau, et composées de dix-huit rajons très-déliés. C'est dans les manviscrits de (>ommerson que nous avons trouvé la description de cette espèce. Ce savant voj'ageur n'en avoit vu cju'un individu des- séché ] mais il avoit réuni à ses observations celles que lui avoit communiquées son ami Deschamps, habile chi- rurgien de la marine , qui avoit observé des ovoïdes fascés dans toute leur intégrité. Le fascé examiné par Commerson étoit alongé, mais arrondi dans tous ses contours, véritablement conformé comme un œuf, et tenant le milieu pour la grandeur * Tetiaodon oviforniis, pinnis lantùm iiecfoialibus gaudens, hispidulus, niger, rivulis albis è dorso ad venlrem desceudentibus. Comnterson, nta- niiscrils déjà cités. TOME I. 66 7 Ô22. HISTOIRE ISTATU RELIE entre un œuf de poule et un œuf de pigeon. Son grand et son petit diamètre étoient dans le rapport de trente-un à vingt-six.. Non seulement on ne voit pas, dans cette espèce, de nageoire caudale, mais il ny a pas même d'appa- rence de queue proprement dite. La tè(e esMenfermée dans l'espèce de sphéricité de l'ensemble de l'animal; le museau est à peine proéminent ; et on ne voit saillir que les deux dents de chaque mâchoire , qui sont blanches comme de l'ivoire, et semblables d'ailleurs à celles des téirodons. Les jeux sont petits, alongés, éloignés du bout du museau , et voilés par tnie membrane transparente qui n'est qu'une continuation de la peau de la tète. L'on apperçoit les ouvertures des branchies au devant des nageoires pectorales. L'anus est,suivantDeschamps, situé à l'extrémité du dos, mais un peu dans la partie supérieure de l'animal j et la position de cette ouver- ture est par conséquent absolument sans exemple dans la classe entière des poissons. Tout l'animal est d'un brun noirâtre; ce fond obscur relève des bandelettes blanches placées en travers sur le ventre , disposées en demi-cercles irréguliers au dessaus du museau , et divisées vers le dos en deux branches , de manière à imiter une fourche , ou un Y^. La peau du fascé est d'ailleurs hérissée de très-petits piquans 5 blancs sur les bandelettes, et noirâtres sur les» DES POISSONS. 5£>3 endroils funcés ; en les regardant à la loupe, on s'ap- perçoit que leur base est étoilée. Le poisson que nous décrivons habite dans la mer des Indes. PREMIER GENRE (bis) *. LES GASTROBRANCHES. Les ouvertures des branchies, situées sous le rentre. ESPÈCES. CARACTÈRES. . Le gastrobranche fUne nageoire dorsale très-basse, et réunie AVEUGLE. (. avec celle de la queue. "J Point de na Le gastrobranche fp^j^j ^^ ^^^^^j^^ j^^^^,^ DOMBEY. * Plusieurs des matériaux nécessaires pour composer les articles relatifs aux gaslrobranches, ne ni'étant parvenus qu'après l'impression d'un assez grand nombre de feuilles de cet ouvrage , je n'ai pu placer qu'ici la descrip- tion de ces animaux , dont l'histoire auroit dû suivre celle des pétromyzons. Au reste, le genre des gastrobranches est inscrit à sa véritable place sur le tableau des ordres des poissons tant osseux que cartilagineux ; et il le sera de même sur le tableau général de tous les genres et de toutes les espèces de poissons décrits dans cette Histoire naturelle^ tableau par lequel notre travail sera terminé. LE GASTROBRANCHE AVEUGLE *, Les gastrobranclies ressemblent beaucoup aux pétro* mjzons par la forme cylindrique et très-alongée de leur corps, par la flexibilité des difierentes portions qui le composent, par la souplesse et la viscosité de la peau qui le revêt, et sur laquelle on ne peut apper* cevoir, au moins facilement, aucune sorte d'écaillé. Ils se rapprochent encore des pétromjzons par le défaut de nageoires inférieures et même de nageoires pecto- rales, par la conformation de leur bouche, par la dis- position et la nature de leurs dents; et ils ont sur-tout de très-grands rapports avec ces cartilagineux par la présence d'un évent au dessus de la tê(e, et par l'or- ganisation de leurs branchies. Ces organes respiratoires consistent , en effet , ainsi que ceux des pétromy- zons , dans des vésicules ou poches, lesquelles d'un côté s'ouvrent h l'extérieur du corps , de l'autre com- muniquent avec l'intérieur de la bouche, et présentent * Gastrobranchiis cscciis. B/.och. Myxine glutinosa. Linné , édition de Gmelin. Faun. suce. 2086. Mus. ad.fr. I, /). 9T, tah. 8, _/î^-. 4. Stroctn. snndm, l, p. 287. yicl. nidros. 2, p. 25o, hib. 3. Midi. Znnl. dan. prodrcin. 2^55. O. Fabric. Fiiun. groenUiiid. p.'d^.\ .) n. 334, 5^6 H I s T .0 I R E N A T U R E L L E de nombreuses ramifications artérielles et veiiieusesT Il est donc très-aisé, au premier coup d'œil, de con- fondre les gastrobranches avec les pétromjzons, ainsi que l'ont fait d'habiles naturalistes : en les examinant cependant avec attention, on voit facilement les diffé- rences qui les séparent de cette famille. Tous les pé- tromjzons ont sept branchies de chaque côté ; le gastro- branche aveugle n'en a que six à droite et six à gauche, et il est à présumer que le gastrobranche dombej n'en a pas un plus grand nombre. Dans les pétromjzons, chaque branchie a une ouverture extérieure qui lui est particulière ; dans le gastrobranche aveugle , il n'j a que deux ouvertures extérieures pour douze branchies. Les ouvertures branchiales des pétromjzons sont situées sur les cotés et assez près de la tête ; celles des gastro- branches sont placées sous le ventre. Les lèvres des gastrobranches sont garnies de barbillons ; on n'en voit point sur celles des pétromjzons. Les jeux des pétromjzons sont assez grands j on n'a pas encore pu reconnoître d'organe de la vue dans les gastrobranches, et voilà pourquoi l'espèce dont nous parlons dans cet article a reçu le nom d'aveugle. On remarquera sans peine que presque tous les traits qui empêchent de réunir les gastrobranches avec les pétromjzons, concourent, avec un grand nombre de ceux qui rappr(îchent ces deux familles , à faire mé- connoitre la véritable nature des gastrobranches, au point de les retrancher de la classe des poissons , de les DES POISSONS. 627 placer dans celle des vers , et de les inscrire parlicu- lièreraent parmi cenx de ces derniers animaux auxquels le nom d'intestinaux a été donné. Aussi plusieurs na- turalistes, et même Linné, ont-ils regardé les gastro- branches aveugles comme formant une famille dis- tincte, qu'ils ont appelée myxlne , et <.\\ù placée au milieu des vers intestinaux, les repoussoit néanmoins, pour ainsi dire, ne montroit point aux jeux les plus exercés à examiner des vers, les rapports nécessaires pour conserver avec convenance la place qu'on lui avoit donnée, dérangcoit en quelque sorte les distributions inéthodiques imaginées pour classer les nombreuses tri- bus d'animaux dénués de sang rouge, et y causoit des disparates d'autant plus frappantes, que ces méthodes plus récentes étoient appujéessurun plusgraud nombre de faits, et par conséquent plus perfectionnées*. Le célèbre ichlhjologiste, le docteur Bloch de Berlin, ayant été à même d'observer soigneusement l'origan isation de CCS gastrobranches, a bientôt vu leur véritable na- ture; il les a restitués à la classe des poissons, à laquelle les attache leur organe respiratoire , ainsi que la cou- leur rouge de leur sang; il a montré qu'ils appartenoienfc à un genre voisin, mais distinct, de celui des pétro- mjzons ; et il les a fait connoître très en détail dans un mémoire et par une planche enluminée très-exacte. * Nous pourrions citer parmi ces dernières méthodes , le beau travaiî- fait par le citoyen Ciivier sur les animaux dits à sang blanc , et celui du citoyen Lamarck sur les mêmes animaux. 5^8 HISTOIRE NATURELLE qu'il a communiqués à l'Institut national de France*. Je ne puis mieux fairç que d'extraire de ce mémoire une grande partie de ce qu'il est encore nécessaire de dire du gastrobranche aveugle. •Ce cartilagineux est bleu sur le dos, rougeâtre sur les côfés , et blanc sur le ventre ; quatre barbillons garnissent sa lèvre supérieure, et deuxautres barbillons sont placés auj^rès de la lèvre de dessous. Entre les quatre barbillons d'en haut, on voit un évent qui coin- munique avec l'intérieur de la bouche, comme celui des pétromjzons ; cet évent est d'ailleurs fermé, à la volonté de l'animal, par une espèce de soupape. Les lèvres sont molles, extensibles, propres à se coller contre les corps auxquels l'aveugle veut s'attacher; elles donnent une forme presque ronde à l'ouverture de la bouche, cpii ])résente un double rang de dents fortes, dures, plutôt osseuses (pie cartilagineuses, et rete- nues, comme celles de la lamproie, dans des espèces de capsules membraneuses. On compte neuf dents dans le rang supérieur , et huit dans l'inférieur. Une dent recourbée est de plus placée au dessus des autres, et sur la ligne que l'on povirroit tirer de l'évent au gosier , en la faisant passer par-dessus la lèvre supé- rieure. On n'apperçoit pas de langue ni dé narine; mais on voit au palais, et autour de l'ouverture par laquelle * Le premier prairial de l'an 5. DES POISSONS. 529 Féveut communique avec la cavité de la bouche, une membrane plissée , que je suis d'autant plus porté a regarder comme l'organe de l'odorat du gastrobranche aveugle, que son organisation est très-analogue à celle de l'intérieur des narines du plus grand nombre de cartilagineux, et que les plus fortes analogies doivent nous faire supposer dans tous les poissons un odorat très-sensible. Le corps de l'aveugle, assez délié et cj'lindrique, ne parvient pi'esque jamais à la longueur d'un pied, ou d'environ trois décimètres. Il présente de chaque côté une rangée longitudinale de petites ouvertures , qui laissent échapper un suc très-gluant : une matière sem- blable découle de presque tous les pores de l'animal; et ces liqueurs non seulement donnent à la peau de i'aveugle , qui en est enduite, une sorte de vernis et une grande souplesse, mais encore, suivant Gunner et d'autres naturalistes, elles rendent visqueux un assez grand volume de l'eau dans laquelle ce gastrobrauche €st plongé. Ce cartilagineux n'a d'autres nageoires que celle du dos , celle de la queue et celle de l'anus , qui sont réunies, très-basses, et composées de rajons mous, que l'on ne peut compter à cause de leur petitesse et de l'épaissevir de la peau qui les revêt. L'ouverture de l'anus est une fente très-alongée ; et sur le ventre sont placées deux ouvertures, dont chacune communique à six branchies. Une artère particulière TOME I. ()j Ô3o HISTOIRE NATURELLE. qui aboutit à la surface de chacun de ces organes respi- ratoires, s'j distribue, comme dans les autres poissons, en ramifications très-nombreuses , au milieu desquelles sont disséminées d'autres ramifications qui se réu- nissent jx)ur former une veine. Le canal intestinal est sans sinuosités. Les petits éclosent hors du ventre de la mère. L'aveugle habite principalement dans l'Océan septen- trional et européen : il se cache souvent dans la vasej il pénètre aussi quelquefois dans le corps de grands poissons , se glisse dans leurs intestins , en parcourt les divers replis, les déchire et les dévore; et cette ha- bitude n'avoit pas peu servi à le faire inscrire parmi les vers intestinaux , avec le taenia , et d'autres genres, d'animaux dénués de sang rouge. LE GASTROBRANCHE DOMBEY. Nous donnons ce nom à un cartilagineux dont la peau sèche a été apportée au Muséum national d'histoire naturelle par le vojageur Dombey , et dont aucun na- turaliste n'a encore parlé. Il est évidemment de la même famille que l'aveugle; mais il appartient à un autre hémisphère, et c'est dans la mer voisine du Chili, et peut-être dans celle qui baigne les rivages des autres contrées de rAméilque méridionale, qu'on le trouve. Il a de très-grands rapports de conformation avec l'aveugle , mais il parvient à une longueur et à une grosseur deux fois au moins plus considérables; il eu est d'ailleurs séparé par d'autres différences que nous allons indiquer en le décrivant. La tête de ce gastrobranche est arrondie et plus grosse que le corps : elle présente quatre barbillons dans sa partie supérieure; mais l'état d'altération dans lequel étoit l'individu donné par Dombej , n'a pas permis de s'assurer s'il y en a voit deux auprès de la lèvre inférieure, comme sur l'aveugle. Les dents sont pointues, comprimées, triangulaires, et disposées sur deux rangs circulaires : l'extérieur est composé de vingt- deux dents, et l'intérieur de quatorze. Une dent plus longue que les autres, et recourbée, est d'ailleurs placée à la partie la plus haute de l'ouverture de la bouche. 532 HISTOIRE NATURELLE. L'organe de la vue et celui de l'odorat ne sont pas plus apparens sur le dombej que sur l'aveugle. La couleur du gastrobranche que nous cherchons à faire conuoître étoit effacée, ou paroissoit dénaturée, dans la peau que nous avons vue. La queue, dont la lon- gueur n'excède guère le double du diamètre du corps, est arrondie à son extrémité , et terminée par une na- geoire qui se réunit à celle de l'anus. Ces deux nageoires sont les seules que présente l'animal; elles sont très- basses , très-difEciles à distinguer , et composées de membranes au milieu desquelles on n'a pu que soup- çonner des rayons svir riiidividu desséché que noUS avons examiné. FIN DU TOME PREMIER. DE L' IMPRIMERIE DE PLASSAN. ji^^n WnmM' " - qI .A«'^.^, mF^f^f^fst^H^^^ ^'T^-j^rrr'jn;., ^^^*^^'' l^S^ffll . A ,'5i /^ * A A, 7^ "AA^aP^, ^J;;;X-;^F^^H#^^^^^^-^^ v^^;^(^f>/^fcr\nnAnA' W^mÊmSxmÊMaSB^SieSSBk mm^fmwU, >-fm- y^,<î'À,Oç,(^'^0 '^,^'^înAr>r\; "■Roo.«H« ^Ôî^F^^^^^?' k..^A.^^^^ôAJ QèSimxjs^ „/>■?! |^,'^A #^Ç^^?oc?^eolî5^^^ -Ss^;^8-r ^f>rN^AnAnCC^r^^^ 'Q^^QC^A?;: TTLWâffl l^mlMJjJSà .A ' . «. ..^ 'aa'.'5'^'5''>.'^ . IP'-'^.^^' WW^^^s " ^f^r^'^'^f\<'^^ ;iMoà«^lSlÊ' ^#^^;^sËsi^^^ -f^A^Ô! 'A*,^«y;^^A,ûA^ ^^a(5^i!^?i^/?^^^|ç^ '^Çi'^'/i't-' ^r^''~\f^''tin-'r.r. ¥mmm ff^'''i -''ï^/'jA^^ 'fi.'-'. '••■I' ./^/^A^m^ ^A^^^.r^A/^,/^ -':!t,f:i 'V-tr.'i^r.: ,r/-A'rsAAA( ^^«ÀA-:A:-AAn^'^^nc^:^5^^^ rrV'Ap.A/?^ ^SttBlUiM^ .s.-:.,.,;..™U*A nÂ^A/^^AOr^^h^' ^^&^m : ._ .%..«/';r«. M^^MW^' *r' M^A' MÉl^^ .A^AAnn/^n/VAAa^^^^^^^v./s^^ 'mP^ ^m^asmÊmmesss^ ./">,. rr/-\r':- ç^^mm. JP^'^^^^S^^^ .^)j,;î2;^n/^,0A^M B-^Oa/ cr^^f^^i^^'mf^mrf^^ff^^ SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES 3 90Q8 00713 5098